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Chapitre II. Brioude (IV e XIII e siècle)

A. Quelle réforme ?

1. Les nouveaux détenteurs du pouvoir

a) La Paix de Dieu et l’installation de la féodalité

(X

e

– XI

e

siècle)

Les éléments architecturaux et iconographiques que nous allons présenter sont apparus dans le contexte de la féodalité. Définissons-en ici quelque peu les contours. Depuis les travaux de Georges Duby qui traitent de la crise féodale ou de la « révolution féodale »273 quelques nuances ont été apportées à

propos de la dramatisation de cette période274. Il reste cependant admis que cette période violente,

correspond à une certaine faillite de l’institution royale, et aussi du pouvoir comtal ensuite, car les châtelains s’accaparent et en quelque sorte s’approprient les droits régaliens qu’ils transforment en droit privé émanant de leur personne. Le fractionnement du pagus se réalise à travers l’immunité et l’exemption, ainsi pour exemple des seigneuries monastiques échappent à la double tutelle du pouvoir comtal et du pouvoir épiscopal275. Avec Florian Mazel, admettons que les phénomènes conflictuels soient intégrés à des

processus complexes qui associent intimidations, négociations et comportements mimétiques « qui au final unissent plus qu’ils ne séparent moines et guerriers »276. Au cours du IXe siècle, le chapitre Saint-Julien a

souffert des brigandages des seigneurs et des guerres privées. La société féodale était brutale et toutes les chroniques racontent des batailles, des meurtres, dont les principales victimes sont les clercs277.

Descendant direct des Robertiens, Hugues Capet (duc des francs entre 960-987 puis roi des Francs entre 987-96) avait le soutien de l’Église, des successeurs d’Otton qui dominent l’aire germanique, enfin il ne perdit jamais l’attache des principaux évêques de son royaume franc. Mais l’autorité du roi capétien n’était pas respectée par de nombreux vassaux indisciplinés. De fait, les clercs, les évêques tenaient souvent des assemblées de paix278, particulièrement en terres du Midi pour mettre un terme à des situations quasi-

anarchiques.

273 G. Duby, Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris, 1978, p. 186.

274 F. Mazel, « Pouvoir aristocratique et Église aux Xe-XIe siècles. Retour sur la “révolution féodale” dans

l’œuvre de Georges Duby », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre [En ligne], Hors série n°1, 2008,

mise en ligne le 28 janvier 2008, Consulté le 12 février 2010. URL :

http://cem.revues.org/index4173.html, p. 1-14.

275 G. Duby, Recherches sur l’évolution des institutions judiciaires ecclésiastiques des abbayes normandes depuis les origines jusqu’en 1140, Paris, 1937 ; G. Duby, « La dislocation du pagus et le problème des consuetudines (Xe-XIe

siècles) », Mélanges d’histoire du Moyen Âge dédiés à la mémoire de Louis Halphen, Paris, 1951, p. 401-410.

276 F. Mazel, « Pouvoir aristocratique et Église aux Xe-XIe siècles. Retour sur la “révolution féodale” dans

l’œuvre de Georges Duby », op. cit., p. 7.

277 P. Riché, « La chrétienté occidentale (Xe- milieu du XIe siècle) », J.-M. Mayeur, Ch. Et L. Pietri, A.

Vauchez, M. Venard (dir.), Histoire du Christianisme, t. 4, Évêques, moines et empereurs (610-1054), Desclée, 1993, p. 829.

Vers 990, l’évêque du Puy, Guy d’Anjou, organisa un plaid à quelques kilomètres de sa ville épiscopale pour rétablir l’ordre. Déjà engagé dans le mouvement ecclésiastique de résistance aux usurpations de l’aristocratie guerrière, il était en relation avec le milieu réformateur de Lyon-Vienne : ce plaid (de Laprade) avait donc toute l’allure d’un coup d’essai279. C’est à Brioude que les troupes des neveux

de l’évêque s’étaient réunies pour appuyer militairement l’action de Guy II d’Anjou280. En 990, c’est à

Narbonne que l’on jura la paix, puis de nouveau vers le Puy281 avec le concile de Saint-Paulien dit « du

Puy », cette seconde intervention de l’évêque Guy d’Anjou prend place dans un contexte d’amplification du mouvement de paix. Cluny appuie pleinement ce mouvement à partir de 984, car l’abbaye bourguignonne se tourna vers le Sud. C’est en 987 et en 990 que Mayeul, de passage en Auvergne, découvrit auprès de l’évêque du Puy, le chanoine de Brioude Odilon de Mercœur282, qu’il conduisit

d’ailleurs à Cluny. Odilon succéda à Mayeul à la tête de Cluny. Cluny et le mouvement de paix, n’échappèrent pas aux combinaisons politiques et aux haines familiales devant lesquelles il resta bien démuni. Entre 1002 et 1012 les Angevins avaient renforcé leur retour, alors qu’en Auvergne les comtes de Clermont et les comtes de Brioude-Gévaudan se réconcilièrent. Toutefois l’incendie de la ville de Brioude par Étienne, évêque de Clermont, où son ennemi Étienne Le Blanc s’était caché, n’avait pas ménagé la paix. Avec ces guerres, aux alentours de 1020, les sièges épiscopaux étaient occupés par les cadets des familles châtelaines et non plus par des princes. Il en fut de même à Brioude.

Le mouvement d’abord adressé aux grands aristocrates allait, aux alentours de 1030, s’adresser aux chevaliers, classe sociale belliqueuse naissante283. Les châtelains se tournèrent vers l’Église pour relancer la

Paix, à laquelle dorénavant ils allaient adhérer284. Il s’agissait alors de la « Paix de Cluny » : une paix venue

des moines et non plus des évêques liés aux grands princes. L’abbé Odilon avait organisé dans son église, une liturgie pour la paix285. Dans les années 1020-1030, ceux qui agissaient le plus en ce sens étaient les

moines de Cluny : Odilon de Mercœur était à leur tête. Suite à l’assemblée de Verdun-sur-le-Doubs, où « un saint pacte fut juré », Robert II, roi de France, dit le Pieux (972-996-1031), fils d’Hugues Capet et d’Adélaïde d’Aquitaine, réunit une assemblée à Compiègne en vue de tenir un concile de paix avec l’empereur Henri II, ce qui ne fit pas l’unanimité car quelques évêques conservateurs de tradition carolingienne estimaient que seule la paix du roi était efficace286.

C’est dans un tel contexte que le roi Robert se rendit dans le Midi, pour un voyage qui fit incontestablement figure d’exploit287. Le roi était descendu guérir, grâce à ses dons thaumaturgiques, les

gens du Midi, idolâtres qui priaient des statues si étranges pour les gens du Nord. Certes il s’agissait là d’un pèlerinage, mais il s’agissait par la même occasion d’un acte politique considérable. Le roi s’arrêta à

279 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges […], op. cit., p. 416. 280 Idem, p. 414.

281 P. Riché, « La chrétienté occidentale (Xe- milieu du XIe siècle) », op. cit., p. 830. 282 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges […], op. cit., p. 422.

283 D. Barthélémy, Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société féodale, Paris, Armand Colin, 2004. 284 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges […], op. cit., p. 441.

285 M. Pacaut, L’ordre de Cluny : 909-1789, Éditions Fayard, Paris, 1986, p. 123. 286 P. Riché, « La chrétienté occidentale (Xe- milieu du XIe siècle) », op. cit., p. 831. 287 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges […], op. cit., p. 443.

Souvigny, à Saint-Julien de Brioude, à Notre-Dame du Puy, à Sainte-Foy de Conques, et encore à Saint- Sernin de Toulouse. N’était-il pas passé à Clermont et Issoire ? Peut-être que Robert évita l’Auvergne septentrionale, car sa présence n’y était pas souhaitée. Pourtant cette région soumise en théorie au duc d’Aquitaine n’avait pas dû effrayer le roi mais la suzeraineté du duc d’Aquitaine était totalement illusoire dans cette région288 et le pays n’était pas sûr. Les Clermont avaient encore usurpé le titre comtal et les

guerres éclataient inlassablement. Le roi voulut pourtant asseoir sa légitimité. Il en vint même à en appeler à Rome pour y parvenir. Mais, en Auvergne les désordres persistaient.

La véritable remise en ordre du Midi se fait autrement, notamment par l’interpellation des Mercœurs en Auvergne289. En 1031 exactement, Étienne II de Mercœur devint doyen de Brioude et

évêque du Puy (1031 – 1053 ?)290. Les Mercœur gardèrent le doyenné de Brioude comme un véritable

fief291. Le voyage du roi n’avait pas été complètement réussi car la royauté était restée en définitive absente

d’Auvergne jusqu’à l’avènement de Louis VI292. L’Église était tout de même renforcée : un mouvement de

foi poursuivit la Trêve et fortifia même les vénérations de reliques293. On exalta alors le rôle de l’Église

dans la remise en ordre de la société. Enfin les structures de l’Église auvergnate encadrèrent la religiosité populaire et préparent la Réforme grégorienne. Les clercs comme les nobles avaient cherché à récupérer la sociabilité des ruraux294. En fait ce n’est plus l’Église dans sa forme antique et d’Auvergne qui agissait mais

l’Église au XIe siècle traversée par le mouvement clunisien. Elle proposa alors à la noblesse d’être

l’incarnation d’une chevalerie chrétienne qui milite pour le royaume de Dieu : « miles Christi »295.

Le comte d’Auvergne était en quête de pouvoir. La société féodale était en marche. En 980, Guy Ier

avait acquis le titre comtal en Auvergne296. Dorénavant, il lui fallut assurer ce titre et faire oublier l’origine

modeste de la dynastie comtale d’Auvergne297. Le comte Robert Ier d’Auvergne (comte de 1016 à 1032 ?),

convola finalement avec Ermengarde d’Arles, belle-sœur du roi capétien Robert298. C’était une manière

pour lui de se grandir ou d’imiter son suzerain le duc aquitain. Une nouvelle hiérarchie sociale proprement féodale se dessinait. Les trois ordres allaient jouer leurs rôles, et selon la belle expression de Christian Lauranson-Rosaz « La Paix de Dieu institutionnalisée institutionnalise l’ordre féodal »299.

L’essor des villes et des bourgs, la croissance de la masse monétaire, l’établissement des seigneuries, le développement du groupe chevaleresque et la naissance véritable de la paroisse caractérisent cette

288 Idem, p. 444-450 ; M. Estienne, op. cit., p. 53. Michel Estienne estime que le roi Robert peut traverser

l’Auvergne car il a reconnu le titre comtal au comte.

289 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges […], op. cit., p. 452.

290 Il semble raisonnable de considérer Etienne II de Mercoeur et nul autre, doyen à partir de 1031. 291 P. Cubizolles (Abbé), op. cit., p. 552.

292 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges […], op. cit., p. 453. 293 Idem, p. 454.

294 Id., p. 455.

295 B. Phalip, Le château et l’habitat seigneurial en Haute-Auvergne et Brivadois entre le XIe et le XVe siècle, thèse sous

la direction du professeur A. Prache, Université Paris IV, 1990, t. 1, p. 240.

296 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges […], op. cit., p. 203. 297 Idem, p. 234.

298 J.-L. Fray, « L’échec des principautés : tableaux des pouvoirs à la fin du XIIe siècle – Auvergne et

Aquitaine (Xe-XIe siècle) » L’Identité de l’Auvergne […], op. cit., p. 234. 299 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges […], op. cit., p. 456.

période comprise entre la fin du Xe et le XIe siècle300. Les propriétaires cléricaux ont joué très tôt le rôle de

banquier par le biais du gage. Michel Parisse rappelle que bon nombre d’églises devenues paroissiales avaient été la légitime propriété de laïcs fondateurs qui, avec la réforme, ont décidé de bon gré de donner leur église et non pas de les rendre comme on a trop facilement tendance à l’affirmer : les églises tenues par les laïcs n’étaient pas toutes usurpées301. Ajoutons à cela que le mouvement de « restitution » s’est

prolongé largement par delà même le XIIe siècle. Ces transferts de biens et de droits considérés comme

ecclésiastiques en faveur des monastères ou des chapitres étaient plébiscités par les moines et les clercs en grande partie issus des rangs de la petite et de la moyenne aristocratie302. Florian Mazel précise qu’il

s’agissait pour eux d’investir des institutions jusque-là cadenassées par les grandes lignées de rang comtal ou vicomtal, exceptionnellement de rang châtelain303. L’idée ici exprimée favorise et dévoile la

confrontation de deux aristocraties qui détiennent un pouvoir concurrent et complémentaire. L’accès aux charges ecclésiastiques, favorisé par « l’interventionnisme pontifical et l’essor des collégialités oligarchiques de clercs »304 fut ainsi accessible pour une aristocratie plus modeste espérant gravir l’échelle sociale.

b) La Réforme grégorienne et la « résistance » brivadoise

(XI

e

– début XII

e

siècle)

Nous rentrons plus fermement dans le contexte où les édifices romans modestes et prestigieux sont venus remplacer les anciens lieux de prières. Les sujets romans ont trop souvent été justifiés par la Réforme grégorienne pour n’en faire aucune approche. Le mouvement de la Paix de Dieu avait été poursuivi par celui de la Réforme grégorienne305 dans le dernier quart du XIe siècle et s’était perpétué dans la Croisade

de 1095306. Avec la Réforme grégorienne, l’Église récupéra de nouveaux sanctuaires ruraux et reçut des

revenus jusque là tenus par des patrons laïcs de paroisses307. Plusieurs évènements démontrent le plein

renouveau d’une Église forte et structurée. L’histoire de la Réforme grégorienne et de l’affrontement entre la Papauté et l’Empire qui en découle, se déroule globalement entre le XIe et le début du XIIe siècle. Si l’on

parle abondamment de Réforme grégorienne, le terme plus utilisé fut plutôt celui de restitutio ce qui évoque

300 R. Fossier, Le Moyen Âge, t.2, Paris, 1982, p. 19-87.

301 M. Parisse, « Le redressement du clergé séculier », J.-M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez, M.

Venard (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos jours, t. 5, Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté

(1054-1274), Desclée, 1993, p. 268.

302 F. Mazel, Pouvoir aristocratique et Église aux Xe-XIe siècles […], op. cit., p. 8.

303 Idem, p. 8. 304 Ibidem.

305 Grégoire VII a attaché son nom à la réforme ecclésiastique initiée avant lui par Léon IX (1049-1054) et

par Nicolas II (1059-1061) et Alexandre II (1061-1073) prolongé aussi par Urbain II (1088-1099) ; la chronologie de la Réforme grégorienne peut se découper en quatre temps, voir, M. Scot, « La réforme grégorienne, une introduction », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 96, 2010, p. 8-10.

306B. Phalip, L’art roman en Auvergne. Un autre regard, Éditions Créer, 2003, p. 7.

307 J. Mallet, L’Art religieux roman dans l’ancien diocèse d’Angers (XI-XIIe siècles), Thèse de 1978, Éditions Picard,

un retour à la pureté de l’Église308 primitive et implique l’idée d’une correction d’un abus et de son

usage309. À cela il faudrait certainement ajouter en suivant Sylvain Gouguenheim, que la notion même de

Réforme grégorienne n’est pas si tranchée, et qu’il serait surement plus juste de ne parler que de la réforme pontificale afin d’intégrer au mieux qu’elle s’est déroulée et développée progressivement310 : l’expression

« réforme grégorienne » a été établie assez récemment311.

Le monde monastique offrait déjà des exemples de réformes considérées comme des retours aux exigences originelles. Cluny était en quelque sorte un modèle préétabli, car liée à la papauté, elle avait prouvé sa réussite en évitant la main mise des laïcs aristocrates tout en concentrant en elle-même un pouvoir de type seigneurial312. Promotrice de la Réforme, Cluny qui s’était bien implanté en Auvergne313,

prit sous son aile Sauxillanges (vers 951) et participa à sa transformation. Une bulle d’Urbain II (1095) confirme ensuite à Sauxillanges, la possession d’une cinquantaine d’églises réparties dans les diocèses de Clermont et du Puy. Au moment du concile de Clermont, Sauxillanges contrôlait une vingtaine de prieurés314. Au temps des ordres nouveaux, cisterciens, chanoines réguliers, prémontrés, et chartreux, les

diocèses de Clermont et du Puy comprenaient une quinzaine d’abbayes bénédictines dont trois de femmes315.

Dans la réforme, la vie canoniale ne fut pas oubliée. Le synode de 1059 qui traite du décret d’élection pontificale, avait également été l’occasion de débattre à nouveau sur le problème de la vie en commun du clergé. Pour le clergé séculier, l’adoption de la règle d’Aix-la-Chapelle ne faisait pas l’unanimité. Hildebrand (futur pape Grégoire VII) protesta au concile contre les facilités accordées par le canon 115 de la règle d’Aix : porte ouverte à tous les abus316. Le pape Nicolas II proposa une révision de

l’Institution d’Aix-la-Chapelle et le synode recommanda aux chanoines de retourner à l’usage du dortoir et du réfectoire en commun317. Saint Bernard de Clairvaux avait adressé des reproches aux chapitres (et aux

doyens et archidiacres) qui cumulaient les bénéfices ecclésiastiques318. Voilà donc plus d’un siècle que les

partisans de la réforme souhaitaient voir les chapitres se régulariser. Dans les chapitres le retour à la vie

308 Á propos de l’esprit de la Réforme, cf. P. Henriet, « Spiritualité de la Réforme grégorienne », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 96, 2010, p. 71-91.

309 S. Gouguenheim, La réforme grégorienne. De la lutte pour le sacré à la sécularisation du monde, Éditions du

Temps Présent, Paris, 2010, p. 27-31.

310 Idem, p. 31. 311 Id., p. 33. 312 Id., p. 144-145.

313 A. Maquet, Cluny en Auvergne 910-1156, thèse de doctorat sous la direction du Professeur M. Parisse,

Université Paris-I. Panthéon-Sorbonne, vol. 1, p. 92 ss.

314 J.-L. Fray, « Les réseaux monastiques du Xe au XVe siècle », L’identité de l’Auvergne […], op. cit., p. 439. 315 Idem, p. 440.

316 M. Parisse, « Dans le cloître et hors du cloître. Les renouvellements de la vie régulière (v. 1050-v.

1120) », J.-M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez, M. Venard (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos

jours, t. 5, Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), Desclée, 1993, p. 143.

317 A. Paravincini Bagliani, « L’Église romaine de 1054 à 1122 : réforme et affirmation de la papauté », J.-

M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez, M. Venard, Histoire du christianisme des origines à nos jours, t. 5, Apogée

de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), Desclée, 2001, p. 61-62.

318 A. Fliche, R. Foreville, J. Rousset, « L’épilogue de la réforme grégorienne (1123-1153) », « Du premier

concile du Latran à l’avènement d’Innocent III (1123-1198), Histoire de l’Église depuis les origines jusqu’à nos

commune se pratiquait de plus en plus, tandis que certains les quittaient pour fuir au désert en tant qu’ermite. Le mouvement des chanoines réguliers aux XIe et XIIe siècle avait été un phénomène capital

puisqu’il avait ouvert la voie au courant suivant la règle d’Augustin devenue parallèle à celui de la règle de Benoit319. Cette règle augustinienne prit appui sur les préceptes de saint Augustin. Elle avait toutefois été

fixée sept siècles après son trépas dans un règlement attribué à Grégoire VII vers 1074-1078320. Les

chapitres cathédraux furent les premiers touchés par le retour à la vie commune. À la cathédrale de Clermont, la présence d’un réfectoire et d’un dortoir est attestée dès le XIe siècle321.

La Réforme grégorienne, particulièrement pour les chanoines, fut véritablement mise en œuvre entre 1050 et 1200. Cette dernière s’appliquait soit par la restauration ou l’amélioration du mode de vie des chanoines par la reprise des principes de la règle d’Aix, soit par le choix d’une nouvelle formule de vie comme la régularité. Ce qui pose problème ce sont naturellement les termes puissants employés par les réformateurs. Les chanoines eux-mêmes choisissaient parfois le retour à la vie en commun, principal sujet de réforme. L’idéal réformateur était clair : retrouver la pauvreté apostolique pratiquée (prétendument) par le clergé des premiers siècles. Le terme saecularis commençait à être employé pour désigner le clerc propriétaire même s’il suivait la règle d’Aix322. Il reste difficile de connaître la progression de la réforme

des chapitres au XIe siècle. D’une manière générale, il est admis qu’il est plus difficile de restaurer une

ancienne institution que d’en créer une nouvelle. Le grand nombre de chanoines, la présence de dignitaires assez indépendants et les grands privilèges d’une communauté constituent autant d’obstacles à une quelconque réforme. Dans des régions entières comme le centre et le nord de la France actuelle, les Pays- Bas, ou le nord et l’ouest de l’Allemagne actuelle, les chanoines de cathédrale restèrent fidèles aux anciennes traditions323. Par contre les régularisations gagnèrent les sièges épiscopaux de l’Italie du Nord,

Fano, Florence, Milan, et dans le Midi à Toulouse, Avignon, Albi, Nice, Bordeaux. En Espagne aussi les chapitres cathédraux adoptèrent majoritairement la réforme. En majorité aussi, les chanoines des collégiales refusèrent la nouveauté grégorienne. La vie de Gausbert de Montsalvy324 et de S. Norbert en

donnent quelques exemples. Parfois la réforme a été l’œuvre de l’évêque ou d’un seigneur laïque. Dans bien des collégiales, la règle d’Aix restait en vigueur et les résistances rencontrées ne tenaient pas nécessairement au mauvais vouloir des clercs ou à la décadence des mœurs325. Naturellement quelques

grandes familles qui disposaient des ressources d’une église comme des biens héréditaires se défiaient de

319 J. Becquet, Vie canoniale en France aux Xe-XIIe siècles, Londres, 1985 ; M. Parisse (dir.), Les chanoines réguliers

: émergence et expansion (XIe-XIIIe siècles), Centre européen de recherches sur les congrégations et ordres religieux. Colloque

international (06 ; 2006 ; Saint-Étienne), CERCOR, Travaux et recherches 19, Publications de l'Université de

Saint-Etienne, 2009.

320 M. Parisse, « Dans le cloître et hors du cloître. Les renouvellements de la vie régulière (v. 1050-v.

1120) », op. cit., p. 152.

321 3 G Arm. 18 sac. A, 36 et 3 G Arm. 18 sac A, 28, Arch. Dép. du Puy-de-Dôme, d’après A.-M. Chagny-

Sève, Le chapitre cathédrale de Clermont du XIe siècle à 1560, thèse de l’école des Chartes, 1974, 3 vol., p. 9 et

10.

322 D.H.G.E., t. 11, Libraire Letouzey et Ané, Paris, 1953, col. 377. 323 Ibidem.

324 BnF, Paris, ms. fr. 24815, f°140.

toutes les mesures qui visaient à éloigner l’emprise des laïques. Il semble que les individus aient été plus