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Le mandat constitutionnel de l’article 75 Cst. charge les cantons d’établir des plans d'aménagement en vue d’assurer une utilisation judicieuse et mesurée du sol ainsi qu’une occupation rationnelle du territoire. La LAT prévoit à cet effet les plans directeurs, les plans d’affectation et la procédure d’autorisation de construire. Ces instruments de planification ont un rapport étroit entre eux

20 ATF 116 Ib 50 ss du 14 mars 1990.

et ils doivent former un tout judicieux au sein duquel chaque élément remplit une fonction spécifique.

Les plans d’affectation sont élaborés dans une procédure assurant la protec-tion juridique des intéressés (art. 33 LAT) et la participaprotec-tion de la populaprotec-tion (art. 4 LAT). Ils présentent un caractère contraignant pour les particuliers (art. 21 al. 1 LAT) après pesée et harmonisation de l'ensemble des intérêts en présence (art. 1 al. 1, 2 al. 1 et 3 LAT) et selon les indications des plans direc-teurs (art. 6 ss et 26 al. 2 LAT).

La procédure de permis de construire sert à vérifier si les constructions et ins-tallations sont conformes aux plans d’affectation (art. 22 LAT) ; elle vise à assu-rer la réalisation du plan de cas en cas, mais ne doit pas créer des mesures de planification indépendantes. Cette procédure ne dispose pas de l’instrument matériel nécessaire et n’est pas apte, sous l’angle de la protection juridique et de la participation de la population, ainsi que la pesée générale des intérêts, à compléter ou modifier le plan d’affectation.

Les constructions et installations hors zone à bâtir et non conformes à la destination de la zone qui, en raison de leur nature, ne peuvent être appréciées de façon adéquate que dans une procédure de planification, ne peuvent faire l’objet d’une dérogation selon l’article 24 LAT. Pour savoir quand un projet non conforme à la destination de la zone est, en raison de ses dimensions et de ses répercussions sur l’aménagement du territoire, si important qu’il ne peut être autorisé qu'après une modification du plan d’affectation ou l’adoption d’un tel plan, il faut prendre en considération l’obligation d’établir de tels plans (art. 2 LAT), les buts et principes de l’aménagement du territoire (art. 1er et 3 LAT), le plan directeur cantonal (art. 6 ss LAT) ainsi que l’importance du projet à la lumière des règles de procédure fixées par la LAT21.

Le Tribunal fédéral a constaté que le projet de décharge de Chrüzelen, si-tué hors zone et non conforme à la destination de la zone, était une décharge régionale importante, d’une capacité de 400'000 à 500'000 m3, destinée à être utilisée pendant une vingtaine d’années avec un trafic de l’ordre d’une cen-taine de poids lourds par jour, soit une augmentation de 50 camions par rap-port à l’ancienne décharge. La végétation devait en outre être supprimée pen-dant cette période sur une surface s’étenpen-dant progressivement à 11'000 m2.

Sur la base de ces caractéristiques, le Tribunal fédéral a considéré que même si la décharge régionale était prévue par le plan directeur cantonal, il

21 Ce principe a été repris dans les ATF 133 II 181 consid. 5.2.1 p. 196 ; 129 II 63 consid. 2.1 p. 65 ; 120 Ib 207 consid. 5 p. 212 ; 119 Ib 439 consid. 4 p. 444 ; voir aussi les ATF 1C_892/2013 du 1er avril 2015 consid. 2.1 ; 1C_307/2010 du 7 décembre 2010 consid. 2 ; 1C_304/2008 du 30 avril 2009 consid. 4.1.

était nécessaire d’établir un plan d’affectation spécial, de préférence un plan d’affectation cantonal. Seule la procédure du plan d’affectation permettait de procéder à la pesée complète de tous les intérêts en présence, car c’est là, la caractéristique de l’organisation du territoire (art. 1er al. 1er LAT) et la tâche spécifique d’un plan d’aménagement (art. 2 al. 1 LAT). La procédure du plan d’affectation permet en effet d’arrêter la décision sur le choix de l’implantation et de l’affectation en fonction des principes déterminants en matière de protec-tion de l’environnement et de prendre en considéraprotec-tion le principe de préven-tion22.

On peut donc déduire de cette jurisprudence les principes suivants concer-nant l’obligation de planification :

- La pesée des intérêts est l’une des caractéristiques essentielles et une des tâches centrales de l’aménagement du territoire.

- La procédure du plan d’affectation est particulièrement appropriée pour assurer une pesée complète de tous les intérêts en présence, car elle comporte notamment les décisions sur le choix de l’implantation selon les critères de l’utilisation judicieuse du sol et l’occupation ra-tionnelle du territoire, sur les mesures de protection contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, ainsi que sur les mesures préventives de protection de l’environnement23. L’un des buts essentiels du plan d’affectation est donc d’assurer cette pesée complète des intérêts pour définir le mode d’utilisation du sol en fonction du résultat de cette pe-sée.

- La procédure de demande de permis de construire, même celle rela-tive aux autorisations exceptionnelles hors des zones à bâtir (art. 24 ss LAT), ne permet pas d’effectuer une pesée complète des intérêts en présence pour les projets d’une certaine importance.

- La procédure du plan directeur cantonal ne permet pas non plus d’effectuer la pesée complète des intérêts en présence, car elle n’est pas apte ni destinée à prendre en compte les intérêts privés des particuliers (art. 11 al. 2 LAT), et elle ne permet pas non plus d’apprécier la situa-tion concrète avec l’évaluasitua-tion des atteintes à l’environnement et les impacts réels sur les particuliers, la nature et l’environnement, ainsi que sur l’organisation du territoire.

22 ATF 116 Ib 50 consid. 3b p. 54-55 ; voir aussi, ERIC BRANDT/PIERRE MOOR, Commentaire LAT, éd.

1999 art. 18 n° 138.

23 Sur les différents éléments à prendre en considération dans les plans d’affectation, voir ERIC BRANDT/PIERRE MOOR, Commentaire LAT, éd. 1999 art. 18 n° 138 à 145.