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Le département, le lieu toujours central du pilotage pour le premier degré, remobilisé de manière récente en faveur de l’école maternelle

L’enfant répond au message d'accueil : Jamais, parfois, souvent, toujours

LA GOUVERNANCE DE L’ECOLE MATERNELLE

4.1.3. Le département, le lieu toujours central du pilotage pour le premier degré, remobilisé de manière récente en faveur de l’école maternelle

4.1.3.1. L’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux : un gestionnaire rigoureux moins impliqué par les questions pédagogiques

Le pilotage pédagogique de l’école maternelle ne fait pas réellement partie des préoccupations de premier plan de l’ensemble des IA-DSDEN auditionnés par la mission. Ils disposent d’indicateurs le plus souvent liés à la gestion de la carte scolaire et se contentent d’une approche quantitative de cette première scolarisation (approche démographique, évolution des effectifs, part de génération scolarisée…). Un nombre important de circulaires départementales de rentrée ignore l’école maternelle ou ne la mentionne que pour rappeler les priorités nationales. Les écrits spécifiques sur l’école maternelle sont exceptionnels mais, quand ils existent, ils peuvent être d’une grande précision aussi bien quant aux règles de fonctionnement des écoles (rentrée, gestion de l’après-midi, place des récréations) que sur le rôle respectif des enseignants et des personnels municipaux ou encore de l’organisation et des finalités de l’aide personnalisée.

159 Cour des Comptes, Communication à la Commission des Finances du Sénat, juillet 2008.

En matière de gestion, l’école maternelle est souvent traitée de manière spécifique : les seuils d’ouverture et de fermeture y sont, de longue date, différents de ceux utilisés à l’école élémentaire (en moyenne trois élèves de plus pour une ouverture, par exemple) ; de manière moins systématique, les inspecteurs d’académie invitent les inspecteurs de l’éducation nationale à organiser les remplacements en fonction de priorités où l’école maternelle ne figure pas en bonne place.

En matière de gestion départementale des ressources humaines, la mission n’a pu constater aucune particularité dans le traitement des maîtres qui exercent en école maternelle. Seule l’offre de formation continue apparaît souvent quantitativement moins importante pour les sujets propres à l’école maternelle. Ce constat ne signifie pas que les enseignants qui exercent dans les classes préélémentaires bénéficient de moins de journées de formation, mais ils sont souvent invités à participer à des actions couvrant plusieurs cycles qui ne correspondent pas toujours à leurs besoins.

Force est aussi de constater qu’un sujet aussi important que le langage oral ne figure que rarement dans les plans de formation. Par contre, la quasi-totalité des départements observés ont offert aux professeurs des écoles stagiaires ou aux néo-titulaires un module sur l’école maternelle. Ces sessions sont cependant très souvent courtes (une demi-journée ou une journée) et peuvent représenter la seule formation aux spécificités du métier de professeur des écoles dans les classes préélémentaires.

L’analyse des plans de formation continue conduite par la DGESCO met en évidence que les enseignants de l’école maternelle participent un peu moins que leurs collègues de l’école élémentaire aux actions de formation continue ; l’offre de formation n’est peut-être pas à la hauteur des attentes.160 Parmi les impulsions ou injonctions nationales systématiquement traduites ou mises en œuvre au niveau départemental, deux exemples récents concernent l’école maternelle. Ainsi la volonté ministérielle de supprimer des emplois d’enseignants spécialisés et d’en « sédentariser » d’autres s’est traduite dans nombre de département par des enquêtes fines quant à leur activité. Les inspecteurs d’académie, en 2009, connaissaient avec précision à quels niveaux et pour quelles finalités intervenaient les enseignants spécialisés. L’école maternelle n’avait pas été oubliée, les psychologues scolaires y intervenant en proportion du nombre d’élèves, les maîtres G y étant plus présents qu’à l’école élémentaire et les maitres E proportionnellement moins. La mission d’inspection générale regrette cependant que ces indicateurs ne soient plus actualisés. Par ailleurs, le plan de prévention de l’illettrisme et surtout le déploiement des nouveaux emplois d’inspecteurs préélémentaires se lisent aussi dans le pilotage départemental : ainsi l’école maternelle a retrouvé une place dans les conseils d’inspecteurs de l’éducation nationale et tous les départements se sont dotés de pôles d’impulsion et de ressources au service des écoles maternelles.

Enfin, la recherche récurrente d’indicateurs de performance rencontre sur le terrain un intérêt croissant pour la mesure des acquis des élèves. La question de l’évaluation de ce que savent les élèves avant d’entrer au cours préparatoire est devenue une préoccupation partagée par tous les inspecteurs d’académie rencontrés. La moitié des départements a une stratégie d’évaluation systématique largement inspirée par les outils mis à disposition par la DGESCO. Des départements de plus en plus nombreux organisent des « remontées » de résultats ; les interrogations quant à la pertinence des agrégations de données et de leur traitement statistique se doublent de vives craintes sur la transformation de « moyennes » en normes locales.

4.1.3.2 L’IEN chargé de mission préélémentaire : un conseiller départemental qui a du mal à trouver sa place

160 Données sur la formation continue des enseignants du premier et du second degré. Année 2009/2010 DGESCO, bureau de la formation.

Le seul texte de référence dont disposent les acteurs locaux pour définir le périmètre d’intervention des IEN chargés de mission préélémentaire est un passage de la circulaire de préparation de la rentrée 2009 annonçant la mise en place d’un pôle de ressources dans chaque département :

« Un pôle pédagogique spécifique est créé en 2009 dans chaque département, pour mieux appuyer les équipes pédagogiques et valoriser l'action de l'école maternelle au plan local. Cent inspecteurs de l'éducation nationale viendront en appui de ces structures ».

Si l’on veut approfondir les missions assignées à ces cadres, il faut observer les fiches de postes vacants régulièrement publiées. Cette fonction n’a jamais fait l’objet d’une circulaire ou d’une note émanant de l’administration centrale précisant des orientations pour donner du contenu à cette mission.

Un cadre qui peine à trouver une place reconnue dans le département

Un premier constat s’impose : le quart des emplois offert n’a pas été pourvu ou a été utilisé en fonction d’autres priorités académiques. La carte nationale de ces emplois n’est toujours pas stabilisée. De manière assez générale, les inspecteurs chargés de mission « maternelle » ont éprouvé des difficultés à trouver la place qui leur était assignée en théorie ou à habiter la fonction. Ces difficultés se lisent à travers quelques échecs retentissants qui se traduisent par des abandons et des demandes rapides de mutation.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette situation. Le poste a été considéré comme insuffisamment attractif par des inspecteurs expérimentés qui souhaitaient garder une circonscription. En conséquence, ces missions sont trop souvent assurées par des inspecteurs sortant de formation, intégrés par liste d’aptitude ou faisant fonction voire, dans certains cas, des personnels en fin de carrière. La reconnaissance de la compétence et de la spécificité de la mission par les pairs s’en trouve alors très limitée. Par ailleurs, le positionnement institutionnel de l’inspecteur chargé de mission n’a pas toujours été clairement défini par les responsables académiques. Des IEN en exercice attendent toujours leur lettre de mission et les trois quarts des inspecteurs titulaires de la mission sont aussi responsables d’autres missions souvent nombreuses et sans lien direct avec l’école maternelle. Le positionnement de ce chargé de mission dans une équipe de direction départementale est donc à clarifier.

Quelques belles réalisations à conforter et à faire connaître

Il serait cependant injuste et peu conforme à la réalité de considérer que les IEN chargés de mission

« maternelle » n’ont pas quelques réalisations à leur actif. Ils ont, dans la plupart des situations, contribué à rendre plus visible la place de l’école maternelle dans le pilotage pédagogique départemental. Cette action s’est traduite, avec une force inégale selon les départements, mais partout un pôle départemental a été mis en place. Il agit dans trois directions principales : la formalisation d’objectifs et de stratégies propres à l’école maternelle, la formation et l’évaluation.

Dans le domaine de la formalisation d’axes stratégiques, un certain nombre d’IEN chargés de mission ont élaboré des documents d’orientation spécifiques, mettant l’accent sur les objectifs de l’école maternelle et des modalités d’organisation de la classe visant, le plus souvent, à limiter les temps informels. La mission ne peut encore mesurer l’effet de ces textes très récents dans les écoles mais a pu constater qu’ils étaient connus et avaient été relayés par les équipes de circonscription dans la majorité des cas. Dans le cadre de la formation, beaucoup de chargés de mission ont travaillé à des préparations de séances de formation continue ou d’animation en circonscription ou en bassin ; dans ce domaine, les pratiques sont extrêmement variables d’un département à l’autre. On trouve des

situations où l’inspecteur a été fortement sollicité pour intervenir dans des animations ou pour les organiser ; dans d’autres départements, l’intéressé n’a quasiment pas été sollicité par ses collègues en circonscription. Dans le vaste champ de l’évaluation, leur action a été hétérogène et multiforme.

Les pôles départementaux se sont de manière quasi générale saisis de la question des outils d’évaluation des acquis des élèves en fin d’école maternelle (utilisation systématique des outils nationaux mais aussi outils complémentaires locaux). La réflexion sur les particularités de l’inspection individuelle en école maternelle a été l’objet d’une attention moins systématique et la question de l’évaluation des écoles maternelle apparaît encore souvent comme l’activité la moins développée dans le cadre de la mission.

Il est aujourd’hui indispensable de stabiliser cette mission et d’en accroître la lisibilité, sans quoi elle disparaîtra au gré des politiques académiques.

4.1.3.3. Les inspecteurs et leurs équipes de circonscription : des acteurs essentiels, mais insuffisamment mobilisés par la spécificité de l’école maternelle.

Les inspecteurs de l’éducation nationale chargés de circonscriptions et leurs équipes suivent le niveau préélémentaire avec la même attention que les classes élémentaires. Ils inspectent aussi souvent les maîtres et sont régulièrement présents dans les écoles ; ils assurent presque tout ce qui reste de formation continue avec les actions en circonscription même si l’offre de formation qui existe dans le cadre des 18 heures statutaires est loin de prendre en compte les besoins particuliers des maîtres de l’école maternelle. Ils sont à ce titre les acteurs essentiels du pilotage pédagogique de proximité de l’école maternelle. La mission d’inspection générale constate cependant une relative absence d’un regard spécifique sur cette école si particulière. Cette forme de banalisation de l’école maternelle se manifeste de différentes manières : les inspecteurs ne se sont dotés ni d’indicateurs spécifiques, ni de tableau de bord rendant compte des spécificités de la première scolarisation. Les seuls indicateurs disponibles sont ceux qui présentent une utilité opérationnelle dans le cadre de la préparation annuelle de la carte scolaire. L’école maternelle est rarement présente en tant que telle dans les écrits de communication des inspecteurs (notes de service, sites). On relève d’ailleurs qu’un grand nombre d’IEN déclare rédiger peu de notes d’orientation et préférer les consignes orales délivrées au cours des réunions, des inspections individuelles et des séances d’animation pédagogie. Ce ralliement à la

« culture orale » est un sujet qui mérite réflexion dans la mesure où l’écrit en tant que processus de formalisation permet de construire des références et des outils utilisables par tous. Dans le domaine de l’animation, les directeurs d’école maternelle sont rarement réunis de manière spécifique.

La banalisation du niveau préélémentaire se retrouve aussi dans les pratiques d’évaluation. Les protocoles d’inspection individuelle, les documents préalables à l’inspection et les notes de service consacrées à l’inspection identifient rarement des points d’observation ou des attentes différents ou particuliers. De rares exceptions méritent d’être soulignées ; les effets de cette pratique professionnelle différenciée doivent être analysés avant d’être éventuellement diffusés.

L’évaluation des écoles maternelles mérite aussi une attention particulière. Si elle s’est développée cette année dans le cadre d’une expérimentation nationale, le regard porté sur le fonctionnement de l’école maternelle doit s’appuyer sur un protocole particulier qui intègre entre autres une attention particulière sur l’action des ATSEM et sur la place privilégiée des parents.

Une tendance à se focaliser sur la section de grands au détriment des niveaux précédents

La section de grands polarise toutefois l’attention des équipes de circonscription. Ce niveau est considéré comme plus important parce qu’il appartient règlementairement aussi bien au cycle 1 qu’au

cycle 2 ; il est régulièrement présenté comme celui des apprentissages directement opérationnels au début de la scolarité obligatoire et celui des évaluations, aussi bien celles qui mesurent les acquis des élèves que celles qui permettent de détecter d’éventuels troubles des apprentissages. Le plan national de prévention de l’illettrisme conforte cette focalisation de l’attention. Comme relevé ci-dessus, la grande majorité des IEN rencontrés ont fortement incité les enseignants à évaluer les élèves de grande section ; quelques-uns ont mis en place des dispositifs d’exploitation des résultats de ces évaluations. L’usage qui en est fait dans les circonscriptions est hétérogène : le plus souvent, il s’agit de renvoyer aux enseignants une certaine image des résultats de leur action pédagogique, certains inspecteurs présentant les résultats lors de rencontres avec l’équipe de l’école pour provoquer une prise de conscience. D’autres utilisent plutôt ces éléments lors de l’entretien qui suit l’inspection individuelle. Dans une des circonscriptions visitées, l’évaluation de circonscription passée en milieu d’année débouche sur un traitement qui identifie des élèves dont les besoins sont pris en compte par le maître et par une intervention des membres du RASED durant les deux dernières périodes de l’année scolaire.

Les modalités de cette forme d’évaluation par protocole standardisé ne font l’unanimité ni chez les inspecteurs, ni chez les conseillers pédagogiques, encore moins dans les écoles. Si la liaison avec le CP peut s’en trouver renforcée, une forme d’étiquetage des élèves peut en être la conséquence : identifier un élève comme étant en difficulté d’apprentissage avant même son entrée dans la scolarité obligatoire constitue un paradoxe qui n’est pas assumé par tous, voire une injustice qui va marquer son parcours durablement. Par ailleurs, un recteur rencontré dans le cadre de la mission insiste sur un des effets pervers de cette généralisation rampante : ce processus a pour effet de solidariser la grande section au bloc de l’école élémentaire et affaiblit les niveaux antérieurs.

Au total, le pilotage de proximité de l’école maternelle est d’une grande hétérogénéité que l’adaptation normale des acteurs aux réalités locales est loin d’expliquer totalement. La présence ou l’absence de ressources et de compétences un peu affutées contribue à expliquer cette hétérogénéité, l’absence de véritable impulsion pédagogique tout autant.

Quel niveau d’expertise dans une circonscription ?

La mission d’inspection générale s’est interrogée quant à la réelle expertise des équipes de circonscription. Les entretiens avec les inspecteurs, les rencontres avec leurs représentants syndicaux et la lecture des rapports d’inspection recueillis convergent.

Plus des deux tiers des rapports analysés comprennent une description plus ou moins détaillée des activités observées, ils évoquent de manière massive les progressions, l’emploi du temps, les outils des enseignants et ceux des élèves, l’espace de la classe, le temps avec une place particulière à celui consacré à l’aide personnalisée. Ils sont cependant moins d’un tiers à formaliser des observations ou des conseils en matière de pédagogie ou de didactique. La question de la langue et du langage, pas plus que celle de la découverte du nombre, ne font l’objet de développements précis ou d’invitations à des lectures professionnelles. Quelques inspecteurs ont exprimé leurs difficultés en la matière, ils l’expliquent par leur propre expérience et par l’absence de formation. L’étude par sondage des dossiers des candidats au concours de recrutement des inspecteurs corrobore ces déclarations. Les candidats reçus ont majoritairement une expérience à l’école élémentaire avant d’avoir été conseillers pédagogiques ou directeurs d’école élémentaire le plus souvent. La formation initiale des inspecteurs ne comprend guère plus d’une demi-journée consacrée aux spécificités de l’école maternelle (promotions 2009, 2010 et 2011), cette demi-journée étant de plus un complément, non inscrit au plan national et la formation continue de ces personnels d’encadrement est quasi inexistante.

Les inspecteurs, plus observateurs des pratiques qu’acteurs du changement, peuvent-ils s’appuyer sur des équipes expertes ? Selon l’association nationale des conseillers pédagogiques, la majorité

des conseillers pédagogiques sont plutôt d’anciens enseignants de cycle 3. Depuis longtemps déjà, il y a moins de candidatures au certificat d’aptitude ouvrant la voie aux fonctions de formateur (le CAFIPEMF) parmi les maîtres de maternelle. De ce fait, un certain nombre des conseillers pédagogiques ne se sentent « pas armés » pour intervenir à propos de l’école maternelle, en particulier avec des maîtres chevronnés. Il n’est donc pas rare de trouver des circonscriptions où aucun des formateurs n’a un degré d’expertise suffisant pour accompagner les changements souhaitables.

Il convient à ce propos de rappeler que la mutualisation des ressources est encore balbutiante et que les retombées des pôles départementaux « école maternelle » sont encore limitées du fait de leur création récente. Seules des initiatives départementales pour former les conseillers pédagogiques sont à signaler ; elles se multiplient, mais ne portent pas toujours sur l’école maternelle.

4.1.4. Des partenaires indispensables dont la place est à conforter pour mieux piloter l’école

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