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Pédagogie et pilotage du système : des besoins différents en matière d’évaluation, mais une visée commune : faire mieux, et que cela profite à tous les enfants

L’enfant répond au message d'accueil : Jamais, parfois, souvent, toujours

LA GOUVERNANCE DE L’ECOLE MATERNELLE

4.2.4. Pédagogie et pilotage du système : des besoins différents en matière d’évaluation, mais une visée commune : faire mieux, et que cela profite à tous les enfants

4.2.4.1. Une situation paradoxale : une inflation de pratiques évaluatives, des mésusages de leurs produits

187 L’indicateur 3.1 « Proportion d’enseignants inspectés au cours des cinq dernières années », produit par la DGRH, supprimé dans le PAP 2012, était plus un indicateur d’activité des inspecteurs qu’un indicateur permettant de juger de la qualité des enseignants, notamment celles et ceux qui exercent à l’école maternelle.

Un autre indicateur relatif à la GRH abordait, dans le PAP 2011, la question de la qualité professionnelle des professeurs des écoles (notamment celles et ceux exerçant en maternelle) à travers leur formation, mais seulement sous un angle restreint, quoique important : il s’agissait de l'indicateur 3.2 « Part du volume de formation destinée à la spécialisation des personnels se consacrant à la grande difficulté scolaire ou au handicap », correspondant, assurément, à un enjeu capital, l’inclusion des élèves en grande difficulté ou souffrant d’un handicap. Cet indicateur de moyens ne permettait pas, cependant, d’appréhender le résultat effectif des formations, et leur plus-value pour la qualité de l’enseignement, comme pour les élèves qui en bénéficient, n’était pas mesurée. Surtout, le champ pris en considération par cet indicateur était limité alors pourtant que la formation des professeurs est généralement considérée comme un levier majeur de la performance.

Par ailleurs, deux autres indicateurs – 3.3 et 3.4 – portaient sur les conditions de remplacement des enseignants absents.

188 Classe pour l’inclusion scolaire.

189 Avis émis par le Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) lors de sa délibération le 7 avril 2011.

190 La DGRH a convenu, selon ses propos lors d’une réunion de travail en décembre 2010, que « le temps partiel est très perturbateur à l’école primaire ». À cet égard, c’est surtout la quotité de temps de travail de 80% qui pose, visiblement, le plus de difficultés. En effet, faute de correspondre à un nombre entier de demi-journées hebdomadaires, le temps partiel à 80% ne peut s’envisager que dans un cadre annuel. Le professeur des écoles est ainsi redevable de 14 demi-journées de travail sur l’année. Il incombe donc à l’inspecteur d’académie d’organiser le temps de travail des professeurs à temps partiel pour, d’une part inclure ces 14 demi-journées dans l’année et d’autre part, affecter les enseignants dans parfois deux écoles différentes, et, enfin, donner la responsabilité d’une même classe à deux enseignants.

On a évoqué précédemment191, et de façon détaillée, les pratiques de plus en plus abondantes d’évaluation des élèves qui ont pu être rapportées au niveau des écoles et observées dans les classes, ainsi que les limites de ces pratiques. En résumé, dans le suivi des apprentissages, l’évaluation est en apparence très présente (les traces sur les productions des élèves et les « livrets scolaires » en sont la marque) mais ses modalités sont fréquemment inadaptées (formalisme, manque d’association des enfants, réussite de la tâche confondue avec maîtrise de compétences) et ses résultats insuffisamment pris en compte : seraient en cause alors un déficit de compréhension de ce qui fait obstacle aux acquisitions attendues, les représentations de l’apprentissage chez le jeune enfant, des préparations insuffisamment approfondies. L’adaptation aux besoins des enfants est de ce fait limitée.

Les « livrets scolaires » ne sont pas toujours harmonisés au sein d’une même école, ce qui traduit une absence de consensus et, vraisemblablement, un défaut de continuité et de cohérence dans les conceptions du parcours scolaire.

De manière juxtaposée à ces pratiques, se sont développés à la demande des responsables locaux (au niveau de circonscriptions ou de départements selon le cas), des bilans d’acquis en fin de maternelle qui procèdent de la même logique qu’à l’école élémentaire, soit à partir de protocoles constitués ou inspirés des outils diffusés par la DGESCO, soit sur la base de validation de compétences comme requis en fin de cycles 2 et 3.

L’approche évaluative relève d’un fonctionnement statique et normatif alors que pour des enfants fréquentant l’école maternelle, c’est une dynamique qu’il faudrait prendre en compte, des progrès qu’il faudrait mettre en valeur ; un bilan d’acquis ne devrait pas être, avant la scolarité obligatoire, autre chose qu’un état des savoirs et savoir-faire sur la base desquels le niveau ultérieur peut travailler, et non un contrôle de conformité à une liste d’attendus impératifs. L’image traditionnelle de la courbe de développement staturo-pondérale pourrait être transposée ici : il y a des « écarts normaux » par rapport à ce qui peut être attendu « en moyenne ». Cette objectivation-là d’un positionnement relatif serait plus intéressante.

L’approche normative qui se déploie actuellement contribue à un classement latent des enfants qui établit avant même le parcours obligatoire qu’un certain nombre d’entre eux ont des « difficultés scolaires » ou pire, « sont en difficulté ». C’est mal augurer de la suite, et pour les maîtres qui les accueillent, et pour les parents, et pour eux-mêmes. Mais pour corriger cette situation, il faudrait que le discours soit clarifié au niveau national, bien relayé au niveau local et que les enseignants reçoivent la formation leur permettant de remplir leur mission de manière adaptée.

4.2.4.2. Intérêts et limites de l’évaluation à l’école maternelle

Afin que l’évaluation ne devienne pas un rituel vide de sens au prix d’un gaspillage du temps et de la génération d’inquiétudes, il conviendrait de clarifier ce qu’il est possible d’en attendre à l’école maternelle, sans craindre d’utiliser le mot même si sa polysémie expose parfois à des malentendus.

Les fonctions qui ont présidé à son développement dans les dernières années se réduisent trop souvent aux yeux des équipes pédagogiques à deux logiques : rendre compte aux parents, rendre des comptes à l’institution. Ces deux dimensions sont pleinement légitimes mais insuffisantes.

L’évaluation telle que l’école en a besoin est aussi ce par quoi on introduit de la rationalité dans l’action éducative et le jugement des enseignants : ainsi peuvent-ils se rendre compte sur des bases objectivées, en fonction de critères rationnels et décider en connaissance de cause d’un projet pédagogique adapté au public dont ils ont la responsabilité.

191 Cf. point 3.2.4.2.

L’évaluation utile à l’école maternelle n’est pas identique selon les domaines d’activités et, en ce sens, il est normal qu’un bilan de fin d’école maternelle cible des éléments prioritaires. Elle n’a pas non plus à revêtir les mêmes formes avec les petits et avec les grands, simplement parce que les enfants n’ont pas les mêmes capacités. Elle doit permettre de s’assurer tout au long du cursus préélémentaire que les enfants progressent en se référant aux objectifs assignés à l’école maternelle, en prenant en compte des repères connus quant à leur développement.

Un problème se pose dès lors que l’on souhaite passer de l’approche individuelle évoquée jusqu’alors (le suivi du parcours de chacun) à une appréciation plus collective (le profit considéré globalement de la scolarisation en maternelle, le rapport coût-résultats). Il n’est pas possible de faire des agrégations d’appréciations qualitatives ; dès lors, on recherche des données quantifiables et on recourt à des épreuves selon des protocoles identiques pour pouvoir « mesurer » (établir des sommes, des moyennes, des écarts à la moyenne, etc.). Cela peut ne pas être inutile si l’on exploite vraiment les informations, c’est-à-dire si l’on se donne les moyens de comprendre ce qui explique les résultats obtenus et d’aider les écoles qui ont le plus de besoins ; sans cela, c’est une opération qui aboutit au classement et au découragement.

Pour promouvoir une évaluation utile au pilotage en fin d’école maternelle, il conviendrait d’en revoir la référence, de bien clarifier la situation désirée : les objectifs donnés actuellement pour la fin de l’école maternelle sont des visées souhaitables, optimales – accessibles à certains enfants, c’est avéré – mais ils ne peuvent tous être considérés comme des acquisitions exigibles de chacun. Les enfants ayant fréquenté l’école maternelle devraient la quitter en ayant les atouts pour réussir au cours préparatoire mais le cours préparatoire n’a pas à être anticipé en école maternelle.

Même si de nombreuses difficultés méthodologiques s’attachent à une évaluation à finalité de pilotage, elles ne doivent pas légitimer l’abandon du souci évaluatif. Il faut mieux cerner ce qu’il est important d’évaluer et ne pas tout soumettre aux mêmes formes d’évaluation ; il faut adapter les modalités d’évaluation en fonction de l’âge des enfants ; il faut associer davantage les enfants eux-mêmes et leurs parents (on a vu ce qu’il en est dans d’autres pays). Mais il faut redire qu’à tout niveau, et à l’école maternelle en particulier, l’évaluation doit d’abord s’inscrire dans le cadre d’une relation d’aide ; il ne suffit pas de « faire des évaluations » et de prouver qu’on les a conduites, il faut s’appuyer sur les informations qu’elles procurent pour ajuster l’action pédagogique. Jusqu’à présent, l’encadrement rapproché ne tire pas suffisamment parti, en termes de conseils et d’action, et donc de pilotage pédagogique, de ses analyses des évaluations des élèves pour inciter et aider les enseignants à ajuster davantage leurs pratiques pédagogiques aux besoins différenciés des enfants.

À l’école maternelle plus encore qu’aux étapes ultérieures de la scolarité, l’évaluation nous confronte à la délicate question des « valeurs » : que valent, dans tous les sens du terme, l’éducation et l’enseignement dispensés ? On ne peut seulement s’attacher à une extrême précision de la mesure des coûts et des résultats de l’école maternelle sans prendre garde à la valeur conférée à cette même école par les parents, les enfants, les enseignants, les citoyens192. Certes, les points de vue de ces différents groupes sociaux ne coïncideront pas toujours et les valeurs accordées à tel ou tel objet (bien-être des enfants, résultats scolaires, poursuite d’étude …) divergeront, mais la qualité de l’école dépend aussi de critères élaborés « en contexte » et en coopération.

Bilan de cette partie

192 C. POLLITT, Comment parvenons nous à évaluer la qualité des services publics dans G. B. Peters et D. J.

Savoie, La gouvernance au XXIème siècle : revitaliser la fonction publique, édition Canadian centre for Management Development, 2001.

L’examen de la manière dont s’exprime la gouvernance de l’école maternelle du niveau national au niveau de la circonscription met en évidence une grande discrétion au sujet de cette école, sauf pour la grande section qui est le seul maillon du parcours de préscolarisation à avoir une forte présence dans les discours institutionnels et dans les axes de pilotage. La thématique de l’évaluation en fin d’école maternelle a notamment contribué à ce renforcement dans les cinq dernières années.

L’école maternelle ne bénéficie guère de traitements différenciés par rapport à l’école élémentaire.

Lorsque c’est le cas, avec les seuils d’effectifs pour les opérations de carte scolaire ou les critères respectés pour les remplacements par exemple, elle semble plutôt défavorisée. C’est alors en raison du fait qu’elle accueille des enfants à qui ne s’applique pas l’obligation scolaire.

Les débats sur son efficacité qu’ont pu faire naître plusieurs rapports dans les dernières années sont difficiles à trancher. Si les évaluations sont nombreuses dans les écoles, on n’en tire pas plus d’informations valides sur sa contribution à la politique de réduction de l’échec scolaire que pour la régulation personnalisée des parcours scolaires. Des difficultés méthodologiques expliquent qu’aucun indicateur fiable n’ait pour l’instant été produit dans le cadre du dispositif de performance du programme 140.

Plus largement, la préoccupation de la qualité n’est pas développée dans notre pays où il est difficile aujourd’hui de préciser les critères que l’on voudrait pouvoir vérifier à l’école maternelle ; comme on l’a vu au chapitre 1, au niveau international pour l’ensemble des services de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants, ces critères de qualité varient selon les sources examinées.

Les quelques travaux sur lesquels on peut s’appuyer invitent à avoir des attentes modestes quant à la possibilité pour les structures de la petite enfance de compenser les inégalités et d’avoir des effets durables sur les acquisitions des enfants, tant sont nombreuses et diverses les variables qui interviennent pour renforcer ou contrecarrer leurs effets.

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