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Section 1 Un cadre législatif faible

1. Lacune normative majeure à l’international : l’absence de définition universelle

L’absence de définition du terrorisme à l’échelle internationale pose un problème majeur à la mise en place d’un cadre législatif à la lutte antiterroriste multilatérale. En effet, une telle définition semble essentielle pour la coopération des différentes entités internationale pour combattre un ennemi clairement identifié. Une telle définition doit non seulement « exprimer un point de vue » mais également « être opérationnelle » et « servir de socle à une entente de la communauté internationale pour lutter contre ce fléau »369. Cependant les États ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une même définition. L’absence de consensus a été particulièrement probant durant les négociations pour la mise en place d’une définition.

369 Jean-Marc SOREL, « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? » dans Karine BANNELIER, Le Droit International face au terrorisme - Après Le 11 Septembre 2001, CEDIN-Paris I, Cahiers

Le terme « terrorisme » est un terme polysémique. Il vient du latin « terreur » et apparait dans la langue française au XVIIIe siècle pour qualifier le gouvernement des révolutionnaires qui usaient de répressions politiques violentes pour assure la pérennité du gouvernement. À cet égard, le terme désignait essentiellement la violence d’État. Il prend par la suite une direction totalement opposée et qualifie des actions antiétatiques. Il est alors utilisé pour qualifier une violence politique pour manifester son désaccord à l’encontre de certains gouvernements.

Le terme « terrorisme » est également ambivalent dans son usage. Il peut à la foi être employé pour désigner une technique de combat, un acteur, une pratique. Jean-Marc Sorrel370 détermine à cet égard des éléments de définition. Il explique que ce terme semble employé pour désigner une partie faible engagée dans un conflit asymétrique. Également, il identifie un combat qui ne respecte pas les normes internationales établie et présente une disproportion dans les moyens et pratiques utilisées. Ces dernières sont le plus souvent caractérisées par leur effet dévastateur et à forte résonnance auprès de l’opinion publique. Aujourd’hui encore, de tels éléments de définition s’appliquent de façon plus ou moins importante selon le groupe considéré. En effet, la guerre contre le terrorisme menée par la coalition étasunienne contre Al-Qaïda traduisait une guerre asymétrique, caractéristiques qui tend à s’amoindrir à l’égard du groupe Daesh depuis son auto-proclamation en État. On conçoit ici la difficulté d’établir une définition pour un terme aussi mouvant.

De même, les intérêts étatiques jouent une place importante dans l’impossible définition du terme. Le terrorisme connait pour autant plusieurs tentatives de définition sur la scène internationale, la première tentative remontant au milieu des années 1930 par la Ligue des Nations suite à l’assassinat du roi Yougoslave et d’un Ministre français par un nationaliste bulgare371. Est alors établie une liste non exhaustive des différentes formes de terrorisme, accompagnée de la définition suivante : « faits criminels dirigés contre un État dont le but ou la nature est de provoquer la terreur chez des personnes déterminées, de groupes de personnes ou dans le public »372. Cette dernière n’est pas adoptée.

370 Id.

371 Ben SAUL, « The Legal Response of the League of Nations to Terrorism », Journal of International Criminal Justice 4, (2006), p. 78-102.

372 Société des Nations. Convention pour la prévention et la répression du terrorisme. C.546.M.383.1937.V., (1937-11-16).


Pour y remédier, les Nations Unies établissent de nombreuses conventions sectorielles qui tentent de répondre au manque de définition. On compte aujourd’hui une quinzaine de traités dans des domaines précis du terrorisme, dont une convention pour la prévention et la répression des infractions jouissant d’une protection internationale373, une convention à l’égard des prises d’otage374 ou encore une convention pour lutte contre les attentats à l’explosif375.

Finalement, des années 1970 à 2000, on relève un malaise persistant à la mise en place d’une définition commune au terrorisme. Philippe Kirsch, président de la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale, souligne ainsi dans son rapport376 l’impossibilité d’établir un consensus entre les nations traduit par l’utilisation minimale, voire inexistante, du terme « terrorisme » dans les conventions antiterroristes établies durant cette période.

Une nouvelle tentative est abordée suite aux attentats du 11 septembre 2001 qui présentent la nécessité pressante d’une lutte multilatérale. Le 18 septembre 2001, le Conseil de Sécurité des Nations Unies adopte la résolution 1373377 qui illustre une volonté d’action et de coopération entre les nations. À son égard est mis en place un comité contre le terrorisme378 qui relance les tentatives de définition et propose, sous l’égide du Secrétaire Général, la définition suivante :

« toute action, ajoutée aux actions déjà considérées comme actions terroristes par les conventions existantes, les Conventions de Genève et la résolution 1566 (2004) du Conseil de Sécurité, qui est destinée à causer la mort ou la blessure sérieuse des civils ou non-combattants, et quand le but d’un tel acte, par sa nature ou son contexte, est d’intimider la population, ou contraindre un gouvernement ou une organisation internationale d’appliquer ou de s’abstenir d’appliquer la loi ».379

373 Assemblée Générale des Nations Unies, Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, (entrée

en vigueur 1977-02-20).


374 Assemblée Générale des Nations Unies, Convention internationale contre la prise d’otages, (entrée en

vigueur le 1983-06-03).


375 Assemblée Générale des Nations Unies, Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, entrée en vigueur 2001-05-23).

376 Philippe KIRSCH, « Terrorisme, crimes contre l’humanité et Cour pénale internationale », p. 116, en

ligne : <http://www.sos-attentats.org/publications/Kirsch.pdf> (consulté le 2016-08-22).

377 Id.

378 Résolution 1373, préc., note 337, art. 6.

379 Jeffrey ADDICOTT, « Rightly dividing the domestic jihadist from the enemy combatant in the “War

against Al-Qaeda”— Why it matters in rendition and targeted killings », Journal of International Law, 2012, p. 266.

Cependant, cette définition est rejetée par l’Organisation de la Coopération Islamique qui y voit l’occasion pour Israël d’impliquer les organisations palestiniennes. Ainsi ce schéma habituel traduit une nouvelle fois l’absence de consensus entre les nations.

La résolution traduit néanmoins l’entrée dans une nouvelle ère de lutte anti- terroriste. Et face à l’absence de définition, elle présente trois commandements importants et novateurs. Elle charge dans un premier temps les États d’incriminer les actes de terrorisme mais aussi les acteurs et les organisations qui financent de tels actes à l’échelle nationale. De ce fait, la résolution incite les États à signer les différentes conventions sectorielles relatives au terrorisme, dont la Convention de 1999 pour la répression du financement du terrorisme380 qui passe en trois ans de 4 à 109 signataires.

De même, la résolution cherche à harmoniser les approches nationales législatives de cette lutte. Elle incite dès lors les États à mettre en place des moyens, en grande partie institutionnels. Enfin, la résolution incite les différentes nations à assurer une coopération en matière de lutte antiterroriste en insistant sur les domaines judiciaires et policiers. Elle insiste notamment sur le partage des informations et demande :

a) De trouver les moyens d’intensifier et d’accélérer l’échange d’informations opérationnelles, concernant en particulier les actions ou les mouvements de terroristes ou de réseaux de terroristes, les documents de voyage contrefaits ou falsifiés, le trafic d’armes, d’explosifs ou de matières sensibles, l’utilisation des technologies de communication par des groupes terroristes, et la menace que constituent les armes de destruction massive en possession de groupes terroristes; b) D’échanger des renseignements conformément au droit international et national et de coopérer sur les plans administratif et judiciaire afin de prévenir les actes de terrorisme;

Par ce biais, l’ONU tente de compenser l’absence de cadre juridique en rappelant les impératifs visés par le droit international. La coopération des services de renseignement et, à plus large échelle, des nations, repose ainsi sur les recommandations de l’ONU et les textes internationaux ratifiés, servant de base aux règlementations régionales ou bilatérales.

*

380 Assemblée Générale des Nations Unies, Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, entrée en vigueur le 2002-04-10.

L’absence de définition du terrorisme à l’échelle internationale implique une coopération des services de renseignement règlementée à minima par les obligations de droit international. Pour autant, cette règlementation a minima et le manque de transparence à l’égard des accords de coopération est une menace pour les droits humains.

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