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Chapitre I. La radiolyse en solution : vers une étude aux conditions extrêmes de TEL et de

C. Le t ransfert d’énergie linéique

1. Formule de Bethe et pic de Bragg

Le dépôt d’énergie est un événement physique d’interaction entre la particule énergétique (ou rayonnement ionisant) et la matière qu’elle rencontre sur son passage. Cette étape est suivie par une succession d’événements tels que les processus d’excitation et d’ionisation qui mènent aux produits finaux de la décomposition du solvant. Les concentrations de ces espèces dépendent de la distribution spatiale des dépôts d’énergie dans le solvant.

L’un des aspects singuliers de la chimie sous rayonnement est la quantité d’énergie déposée dans le milieu par unité de longueur, caractérisée par la notion de Transfert d’Energie

Linéique (TEL), introduite pour la première fois par Zirkle en 1952. Contrairement à

l’absorption de la lumière UV-visible et IR qui est homogène, l’énergie du rayonnement ionisant est déposée dans la solution de manière non homogène. La visualisation directe des différentes trajectoires des particules α au moyen d’une chambre de Wilson a démontré le caractère non homogène du dépôt d’énergie.

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Le TEL est le paramètre le plus largement et conventionnellement utilisé afin d’indiquer avec quelle densité le rayonnement ionisant dépose son énergie. Le TEL, est une mesure de la densité de déposition de l’énergie le long et à l’intérieur de la trace créée lors du passage d’une particule chargée.

Le TEL est défini par :

où dE est la quantité d’énergie moyenne cédée localement au milieu par la particule sur une distance dx. Il peut être considéré comme le « pouvoir d’arrêt » du milieu traversé. En général, cette grandeur s’exprime en keV μm-1

. L’unité SI est le J m-1. Comme nous l’avons déjà dit plus haut, on ne considèrera ici que la part d’énergie cédée aux électrons de la matière et non pas l’énergie cédée aux noyaux qui nécessite beaucoup plus d’énergie de la part de la particule incidente. D’autres travaux récents considèrent la fragmentation de la particule incidente et de la cible, mais ces études sont orientées sur les phénomènes se produisant dans les fins de traces (vide infra, i.e. Pic de Bragg).

Les paramètres physiques les plus importants qui caractérisent les irradiations avec des particules incidentes sont l’énergie cinétique E, la vitesse et la charge effective Zeff. Ces paramètres essentiels sont utilisés pour estimer le pouvoir d’arrêt et sont liés entre eux par les équations suivantes :

-

]

où M et Z sont respectivement la masse et le numéro atomique de l’ion incident ; c est la vitesse de la lumière dans le vide.

La théorie de Bethe sur le TEL décrit la perte d’énergie moyenne due aux interactions électromagnétiques entre les particules chargées qui sont accélérées et les électrons des atomes qui absorbent l’énergie.

Tenant compte de quelques approximations, les expressions des TEL pour un ion peuvent être représentées dans une forme plus compacte par la formule de Bethe :

dEdx

=

4πemc24

Zeff2 2

2mc2 2

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où m et e sont respectivement la masse et la charge de l’électron, Ncib et Zcib sont respectivement la densité et le numéro atomique des atomes présents dans la cible. I est le potentiel moyen de tous les potentiels d’excitation et d’ionisation des électrons liés du matériau qui constitue la cible.

Figure I-2 : Quelques valeurs de TEL de certains ions lourds en

fonction de l’énergie.17-18

En regardant l’expression du TEL pour un ion accéléré, on constate que celui-ci est approximativement proportionnel à 1/ 2 si on considère que la vitesse n’est pas trop faible. Par conséquent, la valeur du TEL est faible quand l’énergie de l’ion est grande. Inversement, plus l’énergie de l’ion est petite, plus la valeur du TEL est importante. En d’autres termes, à l’entrée de la particule ionisante dans la matière, son pouvoir d’arrêt est relativement faible puis elle perd son énergie au fur et à mesure des interactions. Avec la perte de vitesse, la valeur de TEL augmente, ce qui accélère l’augmentation du pouvoir d’arrêt du milieu et la décroissance de la vitesse de la particule.

Juste avant l’arrêt de la particule, on observe un phénomène qui englobe deux effets se produisant simultanément : la vitesse de l’ion lourd diminue brutalement et son TEL augmente considérablement (cf Figure I-3).

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Figure I-3 : Dépôt d’énergie de particules en fonction de la

pénétration dans l’eau. De (a) à (f) : 4

He2+ (150 MeV/u), 12C6+(400 MeV/u), 20Ne10+(400 MeV/u), 28Si14+(490 MeV/u), 40Ar18+(500 MeV/u) et 56Fe26+(500 MeV/u).15b. Utilisation du code SRIM 19.

Ce pic de dépôt d’énergie est appelé pic de Bragg du nom du physicien l’ayant caractérisé en 1903. En effet le nombre d’ionisations est plus important en fin de trace. Plus l’ion traverse la matière lentement, plus la section efficace d’ionisation et d’excitation augmente. A ce niveau la section efficace d’interaction nucléaire augmente aussi, et la part des réactions nucléaires générant des noyaux de recul ou des fragmentations de la particule incidente devient non négligeable. Comme on peut le voir sur la Figure I-3, ce pic a lieu sur une épaisseur de matière assez faible (quelques millimètres) pour des ions incidents très énergétiques. On comprend alors pourquoi assez peu d’articles traitent des réactions chimiques dans le pic de Bragg. Néanmoins très récemment le rendement radiolytique de HO• a été analysé dans cette zone très petite de l’espace en utilisant une sonde fluorescente et un modèle de calcul de dose (logiciel PHITS)20.

Pourtant le pic de Bragg a toute son importance dans l’utilisation des faisceaux d’ions en protonthérapie ou plus généralement en hadronthérapie21. La localisation fine, parfaite et prévisible du dépôt d’énergie au pic de Bragg a en effet au moins deux avantages : la cible potentielle qui est en l’occurrence une tumeur peut être « détruite » avec précision et les tissus sains à proximité sont beaucoup moins affectés qu’en radiothérapie avec des rayonnements X. car le TEL y est plus faible.

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