III. Formes diff´erentielles et cohomologie de de Rham
5. Formes diff´erentielles sur les espaces projectifs, formes de K¨ahler
Une forme diff´erentielleωsur l’espace projectifPnse remonte en une forme diff´erentielle surCn+1r{0}invariante par l’action deC∗. Si
ω=X
ωj1···jpk1···kqdzj1∧ · · · ∧dzjp∧dzk1∧ · · · ∧dzkq est une forme diff´erentielle de type(p, q), cela signifie
ωj1···jpk1···kq(tz) = 1
tptq ωj1···jpk1···kq(z) pour tout complexetnon nul(7).
Exemple 5.1. — La forme diff´erentielle
j=0zjzj, d´efinit par l’exercice III.2 une2-forme diff´erentielleωF Sr´eelle de type(1,1) surPn, dite forme de Fubini-Study. On v´erifie au prix d’un petit calcul qu’elle est ferm´ee et invariante par l’action du groupe unitaireU(n+ 1)(ce petit calcul se simplifie grandement si l’on remarque queωF S(z) =2πi ∂∂logkzk2;cf.2.6).
La formeωF Sestd´efinie positive. Vue son invariance sousU(n+ 1), il suffit de le v´erifier en un point ; comme
La forme de Fubini-Study est aussi enti`ere. Il suffit par le crit`ere 3.5 de v´erifier que I=
les classes des sous-vari´et´es deXconsid´er´ees dans la d´emonstration de la proposition. De fac¸on plus intrins`eque, on aHr(V /Γ,Z)'VrΓ.
7. Une forme diff´erentielle surCn+1r{0}invariante par l’action deC∗ne provient pas n´ecessairement d’une forme diff´erentielle surPn; il y a une condition suppl´ementaire (cf.exerc. III.2).
EXERCICES 35
Cela nous permet d’´enoncer une condition n´ecessaire pour qu’une vari´et´e complexe se plonge dans un espace projectifPn.
Th´eor`eme 5.2. — SiX est une vari´et´e complexe compacte qui est une sous-vari´et´e d’un espace projectif, il existe surXune forme diff´erentielle ferm´ee de type(1,1), d´efinie positive et enti`ere.
D´emonstration. — La forme de Fubini-Study surPnest ferm´ee de type(1,1), d´efinie posi-tive et enti`ere. Elle se restreint surXen une forme qui a les mˆemes propri´et´es.
5.3. — Une forme diff´erentielle ferm´ee, de type(1,1)et d´efinie positive s’appelle uneforme de K¨ahler. Par 4.2, une forme de K¨ahler enti`ere sur un tore complexeV /Γest cohomologue
`a une forme de K¨ahler enti`ere constante qui correspond, par 4.4, `a uneformeR-bilin´eaire altern´eeωsurV, enti`ere surΓ, v´erifiantω(ix, iy) =ω(x, y)etω(x, ix)>0pour toutxnon nul et toutydansV.
Exemple 5.4. — Soitτ un nombre complexe de partie imaginaire strictement positive. La formeR-bilin´eaire altern´ee
ω(τ m+n, τ m0+n0) =m0n−mn0 surR2est enti`ere sur le r´eseauΓτ. Siτ=a+ib, on a
i(τ m+n) =−bm+i(am+n) =τam+n
b −bm−a(am+n)
b ,
de sorte que
ω(τ m+n, iτ m+in) = (am+n)2+b2m2 b >0,
puisqueb >0. On v´erifie de mˆeme queω(i(τ m+n), i(τ m0+n0)) =ω(τ m+n, τ m0+n0), ce qui prouve queωest une forme de K¨ahler enti`ere. La forme hermitienne surCassoci´ee comme en 1.1 est
H(z1, z2) = z1z2
Imτ (il suffit de v´erifier queImHetωco¨ıncident sur(1, τ)).
Exercices
III.1. — Soit ω une 2-forme ferm´ee sur un tore complexe X = V /Γ. Nous voulons donner une autre d´emonstration du fait queωest cohomologue `a une forme constante (cf.4.2). On choisit une base deΓ; dans les coordonn´ees correspondantes, on a
ω(x) =X
j<k
ωjk(x)dxj∧dxk, o`u lesωjksont des fonctionsZ2g-p´eriodiques.
a) Montrer que chaqueωjka un d´eveloppement en s´erie de Fourier ωjk(x) = X
m∈Zg
ωjk(m)e2iπtmx.
On pose, pour toutm∈Zg,
ω(m)(x) =X
j<k
ωjk(m)dxj∧dxk. Montrer queω(m)est une2-forme ferm´ee surX.
b) Montrer queω(m)est une2-forme exacte surXpour toutm6= 0. Conclure.
c) On suppose queωn’a pas de terme de type(0,2). Montrer qu’il existe une1-formeηsurXde type(1,0) telle queω=ω(0)+dη.
III.2. — Soitp:Cn+1r{0} →Pnla surjection canonique.
a) Soitωuner-forme diff´erentielle complexe surPn. Montrer quep∗ω(z)(v1, . . . , vr)est nul d`es quev1est colin´eaire `azou `az.
b) Inversement, supposons donn´ee uner-forme diff´erentielle complexeeωsurCn+1r{0}invariante par l’action deC∗et poss´edant en plus la propri´et´e du a). Soientϕj:Cn −→ιj Uej → Ujles cartes standard du§I.3, p. 8.
Montrer que les formes diff´erentiellesι∗jeωv´erifient les conditions de recollement deloc.cit., donc d´efinissent une forme diff´erentielleωsurPnqui v´erifiep∗ω=eω.
III.3. — IdentifionsCg `aR2g. `A toute matrice r´eelleMinversible d’ordre2g, on associe le r´eseauΓMdeCg engendr´e par les colonnes deM. On param`etre ainsi l’ensemble des r´eseaux dansCgpar l’ouvert (pour la topologie de Zariski r´eelle) denseU= GLg(R)deR4g2.
a) Montrer qu’il existe une famille d´enombrable(Zn)n∈Nd’hypersurfaces alg´ebriques r´eelles deR4g2telle que, pour toute matriceMdansUrS
n∈NZn, les mineurs2×2deM−1soient lin´eairement ind´ependants sur Z.
b) Pourg≥2, en d´eduire que pour toute matriceM dansUrS
n∈NZn, toute formeR-bilin´eaire altern´ee enti`ere surΓMde type(1,1)est nulle.
c) Conclure qu’un tore complexetr`es g´en´eral(en un sens que l’on pr´ecisera) de dimension≥ 2ne se plonge pas dans un espace projectif de fac¸on holomorphe (Indication :on rappelle qu’une intersection d´enombrable d’ouverts denses deRNest dense).
CHAPITRE IV
FONCTIONS TH ˆ ETA ET DIVISEURS
Nous voulons retrouver de fac¸on diff´erente, plus terre-`a-terre, le r´esultat principal du chapitre pr´ec´edent, `a savoir l’existence d’une forme de K¨ahler enti`ere sur une sous-vari´et´e complexe d’un espace projectif (th. III.5.2, p. 35), dans le cas particulier des tores complexes ; on notera qu’une telle forme est dans ce cas un objet tr`es simple, `a savoir une forme R-bilin´eaire sur le revˆetement universel, enti`ere sur le r´eseau, qui poss`ede en plus certaines propri´et´es vis-`a-vis de la structure complexe (prop. 1.3 et 1.6). Nous obtenons d’ailleurs dans ce cas un r´esultat plus pr´ecis (cor. 3.5) et d´eterminons la structure du corps des fonctions m´eromorphes d’un tore complexe (cor. 3.3). Notre approche s’appuie sur la notion de di-viseur sur une vari´et´e complexe (qui g´en´eralise la d´efinition de II.2.3, p. 16) et sur l’´etude des fonctions thˆeta sur un tore complexe, notion qui g´en´eralise celle du§II.2, p. 15 ; elle est calqu´ee sur l’approche de [SD], qui elle-mˆeme suit les travaux de Poincar´e et Weil.