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Chapitre 2. Cadre théorique 31

2.1   Ontologie 31

Même si tout cadre conceptuel s’appuie sur une position ontologique, il peut être utile, dans cette recherche, de clarifier un tant soit peu cette notion, puisqu’il est possible de retrouver dans la pratique une position ontologique qui soit différente de celle utilisée en recherche (Kikuchi et Simmons, 1999). Une seule position s’impose ipso facto en science et par extension, il s’agit de la seule position ontologique qui soit compatible avec le développement des connaissances scientifiques en sciences infirmières. Bien que deux courants ontologiques soient observés en philosophie, le réalisme et l’idéalisme (Chalmers, 1987), en sciences infirmières comme dans les autres sciences, il est nécessaire de présupposer l’existence d’une réalité commune à tous (Delmas-Rigoutsos, 2009). Cette position ontologique unitaire se nomme le réalisme et de nos jours, il s’agit de la position philosophique la plus largement admise en sciences biomédicales, ce qui n’est pas le cas dans

les sciences de l’éducation ou encore dans celles de la sociologie. Cette approche est donc adoptée dans cette recherche et, par conséquent, présentée dans le modèle conceptuel de Neuman (Neuman et Fawcett, 2011). Pour des fins de compréhension, cette posture idéologique s’oppose à celle de l’idéalisme où il est possible d’admettre une pluralité de réalités qui se décomposent en autant de vérités qu’il existe d’individus (Delmas-Rigoutsos, 2009). Mais qu’est-ce que le réalisme, exactement ?

Le réalisme suppose l’existence d’une réalité connaissable et commune à l’ensemble des observateurs. Selon cette perspective, il est possible de découvrir une règle, une loi ou un principe expliquant une réalité générale et commune à tous. Or, dans les éléments mentionnés précédemment, la science rend possible la mise en évidence de cette réalité. Une telle prémisse s’appuie sur le fait que l’on développe des connaissances sur le monde par l’exploration, l’observation, la description, l’explication ou la prédiction des évènements et des phénomènes. Or, la découverte de la réalité par la science ne doit pas s’effectuer de façon désordonnée; elle doit s’appuyer sur une méthode dite scientifique.

Selon Popper (1979), cité dans Malherbe (2011), pour qu’une méthode soit scientifique, elle doit être basée sur une théorie et permettre l’élaboration d’hypothèses qui seront vérifiées par l’expérimentation ou la démonstration. Popper (1979) prône une méthode scientifique dite « hypothético-déductive ». Le chercheur doit, à l’aide de théories ou de connaissances, formuler des hypothèses sur la réalité qui l’entoure et la recherche qu’il veut effectuer. Puis, le chercheur confrontera ses hypothèses à la réalité examinée au moyen d’expériences ou de démonstrations (phase expérimentale). Si les hypothèses sont confirmées, cela signifie que la réalité examinée correspond à la réalité anticipée (hypothèse). La présente recherche s’oriente légèrement différemment; plutôt que de poser des hypothèses, elle pose plutôt des objectifs à rencontrer au terme de la recherche. Ainsi au terme de l’expérimentation, il sera possible de confirmer si ces objectifs ont été atteints. Nous avons utilisé un cadre conceptuel infirmier, celui de Neuman, pour obtenir une vision disciplinaire dans le développement d’une intervention éducative et la schématisation d’interventions pour structurer celle-ci. L’un des avantages à utiliser une théorie issue d’un modèle conceptuel infirmier repose sur le fait que la contribution au savoir scientifique touche la science en général, mais aussi les sciences infirmières. En effet, si une recherche est basée sur une théorie infirmière, il est

probable que les connaissances qui en découlent soient propres à la discipline et que l’infirmière puisse éventuellement les utiliser dans sa pratique. Cependant, l’emploi seul d’un cadre ou d’un modèle n’est pas garant du caractère scientifique des données recueillies. Parallèlement, si des connaissances disciplinaires ont été développées dans le respect des règles de la méthode scientifique, alors elle contribue également aux connaissances scientifiques sur le sujet.

Le développement des connaissances disciplinaires et leurs utilisations dans la pratique sont deux choses différentes. Contrairement au développement des connaissances, il est possible que l’infirmière, dans sa pratique, prenne en considération d’une part la science, mais également le caractère unique de la personne. C’est donc dire que sa pratique est empreinte d’une réalité différente selon la personne ou la situation. Kikuchi et Simmons (1999) s’inquiètent des répercussions d’une pratique qui serait trop polarisée dans l’une ou dans l’autre des positions ontologiques. Elles proposent plutôt d’adopter une pratique de type hybride. Dans ce type de pratique, une combinaison de deux conceptions de la réalité est possible et même souhaitable lors de la prestation de soins (Tanner, 2006). On appelle cette conception hybride « réaliste modérée ». Il s’agit d’une conception à mi-chemin entre le réalisme et l’idéalisme. Quoique souhaitable lors de la prestation de soins, cette conception hybride de la réalité est plus difficilement applicable en recherche alors que le développement des connaissances au moyen de la méthode scientifique s’avère essentiel. Cette utilisation d’une pluralité de sources de connaissances n’est pas sans rappeler les travaux de Carper (1978) sur les types de connaissances utilisés par l’infirmière dans le cadre de la prestation de soins, comme les savoirs empirique (scientifique), éthique, personnel et esthétique. En résumé et pour répondre aux impératifs de la science contemporaine, cette recherche se positionne dans une ontologie réaliste.

La prochaine section décrit, dans un premier temps, la fonction d’une structure-cadre comme les modèles conceptuels en sciences infirmières. Puis, elle explique les liens qui existent entre la discipline, la pratique disciplinaire, les sciences infirmières et le développement de connaissances disciplinaires en sciences infirmières. Quant à la troisième section, elle présente le modèle conceptuel de Neuman et explique ses différentes composantes et l’utilisation du modèle dans différentes maladies chroniques. Elle fait aussi le lien entre ce

modèle conceptuel et les maladies chroniques, en particulier l’HTA. Enfin, elle explique l’intervention infirmière découlant du modèle de Neuman, à savoir la prévention.