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NARCISSISME ET GÉNITALITÉ

(OU LE SEXUEL ET LE NARCISSIQUE)

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Amour de soi et sentiment d’identité, phallus, Idéal de Soi, blessure narcis-sique, traumatisme, violence fondamentale, angoisse de perte d’objet, dépression… tels sont les principaux paramètres d’une «lignée» fondatrice de la psyché humaine et diachroniquement évolutive qu’on peut appeler la

«lignée narcissique». En examiner les différents aspects comme ses modes de relation avec les autres composantes de l’organisation mentale fera l’objet de ce chapitre.

Problème du phallus

Étymologiquement, le mot phallus désigne une représentation, une image du membre érectile masculin, et par extension un emblème de puissance. C’est donc un symbole, un «signifiant», et le mot ne devrait donc pas servir à nommer le «pénis», attribut sexuel corporel qui a pour correspondant symé-trique et complémentaire le vagin.

Ces deux organes — pénis et vagin — sont aussi achevés, puissants et complets l’un que l’autre et sont ressentis d’emblée par les êtres qui en sont respectivement porteurs comme le siège possible d’intenses plaisirs, repro-ductibles de manière active ou passive. On imaginerait donc volontiers que chacun pourrait s’en montrer satisfait, ce qui n’est pourtant pas le cas.

C’est que, en plus ou à côté (sans doute même à cause) de leur fonction hédo-nique, l’existence du pénis et du vagin induit chez l’enfant des intérêts, suscite des curiosités, génère des angoisses… qui se rapportent non pas seulement au plaisir sexuel (celui-ci, culpabilisé, donnera lieu à une angoisse de castration génitale), mais encore, sinon surtout, met en cause plus ou moins dramatique-ment le sentidramatique-ment d’identité narcissique et d’intégrité corporelle.

Se découvrant en effet différent par la présence-absence d’un organe très visible, l’enfant de l’un et l’autre sexe est confronté à une réalité que, compte tenu de son équipement conceptuel du moment, il est incapable encore d’interpréter sexuellement. L’angoisse spécifique qui en résultera sera liée à l’idée — infondée mais exigeante — selon laquelle avoir un pénis est signe de complétude et d’achèvement, et ne pas en avoir (ou risquer de le perdre, ce qui revient au même) signe de dépossession ou de manque. Autant de senti-ments référant à la dépression. On peut donc parler ici d’une angoisse de castration narcissique.

1. Le présent chapitre, qui nous retiendra assez longuement, se veut une suite à la fois synthé-tique (d’où quelques redites sans doute) et complémentaire de ce qui précède. Il débouchera sur un aperçu des problèmes psychopathologiques soulevés par la clinique et la thérapie de la dépression.

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Ainsi le mot «phallus» aurait un double sens:

– D’une part il fait figure d’interprétation — fausse — selon laquelle le possesseur du pénis serait le seul être achevé et complet. L’enfant perçoit juste en observant une différence de nature, mais la conclusion qu’il tire de sa perception est erronée en ce qui concerne une hiérarchie des sexes.

– D’autre part — sens positif, à l’envers du précédent — le phallus serait aussi une représentation (comme le suggère l’étymologie) qui le rendrait assi-milable au narcissisme existentiel, autrement dit au sentiment d’identité propre, intégrant tout autant l’identité sexuée que l’identité tout court. Selon quoi toutes les femmes, comme tous les hommes, ont évidemment un droit naturel à posséder un «phallus» symbolique. Que les seconds comme les premières puissent s’en ressentir dépossédés, et nous voici dans le domaine de la pathologie, celle encore une fois du narcissisme et de la dépression.

En somme, la fameuse «envie du pénis» décrite par Freud pourrait avoir deux versants: l’un plus proprement «génital», expression de l’identification natu-relle à l’autre sexe (l’homme lui aussi, et pour partie, s’identifie à la femme dans sa relation à celle-ci); et un autre versant, «narcissique» celui-là, et davantage conjoncturel, bien des «réalités» bio-socio-psychologiques restant souvent contingentes dans l’histoire de l’humanité.

Problème du narcissisme

Le terme de narcissisme (tout autant que ceux de «phallus», «sexe» ou

«castration») n’est pas de sens univoque. On a d’ailleurs écrit et ré-écrit à propos du narcissisme et de sa spécificité, et il est hors de question de reprendre ici tous les aperçus théoriques auxquels ces recherches ont donné lieu. Nous nous limiterons à ce qui peut être utile à l’étude de sa pathologie, c’est-à-dire de la dépression.

On peut admettre que Narcisse et Œdipe désignent «de façon différentielle deux modèles distincts de fonctionnement affectif et relationnel [et que] ces deux courants correspondent à des étapes topiques et psychogénétiques en parfaite continuité progressive». Mais on peut aussi ajouter que ces deux courants pourraient se voir considérés comme «un conflit diachronique à la fois initial et permanent (donc synchronique) chez tout individu». Au bout du compte le conflit se situe «comme une opposition entre deux générations de conflits»1. Autrement dit, tout en étant d’apparition successive dans le temps du point de vue de la psychogenèse, Narcisse et Œdipe n’en demeurent pas moins des acteurs concomitants, agissant en alternance ou en même temps tout au long de l’existence.

Ajoutons que, malgré qu’on ait pu attribuer au premier une fonction non seule-ment pré- mais anti-génitale, ils ne sont pas antinomiques, mais au contraire idéalement collaborateurs, lorsque du moins leur mise en œuvre équilibrée, leur intégration, se montre réussie. En fait le mot «narcissisme» souffre de son

1. BERGERET J. La pathologie narcissique. Dunod 1996.

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histoire, c’est-à-dire de l’habitude fâcheuse qui a été prise de l’utiliser pour dési-gner ses seuls avatars ou dérapages, autrement dit sa seule pathologie.

Il est vrai que la malheureuse odyssée du personnage dont on lui a donné le nom a de quoi rendre circonspect. On y voit un héros dévoré d’amour pour un objet qui n’est autre que lui-même. Or l’exclusivité de cette relation imma-ture, auto-centrée, érotisée plus que sexualisée, arrêtée à une contemplation spéculaire de l’identique au «Soi» du sujet ne peut mener qu’à l’échec mortel final. Mais il existe fort heureusement un autre aspect du narcissisme qui, faisant de celui-ci le gardien et le témoin de la vie, l’élève au rang de protec-teur parfaitement positif de la psyché.

On peut ainsi décrire un narcissisme — un «bon» narcissisme — qui promeut la constitution d’une image de soi unifiée, achevée, accomplie et entière; qui,

«complément libidinal de l’égoïsme» propre à l’instinct de conservation comme disait Freud, n’en dépasse pas moins l’auto-érotisme primitif pour favoriser l’intégration d’une figuration positive et différenciée de l’autre, et notamment de l’autre dans son statut sexué; enfin qui suscite et entretient l’indispensable et minimal «amour de soi» nécessaire à toute survie physique et mentale, dans l’expression clinique quotidienne d’un véritable «plaisir de fonctionnement».

On peut encore ajouter ceci. L’important est ce qui se passe au niveau de la communication/liaison entre les différents niveaux, rouages ou étapes tant de la genèse que de l’organisation achevée de la psyché. Ce qui compte, chez un sujet donné, ce n’est pas tant une «architecture» fixée, ou décrite en termes de type structurel fermé et immobile, que les capacités mobilisatrices de ce sujet, son aptitude à utiliser avec souplesse les différentes composantes partielles de son organisation mentale, et en particulier sa liberté ou non à lier (la

«Bindung» de Freud) notamment son narcissisme et sa sexualité.

« Stade » phallique

Classiquement répertorié depuis S. Freud comme un intermédiaire évolutif entre la phase anale à laquelle il succède et la phase œdipienne qu’il introduit, le «stade phallique» est généralement étiqueté sous la rubrique des stades dits

«prégénitaux». Les choses sont pourtant complexes à cet égard.

En effet l’enfant, qui dépasse alors grosso modo sa troisième année, a pu instaurer une relative unification de ses pulsions partielles sous un certain primat, celui des organes et des fantasmes génitaux. Mais on ne peut pas encore parler de primat du génital, autrement dit d’une véritable génitalisation de la libido. En fait l’enfant n’est pas encore capable de différencier un

«sexe» à proprement parler. Il ne peut voir dans l’organe mâle, le pénis, qui est à cet âge l’objet prévalent de son observation et de sa curiosité, qu’une partie du corps dotée de la simple signification attributive d’une existence et d’une possession. Et cela est vrai tant pour le garçon qui en est pourvu que pour la fille qui ne l’a pas. Pour l’un et l’autre ce pénis n’est pas un «sexe», mais un appendice anatomique ayant valeur — outre ses potentialités hédoni-ques auto-érotihédoni-ques — de signe gratifiant le sentiment de complétude et d’achèvement corporel. Si l’on ose le heurt sémantique, le pénis n’est alors qu’un «sexe narcissique».

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On retrouve donc avec le «stade» phallique le même problème de positionne-ment par rapport à l’Œdipe que celui décrit plus haut à propos du narcissisme vis-à-vis de la génitalité. C’est pourquoi il serait plus satisfaisant, pour dési-gner cette étape séquentielle de la psychogenèse, de parler justement de

«position phallique». Une «position» qui, occupant à l’origine le cours d’une phase évolutive diachronique, restera d’ailleurs synchroniquement présente et active, par répétition ou permanence structurale, pendant toute la vie.

Idéal « du moi » et idéal « de soi »

Le terme d’«Idéal du Moi» n’est pas aujourd’hui sans soulever de nombreuses interrogations.

On sait que «Idéal du Moi» ou «Moi Idéal» (formulations primitivement synonymes) sont les expressions par lesquelles Freud nomma une substruc-ture du Moi, «héritier du narcissisme» précise-t-il. Cet Idéal, promulgué par l’autre et principalement l’objet narcissique maternel, impliquant le propre père de la mère, remplit en quelque sorte une fonction vocationnelle, en soumettant l’enfant à l’injonction incitative virtuelle: «fais ceci; sois grand, beau, fort, sous-entendu comme tes parents».

Modèle auquel le sujet cherche à se conformer et référence permanente du Moi, l’Idéal du Moi est à la fois et en même temps le substitut du narcissisme perdu de l’enfance (toute-puissance infantile) et le produit de l’identification aux figures parentales ainsi qu’à leurs relais sociaux.

Cela étant, observons que le mot «Moi» a été retenu pour traduire l’allemand

«Ich» qui signifie «Je» et non «Moi». En outre «Moi» n’est pas un nomi-natif mais un accusatif; il ne saurait donc désigner la personne verbale qui tient la place du sujet. En toute rigueur sémantico-linguistique il convient donc de remplacer «Moi» par «Soi», forme réfléchie qui va d’ailleurs dans le sens des travaux tant de Freud (1914) que d’Abraham, travaux selon lesquels le Moi est le siège d’un investissement libidinal comme n’importe quel objet extérieur. Autrement dit le Moi n’est pas seulement un médiateur entre le

«Je» et la réalité externe, mais aussi (et il s’agit alors d’un «Soi») un objet d’amour. Apparaît ainsi une «libido du Soi» (meilleure appellation que

«libido du Moi») opposée à la libido d’objet.

Ces aperçus théoriques ne sont pas sans importance pratique. En effet, après la première génération freudienne qui fait de la sexualité la clef de l’élucidation des névroses, après les kleiniens, qui placent la haine et la destruction au cœur de toute relation d’objet, voici une troisième voie de recherche. Elle vise à recentrer l’intérêt de la psychanalyse sur des troubles mixtes, de plus en plus souvent rencontrés en clinique quotidienne d’ailleurs, qu’on a dénommés borderlines ou états-limites, et qui paraissent liés essentiellement aux repré-sentations et à l’identité de soi. On passe ainsi, sur le plan théorique, à l’idée d’un Soi (Self 1) devenu objet de tous les investissements narcissiques.

1. Terme couramment utilisé par les anglophones.

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Les recherches développées en France (Grunberger1, Bergeret2) sont produc-trices d’une riche élaboration de concepts nouveaux, théoriques et pratiques, comme ceux de «dyade et triade narcissique», de «traumatisme précoce», de

«violence fondamentale», de «dépression essentielle», etc.

Dépression

C’est l’expression majeure et quasi spécifique de la pathologie du narcis-sisme. Il nous paraît donc aussi naturel qu’obligatoire de terminer notre propos par un aperçu théorico-clinique de cette affection si fréquemment rencontrée en pratique quotidienne.

Faisons d’abord mention d’un préjugé tenace qu’il n’est pas exclu de rencon-trer même dans les milieux spécialisés. Ce préjugé consiste à donner une importance nettement excessive à l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler les dépressions «réactionnelles». Autrement dit, pour nombre de psychopathologues, et comme le veut la plupart du temps le sens commun, bien des dépressions relèveraient de «causes» immédiatement proches et identifiables: non seulement émotionnelles ou affectives, mais sociales, économiques, etc. Or, il paraît difficile de souscrire sans d’expresses réserves à cette manière de voir. De telles dépressions sont rares en effet, voire raris-simes, à moins de faire d’un chagrin naturel, même intense, consécutif à un deuil cruel par exemple, une «dépression» qui n’en est pas une. Soit dit en passant, une telle conception n’est pas sans conséquence sur le plan thérapeutique.

En second lieu, l’on dira volontiers: «Mais enfin qu’a-t-il donc (ou elle) à se déprimer ainsi? Il (ou elle) a tout pour être heureux(se)!», en se scandalisant au passage de ce que le «bonheur» ne représente pas un vaccin ou une pilule efficace contre la dépression. En vérité peu de cliniciens, hélas, en viendront à se poser ici les bonnes interrogations, un grand nombre cédant à la facilité qui consiste à recourir à la répression symptomatique que permet l’usage d’une pharmacopée moderne et reposante dont on connaît l’essor, ainsi qu’à long terme les piètres résultats.

Troisième observation: les déprimés vont généralement beaucoup mieux — le fait est bien connu sinon interprété — lorsqu’ils traversent des difficultés réelles, parfois graves, y compris des deuils objectifs particulièrement doulou-reux. Étrange énigme, jugée contradictoire, paradoxale, incompréhensible sinon irritante. Alors que la psychanalyse nous apprend tout simplement que le besoin masochiste et inconscient de punition chez le déprimé ou le dépressif est naturellement satisfait par un malheur réel.

Transition pour avancer que — en mettant à part le point de vue des neuros-ciences, qui ramènent tout fonctionnement mental, et en conséquence toute pathologie en ce domaine, à une question étroitement «scientiste» de jeux de

1. GRUNBERGER B. «Le narcissisme» Payot 1971.

2. BERGERET J. «La violence fondamentale» Bibliothèque scientifique Payot 1994.

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synapses et de neuro-transmetteurs — il n’est aujourd’hui que la psychanalyse pour oser proposer une tentative cohérente de compréhension étio-pathogé-nique de la dépression. Les neurosciences n’ont en effet jamais réussi jusqu’à ce jour à donner des maladies mentales une explication causale satisfaisante.

Les thérapeutiques biologiques dont elles ont permis le développement ne sont que des thérapies symptomatiques, des «camisoles chimiques», le mot fut bien trouvé, dès les années soixante.

La pratique psychanalytique nous montre de plus que dépressivité et dépres-sion se développent sur un terrain préparé et favorable, autrement dit dans le cadre d’une certaine structure, d’une certaine organisation de la personnalité.

Ne fait pas une dépression qui veut, il faut y être prédisposé. La question est maintenant de savoir d’où vient cette prédisposition.

Mettons à part les grandes dépressions psychotiques, rentrant dans le cadre de la psychose maniaco-dépressive, dont il n’est pas exclu qu’elle puisse relever d’un engramme bio-génétique plus ou moins héréditaire, comme certaines études tendent à le montrer.

On constate chez les déprimés, et quel que soit le type de leur dépression, des symptômes qu’on pourrait appeler «génériques». À côté du ralentissement idéo-moteur, qui ne manque jamais, le sentiment de non-valeur est le plus souvent au premier plan, exprimé par des idées de ruine, d’indignité, de honte, de culpabilité… pour des «fautes» ou des «erreurs», présentes ou passées, parfaitement imaginaires. Ces idées, témoins de profondes modifications des processus de pensée, peuvent aller jusqu’au délire, et bien entendu conduire au suicide, risque majeur de toute dépression vraie. Que signifie cette auto-dépréciation, cette perte de l’estime de soi réellement constitutive de la phénoménologie de la dépression?

En fait, en profondeur, toute dépression est bien d’une certaine manière «réac-tionnelle», mais pas au sens critiqué plus haut. L’enjeu réel d’une dépression est celui d’un deuil intérieur, d’une perte de l’objet narcissique constitutif du Soi, c’est-à-dire du sentiment de valeur. La souffrance éprouvée est liée essen-tiellement à la dévalorisation de l’image narcissique de soi-même, quel que soit le facteur conjoncturel du moment. Ce qui explique mieux l’angoisse d’abandon ou de perte d’objet qui caractérise l’économie de la dépression;

mieux aussi peut-être la relation d’objet dite «anaclitique» (tiré du grec anacli-nein, signifiant s’appuyer sur ou contre un autre), qui représente une sorte de tentative positive de combler en permanence le manque intérieur éprouvé.

Mais plutôt qu’il soit perdu, l’objet narcissique interne n’a probablement jamais été constitué, en tout cas de manière complète et satisfaisante, chez les sujets dépressifs et/ou déprimés. Le deuil est donc peut-être davantage celui d’une non-constitution que d’une perte, ce qui fonctionnellement, sinon struc-turellement, revient au même. À quoi il faut ajouter que, établie dans la prime enfance au cours du développement de la psyché, cette non-constitution, rele-vable de causes qui ne peuvent nous retenir ici (essentiellement carences ou complications dans les relations primitives au niveau narcissique) est de ce fait historique. «Maladie» du narcissisme, la dépressivité, tout comme la dépression, est un trouble du développement du narcissisme. Elle a pu devenir permanente chez de telles personnalités, c’est-à-dire structurelle.

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NOTATIONS D’ORDRE THÉRAPEUTIQUE

Prendre en charge un déprimé n’est pas une chose aisée, ni dépourvue de risque.

La première nécessité, pour le psychothérapeute ou l’analyste, sera la compré-hension des phénomènes observés; et la seconde nécessité sera la patience. La thérapie d’une dépression est obligatoirement longue et délicate.

Il s’agit en effet de se garder de toute interprétation prématurée de ce qui pourrait apparaître comme du «matériel œdipien», ce qui serait la meilleure façon de se faire le complice d’une forme de résistance (par l’Œdipe juste-ment) qu’utilise volontiers le patient. Ce qui serait aussi et du même coup favoriser l’échec de la cure. Ne pas oublier que la culpabilité pulsionnelle protège de la blessure narcissique.

Troisièmement, on se maintiendra vigilant devant toute participation contre-transférentielle qui risquerait, plus ou moins consciemment, d’être empreinte de sollicitude active. La neutralité et la fermeté restent ici de règle.

Au bout du compte l’on gardera en tête le conseil que donne en substance Béla Grunberger pour d’ailleurs toute psychothérapie, analytique ou non:

frustrer les pulsions certes, mais surtout confirmer le narcissisme. C’est à une restauration de celui-ci que l’on devra collaborer, dans un premier temps qui pourra être fort long. S. Freud lui-même disait qu’en «cessant d’infliger au patient les interprétations (génitales) habituelles, on pourrait sans doute plus facilement aller de l’avant».