• Aucun résultat trouvé

Section 2 Quels obstacles à la coopération des agences ?

1. Les intérêts nationaux comme frein à la coopération

1.1 La notion de confiance dans la partage de l’information

Les motivations poussant à la coopération des agences de renseignements dans la lutte anti-terroriste sont nombreuses et puissantes. La notion importante de confiance s’instaure entre les partenaires dès lors que chacun croit en en la poursuite de son homologue vers le même but. En effet, une approche différente des partenaires dans la lutte contre le terrorisme implique que les partenaires ne portent pas un intérêt similaire aux informations partagées. Ainsi, comme l’explique Walsh, le pays qui partage l’information n’a pas la garantie que le receveur traitera cette information avec la même prudence et poursuivant les mêmes intérêts que lui, tandis que le pays qui reçois l’information accordera une importance moindre à l’information reçue, sachant qu’elle ne correspond pas aux attentes stratégiques qu’il prévoit338.

L’absence de coopération qui résulte d’un manque de confiance entre les nations partenaires résulte de plusieurs points. Dans un premier temps, il convient de souligner que les accords entre les agences de renseignement ou les gouvernements sont le plus souvent secret. En effet, Richard J. Aldrich affirme l’existence d’un nombre important d’alliance bilatérales ou multilatérales secrètes qui entourent les alliances officielles. Il explique :

Intelligence exchange between these organizations is a world within a world, governed by its own diplomacy and characterized by elaborate

agreements, understandings and treaties. The main substance of these agreements focuses upon the security of intelligence rather than intelligence exchange itself, and reflects concern over how that intelligence will be circulated within each national system.339

En effet, tout comme l’accord UKUSA est resté secrets jusque dans les années 70, de nombreux accord de coopération et de partage des renseignements demeurent secrets. Dès lors, les règles qui assurent ce partage ont un impact beaucoup moins important que dans le cas d’alliances officielles. La confiance entre les deux partenaires est donc ici bancale et ne peut être assurée qu’au nom d’intérêts communs.

De même, on constate vis-à-vis de la coopération à l’international que les gouvernements sont plus facilement enclins à placer une partie de ses forces armées sous le contrôle d’une autre nation, comme ce fut le cas de nombreux pays durant les guerres en Irak et en Afghanistan menée par les États Unis, tandis qu’ils restent méfiant à en faire de même dans le cas des renseignements. Le professeur Richard J. Aldrich explique ici que la coordination sur des cas bien précis est préférée au transfert de contrôle en général qui induisent à un partage aveugle de l’information340. En ce sens, il semble que les accords multilatéraux qui impliquent un organe ou une institution de contrôle de partage soient plus enclins à assurer la confiance des États parties.

Il semble ainsi que les institutions assurant le partage des renseignements encouragent la coopération avec un haut niveau de confiance pour deux raisons. Dans un premier temps, Walsh explique que, dans le cadre d’une institution, si une nation ou une agence de renseignement manque à ses engagements, il se verra pénalisé de façon plus importante341. Il peut en effet perdre la confiance future des nations partenaires qui ne coopèrerons plus, mais également, dans un cadre institutionnalisé, le gouvernement concerné peut être sanctionné selon les termes du texte qui assure le maintien de l’alliance. Enfin, la réputation de cet État sur la scène internationale s’en verra entachée, ne facilitant pas ses coopérations futures. De même, un accord de partage dans le cadre d’une institution intègre des règles qui contraignent par exemple les services de renseignement à fournir les origines du renseignement et sa fiabilité. De même, l’institutionnalisation du partage peut contraindre les États à expliquer comment l’information partagée va être utilisée. De cette

339 Richard J. ALDRICH, « Transatlantic intelligence and security cooperation ». International affairs, vol.

80, no 4, (2004), p. 739.

340 Id,. p. 739.

manière, la confiance des États qui envoient et reçoivent l’information est assurée par une règlementation préalable.

Ici, il convient de mettre en exergue l’alliance des Five Eyes et de l’Union Européenne, qui illustrent parfaitement l’importance d’une règlementation voire d’une institutionnalisation du partage. Dans le cas de l’Union Européenne, les bases de données ont été créés sur la base de règlements du Conseil qui règlementent le partage entre les États. Par exemple, le règlement 2725/2000 du Conseil de décembre 2000 qui prévoit la création du système Eurodac stipule :

(10) Il est nécessaire de fixer clairement les responsabilités respectives de la Commission, en ce qui concerne l'unité centrale, et des États membres, en ce qui concerne l'utilisation des données, la sécurité des données, l'accès aux données enregistrées et leur correction.342

Par la suite le règlement prévoit alors le fonctionnement de l’unité centrale, les conditions de collecte et d’enregistrement des données, ainsi que les conditions de conservation ou de modification de celles-ci. Le règlement prévoit enfin un volet « responsabilité » pour les États parties, concernant notamment le respect des droits humains. Enfin, le règlement prévoit la mise en place d’une autorité de contrôle commune qui assure le partage, dans les règles, des renseignements.

L’alliance des Five Eyes, bien qu’il ne s’agisse pas d’une institution, garanti la confiance de ses États membres343 de par la mise en place de règles communes. En d’autres termes, l’alliance prévoit des garanties qui assurent les intérêts des États partie. Elle prévoit notamment la nature des renseignements que les États concernés partagent en son sein. De même, elle assure un partage exclusif et établi les conditions de partage à un pays tiers. De même, elle établit une procédure commune de partage sécurisée afin que les pays participants collectent et utilisent l’information qui en assure une utilisation précise344. Finalement, il convient de préciser un point que l’alliance des Five Eyes illustre au mieux : la confiance implique des efforts et du temps. L’accord UKUSA étant né de la seconde guerre mondiale et les coopérations, à l’égard du partage des renseignements ou autre,

342 Conseil de l’Union européenne, Règlement du Conseil concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin, (promulgué le 2000-12-11), nº 2725/2000, en ligne : <http://eur-lex.europa.eu/legal-

content/FR/TXT/?uri=celex:32000R2725> (consulté le 2015-22-06).

assurent une longue tradition de coopération entre les pays impliqués. Ces derniers connaissant leurs intérêts respectifs qui se rejoignent la plupart du temps pour les intérêts relatifs à la lutte contre le terrorisme.

Documents relatifs