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La réduction mythologique devant la critique

« L EBENSEFFEKT » ALS ALLGEMEINEM ÄSTHETISCHEN K RITERIUM UND L ESER

1.1 BIBLE, MYTHE ET FIGURE DE LA RÉVÉLATION

1.1.3 C ONTREPOINT : M YTHE ET FIGURE DE LA RÉVÉLATION

1.1.3.2 La réduction mythologique devant la critique

Balthasar ne nie point la « possibilité » de construire ainsi un mythe propre à Israël et qui se montrerait en fin de parcours polymorphe, d’une très grande richesse même. Il comprend aussi l’attrait d’une telle démarche unificatrice qui permettrait de justifier et d’expliquer la continuité entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance, leur parfaite correspondance qui devient

1 GC 1, 536.

2 Il existe des représentants d’une telle approche dans le paysage théologique contemporain. Voir à ce sujet la

discussion du projet théologique de P. Gisel par Yves LABBÉ, « Théologie ecclésiale, théologie universitaire », in : Revue théologique de Louvain, 40e année, 2009, p. 15-20 : « I. La théologie identifiée à une philosophie de la

même « […] au-delà de toute attente, rapport entre image et réalité1 ». Tout serait compréhensible, rentrerait dans l’ordre de la logique – humaine, ou mieux du système de cohérence choisi d’avance. Et c’est là le problème fondamental, celui du point de départ. Aussi, s’il est certes « possible » de procéder ainsi, il n’est pas sûr qu’il faille le faire, que ce soit le bon chemin. Ce que Balthasar reproche aux exégètes évoqués et à leurs successeurs, c’est de « […] systématiser la réalité vétérotestamentaire sur un point de fuite situé dans le passé […]2 ». Il les accuse en fait en premier lieu d’appliquer à la Bible la reconstruction d’une conception religieuse d’une époque3 et en deuxième lieu de vouloir systématiser4 ce qui est en fait une relation, le don de l’Alliance excédant ce que l’imagination humaine pourrait concevoir par elle-même et qui s’est donc constitué son propre corps expressif. Pour réfuter une telle approche, il confronte les exégètes scandinaves d’abord aux sources et leur montre qu’ils les déforment.

Au cours de la présentation de la version juive du mythe originel, Balthasar relève quelques difficultés auxquelles les chercheurs ont été confrontés. Il discute le rôle de l’idéologie royale dans la tradition biblique : a-t-elle vraiment la place centrale que le mythe originel lui assigne ? Balthasar en doute5 :

1 Ibid.. 2 GC 1, 535.

3 Voir la définition d’une esthétique théologique en GC 1, 97 : « […] une théologie qui ne se sert pas, en premier

lieu, pour son travail, des catégories extra-théologiques de l’esthétique philosophique profane, surtout de la poésie, mais tire sa doctrine de la beauté des données révélées elles-mêmes par une méthode vraiment théologique ». Le même argument revient en GC 1, 515 où Balthasar récuse la projection de catégories extrabibliques et extrathéologiques sur la révélation chrétienne. Cette vigilance doit donc aussi s’appliquer dans le cas d’une étude comparée de la religion d’Israël avec celle de ses voisins. Mais cela ne signifie pas que la révélation pourrait faire abstraction des images, mythes, philosophies et religions humaines : la question est plutôt comment elle les transforme.

4 Pour le refus de l’esprit de système, voir déjà l’avant-propos du premier recueil d’articles, Hans Urs von

BALTHASAR, Verbum caro. Skizzen zur Theologie I, Einsiedeln, Johannes Verlag, 1990 (3e éd. ; 1re éd. 1960),

p. 5, où il compare ses études fragmentaires à des esquisses qui certes ne disent rien de complet, mais qui saisissent quelque chose d’essentiel qui se perdrait dans la systématisation de la pensée. En ce qui concerne le style de von Balthasar, voir p. ex. Stefan HARTMANN, Christo-Logik der Geschichte bei Hans Urs von Balthasar. Zur Systematik und Aktualität seiner frühen Schrift “Theologie der Geschichte”, Hamburg, Verlag Dr. Kovač,

coll. « Geist und Wort » vol. 8, 2004, p. 17-21.

Mais quelle profondeur et à quelle ampleur cette idéologie pouvait-elle atteindre en Israël ? Elle ne pouvait pas dominer sérieusement l’Israël pré-monarchique, et n’est- elle pas déjà remise en question par la prophétie classique dans laquelle s’accomplit le passage à l’eschatologie ?

Il souligne aussi les problèmes que ces chercheurs rencontrent quand ils sont confrontés à cette figure emblématique par excellence, le serviteur souffrant, ne sachant vraiment décider quel serait, toujours par rapport au mythe fondamental, son modèle : le roi combattant ou le prophète ? Ils hésitent à intégrer les chants du Serviteur souffrant dans l’ensemble cultuel. Et la souffrance de l’ébèd de Dieu n’est pas symbolique dans un drame cultuel ; elle est réelle. Ensuite, Balthasar fait encore remarquer le problème que pose, dans un tel système, une autre figure, celle du Fils de l’Homme qui n’est plus une figure historique, mais apocalyptique : de nouveau « [l]’“aujourd’hui” visionnaire dans lequel on le contemple n’est plus du tout l’“aujourd’hui” mythique du drame cultuel.1 » Il ressort donc clairement de cette relecture que les exégètes ont dû fortement adapter les sources pour les faire correspondre au schéma érigé comme norme, qu’ils ont réduit la diversité de la tradition biblique à leur représentation au lieu de mettre en question sinon sa validité en soi, au moins sa prétention à pouvoir fonctionner comme interprétant global. Dans l’approche de l’école scandinave, la culture d’Israël ne peut être fondamentalement différente, elle ne peut s’exprimer que dans les mêmes catégories et structures qui ne sont cependant pas abstraites, mais riches d’images. Ainsi une telle présentation enferme la créativité d’Israël dans les variations de l’imaginaire commun ; elle suppose de même une continuité, une cohérence au niveau de cet imaginaire ; elle ne tient pas compte d’une éventuelle rencontre – avec Dieu se révélant – qui pourrait vraiment être assez forte pour renverser des catégories, notions et idées reçues et laisser paraître quelque chose de nouveau n’entrant pas nécessairement dans une continuité soit linéaire, soit circulaire, mais qui chercherait sa clef autre part. Finalement, en considérant « […] le système catégoriel ethnologique […] » comme une référence nécessaire « […] pour l’apparition de

tout rédempteur et sauveur possible […] », ils conditionnent aussi la liberté de Dieu qui se révèle.

En fait, leur point de départ n’est pas réfléchi théologiquement, du moins pas par rapport à la théologie de la Bible elle-même. Considérant la théologie comme une entreprise de la seule raison humaine, ils ne peuvent développer de critique heuristique qui mettrait en doute la nécessité intérieure que cette méthodologie présuppose trouver dans le cadre de configurations historiques en soi contingentes. Si elle ne vient pas à nier la liberté – et subséquemment l’existence autonome – d’Israël, pour ne même pas parler de celle de Dieu, elle les limite extrêmement1.

Il est nécessaire d’approfondir la question du point de départ2. De fait, dès que l’on exclut Dieu comme facteur, on en vient trop souvent à projeter une relation de cause à effet suffisante et nécessaire au niveau des facteurs immanents, que ce soient maintenant les conditions sociologiques, ethnologiques, économiques ou psychologiques3. En fait, une telle pensée s’inspire du type de preuves auquel on recourt dans les sciences naturelles ; or la pensée déterministe dont elles dépendent souvent ne sait cependant pas tenir compte de la liberté humaine. En fin de compte, l’approche « naturaliste » prétend pouvoir expliquer par une reconstruction des facteurs immanents l’avènement nécessaire d’un « évènement » singulier. Mais alors, ceci ne reviendrait-il pas à expliquer comment on passe d’un trait sur une feuille de papier blanche à un dessin de Picasso, ou d’un mot sur une feuille à un poème ou un roman ? Or l’œuvre artistique ne naît déjà pas de la seule matière de l’art – les mots, la

1 Et contredit par là le « [m]ystère de la liberté divine qui – comme dans l’œuvre d’art – coïncide avec la

nécessité suprême ». (GC 1, 413.)

2 Voir H. U. von BALTHASAR, « 1965. Reddition de comptes », p. 41 : « Un léger décalage au point de départ,

peut-être d’abord pensé comme seulement tactique – et les conséquences deviennent incalculables. Car les points de départ sont toujours décisifs ; les pré-décisions presque invisibles marquent l’histoire. On pourrait en faire la preuve en considérant la philosophie : l’Idée de Platon, le De ente et essentia de Thomas, le Cogito de Descartes, le “Concept” de Hegel… ».

3 Est-il nécessaire de rappeler que l’attitude inverse qui part du point de vue de la foi risque de voir Dieu trop

couleur, les sons, l’espace…– ni des formes elles-mêmes, mais d’un être humain. L’explication de l’œuvre ne se trouve dès lors plus dans le seul point de départ matériel, mais elle doit prendre en compte la pluralité des facteurs, évitant donc toute monopensée, et respecter leur intégration dans ce que l’on appelle une « création » : il y a la matière, les formes, le soi – et l’autre que l’on rencontre et le travail intérieur qui lie tout cela dans un tout qui est plus que la somme des éléments. Dans l’analyse génétique d’une œuvre d’art, il faudrait donc tenir compte déjà de tous ces facteurs, sachant néanmoins que leur présentation analytique n’entraîne pas encore la « vie » de l’œuvre si bien qu’il faut aussi admirer « l’inspiration », ce souffle qui donne « vie » à l’ensemble et qui en fait une unité autonome. Quand il s’agit de la rencontre du Dieu vivant, la situation est similaire et différente si l’on ne veut pas réduire de prime abord Dieu aux catégories humaines1. En effet, il faut tenir compte et de la différence essentielle de Dieu et de sa liberté qui s’adresse à la liberté humaine2. C’est dans ce cadre que Dieu se révèle et réussit à être « compris » par l’être humain : il existe une évidence, quelque chose qui s’impose3. Peut-être la tradition a-t-elle trop insistée – en particulier en ce qui concerne l’inspiration – sur la grâce comme don spécifique d’une parole adressée à un individu. Si ce modèle existe comme le montrent les missions des prophètes, et

1 Dans toute la foule de références concernant l’analogie, on peut p. ex. se référer à ce que Balthasar dit au sujet

du concept central de son esthétique, la figure : appliquée au Christ, cette notion prend un caractère unique et « […] tient en suspens le contenu général et abstrait du concept. Il ne s’agit pas du mot mais de la chose signifiée qui devra être expliquée […] ». (GC 1, 366.)

2

De nombreuses sciences humaines ont contribué à mettre en doute l’idée de la liberté humaine, en particulier la psychologie et plus récemment aussi les neurosciences. C’est à chaque fois le déterminisme des facteurs analysés qui semble s’imposer. On peut considérer la liberté comme un élément intégral de la notion d’un être humain créé à l’image de Dieu et sauvé par le Christ : si la liberté humaine est en effet marquée par le péché originel et les péchés commis, Dieu peut rendre la liberté à l’être humain pour qu’il réponde pleinement à son appel. Voir

GC 1, 408 : « […] le premier critère d’authenticité de la figure qui se révèle : elle ne fait pas violence. Si elle le

faisait, elle aurait quelque chose d’analogue à la preuve et à l’évidence mathématiques, où la liberté et la décision personnelle n’ont pas de place. L’évidence avec laquelle Dieu se manifeste nous laisse libres parce qu’elle nous rend libres et c’est justement en cela qu’elle doit être l’évidence suprême. » La rencontre des libertés divine et humaine est le sujet de toute la Théodramatique. Cette affirmation ne contredit pas les expériences tragiques. À ce sujet, voir aussi Holger ZABOROWSKI, « Mythos oder Geschichte ? Hans Urs von Balthasar und die griechische Tragödie », in : Walter Kardinal KASPER (éd.), Logik der Liebe und Herrlichkeit

Gottes. Hans Urs von Balthasar im Gespräch. Festgabe für Kardinal Lehmann zum 70. Geburtstag, Ostfildern,

Mathias-Grünewald-Verlag, 2006, p. 45-63, en particulier p. 49-51.

3 Voir ce que Balthasar dit au sujet de « [l]a vraisemblance du christianisme [qui] naît et disparaît avec celle du

Christ […] les fondations doivent être d’une solidité indestructible. […] il faut qu’elles nous offrent l’évidence. Et non pas une évidence subjective, mais bien objective ». (GC 1, 391s.)

comme le Christ le promet aussi à ses disciples1, il ne faudrait pas s’en tenir à celui-ci et bien voir aussi qu’il existe une grâce accordée au peuple en entier malgré ses péchés et dont celui- ci se rend compte a posteriori, approfondissant ainsi la foi qui l’a déjà guidé dans sa réflexion. Ces réflexions ne répondent-elles pas aux réflexions de Marc-Mathieu Münch qui affirme que « […] les mythes et la littérature doivent être étudiés à la fois devant et dans l’esprit qui les vit2 » ? En effet, une telle approche ne suppose pas que le chercheur croit dans les mythes qu’il étudie ; elle suppose au contraire – du moins pour ce qui en est de la Bible – qu’elle est un document d’une communauté de foi et elle doit donc considérer que ce Dieu, dont les sources textuelles parlent, puisse se manifester dans une rencontre qu’elle doit considérer comme possible. De plus, elle devra veiller à ne pas réduire les textes à un schéma d’interprétation, comme ne le font par ailleurs pas seulement des historiens des religions, mais aussi des théologiens. Il faudra ensuite juger quelle est la perspective qui permet le mieux d’intégrer les aspects les plus divergents en tant que tels. Enfin, la théologie comme science qui part de la foi, peut être associé à un discours interdisciplinaire : si elle ne va pas forcer quelqu’un à croire, sa perspective peut, comme toute cette critique de l’exégèse fondée sur l’histoire comparée des religions l’a certainement montré, rendre les autres approches plus critiques par rapport à leurs propres présupposés et aussi attirer leur attention sur des aspects négligés, voire écartés. Ainsi on arrivera peut-être aussi à respecter la différence entre les différentes religions, et en particulier celle du christianisme3.

1

Lc 12, 12.

2 M.-M. MÜNCH, « Le mythe et la littérature », p. 23.

3 Münch s’intéresse aussi à la naissance des mythes. Il écrit en effet : « Je vous disais dans mon introduction que

cette hypothèse définit la cause ultime de la création mythique comme l’effort des humains de créer, en vue d’un bonheur, une modélisation cohérente de l’ici-bas et de l’au-delà. » (M.-M. MÜNCH, « Le mythe et la littérature »,

p. 23.) Pour lui, le désir de bonheur, à « […] la quête du mieux-être, […] est la loi de tout vivant […] » (ibid., p. 24.) On pourrait supposer que cette affirmation de Münch cherche « le bonheur facile ». Il ne me semble pas qu’il en soit ainsi. Certes, il ne donne pas de définition explicite du bonheur ; il est très réticent par rapport à la souffrance. Mais son bonheur est autre chose que l’absence de souffrance. Il relève la frustration que le désir de connaître de l’être humain éprouve face à l’au-delà. L’être humains se sert alors de sa puissance fictionnelle – le terme de fiction n’ayant aucune connotation mensongère ou péjorative – pour se créer une représentation qui lui permette de se situer par rapport à la réalité. Ainsi le mythe n’est pas un jeu gratuit, une drogue ou un placebo ; il engage l’être humain existentiellement. Il me semble aussi trop facile de vouloir réduire la théorie de Münch à

Il s’agit donc de prévenir toute réduction, et de l’être humain (ainsi que de ses créations) et de l’histoire du salut et du Christ en particulier pour saisir le phénomène en lui-même tel qu’il se présente1. Aussi Balthasar ne ménage pas ses mots quand il dénonce tout ce projet comme une « […] une falsification de l’histoire […]2 ». Car c’est du cadre de l’histoire qui contient une « évidence » que partira sa propre théologie.

Au passant, le lecteur ne peut en effet ignorer l’hypotypose cynique traversant ces pages. Ainsi l’hésitation marquée par l’adverbe modélisateur « peut-être » en début de la présentation visait à éveiller l’attention critique du lecteur devant la présomption à construire une cohérence faisant défaut à l’Écriture sainte : en fin de compte ce serait l’être humain qui créerait sa cohérence et non pas la Révélation qui la lui offrirait. Aussi l’expression « […] construction éblouissante […] » se révèle-t-elle comme dénonciation sarcastique ; de même l’affirmation que ces recherches aboutissent à une correspondance incomparablement plus claire que « […] cette laborieuse mosaïque de textes que les évangélistes et après eux les

l’idée que les religions sont des moyens pour maîtriser notre peur devant ce qui nous échappe, ce qui est une réduction plutôt psychologisante insatisfaisante. Münch revendique que l’on rende « […]au mythe sa complexité. Il fait intervenir à peu près tout l’humain et tout son effort pour améliorer sa condition ou au moins pour l’accepter ». (ibid., p. 26.) Or Münch parle bien de son désir de savoir, ce qui est une quête – cependant continuellement, de multiple façon frustrée – de la vérité. La position que Balthasar adopte par rapport au mythe, soulignant son caractère fragmentaire, et son intégration dans une connaissance qui est en fait une relation ou alliance vivante, supraindividuelle me semble offrir une perspective plus qu’intéressante pour ne pas nier simplement la mise en question postmoderne d’une connaissance conceptuelle ou systématique complètement adéquate. De plus il me semble que la théorie de Münch n’est pas si éloignée de l’esthétique balthasarienne qui se fonde d’abord sur une métaphysique et prétend au général. Certes, Münch insiste pour dire qu’il ne se fonde pas sur une philosophie. Mais voyons cela d’un peu plus près. Münch affirme que l’être humain construit sa vie non seulement par rapport à la vérité, mais aussi par rapport au bonheur : « Le but de l’homme n’est pas de tourner en cercle autour du centre vérité, mais en ellipse autour des centres vérité et bonheur ». (M.-M. Münch,

L’Effet de vie, p. 241.) Il affirme en outre que l’être humain est capable de percevoir quelque chose qui lui donne

l’impression d’une « profondeur » particulière. Ne sommes-nous pas très proche de la circumincession des transcendants du beau, du bien et du vrai considérés comme caractéristiques de l’être lui-même, et non pas comme l’expression d’un système, sans que Münch les appelle ainsi ? La question mérite d’être approfondie. Enfin, toute approche excluant la possibilité que Dieu ou le divin se manifeste, serait athée – ce qui est une position scientifiquement non prouvable – au lieu d’être agnostique. Mais Dieu excède toujours la capacité de compréhension de l’être humain qui est comblé et frustré : si comprehendis, non est deus (Saint Augustin).

1 Voir encore GC 1, 393 : « Même l’axiome scolastique : quidquid recipitur, secundum modum recipientis

recipitur (ce qui en termes modernes, signifierait : requiert une précompréhension catégoriale ou existentielle),

ne peut porter atteinte à ce que nous venons de dire. Car le Christ, s’il est tel qu’il se donne, ne dépend d’aucune condition subjective qui pourrait l’empêcher de se rendre entièrement compréhensible aux hommes, ou inversement qui lui offrirait, sans sa grâce, des conditions suffisantes pour être reçu et compris. »

Pères de l’Église assemblaient sous le nom de “prophéties messianiques” et rapportaient à la vie du Christ1 » est-elle pleine d’ironie.

Une telle verve, une telle diatribe est-elle digne de Balthasar, d’un homme de prière ? A-t-elle sa place dans les présentations scientifiques ? N’est-elle pas un obstacle à une discussion objective des données ? Ne doit-on pas beaucoup aux travaux de l’école scandinave et à l’histoire générale et comparée des religions comme le montrent les travaux de Martin Noth ou Gerhard von Rad ? Or constater la violence de la réaction balthasarienne, voire l’approuver ne signifie pas mettre en doute le sérieux, la qualité et l’apport des travaux inspirés par l’histoire des religions ; relever l’indignation de Balthasar ne conduit pas nécessairement non plus à l’identifier à de l’orgueil personnel. Au contraire, il existe des moments où le style du théologien manifeste qu’on est en train de traiter de son métier qui lui assure un revenu, mais de ce qui fonde son existence et sa mission ecclésiales. Et dans ce cas-ci, il y va du fondement