Chapitre 9. Analyse des liens entre la créativité et les ressources relatives aux facteurs
9.2. Objectifs spécifiques et hypothèses opérationnelles
Notre objectif consiste à étudier l’articulation entre les ressources individuelles regroupées en
trois pôles de ressources, les ressources créatives, cognitives et conatives, ainsi que les
relations entre leurs différentes sous dimensions. Selon la théorie de l’adaptabilité
individuelle, les ressources personnelles, à l’exception des ressources créatives, sont des
antécédents ou KSAOs (Ployhart & Bliese, 2006b). Elles permettent de soutenir
l’adpatabilité.
Les hypothèses spécifiques concernent principalement les relations entre la créativité et les
deux autres pôles de ressources (cognitif et conatif).
Créativité et facteur cognitif (raisonnement logique) :
Nous avons déjà évoqué les relations complexes entre créativité et intelligence dans la partie
théorique à travers l’abondante littérature sur le sujet (chapitre 3.3). En particulier, on peut
signaler le Volume 8 du Korean Journal of Thinking and Problem Solving qui présente une
revue de l’état de l’art assez exhaustive en abordant à la fois les approches théoriques et
méthodologiques (KJTPS, 2008).
Nos hypothèses spécifiques s’appuient principalement sur les travaux de Silvia et al., (2008)
et les résultats publiés par Hennessey et Amabile (2010). Silvia a ré-analysé d’anciennes
données avec des méthodes de calcul modernes. Les résultats obtenus sont en faveur d’une
relation modeste entre les deux concepts. L’auteur en a conclu que l’Originalité et la Fluidité
obtenues à partir du TTCT sont deux variables significatives de la créativité pour la prédiction
de l’intelligence. En complément, Hennessy et Amabile reportent l’existence de relations
significatives et positives entre la créativité et l’intelligence logique. Toutefois, ces relations
restent de faible intensité avec des coefficients r observés dans la littérature ne dépassant pas
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.20 (Hennessey & Amabile, 2010 ; Silvia et al., 2008). Rappelons que Wallach et Kogan
(1965) ont rapporté une corrélation de r= .09 à ce sujet.
Ainsi, nous nous attendons à observer des relations similaires sur notre échantillon d’étudiants
o Il existe une relation significative et positive mais d’intensité modérée entre
créativité - estimée par les deux indices, Fluidité et Intégration - et
Raisonnement logique.
Créativité et facteur conatif (personnalité et motivation) :
o Personnalité
De même que pour la créativité et l’intelligence, la littérature ayant trait aux relations entre
créativité et personnalité est particulièrement abondante. La méta-analyse menée par Feist
(1998), couvrant 50 ans d’histoires de la psychologie de la créativité et de la personnalité, est
une référence parmi les revues scientifiques existantes. Feist a fait des comparaisons sur trois
types d’échantillons (scientifiques vs non scientifiques, plus créatifs vs moins créatifs, artistes
vs non artistes) selon les cinq dimensions du Big-Five. Les résultats montrent des corrélations
positives entre les personnes créatives et les traits de personnalité comme l’ouverture aux
expériences nouvelles, l’ambition, l’hostilité et l’impulsivité. De plus, les personnes créatives
sont aussi moins consciencieuses, plus sûre d’elles et ont un degré d’acceptation de soi élevé.
D’autres travaux ont confirmé ces résultats. Les auteurs s’accordent sur le fait qu’il existe des
corrélations élevées entre la créativité et l’ouverture aux expériences nouvelles (McCrae &
Costa, 1987 ; Perrine & Brodersen, 2005).
Cependant, dans des travaux récents, Kashdan et Fincham (2002) ont mis l’accent sur le sens
de la « curiosité » et de « la confiance en soi » exprimées dans les comportements créatifs.
Pour d’autres auteurs, un faible niveau de confiance en soi immédiat peut constituer un bon
indice de prédiction des niveaux plus élevés en créativité (Kaufman, 2002).
En résumé, si l’on trouve dans la littérature une certaine convergence concernant la relation
entre la créativité et la dimension « Ouverture à de nouvelles expériences », pour les autres
dimensions du Big-Five il existe une grande hétérogénéité de résultats. En effet, selon les
méthodes employées, les données apparaissent différentes voire contradictoires à ce sujet (e.g.
Hennessey & Amabile, 2010).
S’appuyant sur ce constat, nous supposons que les relations observées sur nos données sont
aussi variées. A priori, nous nous attendons à ce que la créativité contribue de manière
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spécifique aux les cinq dimensions de la personnalité. Nos hypothèses opérationnelles sont les
suivantes :
o Il existe des relations significatives, positives et d’intensité modérée entre la créativité
et trois des dimensions du BB5 : l’Ouverture, l’Extraversion et la Conscience.
o Il existe des relations significativement négatives entre Créativité et les deux
dimensions du BB5 : Agréabilité et Stabilité émotionnelle.
o Créativité et motivation autodéterminée
Amabile, Hill, Hennessey et Tighe (1994) sont parmi les premiers auteurs à explorer les
relations entre créativité et motivation (intrinsèque vs extrinsèque), considérée comme le
moteur qui permet l’engagement dans l’action et la réalisation des intérêts ou défis etc.
D’autres auteurs comme Prabhu et son équipe (Prabhu, Sutton & Sauser, 2008) ont confirmé
les relations positives entre créativité et motivation intrinsèque. Cependant, pour cet auteur, la
motivation intrinsèque reflète en réalité l’endurance chez une personne. Et dans ce sens, elle
peut être considérée comme un trait de personnalité. En effet, il n’est pas évident de tracer la
frontière entre les traits de personnalité et la motivation intrinsèque introjectée ou identifiée au
sens de Deci et Ryan (2010).
Pour clarifier les relations entre la motivation autodéterminée et la personnalité, nous nous
proposons de mener un travail d’analyse corrélationnelle entre ces deux types de ressources.
Mais auparavant, nous vérifierons les relations entre créativité et ressources motivationnelles,
en particulier, entre l’Intégration et les deux premières dimensions de l’Auto-D :
- Il existe des relations significatives et positives et d’intensité relativement modérée
entre créativité (Intégration) et deux dimensions de l’Auto-D : Acd et Adf
(respectivement, l’Expression et l’Exploitation des compétences et la Prise de décision
concernant l’avenir) comparées aux deux autres dimensions de l’Auto-D :Ais et Atl
(respectivement, l’Expression des ses sentiments et idées et la Décision à propos des
loisirs).
Le raisonnement logique et la motivation autodéterminée
Pour cette mise en lien de la motivation autodéterminée et du raisonnement logique, notre
étude constitue également une première. Etant donné que les quatre dimensions de l’échelle
Auto-D mesurent des attitudes proches de celle de la prise de décision, nous pensons à priori
que le raisonnement logique peut contribuer positivement aux quatre dimensions de cette
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échelle, mais plus fortement aux deux premières dimensions, Acd et Adf, comparées aux deux
autres dimensions de l’AutoD (Ais et Atl).
Dans le document
Créativité, adaptabilité et compétences à s’orienter tout au long de la vie.
(Page 155-158)