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P RÉSENTATION DE L ’ UNITÉ DE SOINS ÉTUDIÉE : LE S ERVICE D ’A CCUEIL DES U RGENCES V ITALES

3.2.2. Organisation interne de l’unité

L’organisation interne de l’unité s’apparente à celle d’un Trauma Center. Un Trauma Center une structure capable de prendre en charge en permanence des patients polytraumatisés sur un site unique. Dans cette configuration, ce sont les ressources qui vont au patient et non le patient qui est amené aux ressources pour le traiter. Le SAUV est donc opérationnel jour et nuit, avec le même effectif quelle que soit l’heure du jour et de la nuit. Une représentation schématique du SAUV (voir Figure 17 p. 167) permet de visualiser les trois zones d’activités principales : le déchocage avec quatre places, la SSPI avec six places, et les soins intensifs (ICU) avec huit places réparties en deux zones de quatre lits chacune (dont une chambre avec un sas de décontamination). Si les soins intensifs sont sous la forme classique de huit chambres fermées, le déchocage et la SSPI sont des espaces ouverts permettant une plus grande modularité (voir Figure 15 et Figure 16).

Figure 16 – Place de déchocage standard

Source : http://www.foures.fr

En sus de ces trois zones d’activités principales, trois zones supplémentaires peuvent également être décrites. Une première zone concerne le support direct à la prise en charge du patient (les zones colorées en violet dans la Figure 17 p. 167). Le Poste de Commandement (PC) médico-infirmier est le lieu pivot de l’unité de soins. C’est ici que se discutent les cas, les situations et leurs évolutions. La mise à disposition de plusieurs ordinateurs permet de consulter le dossier des patients, de faire des recherches, d’accéder à la documentation et aux procédures de soins. Un point d’accès au réseau de transport par pneumatique – le Transport Automatisé Léger, TAL – permet également d’envoyer les prélèvements au laboratoire d’analyse médicale du CHU. La pharmacie de l’unité assure l’accès rapide aux produits et médicaments couramment utilisés lors des soins. Outre le stock de médicaments et deux réfrigérateurs pour la conservation de certains produits, c’est également le point d’envoi et de réception par pneumatique des Produits Sanguins Labiles (PSL). Enfin, une réserve permet d’accéder rapidement aux fournitures médicales contenues dans les différents chariots de soins de l’unité.

La deuxième zone secondaire comprend la zone d’accueil des accompagnants et les locaux réservés au personnel (les zones colorées en jaune dans la Figure 17 p.167). La prise en charge d’un patient n’est pas qu’une prise en charge technique de l’individu mais inclut la prise en charge des accompagnants du patient. Ainsi, une salle d’attente leur est réservée et une salle d’entretien permet d’informer les accompagnants de la situation et de ses évolutions (voir Encadré 26). Les locaux du personnel comprennent une partie administrative avec un bureau vacant, le bureau du cadre de santé et une salle de réunion. Enfin, la salle de garde – ou la salle de repos – est le local où le personnel infirmier et aide-soignant se restaure et prend ses pauses. Si les médecins partagent parfois leur pause dans cette salle, il ne s’agit pas de la salle de repos des médecins, qui, elle, est délocalisée au niveau de la zone administrative du pôle à proximité des bureaux personnels des médecins.

Encadré 26 – L’accès des accompagnants aux zones du SAUV

Il n’y a pas de visites autorisées en salle de déchocage même si des exceptions restent possibles – notamment pour les enfants. Trois raisons expliquent cette interdiction :

- Il s’agit d’une salle commune et non de boxes afin d’avoir une modularité importante. Même si des paravents sont disponibles, ils ne sont là que pour délimiter symboliquement les places.

- La situation d’urgence vitale inhérente à la prise en charge dans ce service ne laisse pas la place à un accompagnant face au nombre de personnes autour du patient à ce moment-là.

- La gravité des blessures et les gestes pratiqués peuvent avoir un impact traumatique sur les accompagnants qui en seraient témoins.

Si les visites sont interdites en salle de déchocage, un entretien a néanmoins lieu avec les accompagnants une fois la prise en charge initiale effectuée.

Concernant la SSPI, les visites sont interdites, en dehors des accompagnants pour les enfants. Lors d’une intervention en ambulatoire, les accompagnants majeurs sont autorisés à entrer en SSPI afin d’assister le patient et de signer la décharge autorisant le patient à quitter l’unité.

La zone de soins intensifs correspond à une hospitalisation dans une chambre. Les visites sont donc possibles mais uniquement l’après-midi. Là encore, certaines exceptions sont possibles, notamment pour les patients en fin de vie. Par ailleurs, une discussion s’est engagée au sein de l’équipe afin de permettre les visites toute la journée.

Enfin, la dernière zone que nous pouvons définir est la zone de passage (la zone colorée en gris dans Figure 17 p.167). Bien qu’il ne s’agisse pas d’une zone d’activité à proprement parler, cet espace interconnecte l’ensemble des locaux et permet un double flux de circulation des patients et du personnel. C’est également le lieu de stockage du matériel commun à l’ensemble de l’unité, tel que le chariot d’urgence vitale (avec le défibrillateur et les autres éléments nécessaires à la prise en charge d’un arrêt cardio-respiratoire), les armoires de linge des chambres, etc.

Figure 17 – Représentation schématique du SAUV

Les médecins qui composent l’unité sont des anesthésistes-réanimateurs. Outre les Praticiens Hospitaliers (PH) en poste, il y a également des internes en anesthésie- réanimation35 qui changent chaque semestre. Au sein du SAUV, il y a en permanence un praticien hospitalier et un interne. Les autres praticiens hospitaliers de l’unité sont répartis dans les blocs opératoires des urgences et dans le pôle de l’Urgence – notamment l’UHCD – pour effecteur les consultations pré-anesthésiques. Les internes, dont le nombre peut varier d’un semestre à l’autre, sont généralement répartis comme suit : un interne au SAUV, deux internes dans les blocs opératoires des urgences, un interne en UHCD (soit quatre internes avec une rotation hebdomadaire de la répartition). Un des praticiens hospitaliers assume également les fonctions de responsable d’unité. Au niveau de l’organisation du temps, la répartition des plages horaires se fait sous la forme de journées de travail et de gardes afin d’assurer en permanence une continuité de service (voir Tableau 21).

35 L’internat en médecin varie de trois à cinq ans selon les spécialités. Pour l’anesthésie, il s’agit d’un internat de cinq ans (dix semestres)

Tableau 21 – Organisation horaire des médecins

Lundi - Vendredi 8h00 - 17h00 17h00 - 8h00 (J+1)

Samedi 8h00 - 12h00 12h00 - 10h00 (dimanche)

Dimanche / Jour Férié 10h00 - 08h00 (J+1)

Nota : l’amplitude horaire des gardes est de 22 heures le week-end, ainsi que les jours fériés, et de 15 heures les autres jours. L’amplitude horaire maximale peut être de 24 heures si le médecin débute sa journée à 8 heures puis poursuit avec sa garde jusqu’au lendemain.

Le personnel soignant est composé des infirmiers et des aides-soignants propres à l’unité. La répartition du personnel au sein du SAUV se fait dans les différentes zones d’activité : un infirmier et un aide-soignant en charge du déchocage, un infirmier et un aide-soignant en SSPI, trois infirmiers et deux aides-soignants pour les soins intensifs. Un cadre de santé est présent au sein du SAUV et assure le rôle de manager de l’équipe soignante. À la différence des médecins, l’organisation du travail du personnel soignant ne fonctionne pas sur un système de garde mais par une rotation horaire entre matin, après-midi et nuit (voir Tableau 22).

Tableau 22 – Organisation horaire des infirmiers et des aides-soignants

Matin Après-midi Nuit

Tous les jours 06h30 - 13h30 (7h) 13h30 - 20h30 (7h) 20h30 - 06h30 (10h)

Il existe par ailleurs d’autres personnels composant l’équipe. Un psychologue a pour rôle d’accompagner les patients, les accompagnants mais également les soignants face aux situations rencontrées dans l’unité, ainsi qu’un rôle dans l’amélioration des pratiques. C’est par exemple au travers d’un travail avec le psychologue et l’équipe soignante que la prise en charge des accompagnants a été profondément modifiée afin de mieux informer. Des infirmiers-anesthésistes (IADE) sont affectés au pôle de l’Urgence et sont majoritairement présents dans les blocs opératoires des urgences. Un des IADE assiste le médecin du SAUV pour le transport des patients vers les examens et le bloc opératoire des urgences. Enfin, de manière intermittente, des externes (voir Figure 18) ou des médecins en stage pour des formations liées à l’urgence sont présents dans l’équipe.

Figure 18 – Cycle d’étude en médecine

Source : Faculté de médecine Paris Descartes

En dehors de l’équipe interne, d’autres acteurs participent à la prise en charge d’un patient au sein de l’unité. Tout d’abord, les personnels en amont de la prise en charge par le SAUV assurent les premiers soins sur le terrain, le transport et la transmission des informations en leur possession sur l’état de santé du patient. Il s’agit notamment des équipes de SMUR et des sapeurs-pompiers pour les entrées depuis l’extérieur de l’hôpital. Au sein de l’unité, les médecins de différentes spécialités médicales viennent pour étudier le cas du patient et accepter un transfert ou un acte chirurgical. Par exemple, suite à l’arrivée d’un patient ayant eu un accident de voiture, le médecin de l’unité téléphone au chirurgien orthopédiste pour qu’il vienne examiner le patient afin de planifier un éventuel geste chirurgical. Enfin, le personnel des services généraux de l’hôpital – les agents des services hospitaliers (ASH) – assure un rôle dans le transport des patients (brancardiers), le nettoyage des lieux ne faisant pas l’objet de soins, la blanchisserie, etc.

Afin de mieux visualier le fonctionnement et les interactions possibles entre les différentes zones d’activités de l’unité, il est intéressant de présenter le flux de patients36 dans l’unité (voir Figure 19). Le flux principal se fait au niveau du déchocage puisque la très grande majorité des entrées initiales de patients se fait dans cette zone. Les patients arrivés sont également transportés à l’extérieur de l’unité – pour des examens ou pour aller au bloc opératoire – au travers du même sas d’entrée. Mais d’autres accès permettent un flux externe. Ces accès secondaires concernent notamment les transferts de patients en brancard depuis les soins intensifs, l’accès à la SSPI depuis les blocs opératoires – qui ne sont séparés de cette zone que par un couloir – et l’accès aux accompagnants à la salle d’attente. Enfin, au sein de l’unité, il est possible de modéliser un flux interne qui permet de mettre en valeur les interconnexions possibles entre les différentes zones d’activités afin de déplacer des patients ou mobiliser rapidement les ressources nécessaires à une prise en charge.

Figure 19 – Représentation schématique du SAUV avec les flux de personnes

Dans ce chapitre, nous avons présenté la cohérence et la compatibilité entre notre terrain d’étude et notre question de recherche au croisement de la complexité, de l’incertitude, de la pression temporelle de l’urgence et des conséquences en cas de défaillance. Notre étude

s’intéresse sur ce terrain aux pratiques permettant le maintien de la fiabilité et leur articulation pour assurer ce maintien selon les situations rencontrées. Notre projet de recherche s’inscrit donc dans cette réflexion de comprendre plus finement le maintien de la fiabilité dans les unités de soins, compte tenu du système de santé dans lequel elles évoluent (Sutcliffe, Paine, & Pronovost, 2017, p. 248) :

Regardless, high reliability remains elusive. One explanation is that organisations have failed to widely institutionalise high-reliability habits of thought and action. A second explanation is that low reliability persists because healthcare lacks a solid understanding of some fundamental underpinnings of highly reliable performance.

Without a deeper, more nuanced understanding of these foundations, possible gains that can be made will not materialise or the gains made will be lost.

À ce titre, il apparaît nécessaire de constituer un dispositif méthodologique adapté à notre question de recherche ainsi qu’aux spécificités du terrain. Il s’agit notamment de pouvoir saisir les pratiques en situation dans une approche au quotidien. La dynamique des situations et la variance de l’activité nécessitent également de pouvoir adapter notre dispositif de collecte et d’analyse des données à ces contraintes afin de comprendre au mieux l’activité du service de soins constituant notre terrain de recherche.

Résumé du chapitre 3 :

En nous intéressant à la compréhension des processus de maintien de la fiabilité organisationnelle, le choix d’un terrain d’étude empirique représente une étape importante. Au-delà des secteurs traditionnellement étudiés – militaire, nucléaire, aviation –, d’autres secteurs peuvent apporter de nouveaux éléments dans la compréhension des processus assurant la fiabilité d’une organisation.

Le secteur de la médecine apparaît comme pertinent à étudier, où l’enjeu de fiabilité y est représenté par la sécurité du patient. À ce titre, le rapport To Err Is Human constitue une étape importante dans la reconnaissance de l’objectif de fiabilité pour la médecine et de la place de l’erreur et du facteur humain. Notre approche nous amène à rechercher un terrain d’étude réunissant un impératif d’action lié à l’urgence médicale, un enjeu important en cas de défaillance et une complexité liée à l’inattendue et la volatilité de l’activité.

Un Service d’Accueil des Urgences Vitales (SAUV) réunit ces trois caractéristiques. Cette unité fait partie d’un CHU au sein d’un pôle de l’Urgence et a pour objectif de traiter les urgences vitales du pôle d’activité. Pour cela, le SAUV est structuré autour de 3 zones d’activités principales : une salle de déchocage, un Salle de Surveillance Post- Interventionnelle (SSPI) et des chambres de soins intensifs.

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