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Section 2 Quels obstacles à la coopération des agences ?

2. Initiatives juridiques pour un partage institutionnalisé : l’exemple européen

2.2 Développement des bases de données européennes

L’Union européenne comporte plusieurs banques de données dans des domaines spécifiques pour accompagner la coopération des États. Ces dernières, tentent de répondre à l’absence d’une base centrale tout en permettant aux autorités européennes et nationales de collecter et de rassembler des informations permettant de lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme.

Particulièrement montrée du doigt, la coordination des services de renseignement nationaux tente d’être améliorer par le biais de plateformes dédiés à la mise en commun du renseignement et son analyse. À cet égard, il convient de relever les espoirs fondés dans une institution appelée l’Intelligence Center (IntCent). Cette agence ne comprend pas de volet opérationnel et ne va pas chercher l’information sur le terrain. En revanche, IntCent, qui a remplacé le Situation Center en 2010, est un centre d’analyse et d’alerte qui rassemble des informations classifiées de la part des États membres de l’Union, à la manière d’un centre de ressources et qui se charge de les analyser. Cette institution a suscité la curiosité des médias européens qui y voient la possibilité de développer un service de renseignement européen359.

De même, un outil d’amélioration du partage du renseignement et de coopération dédiée à la lutte contre le terrorisme suscite les interrogations des médias. Prévu depuis plusieurs mois, le Centre européen de contre-terrorisme tente de combler les failles révélées par les attentats de Paris. Il prévoit notamment les améliorations suivantes :

• L’accroissement de l’échange d’informations sur les données sensibles concernant la menace terroriste.

• La possibilité de détacher des experts du CECT en vue d’apporter un soutien dans les enquêtes transfrontalières, dans le but de garantir des réponses rapides et complètes en cas de nouvelles attaques terroristes.360

359 Nicolas GROS-VERHEYLE, « L’IntCen… le lieu des échanges … d’analyses Top secret », Bruxelles2, 2015-01-21, en ligne : https://www.bruxelles2.eu/2015/01/21/que-fait-lintcen-europeen/> (consulté le 2016-06-12).

360 « La création d’un Centre européen contre-terrorisme : vers l’amélioration du partage des

renseignements ? », EU-logos Athéna, en ligne : <https://europe-liberte-securite-justice.org/2016/02/02/la- creation-dun-centre-europeen-contre-terrorisme-vers-lamelioration-du-partage-de-renseignements/> (consulté le 2016-06-12).

Dès lors, ce centre tente de récolter les informations relevant des services de renseignements nationaux mais également de différentes bases de données européennes spécifiques à certains domaines.

Parmi ces instruments, on compte des bases de données qui ciblent principalement la menace extérieure, à l’instar d’EURODAC, du Système d’Information sur les Visas et du Système d’Information Schengen.

Crée par le règlement de Dublin, EURODAC est opérationnel depuis 2003 et regroupe tous les pays membres de l’Union, la Norvège, l’Islande, le Lichtenstein et la Suisse. Son objectif initial se concentre sur la récolte des empreintes digitales des individus demandant l’asile et des immigrés illégaux. Cependant, suite aux attentats de Madrid en 2004, le rôle d’EURODAC devient peu à peu un outil de sécurisation. En effet, cette base de données permet aux autorités nationales et à Europol d’avoir accès aux renseignements depuis le règlement du 26 juin 2013 entre le Parlement européen et le Conseil :

En matière de lutte contre les infractions terroristes et les autres infractions pénales graves, il est essentiel que les autorités répressives disposent des informations les plus complètes et les plus récentes pour pouvoir exécuter leurs tâches. […] Par conséquent, les autorités désignées des États membres et de l'Office européen de police (Europol) devraient avoir accès aux données d'Eurodac à des fins de comparaison sous réserve des conditions énoncées dans le présent règlement.361

Le processus comprend cependant de nombreuses dispositions assurant la protection des données qui ne peuvent être utilisées qu’à des fins de lutte contre le terrorisme ou des crimes graves présentant « l’intérêt supérieur de la sécurité publique » et en vertu du principe de proportionnalité362.

361 Parlement européen, Conseil de l'Union européenne, Règlement relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n ° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n ° 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, le 2013-06-26, n

° 603/2013, en ligne : <http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32013R0603> (consulté le 2016-08-22).

EURODAC fonctionne de concert avec une autre base de données : le Système d’Information sur les Visas (VIS). Cet outil qui assure notamment l’échange des données des visas entre les membres, est adopté par le Conseil en Juin 2004 par le biais de la Décision 2004/512/CE363. Mais le système n’est finalement rendu opérationnel qu’à partir de 2011. Tout comme EURODAC, cette base de données est accessible pour les autorités nationales et Europol « aux fins de prévention, de détection et d’investigation d’infractions terroristes et pénales »364. Par ailleurs, cette base de données est connectée aux consulats des pays non membres de l’Union ce qui lui permet d’assurer un contrôle élargi des entrées sur le territoire européen.

Également, l’Union européenne compte parmi ses bases de données le Système d’Information Schengen. Cet outil destiné à lutter contre la criminalité en Europe est né parallèlement à l’espace Schengen et est de ce fait l’un des outils les plus anciens mis en place par l’Union. Il devient notamment dès 1999, et par le biais du Traité d’Amsterdam, un acquis communautaire de l’Union européenne en répondant aux nouveaux enjeux qu’impliquent l’effacement des frontières intérieures365. Le SIS a pour principale fonction de répertorier les informations relatives aux personnes disparues, aux criminels, aux armes et véhicules volés. Les États membres ont le monopole de l’information qu’ils décident de partager et mettre à jour366. Depuis 2013, le SIS a évolué vers un Système d’Information de deuxième génération. En effet, initialement créé comme simple instrument d’information, le SIS-II est désormais relié aux autres bases de données européennes dont EURODAC, et devient ainsi un outil de lutte anti-terrorisme à part entière permettant, de par l’évolution des technologies utilisées, répertorier des photos, des empruntes ou encore des données biométriques367.

Enfin, une nouvelle base de données, le Passenger Name Record est approuvée en 2016 et prévu pour 2018. Ce système prévoit un échange des informations des pays membres à l’égard des passagers aérien entrant ou sortant de l’espace européen dont

363 Conseil de l’Union européenne, Décision du Conseil du 8 juin 2004 portant création du système d'information sur les visas (VIS), (le 2004-06-08), 2004/512/CE, en ligne : <http://eur-lex.europa.eu/legal- content/fr/TXT/?uri=CELEX:32004D0512> (consulté le 2016-08-22).

364 Parlement européen, Conseil de l'Union européenne, Règlement VIS, (2008-07-09), n ° 767/2008, en

ligne : <http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=URISERV%3Al14517> (consulté le 2016-08- 22).

365 John D. OCCHIPINTI, « Availability by Stealth ? EU Information-sharing in Transatlantic

Perspective », dans Christian KAUNERT et Sarah LEONARD, European Security, Terrorism and

Intelligence, Springer, 2013, p.165. 366 Id.

l’identité serait recensée et conservée368. Présenté comme un outil indispensable de lutte antiterroriste, cet outil interroge pour autant quant au respect des droit fondamentaux et notamment au droit à la vie privée et à la protection des données.

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Pour assurer un partage des renseignements formels et respectueux des textes internationaux, un cadre juridique s’impose. À l’instar de l’Union européenne qui propose une approche institutionnalisée du partage du renseignement, la coopération à l’échelle internationale doit intégrer les principes de l’État de droit pour garantir la protection des droits des individus et prévenir les violations aux droits humains qui en découlent.

CHAPITRE 2 : Rétablir les principes de l’État de droit au partage du

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