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L’harmonisation des réglementations par voie constitutionnelle ou

D. L’harmonisation des réglementations

2. L’harmonisation des réglementations par voie constitutionnelle ou

a) Les divers procédés

L’adoption d’une nouvelle norme constitutionnelle attributive de compétence est le procédé classique pour autoriser la Confédération à légiférer dans un certain domaine (art. 3 et 42 Cst.) afin de lui permettre d’assumer des tâches excédant les possibilités des cantons ou nécessitant une réglementation uni-forme (art. 5a et 43a I Cst.).

L’appropriation de compétences peut également s’exercer dans le cadre de l’ordre constitutionnel existant, sans modification de ce dernier. L’illustration traditionnelle est celle des compétences concurrentes, globales ou limitées aux principes, par lesquelles les cantons ne conservent leurs compétences propres que de manière provisoire tant que la Confédération n’a pas légiféré. Ces com-pétences cantonales concurrentes provisoires se rétrécissent, sans modification constitutionnelle et dans le parfait respect de l’ordre juridique, au fur et à me-sure que le législateur fédéral étend son emprise (let. b).

La Confédération peut aussi réglementer de nouveaux domaines à droit constitutionnel constant par exemple en interprétant de manière large la notion de principes lorsque sa compétence est limitée à ces derniers (let. c), de manière restrictive les réserves cantonales proprement dites (let. d) ou en fondant la me-sure législative sur une autre compétence, plus généreuse pour la Confédération, lorsque plusieurs fondements sont possibles (let. e).

b) La fin des compétences cantonales provisoires

La différence principale entre la compétence fédérale exclusive et la compé-tence concurrente globale réside dans la faculté offerte aux cantons, dans la seconde, de légiférer à leur guise tant que la Confédération demeure inactive.

Une fois que celle-ci se décide à agir, elle met fin à la compétence cantonale, qui n’était admissible qu’à titre provisoire.

On trouve un bel exemple en matière de distribution d’électricité (compé-tence concurrente globale selon l’article 91 Cst.). Les monopoles d’approvisionnement fondés dans la législation cantonale n’ont conservé leur validité que jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’approvisionnement en électricité en 200993. Le Tribunal fédéral a confirmé dans une affaire genevoise que le fait d’instaurer un monopole de droit en

93 « D’éventuels monopoles d’approvisionnement et obligations d’achat inscrits directement ou indirec-tement dans la législation cantonale seront, dans la mesure où ils touchent des personnes ou entre-prises jouissant du droit d’utiliser le réseau en vertu de la loi sur l’approvisionnement en électricité (art. 13), nuls et non avenus dès l’entrée en vigueur de la loi » (Message LApEl 2005, FF …)

veur des Services industriels pour la distribution d’électricité avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité n’était « pas manifestement contraire au droit supérieur »94. Par la suite, l’Assemblée fédérale a accordé en 2008 une garantie temporaire à la disposi-tion de la Constitudisposi-tion genevoise précisant que « l’approvisionnement et la distribution d’électricité sont un monopole public exercé par les Services in-dustriels de Genève »95.

La nouvelle Constitution cantonale maintient le principe du monopole en l’assortissant cependant d’une réserve explicite en faveur du droit fédéral :

« L’approvisionnement et la distribution d’eau et d’électricité, ainsi que l’évacuation et le traitement des eaux usées, constituent un monopole cantonal dans la mesure permise par le droit fédéral. » (art. 168 I Cst.-GE). En 2013, l’Assemblée fédérale a accordé sa garantie à cette disposition sans l’assortir de conditions, en estimant que cette règle « peut être interprétée dans le sens où le monopole cantonal ne s’applique entièrement qu’à l’évacuation et au traite-ment des eaux usées, mais non à l’approvisionnetraite-ment en électricité »96. Pour être précis, la phrase « peut être interprétée » doit être à notre avis lue comme

« doit être interprétée ».

L’instauration d’un monopole cantonal de la fourniture de gaz est en re-vanche contraire au droit fédéral97.

c) L’interprétation étendue de la compétence limitée aux principes

Lorsque la Confédération dispose d’une compétence concurrente « limitée aux principes », elle est tentée d’interpréter de manière étendue la notion de

« principe » chaque fois qu’elle compte uniformiser un domaine. Le procédé a mauvaise presse auprès des cantons, car il donne, politiquement du moins, l’impression d’un empiétement illégitime. Juridiquement parlant, la critique doit être précisée, car, avec la caution du Tribunal fédéral, la notion de « prin-cipe » a déjà été, en elle-même, interprétée bien au-delà de sa lettre.

A l’origine, en effet, les constitutionnalistes tentaient à juste titre de distin-guer entre la compétence d’édicter une loi-cadre et une loi limitée aux prin-cipes. La première, calquée sur le modèle du droit allemand, devait permettre au législateur de régler en détail certains points à condition de laisser une marge de manœuvre substantielle aux cantons sur d’autres points. La seconde était en revanche incompatible avec une législation de détail comme l’avait

94 ATF 132 I 282, 285 ss.

95 La disposition a été garantie par l’Assemblée fédérale en 2008 avec limitation jusqu’à l’entrée au 1er janvier 2009 de la nouvelle loi interdisant un tel monopole (FF 2009 465 ; 2008 5497, 5506 s).

96 FF 2013 8313, 8316 ; FF 2014 2907.

97 ATF 132 I 282, 284.

démontré une partie de la doctrine sous l’empire de l’ancienne constitution :

« La notion de « loi-cadre », ou de « prescription-cadre », qui est celle du droit allemand actuel, et qu’a reprise l’avant-projet de révision totale de la constitu-tion fédérale, de 1977 […], présente une plus grande flexibilité. La loi reste une loi-cadre même si elle règle en détail certains points, pourvu que, dans l’ensemble, elle laisse un pouvoir substantiel aux législateurs des cantons.

L’idée de « principe » est, en revanche, inconciliable avec une réglementation de détail »98.

Très tôt cependant la Confédération a été d’un autre avis99, suivie par le Tribunal fédéral qui juge aujourd’hui qu’une compétence limitée aux principes autorise le législateur à régler certains aspects de manière détaillée selon les circonstances (« unter Umständen ins Detail gehen »)100. La jurisprudence101 et la doctrine102 semblent traiter désormais les deux expressions comme syno-nymes. Il nous paraîtrait toutefois plus transparent de reconnaître que la pra-tique s’est éloignée de la lettre et qu’elle a dorénavant substitué le terme de

« législation-cadre » à celui de « législation limitée aux principes ».

Même si la Confédération peut par ce procédé réglementer des points dé-taillés, la doctrine s’accorde sur le fait qu’il faut laisser aux législateurs canto-naux une certaine marge de manœuvre. En quoi une loi ordinaire se distingue-rait-elle d’une loi-cadre si la seconde devait réglementer tous les aspects, ou presque, du domaine considéré de manière précise ? La difficulté interpréta-tive consiste dans ces conditions à déterminer s’il existe un seuil à partir du-quel la réglementation deviendrait trop exhaustive pour pouvoir encore être qualifiée de loi-cadre.

Une autre complication est de déterminer quels points le législateur fédéral est autorisé à retenir pour une réglementation en profondeur. Le critère de l’importance de la matière103 ainsi que celui de la subsidiarité (art. 5a Cst.) - en particulier l’exigence de détailler les seuls aspects « qui excèdent les possibili-tés des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme par la Confé-dération » au sens de l’article 43a I Cst. - devraient être les principaux guides pour y répondre. Dans le domaine spécifique de la politique énergétique,

98 AUBERT (1982), p. 73.

99 DIVISION DE LA JUSTICE, avis du 30 décembre 1977, JAAC 1978, N. 95, p. 420-421, se fondant sur l’interprétation historique au détriment de la lettre.

100 Précisément au sujet de l’article 89 II Cst. (ATF 138 I 454, 458).

101 Cf. Par exemple ATF 128 I 254, 265 : « Eingriffe des Bundesgesetzgebers in die kantonale Organi-sationsautonomie sind auch bei einer Grundsatz- oder Rahmengesetzgebungskompetenz des Bun-des nicht von vornherein ausgeschlossen ».

102 Cf. par exemple TSCHANNEN (2011), § 20 N. 37.

103 «Es ist anerkannt, dass der Bundesgesetzgeber, wo besonders wichtige Probleme zu entscheiden sind oder klare Abgrenzungen auf eidgenössischer Ebene vorgenommen werden müssen, auch de-taillierte Regeln erlassen darf» (ATF 128 I 254, 265).

l’exigence de subsidiarité est rappelée spécialement : « la Confédération tient compte des efforts des cantons, des communes et des milieux économiques ; elle prend en considération les réalités de chaque région et les limites de ce qui est économiquement supportable » (art. 89 V Cst.). Il serait également perti-nent de sélectionner ces pans législatifs en fonction du gain d’efficacité (art. 170 Cst.104) et de rationalité (art. 43a V Cst.105) qu’une solution centralisée offrirait. Une évaluation menée selon les règles de l’art106 serait certainement une voie à suivre pour objectiver les positions trop souvent doctrinales entre centralisateurs effrénés et fédéralistes à tout crin.

De toute manière, il revient aux autorités politiques de trancher ces ques-tions « au plus près de leur conscience » comme le précise Jean-François Au-bert ; le corps électoral pourra toujours sanctionner une interprétation centrali-satrice qu’il jugerait trop audacieuse ou au contraire la soutenir s’il devait la considérer adaptée : « Quand le constituant n’entend pas donner au législateur fédéral une compétence exhaustive ou globale, il a pris l’habitude de la réduire à l'édiction de "principes" […]. La notion n’est, il est vrai, pas très claire. De quelle règle peut-on dire qu’elle est un principe ? Au-dessous de quel degré d'importance doit-on cesser de lui reconnaître cette qualité ? Ici encore, ce sont les autorités politiques qui décident, au plus près de leur conscience ; et, s’il y a référendum, c’est le corps électoral qui tranche »107.

Le droit de l’énergie offre quelques illustrations de la difficulté :

- Dans le cadre de la révision de la loi sur l’énergie proposée pour mettre en œuvre la stratégie énergétique 2050, le Conseil fédéral pro-pose que les cantons élaborent avec le soutien de la Confédération un concept de développement des énergies renouvelables, notamment de la force hydraulique et de la force éolienne, dans lequel ils devront dé-signer pour l’ensemble de la Suisse les zones qui se prêtent à l’utilisation de ces énergies (art. 11 LEne [projet]). La sanction suivante est prévue en cas de mise en œuvre cantonale déficiente :

« L’élaboration du concept est placée sous la conduite de la Confédéra-tion si, trois ans après l’entrée en vigueur de la présente loi, aucun concept tenant suffisamment compte des objectifs de développement n’a été élaboré » (art. 12 III LEne [projet]). Dans une prise de position commune, les cantons se réfèrent à leur compétence fédérale de prin-cipe en matière d’énergies indigènes et renouvelables (art 89 II Cst.) et

104 Exigeant que l’Assemblée fédérale veille à ce que l’efficacité des mesures prises par la Confédération fasse l'objet d’une évaluation.

105 Exigeant que les tâches de l’Etat soient être accomplies de manière rationnelle et adéquate.

106 Sur l’évaluation législative dans le cadre du droit public et administratif en particulier, cf. MOOR/ FLÜCKIGER/MARTENET (2012), p. 498 ss.

107 AUBERT (1982), p. 73.

d’aménagement du territoire (art. 75 Cst.) pour critiquer tant le carac-tère obligatoire du plan que la sanction en cas d’inexécution. Seul un plan dépourvu de force obligatoire pour les cantons resterait selon eux dans le cadre constitutionnel108. Vu sous l’angle de l’efficacité et de la rationalité, proposer un concept dépassant les frontières cantonales n’est à notre avis pas dénué de pertinence s’agissant de l’utilisation du vent et de l’eau. Si le caractère obligatoire du plan peut prêter à dis-cussion sous l’angle cumulé de l’énergie, de l’aménagement du terri-toire109 ou des eaux110, il ne nous paraît pas forcément admissible par le fait que ces installations présentent une face électrique également.

La Confédération dispose certes d’une compétence concurrente glo-bale en cette matière (art. 91 I Cst.), mais pour le transport et la livrai-son d’électricité, à l’exception de la construction111. Quant à la critique sur la sanction en cas d’inexécution, elle doit être relativisée, car le plan en ce cas n’est que subsidiaire et n’a pas à être formellement adopté par la Confédération ; celle-ci se bornant à piloter l’élaboration du plan.

- Dans le cadre de la révision récente de la loi sur l’aménagement du territoire, la loi sur l’énergie a prévu qu’un dépassement de 20 cm au plus ne devait pas être pris en compte lors du calcul des mesures de renforcement de l’efficacité énergétique du bâtiment112. La constitu-tionnalité de cette disposition a été mise en doute tant au sein du Par-lement que par les cantons113. Si cette disposition dépasse indubita-blement le degré de « principe » pris dans son sens littéral, elle peut éventuellement trouver sa place dans une législation-cadre. Cette norme reste cependant critiquable, mais en raison de son degré de dé-tail et de la cohérence dans l’ordre juridique. La précision selon la-quelle le nombre de centimètres pour déterminer si les installations so-laires sont suffisamment adaptées aux toits devrait en effet plutôt être

108 CONFÉRENCE DES GOUVERNEMENTS CANTONAUX, Prise de position commune des cantons du 1er février 2013 sur la stratégie énergétique 2050, p. 9.

109 KLABER 2014, p. 44 et réf. cit.

110 Compétence fédérale de principe pour l’utilisation de l’eau pour la production d’énergie (art. 76 II Cst.) mais non pour la sécurité des barrages et le maintien de débits résiduels notamment (art. 76 II Cst.).

111 KLABER (2014), p. 45 s. et 47, qui admet en revanche la compétence fédérale pour édicter un tel plan obligatoire pour l’énergie éolienne au sens de l’article 22 I OAT.

112 « Dans les bâtiments chauffés satisfaisant au moins aux normes Minergie ou MoPEC ou à une norme analogue, un dépassement de 20 cm au plus pour l’isolation thermique ou l’installation visant une meilleure utilisation des énergies renouvelables indigènes n’est pas pris en compte lors du cal-cul notamment de la hauteur du bâtiment, de la distance entre les bâtiments, de la distance à la li-mite, de la distance aux eaux publiques, de la distance à la route ou de la distance à la place de parc, ni dans le cadre de l’alignement des constructions. » (Art. 9 III let. e LEne).

113 CONFÉRENCE DES GOUVERNEMENTS CANTONAUX, Prise de position commune des cantons du 1er février 2013 sur la stratégie énergétique 2050, p. 15.

ancrée au niveau réglementaire, comme c’est le cas de la règle corres-pondante en droit de l’aménagement du territoire où la précision cen-timétrique relève, à juste titre, de la loi au sens matérielle114.

d) L’interprétation restrictive des réserves cantonales proprement dites

Pour étendre sa compétence, la Confédération peut décider d’interpréter de manière restrictive les réserves cantonales proprement dites (dérogation en faveur des cantons dans un secteur généralement placé dans la compétence fédérale115) à l’exemple de l’article 89 IV Cst. On rappelle que les mesures con-cernant la consommation d’énergie dans les bâtiments sont du ressort des can-tons, mais – et l’expression est singulière - seulement « au premier chef » («vor allem» ; «in primo luogo»)116.

Toute la question est de savoir dans quelle mesure la Confédération con-serve une compétence « au second chef » : est-ce une compétence analogue à la compétence limitée aux principes, i.e. une compétence de loi-cadre l’autorisant à régir de manière détaillée certains points ? Est-ce une compétence limitée aux principes, pris dans son sens littéral, i.e. excluant l’édiction de règles détail-lées ? Confère-t-elle une compétence globale, mais provisoire ou subsidiaire, en cas d’inaction des cantons ou d’exécution imparfaite ? Aucune réponse dé-finitive ne peut être donnée à ces questions117, si bien qu’il revient au législa-teur fédéral de donner un sens à ce mot, le cas échéant sous le contrôle du peuple en référendum.

L’administration fédérale vient de suggérer une révision constitutionnelle pour substituer à cette singularité une plus classique compétence fédérale con-currente limitée aux principes. Le but serait de permettre « à la Confédération de promulguer des normes ou d’opérer une harmonisation, ceci toutefois seu-lement en cas de besoin spécifique », car « la répartition des compétences, no-tamment pour ce qui est du domaine du bâtiment, est définie de manière peu claire à l’art. 89 Cst. » et l’hétérogénéité des normes actuelles est « peu satisfai-sante pour l’atteinte des objectifs d’efficacité énergétique » et « complique les

114 « Dans les zones à bâtir et les zones agricoles, les installations solaires suffisamment adaptées aux toits ne nécessitent pas d’autorisation » (art. 18a I LAT) ; « Les installations solaires sont considé-rées suffisamment adaptées aux toits (art. 18a, al. 1, LAT) si les conditions suivantes sont réunies :

… elles ne dépassent pas les pans du toit perpendiculairement de plus de 20 cm » (art. 32a let. a OAT).

115 AUBERT (2003), N. 12 (note).

116 La Confédération est « un petit peu compétente » (« ein bisschen ») aussi (SCHAFFHAUSER/UHLMANN 2014, Art. 89, N. 14).

117 En faveur d’une compétence « subsidiaire », cf. AUBERT (2003), Art. 89, N. 15. En faveur d’une légi-slation de principe (« Grundsatzgesetzgebung »), cf. KERN (2015), Art. 89, N. 19. Pour SCHAFFHAUSER/UHLMANN (2014), Art. 89, N. 14, la Confédération serait - un petit peu tente - « wohl im Wesentlichen über seine Grundsatzkompetenz ».

activités de l’économie et de l’industrie du bâtiment »118. Les cantons eux-mêmes sont obligés de reconnaître que la trop grande hétérogénéité des normes actuelles en la matière complique la situation des propriétaires et des professionnels : « assurer une grande harmonisation au plan légal » permet de simplifier « le travail des propriétaires et des professionnels actifs dans plu-sieurs cantons en ce qui concerne la conception des bâtiments et les demandes d'autorisation »119.

Cette proposition d’instaurer une compétence limitée aux principes, aussi louable soit-elle, ne permettra cependant pas d’atteindre les buts de clarifica-tion et d’harmonisaclarifica-tion qu’elle se fixe étant donné que la compétence de prin-cipe n’est, d’une part, pas plus simple à interpréter et que, d’autre part, elle impose par nature une certaine diversité normative. Seule une compétence globale serait vraiment efficace et légitime pour harmoniser le secteur de l’énergie dans le bâtiment selon des standards fédéraux. Une révision constitu-tionnelle s’imposerait dans ce cas puisque cela reviendrait à priver les cantons de la marge de manœuvre substantielle qui leur revient en droit positif120.

En pratique, le législateur fédéral a légiféré en impartissant quelques in-jonctions laissant une certaine latitude aux cantons dans le domaine du bâti-ment : ils doivent édicter des dispositions sur la part maximale d’énergies non renouvelables destinée au chauffage et à l’eau chaude, sur l’installation et le remplacement de chauffages électriques, sur la définition d’objectifs avec des grands consommateurs, sur le décompte individuel des frais de chauffage et d’eau chaude pour les nouvelles constructions et les rénovations d’envergure, sur la production d’énergies renouvelables (art. 9 III LEne), sur l’efficacité énergétique et sur l’indication de la consommation d’énergie des bâtiments (art. 9 IV LEne).

Sur le fond, le Conseil fédéral est allé pourtant beaucoup plus loin en pré-cisant que ces normes se « fondent sur les exigences cantonales harmoni-sées »121, ne laissant aux éventuels cantons récalcitrants qu’une marge de ma-nœuvre infime (indiquée par l’utilisation du verbe « se fonder sur » et non

« respecter »). Le procédé nous semble contraire à la Constitution fédérale, car il revient en quelque sorte à étendre à tous les cantons - y compris à ceux qui seraient possiblement réfractaires - des règles harmonisées non pas par la

118 DFF, DETEC, OFEN, OFEV, Rapport explicatif sur l’avant-projet : disposition constitutionnelle con-cernant un système incitatif en matière climatique et énergétique, Berne 2015, p. 11 s.

119 MoPEC 2014, p. 9.

120 La doctrine avait déjà proposé en son temps une compétence concurrente fédérale non limitée aux principes (MALINVERNI 1977, p. 259 et 262).

121 « Lorsqu’ils édictent les dispositions visées à l’art. 9, al. 3, de la loi, les cantons se fondent sur les exigences cantonales harmonisées. » (art. 11a I OEne).

fédération certes (le procédé eût été dans ce cas encore plus illégitime), mais par d’autres cantons.

Or, pour obliger les cantons à harmoniser leurs législations selon des règles qu’ils choisissent entre eux, la Constitution fédérale prévoit une procédure en deux temps : la conclusion d’une convention intercantonale d’abord et, si tous les cantons n’adhèrent pas, un moyen de contrainte formel pour étendre la validité de la convention à l’ensemble des cantons : la déclaration de force obligatoire générale ou l’obligation d'adhérer à des conventions (art. 48a Cst. ; art. 14 et 15 de la loi fédérale sur la péréquation financière et la compensation des charges122). On ne saurait appliquer ces règles en l’espèce, d’une part car l’harmonisation cantonale est aujourd’hui opérée par des actes de soft law - et non par voie concordataire comme on le verra plus loin - et d’autre part parce que la Constitution fédérale n’autorise pas un tel procédé dans le domaine de l’énergie (art. 48a I Cst. a contrario).

Si les cantons ne semblent pas remettre en cause la concrétisation de la

Si les cantons ne semblent pas remettre en cause la concrétisation de la