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solution aqueuse

E. Influence de la température sur la radiolyse

4. Nécessité de la capture chimique à haute température

L’estimation des rendements radiolytiques des produits de décomposition de l’eau peut être faite par des techniques de radiolyse pulsée ou stationnaire suivi d’une méthode d’analyse des produits. Dans le cas de la radiolyse pulsée, une mesure directe des espèces transitoires est souhaitée. Il est difficile d’obtenir des mesures directes en utilisant la radiolyse pulsée à l’échelle nanoseconde lorsque l’on travaille à des températures élevées. En effet, les réactions à l’intérieur des grappes sont beaucoup plus rapides et les techniques de détection atteignent leur limite plus rapidement (absorption de HO• maximale à 235 nm et coefficient d’extinction molaire qui diminue). De là il devient nécessaire d’adopter une fois de plus la technique de la capture.

 Capture de l’électron hydraté à haute température

Il existe plusieurs types de réactions à haute température mettant en jeu l’électron hydraté. - Réactions avec des espèces ioniques :

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Autour du point critique, la constante diélectrique de l’eau est équivalente à celle d’un solvant non polaire et les constantes de dissociation des sels inorganiques sont bien plus faibles. Ces changements de propriétés vont affecter ces réactions ioniques qui sont influencées par la force coulombienne.

Puisque la constante diélectrique de l’eau diminue avec la température, le potentiel de coulomb entre les réactifs est modifié de manière significative. Ainsi, la constante de vitesse de la réaction entre l’électron hydraté et H3O+

est accélérée par attraction tandis que celle entre l’électron hydraté et NO3-

est ralentie du fait de la répulsion entre les 2 espèces chargées négativement98.

- Réactions avec des espèces neutres ou hydrophobes : Des réactions mettant en jeu l’électron hydraté avec O2, SF699

, N2O100, le nitrobenzène101 et le 4,4’-bipyridyle102

ont été étudiées. Pour des températures inférieures à 300°C, les constantes de vitesse de capture par O2 et SF6 suivent la loi d’Arrhenius puis deviennent largement dépendantes de la densité (c'est-à-dire de la pression) à des températures plus élevées. Pour des températures comprises entre 360 et 400°C, ces constantes de vitesse atteignent une valeur minimale pour une densité de 0,45. Ce comportement a été interprété en termes de potentiel de force moyen séparant un ion (HO- ou eaq-) d’une espèce hydrophobe (H•, O2 ou SF6) dans le fluide compressible. Autour du point critique, la densité de l’eau devient inhomogène et s’ajoute l’effet d’agrégats de molécules d’eau qui devient de plus en plus important. Cela affecte la distribution du réactif hydrophobe et de l’électron hydraté.

 Capture du radical hydroxyle avec la température

Le radical HO• est probablement l’espèce oxydante la plus importante dans les processus de corrosion des matériaux de structure dans les réacteurs nucléaires. Les études de réactions avec le radical HO• à températures élevées ou dans l’eau supercritique sont par conséquent essentielles. La plupart des études ont été menées en utilisant des molécules simples comme CO32- ou HCO3- 103, 104 qui possèdent une stabilité thermique particulière.

Des études ont également porté sur le comportement de dépendance avec la température pour des réactions entre les radicaux HO• et différents composés aromatiques101, 105. La constante de réaction bimoléculaire mesurée entre le radical HO• et le nitrobenzène montre clairement un comportement qui ne suit pas la loi d’Arrhenius au dessus de 300°C. De plus on observe une augmentation de cette constante de vitesse dans la région du point critique (aussi bien du côté sous-critique que supercritique).

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Il faut souligner que la constante de vitesse de la réaction entre HO• et H2, qui est l’une des plus importantes de la radiolyse de l’eau en termes de régulations de la production d’hydrogène moléculaire en réacteur, a également été étudiée jusqu’à 350°C par compétition cinétique en utilisant le nitrobenzène comme capteur de HO•106. A haute température, la constante de vitesse est inférieure à la valeur attendue (extrapolation de la loi d’Arrhenius) et décroît même pour des températures supérieures à 275°C. A 350°C, la valeur mesurée est même plus de 5 fois inférieure à la valeur attendue par extrapolation. Cela signifie que la quantité d’hydrogène moléculaire injecté dans le circuit primaire afin de conserver un milieu réducteur et calculé par le modèle actuel de la radiolyse de l’eau devrait être reconsidérée. Dans une étude récente menée par Janik et al., la constante de vitesse de la réaction de recombinaison des radicaux HO• a été mesurée entre 150 et 350°C en utilisant directement l’absorption de HO• à 250 nm97

. Les valeurs de la constante de vitesse sont inférieures à celles attendues dans la gamme 200-350°C et ne montrent pas de changement significatif dans cette même gamme.

Les études en température de capture de HO• n’ont pas pu être réalisées à des valeurs supérieures à 350°C, que cela soit pour des capteurs de type sels ou des capteurs de type aromatiques. En effet, à haute température, la plupart des sels précipitent dans l’eau qui perd sa polarité. Quant aux composés aromatiques, leur structure cyclique est très fragilisée avec l’augmentation de température et le composé se dégrade donc de plus en plus. Dans l’optique d’étudier le comportement du radical hydroxyle dans des conditions supercritiques, le choix du capteur idéal s’avère crucial et surtout pas encore déterminé.

Conclusion

En conclusion, ce premier chapitre avait pour objectif un tour d’horizon des connaissances des processus radiolytiques dans l’eau en mettant l’accent sur les effets de TEL et de température. Ces deux paramètres, parmi d’autres, sont soit peu étudiés dans la littérature, soit très récemment abordés. Pourtant pris indépendamment ou appliqués ensemble, ils sont primordiaux pour comprendre la chimie de l’eau en réacteur (générations 2, 3 et 4, voire aussi dans les conditions de fonctionnement de ITER), dans les matrices de confinements des déchets nucléaires, voire dans des conditions accidentelles (radiolyse de l’eau de mer à haute température à la suite de l’accident de Fukushima du 12 mars 2011).

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- Les températures élevées (jusqu’à 450°C au moins) nécessitent un développement expérimental complexe et délicat : développement de cellules optiques adaptées et d’une instrumentation spécifique ;

- Les effets de TEL ne sont possibles qu’en ayant accès à des faisceaux d’ions énergétiques variés. Les expériences doivent être transportables.

Dans cette thèse, nous voulons relever le défi d’étudier l’effet combiné du TEL et de la température en s’approchant de l’état supercritique de l’eau.

Du point de vue fondamental, les traces d’ionisation caractéristiques de chaque type de rayonnement vont être affectées par la température au moins dans la phase temporelle de chimie hétérogène (domaine où la diffusion des espèces est primordial). Les rendements que l’on pourrait déterminer à température élevée pourraient alors avoir les caractéristiques du dépôt d’énergie initial. Ce sera aussi le reflet de la compétition entre l’activation des réactions chimiques à température élevée et la diffusion accélérée. On voit bien alors que la simulation nous aidera à mieux comprendre les processus.

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