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Périmètre restreint : les friches industrielles de la Jonction/Coulouvrenière

lieux du quotidien

11. Périmètre restreint : les friches industrielles de la Jonction/Coulouvrenière

Notre périmètre restreint de recherche s’inscrit dans les processus de restructuration du centre-ville, processus qui vise, rappelons-le, à contre-balancer la tendance générale au développement périphérique. Ce secteur, qui constitua le noyau primaire de l’industrie genevoise, se situe dans l’extension des grandes artères centrales et représente, de nos jours, un enjeu (immobilier, économique, culturel, etc.) considérable. Cette zone comprend un ensemble d'opérations de réhabilitation du patrimoine (industriel essentiellement) et d'aménagement des espaces publics. Ces interventions ont des répercussions sur le reste du quartier, voire au-delà.

11.1. DELIMITATION DU SECTEUR

Notre périmètre restreint concerne la place des Volontaires et ses abords ; il se trouve dans le quartier de la Jonction/Coulouvrenière1.

Figure 18 : Périmètre restreint, localisation

1 Ce périmètre se trouve du point de vue formel dans le quartier de la Coulouvrenière ; cependant, pour des raisons de similitudes, nous l'intégrons dans le quartier de la

11.2. INTERET

Cette zone représente, dans le cadre de la présente recherche, un intérêt à plusieurs niveaux :

1. Au niveau morphologique, ce secteur a joué, au cours du temps, un rôle plus ou moins prépondérant : soudure entre deux tissus urbains différents, centre de quartier, etc.

2. Au niveau social ; les nombreuses transformations en termes d'activités (industrielle, culturelle, etc.) et de populations (ouvriers, jeunesse alternative, etc.) ont considérablement modifié « l'allure » de la zone. De nos jours, si ce secteur est légèrement décentré du point de vue spatial, il représente néanmoins un lieu de rencontre important, un véritable « pôle » pour une frange de la population.

3. Cette zone est intégrée dans des projets d’aménagements d’espaces publics à divers échelons : à l’échelle de la ville et à travers la mise en œuvre du Plan Directeur des chemins pour piétons ; à l’échelle du fleuve, à travers la réalisation des étapes du projet Fil du Rhône.

Ces diverses opérations reflètent les tendances de la politique urbaine genevoise actuelle : encouragement à une meilleure accessibilité aux espaces publics centraux, incitation à des modes de mobilité diversifiés, piétonnisation de certains secteurs, etc. Si ces actions sont largement soutenues par certains groupes d'acteurs (milieux écologistes notamment), elles sont combattues par d'autres (milieux économiques ou automobilistes notamment).

Au-delà des aspects techniques, il est essentiel de s'interroger sur les effets de ces interventions sur les populations concernées ; comment la réhabilitation du quartier affecte-t-elle les divers groupes de population ? Comment ceux qui sont restés sur place voient-ils la régénération du tissu environnant ? Et comment leurs modes de vie et leurs relations avec les autres se modifient-ils ? Quel accueil font-ils aux nouveaux arrivants ?

4. Les débats portant sur l'aménagement de cette zone sont devenus largement publics et dépassent le cadre strict de l’administration ; ils mettent en scène une série d’acteurs, aux enjeux et stratégies fortement différenciés qui se constituent en réseaux, parfois de façon novatrice. Ces nouvelles formes de partenariat permettent de s’interroger sur la notion de gouvernance urbaine et illustrent la transition d’un modèle dominé par l'autorité étatique à une situation où des acteurs multiples revendiquent la responsabilité des décisions. Enfin, cette présence d’acteurs provenant de divers bords (politiques, social, etc.) souligne le fait que les divergences de points de vue, si elles débouchent fréquemment sur des situations de blocage, peuvent aussi mener à des consensus novateurs et transposables ailleurs.

5. Ce secteur permet d’illustrer les processus de patrimonialisation en cours : quelles sont les manières et les motivations des acteurs à sauvegarder certains

éléments ? Comment se constituent le sens et les valeurs du patrimoine, ceci dans un contexte particulier ? Enfin, cette zone permet donc de souligner les imbrications entre politique du patrimoine, politique culturelle et politique du logement. En effet, la présence de locaux commerciaux et industriels vacants, simultanément à la pénurie en logements et en lieux de travail, rend le débat sur le devenir du patrimoine industriel particulièrement délicat.

En conclusion, ce périmètre, relativement restreint du point de vue spatial, a une certaine importance pour Genève, à divers échelons : au niveau du quartier, pour la population locale ; au niveau de la ville, pour certains groupes de population (culture alternative notamment) ; au niveau international, pour les touristes de passage. Ce dernier échelon permet de s'interroger sur les politiques de marketing urbain : comment intègrent-elles ce nouveau pôle culturel - dont la réputation est étroitement liée aux milieux alternatifs – dans l'image urbaine genevoise globale, fondée sur des slogans tels « Genève, ville internationale, ville à la culture prestigieuse, ville de verdure, ville dotée d'une bonne qualité de vie » ?

11.3. LECTURE MORPHO-HISTORIQUE

L'analyse du cadre morphologique et historique permet de comprendre comment le périmètre qui nous intéresse s’est progressivement structuré, selon un jeu de formes et d’usages particuliers, donnant lieu à la réalité actuelle.

La place des Volontaires et ses alentours constitue, depuis longtemps, un nœud important au coeur du quartier de la Jonction/Coulouvrenière. Au cours du temps, ce rôle a cependant varié en nature et en intensité, en fonction des types d’activités et de populations.

11.3.1. La Jonction/Coulouvrenière : un caractère « campagnard » Le périmètre qui nous concerne eut, du 15e siècle environ au 19e siècle, une double vocation : zone de jardins et de potagers (vocation maraîchère) ; terrain d’exercices (vocation militaire). La typologie des rues, comme la rue des Plantaporêts, des Jardins, du Stand, de l'Arquebuse, du Tir, de la Coulouvrenière (dérivée de couleuvrine : petit canon) témoignent de ces deux activités. Les fortifications constituèrent, jusqu'au milieu du 19e siècle, la principale limite coupant la zone du reste de la ville. Quant aux rives du Rhône, elles représentèrent une autre limite, toutefois quelque peu perméable et mal définie : les eaux provoquaient en effet, selon les saisons, des perturbations considérables ; les maisons du bas Seujet et l’emplacement actuel du Bâtiment des Forces Motrices (appelé « hareng ») se trouvaient par conséquent fréquemment inondées.

De multiples petites industries de type artisanal se trouvaient le long du quai du Seujet ; des roues à aubes étaient installées le long de l’eau pour actionner les machines des ateliers et constituaient des points de repère incontournables du paysage de l’époque. L’imposante cheminée de la Brasserie de Saint-Jean (disparue en 1969) marqua le paysage de cette rive ; quant au restaurant de la Brasserie, il constitua un lieu de rencontre important.

Photo 1 : Roues à aubes et Brasserie de St-Jean au quai du Seujet (Centre d’Iconographie, Genève)

Cependant, l’accès vers d’autres lieux restait limitée : la seule voie menant à St-Jean était un petit pont en bois (débouchant près de l’Eglise St-Gervais) ; le Rhône permettait aux bateliers d'offrir leurs services (jusqu’en 1847).

Bateaux-lavoirs et bains publics

Vers la fin du 17e siècle et pendant 150 ans environ, les bateaux-lavoirs représentaient d'importants points de repères ; ces derniers permettaient de faciliter le travail des lavandières souffrant des intempéries. Ces « buanderies », louées à la journée, devinrent de véritables lieux d’échanges entre femmes, mais elles disparurent radicalement du paysage en 1850 (suite à un accident qui provoqua la mort de plusieurs lavandières).

Autres structures et points de repère importants, les bains flottants publics en bois firent leur apparition à divers emplacements du Rhône, ceci durant tout le 19e siècle ; ces installations disparurent en 1882, en raison des travaux de construction du Bâtiment des Forces Motrices. Dès lors, la vocation initiale du secteur, lieu de loisirs et de rassemblement, se transforma.