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- Les faits

La Municipalité de Saint-Sulpice a refusé de délivrer un permis de construire pour la réalisation d’un bâtiment d’habitation collective conçu pour optimali-ser les apports d’énergie solaire. Ce projet se caractérisait par la forme légère-ment arrondie de sa toiture au niveau de l'attique, sur laquelle devait être ins-tallée des capteurs photovoltaïques.

Le concept énergétique de l’enveloppe du bâtiment permettait de produire une moyenne d’environ 80'000 KW/h par an. Cette performance énergétique était liée à la forme de la toiture, dont la légère pente orientée au nord permet-tait un rendement encore suffisant des cellules photovoltaïques. L’arrêt canto-nal reproduit le schéma du concept énergétique de cette maison145.

Le recours formé par le propriétaire contre le refus du permis de construire a été admis par arrêt de la CDAP du 31 décembre 2014 et le recours formé par la Commune de Saint-Sulpice auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt a été admis le 18 novembre 2015.

- L’arrêt de la CDAP du 31 décembre 2014

La réglementation communale sur les toitures n’excluait pas les toitures qui présentaient une forme différente des toitures classiques à pans. On ne pouvait pas vraiment parler d’une dérogation puisque la règle elle-même permettait d’autres formes. La municipalité détenait donc la compétence réglementaire d’autoriser la forme de toiture.

Le pouvoir d’appréciation de la municipalité dans l’application des règles concernant la forme des toitures avait été limité par la réglementation commu-nale, lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour favoriser la réalisa-tion de bâtiments économes en énergie dans les limites de ses attriburéalisa-tions.

Or, l’octroi d’un permis de construire un immeuble avec une forme de toi-ture légèrement arrondie, favorisant l’utilisation passive et active de l’énergie solaire pour la réalisation d’un bâtiment particulièrement économe en énergie, faisait justement partie de ses attributions de sorte qu’elle était en mesure d’autoriser le projet.

Dans une argumentation subsidiaire, la CDAP a estimé que les conditions d’octroi d’une dérogation étaient de toute manière remplies. La forme arrondie

145 Arrêt CDAP 2013.0151 du 31 décembre 2014.

de la toiture contribuait aux objectifs d’économie d’énergie visés par la législa-tion fédérale et cantonale sur l’énergie, de sorte que le motif de la dérogalégisla-tion répondait à un intérêt public majeur.

La réglementation traditionnelle des zones à bâtir n’était pas conçue pour favoriser l’utilisation de l’énergie solaire, qui nécessitait des solutions tech-niques et architecturales spécifiques s’écartant de la réglementation habituelle sur les matériaux et la forme des toitures. Cette situation impliquait l’octroi de dérogations sur la forme des toitures, pour autant que les gabarits de hauteurs soient respectés, condition satisfaite par le projet.

Enfin, le quartier considéré présentait des formes de toitures hétérogènes (toitures plates, à deux ou à quatre pans et toitures arrondies) et n’avait pas l’aspect d’un ensemble de valeur. En outre, les travaux préparatoires de la ré-glementation communale ne comportaient aucune indication concernant l’importance à donner à la forme des toitures dans la zone considérée.

Ainsi, l’intérêt public théorique à maintenir une apparence uniforme des toitures dans la zone considérée, d’importance locale, ne devait pas l’emporter sur l’intérêt public à la promotion des énergies renouvelables, d’importance nationale.

- L’arrêt du Tribunal fédéral du 18 novembre 2015146

La substance de l’argumentation du Tribunal fédéral est basée sur l’autonomie communale, garantie par l’article 50 Cst. Le Tribunal fédéral a relevé que les prescriptions relatives à la forme des toits d’une construction visaient essen-tiellement à assurer l’intégration architecturale d’un bâtiment et présentaient un intérêt local pour lequel la commune bénéficiait d'un large pouvoir d’appréciation. La solution communale reposait sur une interprétation admis-sible du droit communal et découlait d’une appréciation soutenable des cir-constances.

Concernant les conditions d’octroi de la dérogation, le Tribunal fédéral a estimé que d’autres solutions techniques auraient permis un bon rendement énergétique et qu’il ne pouvait contraindre la municipalité à accorder une dé-rogation à la forme des toitures au risque de compromettre l'intérêt public à la conservation d'un cachet traditionnel du village.

146 ATF 1C_92/2015 du 18.11.2015.

- En résumé

Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a accordé une importance prépondérante à l’intérêt public local lié à la forme des toitures, qui a été jugé supérieur à l’intérêt public lié aux économies d’énergies et aux énergies renouvelables, soutenu par des normes de niveaux fédéral et cantonal. L’autonomie commu-nale et le contrôle de la municipalité sur l’octroi d’une dérogation concernant la forme des toitures a joué un rôle essentiel pour le Tribunal fédéral.

En définitive, il ressort de l’arrêt du Tribunal fédéral que l’intérêt à la pro-tection de l’autonomie communale, de niveau constitutionnel (art. 50 Cst.), prime sur l’intérêt à la politique énergétique fédérale, de niveau constitution-nel également (art. 89 Cst.).

VII. Conclusion

Les défis énergétiques auxquels la Suisse est confrontée nécessitent des me-sures qui impactent le paysage de différentes manières (parcs éoliens, capteurs solaires). Le législateur fédéral tend à vouloir préciser la portée et l’importance respectives que devraient présenter les intérêts liés à la promotion des énergies renouvelables par rapport aux autres intérêts147, sans que cela soit vraiment nécessaire. En effet, la jurisprudence a déjà accordé une portée comparable à ce type d’intérêts148.

Les normes constitutionnelles, qui défendent chacune les différents intérêts à prendre en considération dans cette pesée, restent de même niveau et de même rang, de sorte qu’il n’y a pas de prépondérance de la politique énergé-tique par rapport aux autres normes constitutionnelles. Un des meilleurs exemples est celui de la maison solaire à Saint-Sulpice, où le Tribunal fédéral accorde un poids prépondérant à l’intérêt local concernant la forme des toi-tures dans un quartier assez hétérogène et sans valeur architecturale, par rap-port à l’intérêt de la politique énergétique de niveau fédéral visant à favoriser l’utilisation des énergies renouvelables dans les bâtiments.

Une pesée des intérêts conforme à la Constitution impose dans tous les cas de prendre en compte l’ensemble des circonstances déterminantes du cas par-ticulier149, elle ne peut donc s’effectuer de manière générale et abstraite et par anticipation dans la loi.

147 Art. 18a al. 4 LAT et art. 14 du projet de nouvelle loi sur l’énergie.

148 ATF 132 II 408 consid.4.5.4 p. 426 ;aArrêt CDAP AC.2013.0263 consid. 7 p. 64-68, ainsi que l’arrêt CDAP AC.2014.0167 du 28 juillet 2015.

149 ATF 116 Ia 221 consid. 3b p. 230 ss.et ATF 113 Ia 457 consid. 5a p. 464.

Les intérêts de la politique énergétique présentent une grande importance, puisque les ressources énergétiques font partie des biens dont l’approvisionnement doit être assuré aussi par les tâches d’aménagement du territoire. L’un des buts essentiel de l’aménagement du territoire consiste en effet à garantir des sources d'approvisionnement suffisantes dans le pays et à assurer la défense générale du pays (art. 1er al. 2 let. d et e LAT).

En matière d’approvisionnement en ressources énergétiques, la Suisse bé-néficie actuellement d’une position privilégiée en Europe. Sa production d’électricité est pratiquement autosuffisante et quasiment exempte de CO2. En 2013, elle provenait à 36 % de l’énergie nucléaire, à 58 % de l’énergie hydrau-lique et à 6 % de l’énergie thermique, de biomasse, solaire et éolienne. Le sys-tème assure une sécurité de l’approvisionnement, car les centrales nucléaires et les barrages au fil de l’eau fournissent de l’électricité de manière stable et les lacs de retenue ainsi que les centrales de pompage-turbinage assurent la flexi-bilité nécessaire aux heures de pointe.

L’objectif de la stratégie de l’énergie 2050 est notamment d’obtenir la pro-duction de 22'000 GW/h d’électricité par des énergies renouvelables d’origine non hydraulique. La part dévolue à l’énergie éolienne selon l’OFEV est de l’ordre de 20 % (4000 à 5'000 GW/h par an) et permettrait de couvrir 7 % des besoins énergétique de la Suisse en 2050. Cela supposerait toutefois la cons-truction d’environ 1250 à 1560 éoliennes en tenant compte du rendement ac-tuel des éoliennes installées en Suisse et en exploitation150. Même avec un ren-dement plus élevé de nouvelles éoliennes (150 m de haut avec les pales)151, il resterait environ 1000 éoliennes géantes à construire en Suisse dans les espaces restreints des crêtes ou hauts plateaux propices aux vents.

L’évolution des techniques et des connaissances scientifiques en matière d’énergie permettra très vraisemblablement d’adapter ces objectifs à la protec-tion des caractéristiques paysagères propres de la Suisse, qui en font l’un des fondements de son patrimoine historique, culturel et identitaire.

Par ailleurs, les mesures prises pour favoriser l’installation de capteurs so-laires comportent un potentiel prometteur et permettent de tendre de plus en plus vers une autonomie la plus grande possible des constructions. Le poten-tiel énergétique est considérable si l’on prend en compte toutes les surfaces construites des bâtiments en Suisse qui bénéficient du rayonnement solaire.

150 Selon la publication de Swiss éole sur les statistiques de l'éolien en Suisse et dans le monde : http ://www.suisse-eole.ch/fr/energie-eolienne/statistiques/ 34 éoliennes en exploitation aurait pro-duit en 2015 110 GW/h par an soit une moyenne de l’ordre de 3,2 GW/h par an par éolienne.

151 Les nouvelles éoliennes réalisées par Alpiq dans le Jura semblent avoir une production annuelle moyenne de l’ordre de 4.5 GW/h par an (http ://www.alpiq.ch/fr/ce-que-nous-offrons/nos-actifs/parcs-eoliens/peuchapatte-wind-farm.jsp).

Les efforts des autorités pour favoriser l’utilisation des énergies renouve-lables méritent d’être soulignés et contribuent nettement à une amélioration des qualités énergétiques des constructions, profitables à la fois aux proprié-taires et aux utilisateurs, dans un souci d’amélioration constant de la qualité de notre environnement.

Les mesures de soutien financier

EMILE SPIERER

Collaborateur scientifique à Genève

I. Introduction

La présente contribution est organisée en trois volets :

• le contexte des soutiens financiers ;

• la proposition pour 2015 ;

• les soutiens financiers à partir de 2016.

II. Le contexte des soutiens financiers

Les soutiens financiers ont vocation à compléter le système de prescriptions et d’obligations, il est possible de les désigner comme la carotte alors que les prescriptions forment le bâton.

L'usage équilibré de ces deux leviers nous fait progresser en matière d’efficacité énergétique. Cela a déjà été dit, les prescriptions se font souvent au travers de normes. Puis dans la pratique, les normes ou les règles définissent la frontière du monde de l’inacceptable et du monde accepté.

En matière d’autorisations de construire, l'administration n'a que deux choix : oui ou non ; la frontière entre les deux étant la norme. Et très souvent, les constructeurs et autres acteurs confondent limite et cible. La limite de l'inacceptable devient pour eux une cible à atteindre alors qu’en fait, elle est, passez-moi l’expression, médiocre et insuffisante pour atteindre les objectifs qui sont les nôtres. Il faut aller plus loin.