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Étude des rejets urbains et industriels dans la contamination chimique du milieu aquatique

1.1 Caractérisation des activités biologiques générées par l’urine humaine

Les hormones étant excrétées sous forme conjuguée, une étape de déconjugaison est effectuée en amont de l’extraction sur une partie des urines prélevées. La déconjugaison est réalisée à l’aide d’un mélange enzymatique constitué de deux enzymes, la β-glucuronidase et la sulfatase ayant deux provenances différentes : l’escargot Hélix pomatia (β-glucuronidase ≥ 100 000units/mL, sulfatase ≤7500units/mL) ou la bactérie Escherichia coli (β-glucuronidase ≥5 000 000-20 000 000 units/gm protéine). Les enzymes sont ajoutées dans les échantillons à déconjuguer puis les urines sont incubées pendant 3 h à 55°C. Après incubation, les échantillons d’urine sont extraits par phase solide suivant le protocole énoncé en section 4.3.2 du Chapitre 3, p 82. Afin de mettre en évidence d’éventuels effets de mélange entre les molécules présentes dans les échantillons, les urines de femme et d’homme sont mélangées. Le mélange est traité comme un échantillon.

Les extraits obtenus ont été testés par l’INSERM (IRCM, Montpellier, France) sur différentes lignées cellulaires HELN-ERα, HELN-AR, HELN-GR, HELN-MR et HELN-PR. Ces bio-essais permettent de mettre en évidence la présence d’agonistes de l’activité œstrogénique (ER) et androgénique (AR) ainsi que d’antagonistes de l’activité glucocorticoïde (GR), minéralocorticoïde (MR) et progestative (PR), respectivement. Les détails sur les modèles biologiques, la culture des cellules et le protocole des tests sont exposés en section 2.1.1 du Chapitre 3, p 71.

1.1.1 Impact de la déconjugaison sur les activités biologiques

L’influence de la déconjugaison enzymatique sur les activités œstrogéniques et androgéniques des extraits d’urine est présentée Figure 52. Les urines ayant subit l’étape de déconjugaison quelle que soit les enzymes utilisées induisent une réponse biologique à la différence des urines non déconjuguées (Figure 52). La déconjugaison influence clairement les activités œstrogéniques et androgéniques. Les principaux ligands de ces deux activités sont les hormones. Ces dernières sont excrétées par l’organisme sous forme glucuro- et/ou sulfo-conjugué, les rendant biologiquement inactives (Desbrow et al., 1998).

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Figure 52 : Activités œstrogéniques et androgéniques des urines humaines de femme (A), homme (B) et en mélange (C). Trois courbes dose-réponse sont modélisées pour chaque échantillon, l’activité obtenue pour l’extrait non déconjugué ( ), l’extrait déconjugué par les enzymes provenant du gastéropode Helix Pomatia ( ) et l’extrait déconjugué par les enzymes provenant d’Escherichia Coli ( ). Les barres d’erreurs représentent les écartypes (n=3). Les blancs de manipulation sont inactifs.

167 Cependant ce constat n’est pas observé pour les activités anti-minéralocorticoïdes, anti-progestatives et anti-glucocorticoïdes montrant que les ligands de ces récepteurs ne sont pas sous forme conjugués ou arrivent à se lier malgré leur conjuguaison. Dans les stations d’épuration, les mêmes types d’activités biologiques ont été mesurés sans une étape de déconjugaison préalable (article n°1).

Des tests de protocole utilisant les enzymes glucuronidase et sulfatase de l’escargot

Helix pomatia ont été effectués sur des eaux brutes et traitées de STEP. Une différence

d’activités œstrogéniques et androgéniques, entre les échantillons ayant eu une étape de déconjugaison et ceux sans déconjugaison, a été observée pour une eau brute mais aucune différence n’a été constatée pour l’eau traitée (Chapitre 4, §1.3.3, p 111). Après l’étape de déconjugaison, les activités de l’extrait d’eau brute ont augmenté d’environ 1,5 fois en comparaison à celles mesurées sans étape de déconjugaison (Figure 31, p 111). Des composés conjugués, induisant une réponse cellulaire lorsqu’ils sont sous forme libre, sont donc présents dans les eaux d’entrée de STEP. Cependant, les activités androgéniques et œstrogéniques mesurées sans l’étape de déconjugaison restent importantes, 131 ng E2-EQ/L et 440 ng DHT-EQ/L pour l’activité œstrogénique (lignée cellulaire MELN) et androgénique (lignée cellulaire MDA-kb2), respectivement. La détection d’œstrogènes sous forme libre tels que l’œstriol, le 17β-œstradiol et l’œstrone à une concentration totale de 234 ng/L, dans une eau brute de la même STEP prélevée à une période différente, a permis d’expliquer la totalité de l’activité œstrogénique de l’échantillon non déconjugué (60 ng E2-EQ/L) (article n°1). Les hormones sont excrétées en majorité via les urines. Seulement 5 à 10% des œstrogènes sont rejettés par l’organisme via les fæces (Adlercreutz et Järvenpää, 1982). Par conséquent, les stéroïdes présents dans les eaux d’entrée de STEP proviennent en majorité des urines. Les hormones contenues dans les urines ne sont jamais excrétées sous forme libre, à l’exception de l’œstriol chez les femmes enceintes (D’Ascenzo et al., 2003). Leur détection sous forme libre dans les eaux brutes de STEP montrent qu’une partie des hormones perdent leur complexe glucuronide ou sulfate au cours de leur transport dans le réseau d’assainissement les rendant biologiquement actives (Desbrow et al., 1998; D’Ascenzo et al., 2003;). En effet, les enzymes glucuronidase et sulfatase sont produites naturellement par diverses bactéries dont les coliformes fécaux et les Escherichia coli et peuvent se trouver dans le réseau et dans les eaux brutes en entrée de STEP (Adlercreutz et Järvenpää, 1982; Tryland et Fiksdal, 1998). La déconjugaison des hormones après l’excrétion via l’organisme peut apparaitre en quelques heures. Il a été observé qu’en moins de 2h, les œstrogènes sous forme glucuroconjuguée étaient décomplexés dans les eaux usées (Ternes et al., 1999; D’Ascenzo et al., 2003; Gomes et al., 2009; Kumar et al., 2012). Les formes sulfoconjugués sont plus résistantes à la déconjugaison et peuvent mettre une dizaine d’heures voir quelques jours à se décomplexer (Ternes et al., 1999; D’Ascenzo et al., 2003; Gomes et al., 2009; Kumar et al., 2012). Ainsi, les œstrogènes sulfoconjugués peuvent représenter 60% des œstrogènes conjugués dans les eaux brutes de STEP alors qu’ils sont mesurés à une proportion de 20% dans les urines (D’Ascenzo et al., 2003).

168 Classiquement, de nombreux auteurs utilisent pour la préparation des échantillons d’eaux de station d’épuration des enzymes provenant de l’escargot Helix Pomatia ( Labadie et Budzinski, 2005; Gabet-Giraud, 2009; Bellet et al., 2012;). Cependant, quelques articles scientifiques montrent en plus de la déconjugaison, une transformation de certaines hormones (Crabbe et al., 2002; Hauser et al., 2008). Hauser et al., (2008) ont ainsi montré que 43% de le 5-androstènediol ((3β,17β)-androst-5-ène-3,17-diol) étaient convertis en testostérone suivant la préparation enzymatique issue de Helix Pomatia dans les urines de singes (Pan paniscus). Le changement de conformation des molécules serait dû à la présence de isomérases et oxydases dans la préparation enzymatique de Helix Pomatia (Crabbe et al., 2002). Ces modifications structurales des composés liées à la déconjugaison peuvent impacter les activités biologiques mesurées en générant des produits de transformation non actifs ou plus actifs que le composé parent. Pour l’urine masculine une différence d’activités œstrogénique et androgénique est observable entre les échantillons traités avec Escherichia coli ou Helix

Pomatia (Figure 52). L’emploi des enzymes provenant Helix Pomatia peut créer un biais

analytique. L’utilisation d’enzymes d’Escherichia coli lors de la déconjugaison des échantillons apparait plus adapté pour représenter de façon plus exacte les activités œstrogéniques et androgéniques induites par les urines une fois déconjuguées dans le réseau d’eaux usées.

1.1.2 Présence de ligands agonistes et antagonistes de différents récepteurs nucléaires

La figure 53 (A, B) représente les activités œstrogéniques et androgéniques des échantillons d’urine d’homme et de femme adultes déconjuguées par les enzymes issues d’Escherichia coli. La présence de ligands des récepteurs aux œstrogènes est observée dans tous les échantillons. S’il est évident que l’urine féminine possède une activité œstrogénique importante en lien avec la présence de composés actifs tels que les œstrogènes, il est remarquable que l’activité de l’urine masculine soit aussi intense que celle de l’urine prélevée chez la femme.

Les lignées cellulaires utilisées pour mesurer les activités, HELN, contiennent des enzymes, les aromatases qui peuvent transformer les androgènes en œstrogènes. A titre d’exemple, Morishima et al. (1995) ont mis en évidence que la testostérone était transformé en œstradiol en présence des aromatases. Ainsi la réponse œstrogénique observée pour l’urine de l’homme peut être liée à la présence de composés androgènes métabolisés en œstrogènes par les enzymes présentes. Afin d’évaluer l’activité œstrogénique des échantillons en lien avec la présence de composés actifs non aromatisables, les bio-essais doivent être effectués en présence d’un inhibiteur des aromatases. Ce test n’a pu être réalisé, au cours de ces travaux, en raison d’une importante activité cellulaire basale induite par l’inhibiteur utilisé et sera effectué prochainement. Cependant, le dosage des stéroïdes (présenté dans le paragraphe suivant) dans les extraits d’urine d’homme et de femme montre que les concentrations en œstrogènes (ligand ER) sont supérieures dans l’extrait d’urine masculine (e.g. pour