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L’analyse dirigée par l’effet, « Effect Directed Analysis »

1 L’historique de la méthode

4.1 L’évaluation du profil biologique de l’échantillon

4.1.2 Les outils plus représentatifs de l’impact environnemental : les modèles in vivo

Figure 9 : Structure cristalline du récepteur des œstrogène β contenant la fixation de 4-hydroxy-tamoxifène (HT). Le HT lié au site de liaison complémentaire est en jaune (Wang et al., 2006).

4.1.2 Les outils plus représentatifs de l’impact environnemental : les modèles in vivo

Bien que plus rarement utilisés en raison entre autre du criblage des échantillons à faible débit, de leur sensibilité, des contraintes logistiques et des questions d’éthique, les bio-essais in vivo peuvent être employés comme outils biologiques dans l’approche EDA afin d’appréhender le réel impact écologique d’un échantillon environnemental. La diversité des tests utilisés permet d’aborder les différentes échelles des réponses déclanchées à l’issue d’un stress chimique (Figure 10).

33 Figure 10 : Représentation schématique des réponses à un stress dans un système biologique adapté de

Snape et al. (2004).

a. De la molécule à l’organisme

L’un des premiers niveaux de réponse des organismes à un stress chimique se situe à l’échelle moléculaire et biochimique. Un impact sur ce niveau peut entraîner in fine une réponse en cascade affectant les échelles supérieures telles que les fonctions physiologiques et l’individu. Des tests impliquant ce niveau organisationnel, s’appuyant sur le génome ou les protéines, sont couramment utilisés pour la recherche d’agents mutagènes ou cancérigènes. Concernant leur usage en tant que tests directeurs pour l’approche EDA, ces outils sont actuellement peu utilisés (Kammann et al., 2005). Néanmoins, des groupes de recherche tels que EDA-EMERGE travaillent sur le développement et l’application de ces tests in vivo transposables à la démarche EDA. L’un des objectif est de développer un test protéomique sur des embryons de poissons zèbres (Danio renio) (Brack et al., 2013). Groh et al. (2013) ont récemment mise en place une telle approche permettant d’étudier le niveau d’expression de certaines protéines durant à la différentiation sexuelle du poisson zèbre. Cette étape de développement est dépendante de plusieurs gènes et les conditions environnementales peuvent influer sur leur expression. De plus, le développement d’une méthode de détection ciblée des protéines, sensible et rapide permet d’envisager l’utilisation d’un tel test pour des études environnementales (Groh et al., 2013). Un autre objectif du consortium EDA-EMERGE est le développement de puce à ADN sur des algues en se basant sur les travaux déjà effectués sur d’autres organismes tels que les poissons (Meland et al., 2011; Kosmehl et al., 2012; Brack et al., 2013) et en les extrapolant. Un autre outil in vivo intéressant, est la mesure d’une réponse moléculaire et biochimique à l’échelle d’organismes vivants entiers. Cette méthode fait appel à des organismes transgéniques qui ont intégré un gène codant pour la luciférase ou pour une protéine fluorescente, la green fluorescent proteine (GFP), qui peut

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Figure 11 : Images d’embryons transgéniques de poisson zèbre (cyp19a1b-GFP) exposés à différents composés (EE2 : 17α-éthinylœstradiol, BPA :bisphénol A). La vue dorsale de l’embryon permet de distinguer le noyau pré-optique (poa), le télencéphalon (tel), le noyau du récessus postérieur de l'hypothalamus caudal (nrp). CTRL correspond à l’embryon contrôle non exposé aux molécules (Brion et al., 2012).

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b. De l’organisme entier à la population

Les tests normalisés basés sur des organismes vivants modèles tels que les daphnies (Daphnie magna) sont historiquement les premiers bio-essais utilisés dans l’approche EDA (Schuetzle and Lewtas, 1986; Brack et al., 1999). Ces tests de toxicité aigüe étaient les bio-essais in vivo les plus fréquemment rencontrés dans les études appliquant la démarche EDA avant les années 2000 (Brack, 2003). Ces tests de mortalité représentent l’impact, à court terme et sur des organismes modèles sensibles, des composés présents dans les échantillons testés. Néanmoins, ces bio-essais ne permettent pas d’indiquer les effets possibles à long et moyen terme de l’échantillon sur des organismes plus résistants. Outre la mortalité des organismes, d’autres paramètres traduisant un impact biologique peuvent être suivis à l’échelle de l’organisme en surveillant son comportement, ou des paramètres phénotypiques. Schmitt et al. ont récemment montré l’utilisation de l’escargot Potamopyrgus antipodarum comme outils d’évaluation biologique des effets d’un échantillon de sédiment environnemental sur la croissance, la reproduction et mortalité de l’organisme utilisé (Schmitt et al., 2011). Leur expérience a consisté à exposer les gastéropodes à un sédiment artificiel dopé avec les fractions de l’extrait de sédiment échantillonné durant une période de quatre semaines. Une augmentation de la reproduction des organismes a pu être observée pour certaines fractions. La présence de nonylphénol et de bisphénol-A a pu être mise en évidence dans les fractions ayant un effet biologique. Dans d’autres études des embryons de poissons comme test in vivo ont également été combinés à l’approche EDA. Les articles publiés se basent sur l’observation du comportement (e.g. rythme cardiaque), de malformations (e.g malformations cardio-faciales, détachement de la queue, formation retardée de la somite) et de létalité dans le but d’identifier des composés mutagènes et tératogènes (Legler et al., 2011; Higley et al., 2012). Ces tests in vivo étudiant les fonctions physiologiques (e.g. reproduction, toxicité) ou le caractère phénotypique (e.g. malformations) sur des organismes modèles permettent de donner des informations sur un éventuel impact à l’échelle populationnelle voire même d’envisager des effets sur l’écosystème (Geiszinger et al., 2009). Toutefois, ces travaux nécessitent une période d’exposition très longue et des quantités de matrice relativement importantes compromettant ainsi parfois la faisabilité de la démarche.