II. Courbes elliptiques
5. Organisation du livre
Notre objet est de g´en´eraliser nos r´esultats sur les courbes elliptiques en dimension quel-conque.
Plongement des tores complexes dans un espace projectif et fonctions thˆeta(§1 et§2).
Contrairement `a ce qui se passe en dimension1, la plupart des tores complexes n’admettent pas de plongement holomorphe dans un espace projectif. Ceux qui ont cette propri´et´e sont ap-pel´esvari´et´es ab´eliennes. Les fonctions qui nous permettront de construire ces plongements seront encore desfonctions thˆeta.
Diviseurs et th´eor`eme de Riemann–Roch(§3). On d´efinira la notion de diviseur sur une vari´et´e complexeX. Toute fonction m´eromorphe surXa un diviseur, qui est dit principal ; on note encorePic(X)le groupe des diviseurs modulo le sous-groupe des diviseurs principaux.
LorsqueXest une vari´et´e ab´elienne, nous construirons un sous-groupePic0(X)dePic(X), qui est encore unevari´et´e ab´elienne isog`ene `aX(cf.I.2.4). Nous calculerons aussi la dimen-sion des espaces vectorielsL(D)`a l’aide des fonctions thˆeta ; ils s’interpr`etent comme des espaces de sections de fibr´es en droites, et sont ´etroitement li´es aux plongements des vari´et´es ab´eliennes dans des espaces projectifs.
Espaces de modules(§4). Il y a deux parties que nous g´en´eraliserons : d’une part trouver un espace qui param`etre les classes d’isomorphisme de vari´et´es ab´eliennes polaris´ees (l’ana-logue deSL2(Z)\H), d’autre part r´ealiser cet espace comme vari´et´e alg´ebrique (ce que l’on a fait pour les courbes elliptiques au moyen de la fonctionJ). Ce sont encore les fonctions thˆeta qui nous permettront de traiter ce dernier point.
Exercices
II.1. — a) Montrer la formule d’addition
℘(z1+z2) +℘(z1) +℘(z2) =1 4
℘0(z1)−℘0(z2)
℘(z1)−℘(z2) 2
, valable pourz16=±z2.
b) Montrer que cette formule a l’interpr´etation g´eom´etrique suivante : soientp1,p2etp3 des points sur la cubiqueCdu th´eor`eme 1.6 ; pour quep1+p2+p3= 0dansE, il faut et il suffit quep1,p2etp3soient align´es.
II.2. — SoitDun diviseur de degr´edsur une courbe elliptique. Le th´eor`eme de Riemann–Roch (th´eor`eme 3.3) calcule la dimension de l’espace vectorielL(D)lorsqued≥1. Calculer cette dimension dans les autres cas (d≤0).
II.3. — Montrer que toute fonction thˆeta qui ne s’annule en aucun point est une fonction thˆeta triviale au sens de l’exemple 2.2.1) (Indication :montrerlogϑ(z) =O(1 +|z|2)).
II.4. — Montrer qu’il existe des constantesaetctelles que l’on ait, pour toutz, σ(z) =eaz2+cϑh1/2
1/2 i
(z).
II.5. — Int´egrales elliptiques.Soientδ1etδ2des r´eels strictement positifs ; notonsΓle r´eseauδ1Z⊕iδ2Zdans C. On pose comme d’habitudeγ1=δ1,γ2=iδ2etγ3=δ1+iδ2.
a) Montrer queg2etg3, ainsi que lesej=℘(γj/2)pourj= 1,2,3, sont r´eels. De plus, on ae1> e3> e2. Montrer que∆est strictement positif.
b) ´Etudier les variations de la fonction r´eelle de variable r´eellet7→℘(t). d) On adopte les notations de 2.7, p. 17, et de la proposition 2.8. Montrer les ´egalit´es
Z π II.6. — On adopte les notations de 2.7, p. 17, et de la proposition 2.8.
a) Pour toutjet toutkdans{0,1}, montrer l’´egalit´e
ϑjk(z) =e2iπj(τ8+z2+k4)ϑ00(z+1
2(k+τ j)).
b) Montrer la relation
ϑ201=βϑ200+αϑ211
(Indication :les deux membres sont des fonctions thˆeta paires de mˆeme type, nulles en0et prenant la mˆeme valeur en12(1 +τ)).
c) Montrer les relations
ϑ210=αϑ200−βϑ211 et ϑ200=βϑ201+αϑ210 (Indication :appliquer la relation de b) enz+12(1 +τ), puis enz+12, et utiliser a)).
d) En d´eduire la relation de Jacobi
ϑ00(0)4=ϑ01(0)4+ϑ10(0)4.
II.7. — On adopte les notations de 2.7, p. 17, et de la proposition 2.8. On poseq=e2iπτ, de sorte que ϑ00(z) = X
m∈Z
q12m2e2iπmz. a) Montrer qu’il existe un nombre complexectel que l’on ait pour toutz
ϑ00(z) =c (Indication :les deux membres ont les mˆemes p´eriodes et les mˆemes z´eros).
b) Montrer l’´egalit´e
II.8. — a) Montrer que toute fonction elliptique paire est une fraction rationnelle en℘. En d´eduire que le corps des fonctions d’une courbe elliptique est isomorphe `a
C(℘, ℘0)'C(X)[Y]/(Y2−4X3+g2X+g3).
b) Montrer que toute fonction elliptique est quotient de deux fonctions thˆeta.
II.9. — Montrer que l’invariant modulaire de la cubique plane d’´equationY2Z=X(X−Z)(X−λZ)est j= 28 (λ2−λ+ 1)3
λ2(λ−1)2 .
En d´eduire une expression dejen fonction deϑ10(0)etϑ01(0)(notations de 2.7, p. 17).
EXERCICES 23
II.10. — Calculer directementj(e2iπ/3)etj(i).
II.11. — On rappelle que pour toutτdansH, on a a) Donner le d´eveloppement en s´erie enti`ere enq=e2iπτdes fonctions
X
b) En d´eduire le d´eveloppement en s´erie enti`ere enqdes fonctionsg2(τ)etg3(τ)(on pourra utiliser les fonctions σr(k) =P
II.12. — Soientτun ´el´ement deH etEτla courbe elliptique associ´ee.
a) Montrer que l’anneauEndEτdes endomorphismes deEest une extension enti`ere deZet que – soitEndEτest isomorphe `aZ;
– soitQ(τ)est une extension quadratique imaginaire deQ.
(Indication :EndEτest isomorphe au sous-anneau{α∈C|αΓτ ⊂Γτ}deC).
b) Soitmun entier strictement positif sans facteur carr´e. Montrer que l’anneauEndE√−mest isomorphe `a Z[√
−m].
c) Montrer que le groupeAutEτ des automorphismes deEτ est un groupe cyclique `a2,4ou6´el´ements (Indication :siαest inversible dansEndEet diff´erent de±1, montrer queαest de module1et de partie r´eelle demi-enti`ere).
d) Si le groupeAutEτa4´el´ements, montrer queEτest isomorphe `aEi(Indication :choisirτavec|Reτ| ≤ 1/2et|τ| ≥1).
e) Si le groupeAutEτa6´el´ements, montrer queEτest isomorphe `aEω, avecω=e2iπ/3.
CHAPITRE III
FORMES DIFF ´ ERENTIELLES ET COHOMOLOGIE DE DE RHAM
SoitX une vari´et´e compacte complexe ; on s’int´eresse aux conditions sous lesquelles il existe un plongement deX dans un espace projectif, c’est-`a-dire une application ho-lomorpheX → Pn injective, et dont l’application tangente est injective en tout point (cf.
exerc. I.4, p. 9). Nous d´egageons dans ce chapitre une condition n´ecessaire : l’existence d’un tel plongement entraˆıne celle surXd’une forme diff´erentielle ferm´ee de type(1,1), d´efinie positive et enti`ere (dite forme de K¨ahler enti`ere). Nous admettrons l’existence de la th´eorie de l’homologie singuli`ere pour montrer que la forme de Fubini-Study sur l’espace projectif est d’int´egrale enti`ere sur toute sous-vari´et´e ferm´ee.
1. Formes altern´ees
SoientV un espace vectoriel r´eel de dimensionnetrun entier naturel. On noteVr
V∗ l’espace vectoriel desr-formes multilin´eaires altern´ees surV. Si`1, . . . , `rsont des formes lin´eaires surV, lar-forme multilin´eaire
(x1, . . . , xr)7−→ X
σ∈Sr
ε(σ)`1(xσ(1))· · ·`r(xσ(r)) est altern´ee ; on la note`1∧ · · · ∧`r. On a par exemple
(`1∧`2)(x, y) =`1(x)`2(y)−`1(y)`2(x).
Si(e1, . . . , en)est une base deV et(e∗1, . . . , e∗n)la base duale deV∗, les(e∗j1∧ · · · ∧e∗jr), pour1 ≤j1 <· · · < jr ≤n, forment une base deVr
V∗, qui est donc de dimension nr . Tout ´el´ementωdeVr
V s’´ecrit
ω= X
1≤j1<···<jr≤n
ω(ej1, . . . , ejr)e∗j1∧ · · · ∧e∗jr.
L’espace vectoriel r´eel desr-formesR-multilin´eaires altern´ees surV `a valeurs dansCest muni d’une structure deC-espace vectoriel de dimension nr
; on le noteVr
VC∗.
Soit V un espace vectoriel complexe de dimension g. L’espace vectoriel r´eel VC∗ des formes R-lin´eaires deV dansC est muni d’une structure d’espace vectoriel complexe de dimension2g; les formesC-antilin´eaires surV forment un sous-espace vectoriel complexe de dimensiongnot´eV∗. On aVC∗'V∗⊕V∗. Si(e∗1, . . . , e∗g)est une base deV∗, la famille (e∗1, . . . , e∗g)est une base deV∗.
Pour tous entiers positifspetqde sommer, on note Vp,q
V∗ le sous-espace vectoriel complexe deVr
VC∗engendr´e par les`1∧ · · · ∧`p∧`01∧ · · · ∧`0q, pour`1, . . . , `pdansV∗ et`01, . . . , `0qdansV∗. Les formes dansVp,q
V∗sont dites de type(p, q). Les formes de type (r,0)sont lesr-formes altern´eesC-multilin´eaires. On a une d´ecomposition
(6) ^r
VC∗= M
p+q=r
^p,q V∗
en somme directe de sous-espaces vectoriels complexes. Les formes e∗j1∧ · · · ∧e∗jp∧e∗k1∧ · · · ∧e∗kq,
pour1 ≤ j1 < · · · < jp ≤ get1 ≤ k1 < · · · < kq ≤ g, forment une base de l’espace vectoriel complexeVp,q
V∗.
1.1. — Regardons de plus pr`es ce qui ce passe pourr= 2. On peut caract´eriser les formes de type(1,1)par la propri´et´e
ω(ix, iy) =ω(x, y)
pour toutxet touty dansV (les formesωde type(2,0)ou(0,2)satisfont `aω(ix, iy) =
−ω(x, y)). Pour qu’une formeωde type(1,1), qui s’´ecrit en coordonn´ees ω=iX
j,k
ωjke∗j∧e∗k,
soitr´eelle, c’est-`a-dire qu’elle soit `a valeurs dansR, il faut et il suffit queω=ω, c’est-`a-dire que la matrice(ωjk)soit hermitienne. De fac¸on plus intrins`eque, on peut associer `a toute formeωr´eelle de type(1,1)une forme hermitienneHsurV par la formule
H(x, y) =ω(x, iy) +iω(x, y)
(C-lin´eaire `a droite et C-antilin´eaire `a gauche). Inversement, `a toute forme hermitienneH surV, on associe la forme altern´eeImH, r´eelle de type(1,1).
1.2. — On dit queωestd´efinie positivesiH l’est, c’est-`a-dire siω(x, ix)>0pour toutx non nul ; on dit queωestpositivesiω(x, ix)≥0pour toutx.
2. Formes diff´erentielles et cohomologie de de Rham
SoitV un espace vectoriel r´eel de dimensionn. On appeller-forme diff´erentieller´eelle (resp. complexe) sur un ouvertU deV une fonctionω de classeC∞deU `a valeurs dans Vr
V∗(resp. dansVr
VC∗). Si on choisit des coordonn´eesx1, . . . , xnsurV (c’est-`a-dire en fait une base deV∗), on notera dx1, . . . , dxn leurs diff´erentielles, consid´er´ees comme des
2. FORMES DIFF ´ERENTIELLES ET COHOMOLOGIE DE DE RHAM 27
´el´ements deV∗(ce sont `a strictement parler des fonctions constantes deV dansV∗). Toute r-forme diff´erentielle r´eelle (resp. complexe) s’´ecrit alors
ω(x) = X
1≤j1<···<jr≤n
ωj1···jr(x)dxj1∧ · · · ∧dxjr, o`u lesωj1···jrsont des fonctions deUdansR(resp. dansC) de classeC∞.
SoitUun ouvert deV, soitU0un ouvert d’un espace vectoriel r´eelV0de dimensionn0et soitF :U →U0une application de classeC∞. Pour toute forme diff´erentielleωsurU0, on d´efinit la forme diff´erentielleF∗ωsurUpar(1)
F∗ω(x)(v1, . . . , vr) =ω(F(x))(TxF(v1), . . . , TxF(vr)). applicationR-lin´eaire deV dansC. C’est la1-forme diff´erentielle complexedfdonn´ee dans un syst`eme de coordonn´ees par
On v´erifie que cette d´efinition est ind´ependante du choix des coordonn´ees ([BT, p. 20]). Dans le cas d’une1-formeω=Pn
On dit qu’une forme diff´erentielle ω estferm´eesidω = 0; elle estexactes’il existe une formeηtelle queω=dη. On v´erifie qued2= 0, c’est-`a-dire que toute forme diff´erentielle exacte est ferm´ee.
Lemme de Poincar´e 2.1. — Toute forme diff´erentielle ferm´ee sur un ouvert ´etoil´e deRnest exacte(2).
1. On rappelle qu’on a not´eTxF :V →V0l’application tangente (c’est-`a-dire la diff´erentielle) de l’application Fen un pointxdeU.
2. On trouvera une autre d´emonstration de ce th´eor`eme par r´ecurrence surndans [BT, cor. 4.1.1] lorsque l’ouvert
´etoil´e estRntout entier.
D´emonstration. — Faisons-le d’abord pour une1-formeω =Pn
j=1ωjdxj ferm´ee d´efinie sur un ouvert ´etoil´e contenant l’origine. On a∂ωj
∂xk =∂ωk (c’est l’int´egrale deωsur le segment joignant l’origine `ax;cf.ex. 3.1). On a
∂f ce qui d´emontre le lemme pour les1-formes. Dans le cas g´en´eral, siωest uner-forme, on pose
η(x)(x1, . . . , xr−1) = Z 1
0
tr−1ω(tx)(x, x1, . . . , xr−1)dt.
On v´erifie queω =dη siωest ferm´ee (cf.[C1, pp. 43–45], o`u l’auteur fait le commentaire r´ev´elateur suivant :la d´emonstration peut ˆetre laiss´ee de cˆot´e par un lecteur qui a peur des calculs).
Il y a des ouverts deRnsur lesquels la conclusion du lemme n’est plus vraie. Par exemple, la forme diff´erentiellexdy−ydx
x2+y2 est ferm´ee surR2r{0}, mais n’est pas exacte.
2.2. — On peut d´efinir la notion de forme diff´erentielle sur une vari´et´e diff´erentiableM. On proc`ede de la fac¸on suivante :M est recouverte par des cartesϕj:Uj →M; on se donne la restriction de la forme `a chaque ouvert de carte, c’est-`a-dire uner-formeωjsur l’ouvertUj, avec la condition de compatibilit´e(ϕ−1k ϕj)∗(ωk) =ωj.
D´efinition 2.3. — SoitM une vari´et´e diff´erentiable ; on appeller-i`eme groupe de cohomo-logie de de Rham deM l’espace vectoriel complexe
HDRr (M) ={r-formes diff´erentielles complexes ferm´ees surM}/{r-formes exactes}.
Le lemme de Poincar´e dit que les groupes de cohomologie de de Rham d’un ouvert ´etoil´e deRnsont tous nuls. En revanche,HDR1 (R2r{0})n’est pas nul (il est de dimension1;cf.
ex. 3.3.1)).
Si F : M → M0 est une application de classeC∞ entre vari´et´es diff´erentiables, on a F∗(dω) =d(F∗ω)([BT, prop. 2.1, p. 19]), de sorte queFinduit des applicationsC-lin´eaires
F∗:HDRr (M0)−→HDRr (M).
3. INT ´EGRATION DES FORMES DIFF ´ERENTIELLES, FORMES ENTI `ERES 29
2.4. — Supposons maintenant que V soit un espace vectorielcomplexe de dimension g.
On appelle r-forme diff´erentielle de type(p, q) sur un ouvert U de V une fonctionω de classeC∞deU `a valeurs dansVp,q
V∗. Si on choisit des coordonn´eesz1, . . . , zgsurV, on noteradz1, . . . , dzg leurs diff´erentielles, consid´er´ees comme des formes constantes de type (1,0). On notera aussidxj etdyj (ou parfois aussidxg+j) les1-formes r´eelles d´efinies par dzj=dxj+idyj.
2.5. — Une fonction f: U → C de classe C∞ est holomorphe si et seulement si sa diff´erentielle estC-lin´eaire, c’est-`a-dire si ∂f
∂yj =i∂f
∂xj pour toutj (conditions de Cauchy-Riemann), puisque ces conditions sont satisfaites par les formes lin´eairesdzj. Cela ´equivaut
`a dire que la1-formedfest de type(1,0).
2.6. — SiF est une application holomorphe entre ouverts d’espaces vectoriels complexes, le fait quedF soitC-lin´eaire entraˆıne queF∗conserve le type des formes. On peut donc, en suivant la proc´edure ci-dessus, d´efinir les formes de type(p, q)sur une vari´et´e complexe, puisque les changements de cartes sont holomorphes. On v´erifie que siω est une forme de type(p, q)sur une vari´et´e complexe,dωse d´ecompose en∂ω+∂ω, o`u∂ωest de type(p+1, q)
2.7. — Enfin, on dira qu’une forme diff´erentielle r´eelle de type(1,1)sur une vari´et´e com-plexe est (d´efinie) positive si elle satisfait en tout point `a la propri´et´e de 1.2 ; sa restriction `a une sous-vari´et´e est encore (d´efinie) positive.
3. Int´egration des formes diff´erentielles, formes enti`eres
SoientV un espace vectoriel r´eel orient´e de dimensionnetωunen-forme diff´erentielle `a support compact dansV. Dans un syst`eme direct de coordonn´ees,ωs’´ecrit
ω(x) =f(x)dx1∧ · · · ∧dxn.
Cette expression est invariante par diff´eomorphisme direct (utiliser le th´eor`eme de change-ment de variable dans les int´egrales ;cf.[BT, I,§3]).
SoientM une vari´et´e orient´ee de dimensionnetωunen-forme diff´erentielle d´efinie sur M, `a support compact. On cherche `a d´efinir l’int´egrale deωsurM. En utilisant une partition
de l’unit´e ([BT, pp. 21–22]), on se ram`ene au cas o`u le support deω est compact, contenu dans l’image ouverte d’une carte orient´eeF:U →M. On pose alors
Z
de nouveau, c’est ind´ependant du choix de la carte orient´ee.
SiZest une sous-vari´et´e orient´ee deM de dimensionretωuner-forme diff´erentielle `a support compact d´efinie sur un ouvert deM contenantZ, on pose
Z ωsur le segment (ouvert) joignant0`axest
Z 1 0
Xωj(tx)xjdt.
Th´eor`eme 3.2(Formule de Stokes). — SoientM une vari´et´e orient´ee de dimensionnetω une(n−1)-forme surM `a support compact. On a
Z
M
dω= 0.
D´emonstration. — Grˆace `a la lin´earit´e de l’int´egrale et `a l’existence de partitions de l’unit´e, il suffit de traiter le casM =Rn etω =f dx2∧ · · · ∧dxn, avecf fonctionC∞ `a support et quef est `a support compact.
SoientMune vari´et´e orient´ee etZune sous-vari´et´e compacte orient´ee de dimensionr. Si ωest uner-forme exacte, la formule de Stokes entraˆıneR
Zω= 0. Cela permet de d´efinir une
S1ω induit un isomorphisme de l’espace vectorielHDR1 (R2r{(0,0)})surC. En effet, siR
S1ω = 0, on peut d´efinir une fonction f:C∗ → Cen prenant pourf(reiθ)l’int´egrale deωsur un arc de cercle joignant1 `aeiθ
4. FORMES DIFF ´ERENTIELLES SUR LES TORES COMPLEXES 31
(elle ne d´epend pas du choix de cet arc), puis sur le segment joignanteiθ `areiθ. On v´erifie comme dans la d´emonstration du lemme 2.1 quedf=ω.
2) On montre queHDRr (Pn)est de dimension1sirest pair, positif et inf´erieur `a2n; nul sinon(3).
3.4. — Nous aurons par la suite besoin de la notion de forme diff´erentielleenti`eresur une vari´et´e compacte. Nous n’avons malheureusement pas les outils techniques n´ecessaires pour donner une d´efinition correcte. Nous nous contenterons donc provisoirement de la r`egle sui-vante :soitM un espace projectif ou un tore complexe ; on dira qu’uner-forme diff´erentielle ω sur M estenti`eresi, pour toute sous-vari´et´e ferm´ee orient´eeZ de M de dimension r, l’int´egraleR
Zωest enti`ere(4).SiX est un tore complexe qui est une sous-vari´et´e d’un es-pace projectifPn, la restriction `aX d’une classe enti`ere surPn est une classe enti`ere sur X.
Cette condition ne d´epend que de la classe deωdansHDR(M); on parlera donc de classe de cohomologie de de Rhamenti`ere. Elle est bien sˆur impossible `a v´erifier telle quelle dans la pratique. Nous admettrons provisoirement le crit`ere suivant, et renvoyons `a la note 8, p. 59, pour une justification.
Crit`ere 3.5. — Pour qu’une2-forme surPnsoit enti`ere, il faut et il suffit que son int´egrale sur une droite projective soit enti`ere.
Nous conclurons cette section en remarquant que l’espace vectoriel r´eel sous-jacent `a un espace vectoriel complexe a une orientation canonique pour laquelle, si(e1, . . . , en)est une base complexe quelconque, la base r´eelle (e1, ie1, . . . , en, ien)est directe. En particulier, toute vari´et´e complexe est canoniquement orient´ee.
4. Formes diff´erentielles sur les tores complexes
SoientX=V /Γun tore complexe de dimensiongetπ:V →Xla surjection canonique.
Pour tout ´el´ementγ deΓ, la compos´ee deπavec la translationτγ: x 7→ x−γ est ´egale
`aπ. Siωest une forme diff´erentielle surX, l’image inverseπ∗ωdoit donc ˆetre une forme diff´erentielle surV invariante par tous lesτγ∗; inversement, on v´erifie qu’une forme de ce type
provientdeX: soitΩun ouvertΓ-petit (au sens de I.2.1, p. 6), de sorte queπ|Ωest une carte deX; si on poseωΩ=ω|Ω, les conditions de compatibilit´e de 2.2 sont v´erifi´ees puisque
3. On trouvera une d´emonstration dans [BT, pp. 172–173] : on utilise le fait que la cohomologie de de Rham est la cohomologie du faisceau constantC(cf.(14, p. 59)), puis la fibration localement trivialeCn+1r{0} →Pnde fibreC∗, qui permet de calculerH(Pn,C)par une suite spectrale.
4. Labonned´efinition (cf.d´ef. V.5.5, p. 59) est la suivante : on dit qu’uner-formeωsur une vari´et´e com-pacte orient´eeMestenti`eresi son int´egrale sur toutr-cycle (au sens de la th´eorie de l’homologie singuli`ere) de Mest enti`ere. Dans le cas o`u le groupe d’homologieHr(M,Z)est engendr´e par des classes de sous-vari´et´es com-pactes, cette d´efinition co¨ıncide avec la nˆotre ; c’est le cas siMest un tore complexe ou un espace projectif, mais pas en g´en´eral (c’est ce genre de pathologie qui a donn´e naissance `a la th´eorie du cobordisme de Thom). Nous reviendrons sur ce point dans la note 8, p. 59.
les changements de cartes sont des translations. En d’autres termes, les formes diff´erentielles surXsont les formes diff´erentielles surV invariantes parΓ, c’est-`a-dire les
ω= X
1≤j1<···<jr≤2g
ωj1···jrdxj1∧ · · · ∧dxjr,
o`u les fonctionsωj1···jr sontΓ-p´eriodiques. Cela inclut en particulier les formes constan-tes, c’est-`a-dire celles pour lesquelles lesωj1···jr sont des fonctions constantes. Les formes constantes sont par ailleurs ferm´ees.
Lemme 4.1. — Soientω une forme diff´erentielle ferm´ee sur un tore complexeX etτ une translation deX. La formeτ∗ω−ωest exacte.
o`u on voitωcomme une forme diff´erentielleΓ-p´eriodique surV. La(r−1)-formeηasurV est bienΓ-p´eriodique. V´erifions quedηa(x) =ω(x+a)−ω(x); nous nous limiterons(5)au
puisqueωest ferm´ee. La fonctionηa
s’´ecrit
5. Pour le lecteur friand de formules, la d´emonstration dans le cas g´en´eral proc`ede ainsi : avec les notations de [C1], on a
Orωest ferm´ee, de sorte que
0 =dω(x+ta)(a, x1, . . . , xr)
4. FORMES DIFF ´ERENTIELLES SUR LES TORES COMPLEXES 33 diff´erentielle ferm´ee surX, le lemme entraˆıne que la moyenn´ee
ωe=X
ωej1···jrdxj1∧ · · · ∧dxjr est une forme constante surX cohomologue `aω, puisque
eω(z)−ω(z) =
4.2. — On a donc montr´e que toute forme diff´erentielle ferm´ee sur un tore complexe est cohomologue `a une forme constante (voir aussi l’exercice III.1 pour une autre d´emonstration).
On remarquera que toute forme r´eelle ferm´ee de type(1,1)d´efinie positive est cohomologue
`a une forme r´eelle de type(1,1)d´efinie positive constante (donc ferm´ee).
Proposition 4.3. — Soit X = V /Γun tore complexe. L’application Vr
VC∗ → HDRr (X) construite ci-dessus est bijective.
D´emonstration. — On vient de voir que cette application est surjective. Fixons une base (e1, . . . , e2g)deΓ. L’int´egrale d’une forme constantePωj1···jrdxj1∧ · · · ∧dxjrsur l’image (lisse compacte sans bord) dansX du pav´e de cˆot´esej1, . . . , ejrvautωj1···jr, donc une telle forme n’est exacte que si elle est nulle.
4.4. — La d´emonstration de la proposition montre aussi qu’uner-forme constante enti`ere (au sens de 3.4) prend des valeurs enti`eres sur lesr-uplets d’´el´ements deΓ(6).
6. La r´eciproque est vraie : la vari´et´eX est diff´eomorphe `aR2g/Z2g, donc `a(R/Z)2g; la formule de K¨unneth ([BT, prop. 9.12]) entraˆıne que le groupe d’homologieHr(X,Z)est libre de rang 2gr
, engendr´e par
5. Formes diff´erentielles sur les espaces projectifs, formes de K¨ahler
Une forme diff´erentielleωsur l’espace projectifPnse remonte en une forme diff´erentielle surCn+1r{0}invariante par l’action deC∗. Si
ω=X
ωj1···jpk1···kqdzj1∧ · · · ∧dzjp∧dzk1∧ · · · ∧dzkq est une forme diff´erentielle de type(p, q), cela signifie
ωj1···jpk1···kq(tz) = 1
tptq ωj1···jpk1···kq(z) pour tout complexetnon nul(7).
Exemple 5.1. — La forme diff´erentielle
j=0zjzj, d´efinit par l’exercice III.2 une2-forme diff´erentielleωF Sr´eelle de type(1,1) surPn, dite forme de Fubini-Study. On v´erifie au prix d’un petit calcul qu’elle est ferm´ee et invariante par l’action du groupe unitaireU(n+ 1)(ce petit calcul se simplifie grandement si l’on remarque queωF S(z) =2πi ∂∂logkzk2;cf.2.6).
La formeωF Sestd´efinie positive. Vue son invariance sousU(n+ 1), il suffit de le v´erifier en un point ; comme
La forme de Fubini-Study est aussi enti`ere. Il suffit par le crit`ere 3.5 de v´erifier que I=
les classes des sous-vari´et´es deXconsid´er´ees dans la d´emonstration de la proposition. De fac¸on plus intrins`eque,
les classes des sous-vari´et´es deXconsid´er´ees dans la d´emonstration de la proposition. De fac¸on plus intrins`eque,