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« L EBENSEFFEKT » ALS ALLGEMEINEM ÄSTHETISCHEN K RITERIUM UND L ESER

1.1 BIBLE, MYTHE ET FIGURE DE LA RÉVÉLATION

1.1.1 A NTAGONISMES THÉOLOGIQUES

1.1.1.1 Origine néotestamentaire

En effet, les lettres pastorales de Saint Paul opposent de façon polémique et apologétique la vérité de la doctrine chrétienne aux « récits mythologiques » (1 Tm 1, 4 ; 2 Tm 4, 4), considérés comme « racontars irréligieux de vieilles femmes » (1 Tm 4, 7) dont il faut dénoncer les adeptes afin qu’ils retrouvent « la santé de la foi » (Tt 1, 14). La Seconde Épître

de Saint Pierre rappelle en outre aux chrétiens que l’annonce de la foi est fondée sur ce dont

l’apôtre a fait l’expérience et n’a donc pas besoin de recourir « aux inventions des récits mythologiques » (2 P 1, 16). Si on analyse les occurrences du terme mythe dans le Nouveau

Testament en dehors de tout contexte, on relève le vocabulaire péjoratif, dépréciatif, et on note

que les mythes, contrairement à la foi proclamée par les apôtres, ne sont considérés ni comme vrais ni comme historiques. Une analyse stylistique du premier passage où le terme apparaît permet de préciser quelques aspects de la dynamique qui sous-tend ces textes.

1, 1 Paul, apôtre du Christ Jésus selon l’ordre de Dieu notre Sauveur et du Christ Jésus, notre espérance, 2 à Timothée, mon véritable enfant dans la foi : grâce, miséricorde, paix, de par Dieu le Père et le Christ Jésus notre Seigneur. 3 Ainsi donc, en partant pour la Macédoine, je t’ai prié de demeurer à Ephèse, pour enjoindre à certains de cesser d’enseigner des doctrines étrangères 4 et de s’attacher à des fables et à des généalogies sans fin, plus propres à soulever de vains problèmes qu’à servir le dessein de Dieu fondé sur la foi. 5 Cette injonction ne vise qu’à promouvoir la charité qui procède d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sans détours. 6 Pour avoir

cède d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sans détours. 6 Pour avoir dévié de cette ligne, certains se sont fourvoyés dans un creux verbiage ; 7 ils ont la prétention d’être les docteurs de la Loi alors qu’ils ne savent ni ce qu’ils disent, ni de quoi ils se font les champions.

Dans cette traduction empruntée à la Bible de Jérusalem1, le grec mythoï devient « fables », récits de fiction pouvant avoir une intention mensongère2. Ni le contenu ni la forme spécifique ne décrivent ces « fables » mais un double contexte. Le souci de servir « […] le dessein de Dieu fondé sur la foi […] » et de former la communauté à l’exemple du Christ est exprimé dans un discours d’autorité. D’après le vers 6, adhérer aux mythes semble être une façon de se soustraire aux obligations d’une charité vraiment chrétienne. Paul développe alors une rhétorique d’autorité et de séparation. En effet, dans cet incipit une antithèse oppose le messager reconnu et sa doctrine vraie aux faux enseignants avec leur discours explicitement discrédités. Paul rapproche les mythes des « doctrines étrangères », des « généalogies sans fin » que l’expression « creux verbiage » subsume. Ces qualifications s’opposent à leur antonyme implicite : d’abord la doctrine connue, reçue dans la communauté, ensuite les généalogies trouvant leur fin en Jésus venant accomplir les promesses de l’Ancien Testament3, enfin un discours plein, solide. La rhétorique du passage motive rationnellement et affectivement le rejet des doctrines que Paul demande. Créer et affirmer l’identité d’une jeune communauté croyante va de pair avec la négation et le rejet de ce qui est étranger. Il en va de même quand le texte discrédite ceux qui les profèrent : il dénonce comme une fausse « prétention » le titre de « docteurs de la Loi » qu’ils se donnent, leur dénie toute intelligence, tout bon sens, les décrie comme des ignorants. Qui voudrait donc être associé à de telles gens ? Paul par contre se proclame l’envoyé de Dieu et accumule pléthore de qualificatifs positifs ne

1 La Bible de Jérusalem, trad. dir. par l’École Biblique de Jérusalem, Paris, Éd. du Cerf, 1991 (nouvelle éd. revue

et augmentée ; 1re éd. 1973).

2 A. D

ABEZIES, « Mythes anciens, figures bibliques, mythes littéraires », p. 4s., rappelle aussi les connotations

péjoratives du terme mythe dans la pensée rationaliste du XIXe siècle en particulier.

3 Cf. aussi Mt 1, 1-17 et Lc 2, 23-38. Pour une presentation du contexte culturel et religieux, voir p. ex. Philip

H. TOWNER, The Letters to Timothy and Titus, Grand Rapids (MI), Cambridge (GB), William B. Eerdmans Pub-

permettant pas que l’on s’oppose à lui sans se rendre coupable. Il s’ensuit une obligation d’obéissance religieuse et morale puisque les qualificatifs imputés à Dieu et à Jésus sont transférés implicitement au message de Paul par l’ordre de Dieu et du Christ que Dieu a engendré. Finalement, à son tour, parallèlement, Paul délègue son autorité à celui qu’il a engendré, « son enfant dans la foi », Timothée. Cette appellation ne souligne pas seulement une dépendance vitale et nourricière ; elle ne commande pas seulement le respect traditionnel de l’autorité parentale et la soumission religieuse à son autorité ; elle est aussi fortement chargée d’émotions et de théologie. Quant à Timothée, il est chargé d’œuvrer selon les idées de Paul et de rétablir l’ordre par la censure des discours. En résumé, désireux de former la communauté à l’exemple du Christ, Paul en appelle non seulement à la raison mais aussi aux émotions et à l’affectivité pour institutionnaliser un rejet autoritaire de ce qui est étranger. L’analyse littéraire décrit le fonctionnement de ce texte indépendamment de toute foi ; quant au sens du texte, il se crée à la réception en collaboration avec le lecteur auditeur1. Et d’abord il crée plus qu’un sens, une expérience, son éloquence alliant communication et art littéraire2. Le jugement du destinataire dépend de ses convictions religieuses, politiques ou idéologiques et des critères rationnels, affectifs, émotionnels ainsi que de la mémoire d’expériences de première ou seconde main. Faisant partie d’une lettre adressée à une tierce personne, l’identification peut être plus difficile. Aussi le contexte rituel et institutionnel de la lecture et le degré d’identification avec la réception ecclésiale ont un poids non négligeable. Différentes attitudes peuvent d’ailleurs être observées au cours des siècles.