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Différentes conceptions de la créativité de l’antiquité à notre époque

Chapitre 3. La notion de créativité

3.2. Différentes conceptions de la créativité de l’antiquité à notre époque

notre époque

Dans un article intitulé « Definitions of creativity », Cropley (1999) présente l’évolution

épistémologique de ce concept. D’après cet auteur, dans l’Antiquité, la créativité est associée

à un don divin. Platon utilisait des muses pour servir de médiatrices entre le dieu et le poète

ou tout autre créateur intellectuel. Sans elles, il n’y avait pas de création possible. L’être

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créatif était mis en communication avec des divinités ou des esprits pour être guidé durant ses

inspirations créatives.

Durant le XVIIIème siècle, apparaissent des débats philosophiques sur le génie et notamment

sur les fondements du génie créatif sans distinction entre ce dernier et le talent. Le génie

créatif résulterait d’une capacité innée impliquant l’imagination associative qui permet de

combiner les idées, le jugement et l’évaluation des idées produites ainsi que les valeurs

esthétiques qui guident la recherche d’idées. Au XIXème siècle, la créativité se référe

principalement aux arts avec l’idée qu’il existe un lien très proche entre créativité et le

désordre mental.

Après la seconde guerre mondiale, la créativité a une forte connotation esthétique, l’aspect

mystique s’effaçant peu à peu. La créativité est considérée alors comme un médium pour la

beauté, une forme d’expression de soi, la communication ou encore la capacité à faire face à

l’inconnu ou à s’adapter aux situations nouvelles. Vers les années cinquante, durant la guerre

froide avec l’ex-union soviétique, la notion de créativité est associée à la notion de

compétition vis- à-vis de l’ennemi. Puis doucement, le concept de créativité se glisse dans le

domaine du management, l’accent y est mis sur le management créatif, spécialement sur le

leadership et sur l’innovation avec un focus sur la productivité et sur l’efficacité permettant de

répondre aux exigences de performances économiques.

Plus récemment, à un âge où les machines et spécialement les ordinateurs ont réussi à se

montrer compétents à peu près pour toutes les tâches, la créativité est vue comme un « dernier

bastion de la dignité humaine » au sens où elle constitue la capacité qui caractérise l’être

humain et qui le distingue des animaux. En effet, dans cette conception, la créativité permet le

développement du langage et de la culture d’une société. Par extension, elle est perçue comme

un des éléments lié à la santé mentale et au bien-être. Puis, dans la même perspective

individuelle, elle est liée à la flexibilité, à l’ouverture, au courage et aux autres qualités qui

sont considérées à la fois comme des pré requis et des résultats d’une personnalité en « bonne

santé ». Autrement dit, la créativité est reconnue comme un élément qui facilite le

développement de la vie d’une personne. Dans le domaine de l’éducation, la créativité est vue

comme une perspective éducative spéciale. Les stratégies créatives s’appliquent à la fois à la

pédagogie (creative teaching) et aux stratégies d’apprentissage (creative learning). On peut

citer l’usage très répandu de la créativité dans le domaine de la thérapie où l’art est employé

comme une méthode thérapeutique à part entière favorisant le développement personnel des

patients.

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Ainsi, de nos jours, la créativité paraît être plébiscitée dans tous les domaines. Elle ne permet

pas seulement des gains en productivité mais aussi des gains en termes de reconnaissance

sociale comme l’a signalé Rouquette (2007). Pour cet auteur, la créativité, en tant qu’attribut

social, joue un rôle de différenciation des individus et en tant que tel, elle sert de critère

indiquant l’appartenance d’un individu à un certain milieu ou à un certain niveau de prestige

social. Rouquette souligne aussi l’aspect militant de la créativité lorsqu’elle se trouve associée

à des investigations menées auprès des enfants dans une perspective éducative pour une

meilleure prise en charge. Il a écrit : « […] La créativité offrait en somme une nouvelle source

de légitimité pour certains enfants déviants et pour des pédagogies alternatives. Surtout, être

en mesure de reconnaitre l’enfant doué, c’est être en mesure de reconnaitre à la fois la juste

valeur de la personne et celle de l’apport futur qui peut être le sien dans le champ de l’intérêt

public. » (Rouquette, 2007, p. 11). Csikszentmihalyi (2006) s’intéresse aussi aux questions

liées à la reconnaissance sociale de la créativité donc à son évaluation telles que mettre en

évidence les références et les standards d’évaluation socialement admis pour évaluer la

créativité. Pour cet auteur, la créativité ne nait pas d’un cerveau mais d’une interaction entre

des idées et un contexte socioculturel. Plus qu’un phénomène individuel, il s’agit d’un

phénomène systémique (Csikszentmihalyi, 2006, p. 27 ; Rouquette, 2007). Ainsi, la créativité

renvoie à l’invention de quelque chose qui doit être intégrée à la culture : la confirmation

sociale est nécessaire pour accréditer un acte créatif : la seule conviction intime, subjective

(confirmation intérieure) ne suffit pas pour valider la créativité mais il faut aussi une

validation par des experts qualifiés (confirmation extérieure). L’idée est que la créativité, pour

avoir un impact quelconque, doit être formulée en termes compréhensifs par d’autres, être

acceptables aux yeux des spécialistes du milieu concerné, et enfin, être incluse dans la culture

dont elle dépend.

Ce survol épistémologique du concept de créativité nous montre une grande hétérogénéité de

conceptions de la créativité et leur évolution complexe dans le temps.

En ce qui concerne la définition de la créativité, depuis une trentaine d’année, les auteurs

s’accordent sur une définition consensuelle. Nous l’indiquerons un peu plus loin. Auparavant,

nous tentons de résumer différentes façons de définir la créativité en psychologie selon les

auteurs et leurs méthodes d’investigation.

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