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Section 2 Organisation et cadre juridique des services de renseignement canadiens

1. Les services de renseignements canadiens

1.2 Lutte anti-terroriste et appréhension nouvelle des services de renseignement

Les attentats du 11 septembre 2001 sont à l’origine de nouvelles politiques sécuritaires dans de nombreux pays dont le Canada qui adapte rapidement sa législation aux nouveaux enjeux de lutte contre le terrorisme. Poussés par les États-Unis, le Canada opte pour une harmonisation et une adaptation de sa législation aux lois américaines dans ces domaines70. Dès lors, le Canada instaure un arsenal juridique lui permettant d’adapter et d’étendre les pouvoirs des autorités chargées d’assurer la sécurité nationale. Dans ce cadre, les services de renseignement voient leur rôle au sein de la politique de sécurité canadienne s’affirmer, et leur coopération se formaliser.

Au lendemain des attentats est adoptée la Loi antiterroriste de 2001, ayant pour objet principal la modification de « plus d’une vingtaine de lois existantes » incluant « des dispositions visant à identifier, à poursuivre et à condamner les terroristes et ceux qui les

68 « Loi sur le SCRS », Comité de surveillance de activités de renseignement et de sécurité, (2015-05-25),

en ligne :<http://www.sirc-csars.gc.ca/csiscr/actloi-fra.html> (consulté le : 2016-05-24)

69 « Le pourquoi de la surveillance du renseignement de sécurité au Canada », Comité de surveillance de activités de renseignement et de sécurité, en ligne : <http://www.sirc-csars.gc.ca/opbapb/rfcrfx/sc02a- fra.html> (Consulté le 2016-06-11).

70 Guy SCOFFONI et al., « Droit constitutionnel étranger. L'actualité constitutionnelle dans les pays de

common law et de droit mixte (juillet-décembre 2001) : Canada, États-Unis, Inde, Israël », Revue française

appuient »71. Parmi les plus importantes, on relève la mise en place d’une définition de l’« activité terroriste », incluse au Code criminel72. Cette définition permet dès lors

d’identifier un groupe terroriste, de lutter contre la propagande terroriste, et de prévenir la commission d’actes terroristes avec l’appui des services de renseignement. Le Ministère de la justice résume les infractions de terrorisme visées par la nouvelle loi comme ci- dessous :

• participer ou contribuer sciemment à une activité d'un groupe terroriste dans le but de renforcer la capacité d'un groupe terroriste d'entreprendre une activité terroriste ou de la faciliter;

• faciliter sciemment une activité terroriste;

• perpétrer une infraction grave (infraction punissable par mise en accusation) au profit ou sous la direction d'un groupe terroriste ou en association avec lui;

• charger sciemment une personne de se livrer à une activité terroriste pour un groupe terroriste; héberger ou cacher sciemment une personne qui s'est livrée à une activité terroriste ou est susceptible de le faire, afin de lui permettre de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter;

• réunir, fournir, rendre disponibles, utiliser ou posséder des biens à certaines fins ou pour certaines activités (financement du terrorisme). 73

Plus encore, la Loi antiterroriste de 2001 confirme la place des services de renseignement au sein de la politique sécuritaire de lutte contre le terrorisme. À cet égard, la loi adapte les objectifs visés par le SCRS à la définition d’ « activité terroriste » par une redéfinition des « menaces envers la sécurité du Canada » au sein de la Loi sur le Service

Canadien de Renseignement de Sécurité. Également, la Loi de 2001 redéfini la Loi sur la défense nationale, confirmant la place du CST au sein des problématiques liées à la sécurité

nationale et à la lutte contre le terrorisme. La loi redéfini ainsi ses objectifs selon les priorités de la politique sécuritaire du pays, ciblant trois objectifs majeurs pour le CST : « fournir des renseignements électromagnétiques (SIGINT) étrangers ; contribuer à la protection des systèmes et des réseaux (sécurité des TI) du gouvernement ; et fournir du soutien aux organismes fédéraux chargés de l'application de la loi et de la sécurité »74.

71 Id., p. 448.


72 Code criminel, (version en vigueur : 27 juin 2012), L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 83.01(1). 73 Gouvernement du Canada, « Aperçu de la Loi antiterroriste », Ministère de la Justice, en ligne :

<http://www.justice.gc.ca/fra/jp-cj/sn-ns/loi-act.html> (consulté le 2016-04-11).

74 Gouvernement du Canada, « La loi antiterroriste et l’évolution au CST », Centre de la sécurité des télécommunications, en ligne : <https://www.cse-cst.gc.ca/fr/transparency-transparence/ata-lat> (consulté le 2016-05-12).

Enfin, en Avril 2004, la redéfinition de la politique canadienne de sécurité nationale par le biais d’un nouveau plan d’action intitulée « Protéger une société ouverte : la politique canadienne de sécurité nationale »75, prévoit des prérogatives supplémentaires aux services

de renseignement pour assurer leur effectivité au sein du programme de lutte antiterroriste. À cet égard, SCRS et CST voient leurs ressources financières augmenter76.

Cette intégration des services de renseignement au programme de lutte anti- terroriste canadien est accompagnée de la création d’un cadre de coopération. En effet, tout comme en France, les services de renseignement sont nombreux et ont des champs d’action distincts. Dans le cadre de la lutte antiterroriste il semble essentiel que ces organismes puissent coopérer et assurer un échange d’information. Intégrée aux politiques sécuritaires développées au Canada depuis les attentats de 2001, la coopération des organes liés au renseignement s’effectue par une mise en place timide d’un cadre commun au travail des différentes agences.

Principalement, on peut relever depuis 2001 une coopération plus importante entre le SCRS, le CST et la GRC. Dans un premier temps, il convient de relever l’évolution du partenariat existant entre le CST et le SCRS. Le site du CST explique à cet égard :

Au cours des dernières années, l'organisme a renforcé ses liens avec les organismes clés de sécurité et de renseignement au pays, et plus particulièrement avec le SCRSC […]. Ainsi, le CST et le SCRS ont tous deux concentré davantage leurs activités sur le terrorisme et les dangers qu'il pose en matière de sécurité, un intérêt commun qui a donné lieu à un partage plus ouvert de l'information, à des échanges d'employés et à une collaboration accrue sur le plan opérationnel.77

La coopération du SCRS et de la GRC est prévue depuis 1984. La GRC est en effet un des principaux partenaires du SCRS au Canada du fait de leur complémentarité. Le SCRS, dépourvu de pouvoirs d’arrestation, informe le GRC des renseignements susceptibles d’impliquer ses activités de maintien de l’ordre. Plus encore, depuis 2003, la coopération des deux organismes s’est développée par le biais de la création d’un nouveau

75 Gouvernement du Canada, Protéger une société ouverte : la politique canadienne de sécurité nationale,

Canada, Bureau du conseil privé, Avril 2014, en ligne :

<http://publications.gc.ca/collections/Collection/CP22-77-2004F.pdf> (consulté le 2016-04-11).

76 Nicolas PARENTEAU, « Les services de renseignement canadiens après le 11 septembre 2001 », Centre d’études des politiques étrangères et de sécurité, vol.6 n°12, 2006-01-25, en ligne :

<http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/renseignementfinal.pdf> (consulté le : 2016-04-11)

ministère. La GRC et le SCRS sont désormais placés sous le portefeuille de la sécurité publique et lutte antiterroriste établie par le Ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile78, qui a pour mandat de « travailler à la sécurité du Canada sur tous les

plans, allant des catastrophes naturelles aux crimes et au terrorisme »79 et établi un programme commun à tous les organismes qu’il regroupe, renforçant de ce fait la coopération dans la lutte antiterroriste.

Finalement en 2004, face à une communauté du renseignement décentralisée, une agence fédérée du gouvernement canadien est mise en place. Il s’agit du Centre intégré d’évaluation du terrorisme (CIET), initialement appelé Centre d’évaluation intégrées des menaces, qui assure la coopération des services relatifs à la récolte et à l’analyse du renseignement au Canada. Parmi eux, on compte la GRC, le CST et le SCRS, mais également des agences spécialisées comme l’Agence des services frontaliers du Canada ou encore le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières de Canada. Son rôle est défini comme suivant :

Le CIET analyse les renseignements de sécurité fournis par ses divers partenaires et publie des évaluations de la menace, c’est-à-dire des analyses cohérentes des intentions des terroristes et des moyens dont ils disposent pour commettre des attentats. Ces évaluations sont ensuite communiquées aux membres de l’appareil canadien de la sécurité et du renseignement, aux services d’urgence provinciaux, aux premiers intervenants et au secteur privé.80

La mise en commun des informations entre agence interne reste timide. Cependant, la mise en place de ce Centre assure des politiques sécuritaires communes, développé à partir d’informations provenant de ce sources diverses et analysées en conséquence afin d’assurer un programme de lutte commun à tous les organismes de sécurité.

*

78 Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, (2005), L.C. 2005, ch. 10 art. 5, (Canada).

79 « A propos de Sécurité publique Canada », Sécurité publique Canada, en ligne :

<http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/bt/index-fr.aspx> (consulté le 2016-04-11).

80 « A propos du CIET », Centre intégré d’évaluation du terrorisme, en ligne :

La stratégie de lutte antiterroriste canadienne compte ainsi les services de renseignement comme outil sécuritaire à part entière. Cette intégration se traduit aujourd’hui par une appréhension nouvelle des services de renseignement du fait de la menace terroriste. On relève à cet égard l’augmentation particulière des pouvoirs du SCRS dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

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