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Section 3 Coopération internationale dans la collecte et le partage des renseignements

1.2 Collaboration internationale : évolution et règlementation

Les services assurent la collecte des renseignements au-delà des frontières par le biais de communications électromagnétiques. Pour autant, ces techniques reposent sur la capacité et les moyens disponibles de chacun. Plus encore, aucun service ne peut couvrir la totalité des communications émises. Pour y remédier, les États et services de renseignements coopèrent par le biais du partage de l’information et des analyses.

Les rapports entre les services de renseignements l’échelle internationale sont souvent associés à l’espionnage en temps de guerre ou en temps de paix, dont la licéité est remise en question par de nombreux analystes110. On pense également aux dernières affaires révélant la mise sur écoute de nombreux gouvernements européens par la CIA et la NSA et ce, selon un processus de collecte secret des signaux à haute capacité disposé dans les ambassades et autres locaux diplomatiques. Cet exemple fait état de l’utilisation des services de renseignements à l’encontre des autres pays et pose des questions relevant

109 Id. p. 69-80.

110 Fabien LAFOUASSE, « L’espionnage en droit international », Annuaire français de droit international,

année 2001, volume 47, n°1, p. 64, en ligne : <http://www.persee.fr/doc/afdi_0066- 3085_2001_num_47_1_3655> (consulté le 2016-06-12).

de la souveraineté territoriale, de la responsabilité internationale des États et du droit diplomatique.

Les rapports des services de renseignements ne sont pas essentiellement conflictuels. Ils sont en effet amenés à collaborer pour trois raisons principales. Premièrement, la multiplication des canaux de communication et la répartition géographique multiple et diffuse de ces dernières rendent le travail des services de renseignement plus complexe. En effet, la collecte et l’analyse des communications sont limitées par l’impossibilité de couvrir la totalité des communications émises autant dans la collecte que dans l’analyse. La collaboration est ici un moyen pour les services de renseignements d’avoir accès à un plus grand nombre d’informations.

Également, la collaboration repose sur les capacités et moyens disponibles pour accéder aux différents types de canaux de communication111. On relève par exemple des moyens d’interception plus développés auprès de certaines agences nationales. L’interception des informations relayées par des satellites SIGINT de deuxième génération, élaborés uniquement par les services américains et permettant l’accès aux ondes radios VHD, aux téléphones cellulaires, aux messages de récepteurs d’appels ou encore aux données informatiques, témoigne de la puissance et des capacités de chacun. Dès lors, l’efficacité des agences de renseignement repose dans les rapports établis entre elles. Également, les compétences et les capacités financières, culturelles ou linguistiques impliquent une coopération entre les services qui pourront se soutenir en partageant les informations ou en travaillant ensemble.

Enfin, les champs de coopération et le partage des données sont également définis selon les menaces et l’état des relations internationales. En effet, les gouvernements collaborent lorsque leurs politiques sécuritaires se rejoignent, permettant d’assurer une action réelle face à des ennemis communs. Aujourd’hui une coopération semble essentielle, en matière de terrorisme.

Depuis les attentats du 11 septembre, la collaboration des services de renseignement s’intensifie. En effet, les gouvernements se sont alliés au travers d’une politique commune dont le leadercheap était détenu par les États Unis. Face à un ennemi commun, les services de renseignement se sont rassemblés de façon plus ou moins formelle, laissant paraître

l’illusion d’une guilde professionnelle transnationale du renseignement112. Dès lors, des coopérations se font à différentes échelles, privilégiant les relations régionales comme en Europe, mais également les relations de longue date, comme l’illustre l’alliance UKUSA qui relie les États-Unis au Canada, à la Grande-Bretagne, à la Nouvelle-Zélande et à l’Australie.

Le cadre de coopération est le fait des droits nationaux qui règlementent et accordent la mise en place de collaborations avec des services de renseignements étranger. Plus encore, il est généralement nécessaire d’avoir l’accord de l’exécutif pour tout accord avec un organe étranger, notamment en ce qui concerne les opérations et activités communes impliquant le partage et l’échange des informations présentant un risque.

Par ailleurs, les procédés de collecte et de traitement des renseignements n’étant pas règlementés par le droit international, leur encadrement relève uniquement des droits nationaux et de la souveraineté nationale. Ainsi, dès lors que les procédés ne sont utilisés qu’à des fins de renseignement et non d’espionnage et tandis qu’ils respectent les règles de concurrence et les droits fondamentaux, les nations et leurs services de renseignement n’enfreignent aucunement le droit international. À titre d’exemple, la résolution du Parlement européen de 2001 suite à la découverte du réseau UKUSA tient les propos suivant :

[…] si ledit système n'est utilisé qu'à des fins de renseignements, il n'y a aucune contradiction avec le droit de l'UE, […] En revanche, si le système est utilisé de manière abusive pour espionner la concurrence, il y a manquement à l'obligation de loyauté et atteinte à l'idée d'un marché commun où la concurrence est libre; […] « le Conseil ne peut accepter la création ou l’existence d’un système d’interception des télécommunications qui ne respecte pas les règles de droit des États membres et qui viole les principes fondamentaux visant à préserver la dignité humaine ».113

112 Didier BIGO, « Sécurité et protection des données », Cultures & Conflits été 2009, adoptée le 2009-12-

27, p. 9, en ligne : <http://conflits.revues.org/17425>, (consulté le 2016-06-12).

113 Parlement européen, Résolution du Parlement européen sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques (système d'interception Echelon), 2001-09-05,

2001/2098(INI), en ligne : <http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=- //EP//TEXT+TA+P5-TA-2001-0441+0+DOC+XML+V0//FR> (consulté le 2016-06-12).

En revanche, le droit international n’assurant pas l’organisation et les règles régissant les services de renseignement à l’international, le relais est assuré par les juridictions nationales. On observe généralement un contrôle propre à chaque pays, par le biais d’organes indépendants ou encore des parlementaires, pour assurer la licéité des actions des services à l’étranger.

Cette dernière n’est pour autant pas garantie. En effet, étant au bon vouloir des gouvernements, les collaborations entre États peuvent être informelles et inconnues du grand public ou encore dispensées de cadre juridique. Elles peuvent être le fait volontaire d’un gouvernement qui cherche à s’exempter des contraintes des contrôles judiciaires et législatifs au nom de l’impératif sécuritaire, mais peuvent également être dues à une limitation du pouvoir national sur les informations dès lors qu’elles sont partagées. Ainsi, les limites du partage se traduisent par une protection moins forte des pouvoirs démocratiques et des libertés fondamentales.

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Le Canada et la France partagent des renseignements avec leurs alliés au sein de regroupements différant autant dans leur organisation que dans les rapports entre les États partenaires. À cet égard, l’étude de ces modèles distincts permet une vision globale du partage du renseignement à l’heure de la lutte antiterroriste.

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