• Aucun résultat trouvé

La figure du Christ comme accomplissement de l’histoire du salut

« L EBENSEFFEKT » ALS ALLGEMEINEM ÄSTHETISCHEN K RITERIUM UND L ESER

1.1 BIBLE, MYTHE ET FIGURE DE LA RÉVÉLATION

1.1.3 C ONTREPOINT : M YTHE ET FIGURE DE LA RÉVÉLATION

1.1.3.3 La figure du Christ comme accomplissement de l’histoire du salut

Balthasar ne se limite pas à une critique de l’exégèse fondée sur l’histoire des religions ; c’est en partant du témoignage des Écritures, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, qu’il propose au contraire une vision de leur unité et de la cohérence de l’histoire. Il s’agirait donc

de comprendre que les Écritures apportent leur propre clef de lecture. Mais comment la concevoir sans que l’on ne tombe dans le piège d’une « doctrine » qui les remplacerait à la fin ? Comment penser cette « clef » – comme une perspective ? comme une grille de lecture ? comme un point de fuite ? – et comment l’adopter ? Les travaux de l’école scandinave et notre question sur la place du mythe dans la Bible sont motivés par le besoin de comprendre l’unité de la Bible, cet ensemble d’écrits rédigés à différentes époques, et donc la cohérence intérieure d’une collection historique. Pour Balthasar, elle naît de l’orientation commune vers ce point de fuite qu’est la personne historique de Jésus, le Christ : lui seul réussit à unir les images, courants et théologies diverses des traditions, c’est de lui que parlent les Écritures1, c’est vers lui qu’elles conduisent. Elles sont donc animées d’un dynamisme interne par lequel elles se constituent comme témoignage spécifique, renvoyant intérieurement et ultimement au-delà d’elles-mêmes.

Il explique d’abord le dynamisme général, fondamentalement opposé à la structure herméneutique d’une interprétation mythique de l’histoire en ce que « […] le centre de gravité d’Israël se trouve toujours dans son élan continu vers l’avant […]2 » et non dans un retour répété à un passé intemporel ou historique. Israël est le peuple de la promesse et non pas celui de la nostalgie ou des mythes des temps primitifs. De fait, Israël doit toujours « […] repousser et renier […]3 » les mythes et les cultes étrangers : on ne peut guère comprendre comment l’école scandinave a pu au contraire poser une continuité quand les textes ne cessent de dire qu’Israël ne doit surtout pas participer au culte cananéen de la fécondité. Enfin, Israël ne remplace pas une image mythique par une autre – qu’elle ait été reçue des cultures environnantes ou qu’elle soit surgie de sa propre histoire ; il ne peut ni anticiper ni construire

1 Voir Lc 24, 27. 2 GC 1, 537. 3 GC 1, 538.

le point de fuite vers lequel il tend « […] sous forme d’image1 ». C’est bien l’affirmation du caractère fragmentaire, inachevé, incomplet de toute représentation humaine qui est affirmé ; c’est le côté iconoclaste d’Israël2 que l’on retrouve comme élément essentiel de l’Alliance et le refus de toute représentation statique limitant la relation à ce qui avait été.

Ainsi Balthasar peut distinguer trois grandes étapes avec leurs visions et images respectives « […] qui se succèdent et se relaient, de telle manière que chacune d’entre elles résulte de celle qui lui est antérieure, mais se trouve être, en même temps inconciliable avec toutes les précédentes3 ». Elles forment en quelque sorte un « […] éventail qui (comme dans les règnes naturels) laisse les formes subsister les unes à côté des autres, [une] totalité qualitative4 ». Dans la présentation des étapes qui vient illustrer son argument, il insiste en outre sur la représentation du temps.

La première étape contredit déjà l’idée d’un temps mythique même vertical, Israël inventant l’histoire comme une suite linéaire d’événements singuliers et irréversibles dans lesquels il reconnaît les manifestations salvifiques de Dieu5. Certes, le mythe connaissait un temps vertical, une intervention de Dieu dans l’histoire, mais il fallait toujours répéter de la même façon cette intervention ce qui la distingue d’une intervention libre dans un événement singulier.

La prophétie constitue une deuxième étape : l’époque de la grande prophétie transforme le simple souvenir de l’intervention de Dieu dans l’histoire passée en promesse de quelque chose

1 Ibid..

2 Voir Ex 20, 4 ; Dt 5, 8 et le commentaire de Balthasar, insistant sur l’explication à chercher dans le cadre de

l’Écriture sainte elle-même, dans GC 1, 529 : « […] on ne comprendra l’interdiction des images (quels que soient les parallèles de l’histoire des religions que l’on puisse mettre en lumière) d’une manière théologiquement correcte que si l’on découvre dans le renoncement exigé par Dieu à toute esthétique religieuse propre, son dessein relatif à l’histoire du salut, dessein de devenir lui-même l’imagier de son peuple, et de préparer à sa manière divine le chef-d’œuvre, l’image par excellence (2 Co 4, 4) ».

3

GC 1, 541.

4 GC 1, 543.

5 En note de bas de page, Balthasar fait référence à Gerhard vonRAD, Theologie des Alten Testamentes, 2 tomes,

München, Kaiser, 1960, t. II : Die Theologie der prophetischen Überlieferungen Israels, p. 112-125. Il se réfère au chapitre intitulé « Israels Vorstellungen von der Zeit und der Geschichte und die prophetische Eschatologie » comportant trois points qui correspondent à la périodisation que Balthasar reproduit.

de plus grand et plus haut, soulignant la place et la nécessité de la libre réponse du peuple de l’Alliance1. Ainsi la réalisation du salut – attendu dans un avenir proche – demande la disponibilité, l’obéissance de son peuple dont il exige de connaître « […] la situation historique, et […] la manière dont on peut la dominer en devinant et en adoptant la décision divine en elle2 ». Tout automatisme – tant de l’action de Dieu que de l’emprise humaine sur les puissances divines – et partant la tradition mythique sont exclus dans cette conception de l’histoire : Dieu est au contraire souverainement libre3. L’idée de l’eschaton, de la manifestation définitive de Dieu dans l’histoire prend ici naissance ; elle se développe de façon significative après la fin de la grande prophétie. Si l’attente est d’abord imminente, elle se transformera sous le poids théologique des différentes représentation du salut dans l’attente d’un monde complètement, vraiment différent. On en arrive alors à une déhistoricisation non pas de la situation présente du peuple au profit d’un passé mythique, mais du but vers lequel il se dirige si bien que le messie attendu n’est plus seulement un sauveur politique et dépasse aussi le serviteur souffrant du temps des grands prophètes : il doit au contraire venir de Dieu lui-même4.

Enfin, Balthasar évoque la troisième période dont il souligne d’emblée l’ambiguïté : « […] décadence et fixation dans le légalisme, le sapientiel et l’apocalyptique […] » y va de pair

1 Représenter le Sinaï comme une situation actuelle est encore insuffisant ; une telle démarche pourrait

précisément tourner à la mythisation de l’événement, à la réduction de l’action de Dieu à un schéma préétabli qui garantirait le salut à Israël. Or toute l’histoire du peuple dénonce une telle idée d’automatisme et montre aussi les croyant aux prises avec leurs conceptions qu’ils doivent réviser, approfondir, compléter par des aspects à première vue contradictoire.

2 GC 1, 539. 3

L’idée de l’expérience intérieure comme critère de révélation reste de même insuffisante par rapport à la liberté infinie de Dieu ; celle-ci doit s’exprimer dans une « figure objective de la révélation ». Voir GC 1, 363s. : « Si Dieu est infiniment Libre, si par conséquent il est la subjectivité infinie, qui ne peut en aucune manière être identifiée avec le sujet religieux humain, alors une révélation de Dieu peut se produire dans le sujet aussi intimement qu’on veut, Dieu demeure pourtant interior intimo meo, transcendant même dans sa manifestation. […] même la révélation la plus intime que Dieu fait de lui-même dans l’âme, toute spirituelle qu’elle soit, a une “figure” : expressions, illuminations, qui ne sont pas Dieu lui-même se révélant. »

avec « […] l’acquisition d’une distance suprême […]1 », contemplative et originelle ; une certaine intériorisation va de pair avec une universalisation. C’est encore la conception de l’histoire qui se transforme en une vision globale embrassant et le passé, le présent, l’avenir temporel et le nouvel éon constituant le but intrinsèque de tout le parcours. Si celui-ci peut être entrevu, aucune image n’en rend vraiment compte2. Il est plutôt représenté par une foule d’images qui ne manquent pas de grotesque puisqu’on nomme ainsi ce qui sort de l’ordinaire par sa difformité, par son fantastique. Il reste donc impossible de dégager une image synthétique de ces processus créatifs. La seule synthèse possible, c’est bien l’existence croyante : ce qui assure la continuité, c’est l’engagement dans l’Alliance et la configuration à la volonté de Dieu dans un moment historique spécifique. Rien de mécanique dans une telle attitude, mais un maximum de valeur accordée et à Dieu et à l’histoire concrète3.

Ayant terminé le parcours historique, Balthasar souligne encore l’incompatibilité et l’extrême tension de ces différentes représentations coexistant dans la tradition biblique : les différents éléments « […] qu’Israël conçoit et enfante successivement sont, humainement considérés, absolument disparates et inconciliables […] cette série de figures n’engendre elle-même aucune figure [totale…] elle requiert un accomplissement transcendant […]4 », conclut-il. Il faut donc un saut qualitatif5 qui détache la nouvelle figure de toutes celles qui la précèdent tout en gardant une continuité qu’il s’agira précisément de nommer à partir d’elle6.

1 GC 1, 541.

2 En ce qui concerne le caractère voilé de la connaissance du « monde nouveau », voir aussi GC 1, 515 : « […] la

figure chrétienne ne peut être embrassée du regard ici-bas et se déploie dans l’au-delà […] ».

3 Ce qui correspond à la forme de l’incarnation. Voir aussi GC 1, 526 soulignant l’impossibilité de réduire le

rapport entre l’histoire humaine et l’éternité, entre la nature divine et l’humanité « […] en formules achevées, parce que cette unicité est- elle-même le mystère de foi ».

4

GC 1, 542.

5 Cf. GC 1, 543.

6 Il n’est pas faux de voir dans la juxtaposition de styles différents et incompatibles entre eux une caractéristique

continue de la tradition chrétienne : voir p. ex. le début du chapitre consacré à G. M. Hopkins, dans GC 3, p. 231s., où Balthasar note qu’« [i]l n’est guère possible d’imaginer un plus grand contraste que celui qui existe entre Soloviev et Hopkins ; cependant ce dernier aussi exploite un grand héritage, d’une manière solitaire, souveraine, et lourde d’avenir ». Si les figures d’Israël trouvent leur unité dans le Christ qui est leur point de fuite, les grands styles chrétiens sont « […] touch[és] au centre par la gloire de la révélation divine et toutes

Pour illustrer ce qu’il entend par « saut qualitatif », Balthasar se réfère tant à Goethe contemplant le crâne de Schiller qu’à la succession des images vétérotestamentaires elles- mêmes ; il affirme encore que c’est un saut qui se distingue de toute évolution linéaire, intrinsèque, correspondant à celui de la création de l’être humain : comme celui-ci « […] émerge de la nature […] », celui-là « […] émerge de l’histoire du salut1 ». À chaque fois, il s’agit d’une continuité qui est située dans l’action de Dieu elle-même. Et Balthasar continue en comparant les « […] figures étagées […] de l’histoire du salut » avec « […] les résultats des grandes mutations dans le règne animal […]2 ». Enfin il conclue que « toutes les images typiques étant finies, chacune a sa place et sera indispensable à l’archétype3 » qu’est nul autre que le Christ. C’est lui l’universale concretum en qui toutes choses trouvent leur origine et leur accomplissement4 :

Jésus n’est pas renvoyé à [l’]histoire ; c’est lui qu’elle a pour objet et non pas l’inverse. Mais, du fait qu’elle le vise, elle lui appartient intérieurement, et on ne peut la comprendre que par lui.

Tous les aspects, éléments et dimensions de la révélation de Dieu dans l’histoire, tous ces fragments, trouvent en lui leur unité et leur intelligibilité : il est le principe de cohérence

cherchent à refléter cette impression à partir du centre ». (GC 2, 11.) Et là encore Balthasar souligne que ce livre, les dialogues entre les différents styles « […] ne forment ensemble aucun système qu’on pourrait dominer du regard. […] Seul naît un riche orchestre dont les divers instruments s’accordent les uns avec les autres : leur accord prouve qu’ils se règlent tous sur une partition unique (les dépassant tous, mais les comprenant) ». Cette dernière citation (GC 2, 19.) explique le principe qui permet « […] cette concordance dans l’opposition […] » (ibid..) des styles et illustre encore une fois le saut qualitatif par lequel le principe unificateur doit se distinguer de toutes les expressions humaines originelles.

1 Ibid.. 2 Ibid.. 3 GC 1, 544.

4 GC 1, 525. C’est le principe fondamental de la théologie de l’histoire de Balthasar. Pour une présentation de

cette pensée dans son ouvrage La Théologie de l’histoire, voir S. HARTMANN, Christo-Logik der Geschichte, p. 102-210.

auquel il faut tout rapporter1. C’est pourquoi on peut considérer la théologie balthasarienne comme la tentative de tout intégrer par rapport au Christ2.

Balthasar termine ses réflexions en comparant différentes façons que la tradition connaît pour unir et distinguer les deux plans, celui de la promesse et celui de l’accomplissement, à savoir les couples littera et spiritus, ou type et antitype, ou encore les deux éons. À chaque fois, il souligne les possibles méprises réductrices3 qui pourraient s’opposer à ce qu’il convient de souligner : ce peuple, cette tradition ne connaissent pas de figure fermée sur elle-même. Ils sont continuellement renvoyés au-delà d’eux-mêmes vers ce Dieu qui s’est librement révélé. Si la nouvelle et l’ancienne Alliance se correspondent, il n’y aucune évolution linéaire, aucun dépassement automatique, aucune systématisation qui pourrait en montrer la nécessité. Aucun système ne sait embrasser le tout, chaque système, chaque synthèse qui fonctionne trop bien connaît des apories dès qu’elle est confrontée à la réalité. L’Alliance nouvelle, fondée en celui qui s’est fait semblable à nous en toutes choses jusqu’à se faire péché pour nous, cette Alliance vécue seule permet d’intégrer, d’assumer tout ce qui fait partie de la vie humaine.

1 Voir ibid..

2 Voir Hans Urs von B

ALTHASAR, Einfaltungen. Auf Wegen christlicher Einigung, Einsiedeln, Johannes Verlag

Einsiedeln, coll. « Kriterien » N° 73, 1988 (4e éd. ; 1re éd. München, Kösel Verlag, 1971), traduction française

publiée sous le titre Retour au centre, Paris, Desclée de Brouwer, 1971. Le titre de l’article de Alois M. HAAS, « “Christianisierung alles Geistigen”. Hans Urs von Balthasars stille Provokation », in : Magnus STRIET et Jan

Heiner TÜCK (éd.), Die Kunst Gottes verstehen. Hans Urs von Balthasars theologische Provokationen, Freiburg

i. B., Basel, Wien, Herder, 2005, p. 7-27, met déjà en évidence l’aspect apparemment insolite d’une telle approche qui, dans le cadre de la modernité, part encore d’un apriori théologique et cherche à évangéliser la culture. Mais il ne s’agit pas de détruire ce qui se trouve dans le monde, mais de l’amener à sa vérité et plénitude. Aussi Balthasar ne va-t-il pas simplement condamner les autres religions et les aspirations spirituelles humaines. Puisque « […] la nature dans son entier est intérieurement finalisée par rapport au surnaturel, qu’elle le veuille ou non, qu’elle le sache ou non […] les principales orientations de la vie moderne de l’esprit [peuvent être] assumées dans l’élément chrétien. L’“élément religieux dans l’humanité” se tient inconsciemment, en son entier, dans la lumière de la grâce et de la rédemption : sur tous les chemins religieux, l’homme peut trouver le Dieu de la grâce. C’est le baptême de la théologie libérale […] ». (Hans Urs von Balthasar, « 1965. Reddition de comptes », in : id., À propos de mon œuvre. Traversée, traduit de l’allemand par Joseph Doré et Chantal Flamant, Bruxelles, Éditions Lessius, 2002, p. 41.) Ces affirmations touchent évidemment aussi le mythe comme expression de « l’élément religieux de l’humanité ». Plus critique par rapport à l’approche balthasarienne, Magnus STRIET, « Wahrnehmung der Offenbarungsgestalt. Annäherungen an die Ästhetik Hans Urs von

Balthasars », in : id. et J. H. TÜCK (éd.), Die Kunst Gottes verstehen, p. 55s.. Voir aussi l’article de Holger

ZABOROWSKI, « Katholische Integration. Zum Verhältnis von Philosophie und Theologie bei Hans Urs von Balthasar », in : M. STRIET et J. H. TÜCK (éd.), Die Kunst Gottes verstehen, p. 28-53.

1.1.3.4 Bilan

Dans le contexte analysé, le concept du mythe ne se limitait donc pas au monde grec. Son emploi par l’école scandinave n’était pas abstrait, mais il s’agissait d’un récit spécifique dont elle avait cherché à reconstruire une version originelle. Celle-ci et ses différentes variantes pourraient être considérées comme des actualisations littéraires, religieuses, cultuelles et politiques du schéma général que Münch a proposé. Aussi Balthasar peut-il y associer à plusieurs reprises le terme d’image au concept de mythe.

Ce que Balthasar reproche aux exégètes qu’il cite, ce n’est pas de voir dans la Bible des mythes. De nombreuses fois il insiste que la Bible est un livre syncrétique dans le sens que tout l’héritage culturel peut être intégré, élevé et trouver sa place dans le plan de Dieu. De fait, la Révélation qui est rencontre, alliance et communion intime avec le Dieu vivant dans l’histoire ne se conforme pas simplement aux catégories existantes, elle les transforme1 :

Quand la Bible emploie des schèmes inhérents à la conception humaine du monde, c’est certainement aussi pour corriger le caractère absolu qui leur a été indument conféré par suite de la déchéance originelle, mais tout autant pour achever, en l’élevant, l’élément inchoatif que sont les schèmes anthropomorphes.

Balthasar a montré que l’Ancienne Alliance n’apporte pas de figure totale elle-même ; elle n’est pas une simple variante d’un mythe originel ; refusant toute possibilité d’anticiper par un schéma quelconque la révélation de Dieu, elle casse au contraire « […] la totalité qu’est l’image mythique […]2 » et devient ainsi une « […] médiation entre le mythe et le Christ […]3 » qui est la libre manifestation de la gloire, bonté et vérité de Dieu à sa créature.

Ainsi l’approche de Balthasar est essentiellement théologique : l’Écriture sainte témoignant de la rencontre avec Celui qui dépasse toutes les catégories humaines ne doit pas être réduite à

1 GC 1, 516. 2 GC 1, 538. 3 GC 1, 546.

celles-ci : elle offre au contraire un corps expressif spécifique dont il faut saisir la dynamique, l’expressivité, la complexité propres : en un mot, son style. C’est l’Écriture elle-même qui revoie au-delà d’elle-même vers le messie attendu qui n’est nul autre que le Christ.

Balthasar ne se cantonne pas à une argumentation heuristique ; en effet il montre que les exégètes scandinaves n’ont pas respecté les sources. De plus il a souligné le changement dans la perception du temps : si l’idée d’un mythe originel ne limitait pas seulement l’imaginaire à son cadre, elle reportait surtout toute interprétation du moment historique à des conceptions situées dans le passé, à un schéma qui se reproduirait continuellement. Or le juif, et le chrétien à sa suite, doit discerner à chaque moment quel est l’appel du Seigneur et comment y répondre. Ceci ne le prive pas de la référence au passé, mais elle devient l’assurance que Dieu qui est fidèle ne manquera pas de témoigner de son amour dans l’aujourd’hui et à la fin des temps, pour l’individu comme dans l’absolu, tout en demandant à l’être humain d’entrer dans la relation d’Alliance et d’y faire entrer la création, ce qui fonde le projet d’intégration de Balthasar.

C’est à partir de là que l’on peut tenter de développer quelques points de repère pour une synthèse sur le « mythe biblique ».

1.1.4 CONCLUSION

Quelques références néotestamentaires semblaient transformer l’expression mythe biblique en une contradictio in terminis. On peut comprendre le Sitz im Leben de la réaction très vive de Saint Paul et de son combat passionné pour la foi chrétienne et son expression dans la vie quotidienne de la jeune Église.

André Paul à retracé dans son étude historique la genèse du Livre juif. Dans ce contexte, une définition structuraliste et ethnologique du concept du mythe telle que Münch l’a développée, s’est avérée utile : elle a permis de montrer comment le masternarrative de l’Exil allait de pair avec dans la création d’une identité et d’une mémoire.

Il est certain que l’être humain cherche individuellement et communautairement la cohérence dans la vie. Ce processus continu inclut une relecture du présent à la lumière du passé et du