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Conception des formes, fonctions et modalités d’interaction avec Amelis

2 Objectifs de l’étude

L’étude B1E2 se subdivise en deux sous-études. La première, l’étude B1E2a portera sur la conception des composants de l’interface, des fonctionnalités d’Amelis, ainsi que des moyens d’interaction proposés aux utilisateurs aînés pour utiliser le système. L’analyse des ateliers de prototypage au travers des onze critères psycho-ergonomiques pour l’étude de l’acceptabilité a priori d’une IHM permettra de déterminer les choix de conception judicieux en fonction des constructions développées au sein des ateliers. La finalité de cette étude étant d’identifier les atouts et limites potentiels du système pour des utilisateurs aînés, les attentes et perceptions des aînés seront discutées en identifiant leurs liens et la façon dont elles s’articulent avec le vieillissement. Ainsi, les résultats de l’étude B1E2a sur les choix et préférences de conception des formes, fonctions et interactions d’Amelis seront mis en perspective avec les caractéristiques biologiques, sociologiques et psychologiques du vieillissement. La question traitée sera donc : Compte tenu du contexte gérontologique et des caractéristiques biopsychosociales du vieillissement, quels sont les atouts et limites psycho-ergonomiques du dispositif Amelis perçus par les aînés ?

L’étude B1E2b portera spécifiquement sur l’agent virtuel car il s’agit d’une technologie relativement nouvelle, dont les études en contexte gérontologique sont encore peu développées. Les enjeux spécifiques du développement participatif de l’AVE d’Amelis concernent son apparence et son comportement émotionnel défini à partir des traits de personnalité « OCEAN ». Il s’agit de déterminer pour cette technologie nouvelle qu’est l’agent virtuel, quelles sont les formes et les spécifications comportementales pertinentes pour les aînés. L’étude B1E2b sur la caractérisation de l’agent virtuel émotionnel d’Amelis permettra donc de documenter les attentes des aînés. Nous pourrons aussi observer quels résultats recoupent, se distinguent ou spécifient les attentes qui ont été identifiées préalablement par revue de la littérature (tab.23). Comme pour l’étude B1E2a, les résultats de l’étude B1E2b sur l’apparence et le comportement de l’agent virtuel émotionnel seront discutés en fonction de ces caractéristiques. En d’autres termes, la question traitée sera : Compte tenu du contexte gérontologique et des caractéristiques biopsychosociales du vieillissement, quels sont les atouts et limites de l’agent virtuel émotionnel perçus par les aînés ? Pour résumer, l’objectif de l’étude B1E2 est d’identifier les atouts et limites potentiels perçus du calendrier électronique Amelis pour le vieillissement dans l’ensemble de ses dimensions biopsychosociales (résumées sous la forme de trois caractéristiques principales). Ces atouts et limites seront inférés à partir des choix et préférences élaborées en conception participative par les groupes d’aînés. En effet, nous considérons que leurs attentes et leurs projections concernant Amelis sont motivées par leur expérience réelle du vieillissement.

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3 Méthode

L’étude B1E2 repose sur une démarche de conception participative au cours de laquelle tous les acteurs (aîné, chercheurs et concepteurs) développent ensemble un artefact depuis son état de concept (ou d’idée) jusqu’à un état matériel de maquette, puis de prototype (Caelen, 2004 ; Cottier et Choquet, 2005 ; Darses et Rezeau, 2004 ; Reggers, Khamidoullina et Zeiliger, 2002). Les participants aînés ont été recrutés au sein des structures partenaires de la recherche pour participer à trois ateliers de prototypage. Les ateliers sont filmés pour garder la trace des échanges (verbatims) et des productions (ex : maquettes). L’atelier I visait la conception de l’interface du calendrier. Les deux ateliers suivants portaient sur la conception des modalités d’interaction avec Amelis. Durant l’atelier II, les participants volontaires ont échangé au sujet des interactions tactiles, vocales et avec un agent virtuel. L’atelier III visait spécifiquement la caractérisation de l’agent virtuel émotionnel (AVE). La majorité des ateliers a été co-animée par les chercheurs en ergonomie-gérontologie et en informatique. L’ensemble de ce protocole est présenté dans les annexes H à K, il a été contrôlé et autorisé par le Comité d’Ethique de la Recherche en Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Sherbrooke.

3.1 Atelier de prototypage I : L’interface d’Amelis

Le premier atelier collectif de conception participative vise le prototypage de l’interface du calendrier interactif (Fig.27). Ce premier atelier vise à :

- déterminer les fonctionnalités accessibles sur l’interface d’Amelis (on fera référence aux « fonctions » de l’IHM) ; en plus du calendrier, Amelis pourrait donner accès par exemple à la météo.

- identifier, concevoir et mettre en place les composants qui constituent « idéalement » (selon les aînés participants) l’interface d’Amelis. Un composant peut être une icône, un bouton, une image (on référera aux « formes » de l’IHM).

Figure 27: Illustration d'un atelier 1

Durant l’atelier, les participants construisent la maquette de l’écran d’Amelis en faisant le choix des fonctions, des composants, de leur style et de leur disposition. Les composants proposés par les chercheurs (Fig.28), n’ont pas été conçus de façon aléatoire. Ils ont été repérés soit par observation de calendriers papier (ex : vues de calendriers mensuels), soit dans le cadre d’autres recherches au sein du laboratoire DOMUS (ex : sensibilité au format numérique ou analogique des horloges chez des aînés présentant des troubles cognitifs ; Adelise, 2017), soit lors des entretiens collectifs précédents (échanges au sujet des photographies personnelles, d’un bouton d’urgence et du menu du restaurant de la résidence).

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Figure 28: Exemples de composants proposés pour l'atelier I - Trois vues possibles pour un calendrier mensuel

A l’issue des ateliers I, des maquettes de synthèse ont été produites (Fig.28). Elles représentent l’interface du système Amelis mais elles serviront aussi aux participants de l’atelier II à explorer ensemble les interactions possibles avec le système (Darses et Rezeau, 2004). Les maquettes de synthèse constituent donc à la fois un résultat et un instrument de la conception participative.

Figure 29: Maquettes de synthèse produites à l'issue des ateliers I, au Québec et en France

3.2 Atelier de prototypage II : Modalités d’interaction

Durant l’atelier II, il a été demandé aux aînés d’imaginer les modes d’interaction qu’ils privilégieraient pour réaliser différentes actions sur le calendrier Amelis. Pour cela, les maquettes de synthèse des écrans conçues en atelier I ont été utilisées comme un plateau de jeu (Fig.30). Les démarches et objets ludiques sont intéressants en conception participative parce qu’ils favorisent la convivialité, une relative équité entre l’ensemble des acteurs et l’utilisation d’objets intermédiaires face auxquels les acteurs éprouvent un sentiment de familiarité (Muller, Wildman et White, 1994 ; Turchiarelli, Bittencourt, Béguin et Duarte, 2011).

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Figure 30: Illustration d'un atelier 2

Les participants âgés disposaient de trois cartes à jouer figurant la modalité d’interaction tactile, vocale et l’agent virtuel (Fig.31). Une phase introductive présentait les maquettes de synthèse et les trois types de modalités d’interactions (à partir de vidéos et en proposant aux aînés de tester réellement l’interaction tactile). Ensuite, les échanges étaient amorcés à partir de la question : « Pour réaliser telle action (ex : regarder votre planning du mois prochain), quel serait le mode d’interaction que vous privilégieriez ? ». Ainsi, comme le suggèrent Darses, Détienne et Visser (2001), les discussions dépassaient la conception de fonctions constituantes pour s’orienter vers une projection dans un usage possible.

Figure 31: Cartes à jouer "Interaction" utilisées pour l'animation des ateliers II

3.3 Atelier de prototypage III : Spécifier l’agent virtuel

L’atelier III a été construit autour de trois objectifs de prototypage : l’apparence, le comportement émotionnel et le dialogue de l’agent virtuel. Le premier axe de l’atelier porte sur l’apparence de l’AVE. Des planches de style présentant des visuels de visages et d’habillements différents ont été élaborées41 (Fig.32).

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Figure 32: Présentation d’un des supports d'animation - atelier III

Pour spécifier le comportement de l’AVE, la méthode retenue est basée sur la simulation de situations d’actions caractéristiques (Daniellou, 2004). A partir de dialogues écrits au préalable, un chercheur joue le rôle de l’agent virtuel et un second chercheur joue le rôle de l’utilisateur voulant inscrire un rendez-vous au calendrier. Trois dialogues sont joués ; la situation d’action caractéristique est l’ajout d’un rendez-vous au calendrier en sollicitant l’agent virtuel. La simulation propose une personnalité de l’AVE différente pour chaque scénario. Ces situations jouées ne correspondent pas à des activités réelles mais probables, ce qui permet aux participants de se projeter dans la réalisation d’une activité future. A l’issue de chaque dialogue, les participants âgés sont donc invités à exprimer leur ressenti face à la situation. En effet, les affects ont un rôle fonctionnel dans l’usage d’une technologie et il existe une interaction entre les processus cognitifs et émotionnels qui guident l’activité des individus (Cahour, Brassac, Vermersch, Bouraoui, Pachoud et Salembier, 2007). Ainsi, les simulations d’interaction entre l’agent virtuel (AV) et un utilisateur à partir des scénarios joués permettent une appréhension a priori des possibles réactions émotionnelles et affectives que susciterait l’usage d’Amelis en recourant à un AV.

3.4 Déroulement des ateliers

3.4.1 Adaptations spécifiques au public

Dans le cadre de conceptions participatives, Moget, Bonnardel et Galy (2014, p.245) remarquent que « les personnes âgées peu familiarisées avec les technologies pourraient (…) manquer de vocabulaire ou de connaissances pour exprimer leur choix de manière complète et intelligible pour les concepteurs. ». Dans le but de soutenir l’expression des aînés, différents supports ont été proposés. Par exemple, durant l’atelier III, des cartes sur lesquelles étaient inscrits des qualificatifs émotionnels permettaient aux aînés de qualifier le plus finement possible leur ressenti à l’issue des scénettes. Ces qualificatifs sont ceux proposés par la classification des émotions du modèle OCC (Ortony, Clore et Collins, 1988). Les chercheurs demandaient aux participants aînés d’exprimer : «en écoutant ce dialogue, je me suis senti(e) … carte(s) émotion(s)…». Les cartes émotions étaient également utilisées afin de relancer la discussion (ex : « Et dans quelles conditions pourriez-vous vous sentir …carte émotion… en utilisant Amelis ? »).

La conduite du protocole a également rencontré divers aléas. Dans le contexte spécifique de notre recherche notamment, les ateliers ont souvent été interrompus en raison d’arrivées de résidents confus dans leurs repères temporels ou du passage d’aidants pendant les séances (ce qui a parfois pu occasionner le départ anticipé d’un participant en cours d’atelier).

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3.4.2 Caractéristiques des ateliers conduits (nombre, participants, durée)

Pour la réalisation du protocole pour l’étude B1E2 (Fig.33), 19 séances de conception participative ont été réalisées au sein des résidences partenaires. La participation était volontaire. Afin de mettre en œuvre une démarche la plus participative possible, aucun critère d’exclusion n’a été retenu. Trois ateliers I de prototypage de l’interface ont été menés au Québec (14 participants) et quatre en France (13 participants). Ils ont duré 1h10 en moyenne.

Six ateliers II ont été réalisés : quatre au Québec avec 18 aînés participants, deux en France avec 16 participants (durée totale = 7 heures, durée moyenne/atelier =1h10).

Ensuite, quatre ateliers III ont eu lieu au Québec (14 participants) et deux se sont tenus en France (8 participants).

Figure 33: Déroulement des ateliers de prototypage - Effectifs totaux et objectifs