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L’analyse dirigée par l’effet, « Effect Directed Analysis »

1 L’historique de la méthode

4.1 L’évaluation du profil biologique de l’échantillon

4.1.1 Les outils biologiques de type in vitro

a. Les tests in vitro

Le terme in vitro définit toutes les expériences ou recherches pratiquées en laboratoire, isolées de l’organisme vivant entier. Blasco et Picó (2009) qualifient les tests in vitro de bio-capteurs ; ils peuvent être assimilésà des dispositifs d'analyse biologique qui permettent de mesurer un signal grâce à leurs capacités de reconnaissance moléculaire ou de mise en évidence d’un type de toxicité. La diversité des tests existants est relativement importante. Elle fait appel à différents mécanismes de réponses biologiques. La mesure d’une toxicité, de génotoxicité, d’effets mutagènes, et la recherche de perturbateurs endocriniens sont autant de paramètres pouvant être détectés par ce type de bio-essais. Ces outils in vitro permettant la détection d’un effet à court terme sont les outils biologiques qui sont le plus souvent utilisés comme tests pour diriger la démarche EDA. De nombreux tests recherchant la présence de composés génotoxique voire mutagène sont référencés dans l’approche EDA. Le test d’Ames, par exemple, faisant appel à la bactérie Salmonella typhimurium, est souvent rencontré dans la bibliographie. Le principe de ce bio-essais est basé sur la capacité des souches bactériennes à pousser en présence d’un acide aminé, l’histidine. Cette propriété résulte d’une mutation d’un des gènes. En présence de composés mutagènes, les souches poussent en l’absence d’histidine, avec un milieu minimum (Mortelmans et Zeiger, 2000). L’efficacité de l’utilisation de l’approche EDA dirigée par le test d’Ames a été montré dans plusieurs études (Fernández et al., 1992; Marvin et al., 2000, 1999). Récemment, Lübcke-von-Varel et al. ont confirmé la présence de 10 composés mutagènes dans un échantillon de sédiment dont les plus forts effets pouvaient être attribués à des nitro-HAP (e.g. dinitropyrènes, 3-nitrobenzanthrone, nitrobenzo[a]pyrènes) grâce à l’utilisation de ce test (Lübcke-von Varel et al., 2012). Umbuzeiro et al. (2011) précisent dans une revue bibliographique que ce test peut se révéler très sensible pour certains composés (e.g. 3-nitrobenzanthrone) en détectant une réponse positive avec seulement quelques pico-grammes. D’autres bio-essais basés sur

28 l’inhibition de la bioluminescence des bactéries sont aussi cités dans différents articles associés à l’approche EDA pour la recherche de contaminants mutagènes (e.g. test Mutatox) (Thomas et al., 2002b; Lei et Aoyama, 2010). Ces tests standardisés utilisent le plus communément l’espèce Vibrio/Aliivibrio fischeri. Son faible coût, sa sensibilité et sa rapidité d’exécution font que ce test est souvent choisi comme bio-essais. Cependant, il a été observé que ce test était sensible à des éléments présents (e.g. souffre, limon, argile) dans les matrices étudiées, autres que les composés organiques recherchés ( Salizzato et al., 1998; Brack et al., 1999; Parvez et al., 2006). Cette faible spécificité peut entraîner la détection de « faux positifs ». L’utilisation de Vibrio/Aliivibrio fischeri, bactérie marine, demande de travailler dans des conditions salines. Cette caractéristique peut entrainer la modification de la composition chimique de l’échantillon étudié (Farré et Barceló, 2003). Les inconvénients de ce test d’inhibition de luminescence poussent certains auteurs à combiner ce bio-essais avec d’autres tests biologiques (Grote et al., 2005a; Kammann et al., 2005; Tang et al., 2013).

L’utilisation de ces tests basés sur des organismes procaryotes sont des outils adaptés et efficaces pour identifier des composés entraînant une réponse biologique. Néanmoins, ils ne permettent pas de représenter des effets biologiques pouvant exister sur des cellules ou organismes eucaryotes. Des bio-essais basés sur des cellules eucaryotes sont d’ailleurs également, couramment employés dans l’approche EDA (e.g. test Comet, prolifération cellulaire, vittélogénine…) (Grote et al., 2005b; Kammann et al., 2005). Cependant, les tests les plus rencontrés dans la littérature, sont basés sur l’expression de gènes naturels ou rapporteurs contrôlés par des récepteurs nucléaires, pour la recherche de perturbateurs endocriniens dans l’environnement. En effet, les perturbateurs endocriniens sont connus pour leur capacité à se lier aux récepteurs nucléaires. La fixation de ligand sur ces récepteurs induit des réactions au niveau cellulaire, tissulaire et in fine sur l’ensemble un système endocrinien. L’engouement pour ces bio-essais basés sur l’expression de gènes naturels ou rapporteurs contrôlés par des récepteurs nucléaires, est lié à leur coût, leur sensibilité, leur rapidité d’exécution et leur capacité à exprime quantitativement la réponse observée et ce pour un moindre coût en comparaison aux tests in vivo. Durant ce travail de thèse, ces tests in vitro ont principalement été employés, le paragraphe suivant leur est donc consacré.

b. Les récepteurs nucléaires

L’identification de perturbateurs endocriniens dans les écosystèmes aquatiques est un des sujets récurrents des articles utilisant l’approche EDA. Les principaux modèles utilisés sont ceux basés sur les récepteurs nucléaires. Cette superfamille, constituée de 48 récepteurs, participe au contrôle de nombreuses fonctions physiologiques tels que le maintien de l’homéostasie, le développement cellulaire, la différenciation sexuée chez les organismes eucaryotes (Janošek et al., 2006). Ces récepteurs nucléaires peuvent être classés en trois catégories (Tableau 3) (Jacobs et al., 2003; Janošek et al., 2006).

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Tableau 3 : Classification des récepteurs nucléaires couramment utilisés dans des études environnementales selon (Janošek et al., 2006).

Type Récepteurs

I Stéroïdiens Récepteur des œstrogènes (ER) Récepteur des androgènes (AR) Récepteur des glucocorticoïdes (GR) Récepteur des minéralocorticoïdes (MR) Récepteur des progestagènes (PR)

II Récepteur thyroïdiens (TR)

Récepteur de la vitamine D (VDR) Récepteur de l’acide rétinoïque (RAR) Récepteurs des rétinoïdes (RXR)

Récepteur des hydrocarbures aromatiques (AhR)

Récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes (PPAR) III Orphelins Récepteur des prégnanes (PXR)

Récepteur des androstanes (CAR) COUP-TFs

HNF4 Rev Erb

Leurs mécanismes d’action en fonction de leur localisation sont présentés Figure 7. De façon générale, en absence de ligand, le récepteur associé à des protéines chaperonnes est inactif et se situe dans le cytoplasme ou dans le noyau. L’activation du récepteur se fait par l’association avec son ligand spécifique ce qui entraîne un changement de sa conformation structurale. Cette action lui permet de se lier l’ADN dans le noyau cellulaire et d’entraîner l’expression du gène cible (Figure 7). Sur la base de ce mode d’action, l’induction du gène cible reflétant l’interaction ligand-récepteur est mesurée soit par le dosage de protéines, soit de l’ARN messager ou de l’activité enzymatique. Les modèles cellulaires exprimant de manière endogène le gène cible ou non (i.e. implantation d’un gène rapporteur) sont largement utilisés comme outils biologiques dans la démarche EDA (Tableau 3).

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Figure 7 : Principe général simplifié du mécanisme d'action des récepteurs nucléaires - exemple des récepteurs nucléaires localisés dans le cytoplasme (A) (e.g. AR, AhR, GR) et dans le noyau (B) (e.g. ER, PXR).

L’association ligand-récepteur peut être visualisée par colorimétrie, bioluminescence et fluorescence. La quantité de ligands présents va moduler l’expression du gène cible et par conséquent la réponse cellulaire mesurée. La liaison ligand-récepteur est conditionnée par l’affinité que possède la molécule pour la zone de fixation (relative binding affinity, RBA). La réponse obéit à la loi de dose-réponse (Figure 8). Néanmoins, l’association ligand-récepteur est un processus complexe qui n’entraîne pas systématiquement un signal. Ainsi, les ligands peuvent être classés en quatre catégories (Marty et al., 2011) :

i. Les agonistes complets : ces composés entraînent une réponse maximale de la cellule en activant le récepteur et permettant ainsi l’induction de tous les mécanismes physiologiques associés

ii. Les agonistes partiels : ces ligands produisent une faible réponse cellulaire même lorsqu’ils sont présents en quantités importantes

iii. Les antagonistes complets : ces molécules inhibent le récepteur ou se lient au récepteur sans engendrer de réponse.

iv. Les agonistes inverses : ces ligands se fixent au récepteur et entraînent une répression de la transcription

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Figure 8 : Courbe dose-réponse d'une substance active et détermination de l’EC 50.

Dans un échantillon complexe l’identification de telle ou telle classe n’est pas aussi linéaire. Des interactions entre les composés existent et rendent parfois l’identification des mécanismes d’action difficile. Weiss et al ont, par exemple, mis en avant dans un échantillon de sédiment de rivière, une activité androgénique masquée par la présence de composés antagonistes (Weiss et al., 2009). L’extrait de sédiment ne permettait pas en l’état de mettre en évidence les effets de mélange entre les composés présents. L’approche EDA a permis, en séparant les molécules lors du fractionnement, la détection de l’activité androgénique. Les effets de mélange entre les composés peuvent être complexes (e.g. synergie, additivité, antagonisme). Dans le cas des récepteurs nucléaires, il a été démontré que dans certain cas un même récepteur avait la capacité de fixer une ou plusieurs molécules. Cette spécificité peut être liée à la taille de la poche de liaison du récepteur (Tableau 4). Ainsi au vu de leur petite taille (>200 Da), deux molécules de parabènes seraient potentiellement capables, selon des études in silico, de rentrer dans la poche du récepteur des œstrogènes (ERα), de se lier à ce dernier et d’entraîner une réponse synergique (Byford et al., 2002). Ces phénomènes de synergie peuvent également être observés à des fréquences plus importantes sur le récepteur des prégnanes (PXR) (Le Maire et al., 2010). En effet, ce dernier possède une poche deux fois et demi plus large que celle du ERα (Tableau 4). Cette caractéristique lui confère alors la possibilité de fixer une plus large gamme de molécules aux tailles plus variées. Il a été également observé que certains récepteurs pouvaient posséder deux poches de liaison.

Tableau 4 : Comparaison de la taille des poches de liaison de différents récepteurs (Jacobs et al., 2003).

Récepteur Volume de la poche de liaison du ligand (Å3)

ERα 476

PXR 1150

PPARγ 1619

32 Le récepteur des œstrogènes β (ERβ) possède cette particularité. Elle a été mise en évidence par Wang et al (2006) par la cristallisation du récepteur en présence d’un antagoniste des œstrogènes, le 4-hydroxytamoxifène (Figure 9).

Même si les tests in vitro sont des modèles biologiques pouvant être qualifié d’éléments relativement simples par rapport aux modèles utilisés pour les tests in vivo, il apparait que la réponse biologique observée n’est pas forcément simple en termes d’interprétation.

Figure 9 : Structure cristalline du récepteur des œstrogène β contenant la fixation de 4-hydroxy-tamoxifène (HT). Le HT lié au site de liaison complémentaire est en jaune (Wang et al., 2006).

4.1.2 Les outils plus représentatifs de l’impact environnemental : les modèles in