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Le mécanisme réactionnel de l’oxydation radiolytique de Br

Chapitre II. Chimie du brome et radiolyse de

E. La radiolyse de solutions aqueuses d’ions bromures

2. Le mécanisme réactionnel de l’oxydation radiolytique de Br

Ce mécanisme englobe l’ensemble des réactions se produisant lors de la radiolyse de l’eau pure sous différentes atmosphères (air, O2, N2O, argon/N2) auquel il faut ajouter les réactions faisant intervenir les ions bromures et les différents produits bromés formés lors de l’irradiation (Tableau II-9).

Tableau II-9 : Principales réactionsi impliquées dans la radiolyse de solutions aqueuses de Br-.25

N° réaction Réaction k (dm3 mol -1 s-1)

1 Br- + HO• BrOH•- 1,1 1010 2 Br • + HO- BrOH•- 1,3 1010 3 H • + Br- HBr•- 3,3 107 4 BrOH•- Br- + HO• 3,3 107 5 BrOH•- Br• + HO- 4,2 106 6 BrOH•- + Br- Br2•- + HO- 1,9 108 7 BrOH•- + H3O+ Br• + 2H2O 4,4 1010

8 Br• + Br- Br2•- 1,2 1010 9 Br2•- Br• + Br- 1,9 104 10 Br2•- + Br2•- Br3- + Br- 2,4 109 11 Br2•- + HO- Br- + BrOH•- 2,7 106 12 eaq- + Br2•- 2Br- 1,3 1010 13 H • + Br2•- 2Br- + H + 1,4 1010

83 14 HO2• + Br2•- 2Br- + O2 + H + 1,0 108 15 eaq- + Br3- Br2•- + Br- 2,7 1010 16 H• + Br3- Br2•- + Br- + H + 1,2 1010 17 HO2• + Br3- Br2•- +Br- + O2 + H + 1,0 108 18 Br2 + Br- Br3- 1,6 109 19 Br3- Br2 + Br- 1,0 108

La formation de l’ion tribromure à partir de l’oxydation de l’ion bromure par HO• diffère

suivant le pH. En effet, le schéma réactionnel en milieu neutre suit cet enchaînement de réactions :

Tableau II-10 : Schéma réactionnel amenant à la formation de l’ion tribromure en milieu

neutre.

Réaction N° Réaction k (dm3 mol -1 s-1)

1 Br- + HO• BrOH•- 1,1 1010 6 BrOH•- + Br- Br2•- + HO- 1,9 108 10 Br2•- + Br2•- Br3- + Br- 2,4 109

Dans le Tableau II-11, on observe qu’en milieu acide, la réaction N°1 est suivie de la réaction N°7 et N°8.

Tableau II-11 : Schéma réactionnel amenant à la formation de l’ion tribromure en milieu

acide.

Réaction N° Réaction k (dm3 mol -1 s-1)

1 Br- + OH BrOH•- 1,1 x 1010

7 BrOH•- + H3O+ Br• + 2H2O 4,4 x 1010

8 Br• + Br- Br2•- 1,2 x 1010

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La formation de l’ion tribromure nécessite plus d’étapes en milieu acide qu’en milieu neutre mais ces réactions sont bien plus rapides. En milieu basique, la formation de Br3- n’est pas favorisée25.

L’ion tribromure étant en équilibre avec Br2 (réactions N°18 et N°19, K = 16,1 dm3 mol-1 ), le bilan global d’oxydation de Br- en solution neutre ou acide est exprimé au travers de son rendement d’oxydation Gox :

G

ox

= 2 [G(Br

3 -

) + G(Br

2

)]

L’oxydation de Br-

en Br3- nécessite la consommation de 2 radicaux hydroxyles et de 4 ions bromure.

L’oxydation radiolytique de Br-

par HO• entraîne l’apparition de différentes espèces qui sont des formes oxydées de l’ion bromure : Br2•- et Br3-. Il est intéressant de mieux décrire les caractéristiques de ces différentes espèces qui vont s’avérer essentielles dans la compréhension du mécanisme d’oxydation.

 L’espèce Br2•- - Propriétés

Br2•- présente un fort caractère oxydant mais également un faible pouvoir réducteur26.

Tableau II-12: Potentiels d’oxydoréduction des couples oxydant/réducteur comprenant l’espèce Br2•-.

Couples Br2•- / Br- Br2 / Br2•-

E0 (VENH) 1,7 0,43

- Spectre d’absorption

L’espèce radicalaire Br2•- fut identifiée pour la première fois au sein de solutions aqueuses

irradiées contenant des ions bromures par Grossweiner et Matheson en 1957. Le spectre d’absorption de cette espèce a été reporté par Zehavi et Rabani5b

. Dans le cadre de ce travail, ce spectre a également été mesuré par radiolyse pulsée avec l’accélérateur linéaire d’électrons du laboratoire de radiolyse. Le maximum de la bande d’absorption se situe vers 360 nm avec un coefficient d’extinction molaire associé de 9900 dm3 mol-1 cm-1. Le spectre de Br2•- est présenté dans la Figure II-7 pour la température ambiante et pour des températures allant jusqu’à 380°C8

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le maximum du spectre d’absorption de Br2•- semble ne pas changer lorsque la température augmente.

Il est important de savoir que la température a un effet sur le spectre d’absorption de Br2•-.

Figure II-7 : Evolution du spectre d’absorption de Br2•- avec la température. Solution de NaBr 50 mM saturée en N2O (Lin et al. 2011).

L’intensité de la bande décroit avec la température. Cela est dû en partie à la chute de la valeur du coefficient d’extinction molaire avec la température.

Tableau II-13 : Valeurs du coefficient d’extinction molaire de Br2•- à 360 nm8.

T (°C) 22 100 150 200 250 300 350 380

ε (M-1 cm-1

) 9900 8910 8316 7821 7623 7227 6831 6800

Quand la température augmente, à pression constante, la densité de l’eau diminue et par conséquent l’absorbance est plus faible. Cela est dû également à la modification des constantes de vitesses impliquées dans les réactions de formation et de disparition de l’espèce Br2•-. Ce comportement de type non Arrhenius provient des nombreux changements des propriétés de l’eau à haute température comme la viscosité, le coefficient de diffusion et la constante diélectrique (voir chapitre I, section IV.E.2).

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On ne constate pas de déplacement du maximum de la bande entre 20 et 380°C. Cette bande d’absorption intense dans l’UV, visible dans le cas de Br-n’est pas due à une transition CTTS. Dans le cas de Br2•-, la transition a lieu entre deux états de valence de Br2•-.

- Formation et disparition

La formation rapide de cette espèce au sein de solutions aqueuses bromées s’explique différemment suivant l’acidité du système. En effet, comme il l’a été souligné auparavant dans le mécanisme d’oxydation de Br-

, la concentration en protons donne quelques degrés de liberté au schéma réactionnel. L’espèce Br2•- a pour précurseur l’espèce BrOH•-, que cela soit à pH acide ou neutre (Tableaux II-10 et II-11). En milieu acide, la réaction entre Br- et HO• produit BrOH•-très rapidement. L’espèce BrOH•-provient d’un pré-équilibre (en milieu acide la rétro-réaction N°4 n’est pas négligeable) et est donc une espèce transitoire qui tend à disparaître pour former Br• avec une vitesse dépendant de la concentration des protons (réaction N°7). Globalement, l’espèce BrOH•- est une espèce consommée plus rapidement qu’elle n’est formée. Elle est donc très difficile à observer d’un point de vue spectroscopique et cinétique. La rencontre entre Br• et Br- produit Br2•-. Br2•- n’est pas une espèce stable et va donc disparaître rapidement.

Il est important de connaître l’ordre de grandeur de la durée de vie de Br2•-. On peut

considérer que celle-ci est de l’ordre de quelques µs à quelques dizaines de µs.  L’espèce Br3-

- Spectre d’absorption L’étude de la formation de Br3-

a permis d’obtenir le spectre d’absorption avec mesure du coefficient d’extinction molaire en son maximum5a

.

Sur le spectre d’absorption présenté sur la Figure II-8, une bande intense située vers 266 nm témoigne de l’apparition de l’ion tribromure.

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Figure II-8 : Spectre d’absorption d’une solution de NaBr à 2 M saturée en N2O, pH neutre, à

différentes doses (irradiation γ). Petit encadré : Spectres d’absorption de solutions de NaBr contenant diverses concentrations en ions bromures (saturation N2O, pH neutre, irradiation γ , dose totale : 50 Gy)25.

La valeur du coefficient d’extinction molaire à 266 nm est de 40λ00 dm3 mol-1

cm-1 . L’influence de la température sur le spectre d’absorption de l’ion tribromure a été évaluée très récemment lors des travaux de Lin en 2011.

Figure II-9 : Evolution du spectre de Br3- avec la température. Radiolyse pulsée de solutions de 2 M NaBr (Lin et al. 2011).

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La bande ne peut pas être observée complètement à cause de l’absorption due à Br- (déplacement vers le rouge avec la température de la bande caractéristique de la transition CTTS de Br-).

On n’observe pas de déplacement du spectre avec la température. La forme de la bande n’est pas modifiée (pas d’élargissement comme observé pour le spectre de Br2•-) entre 30 et 350°C. Il existe une dépendance en température du spectre de Br3- produit lors de la radiolyse de solutions aqueuses de 1 M NaBr. En radiolyse stationnaire, l’ion tribomure se décompose au- delà de températures supérieures à 100°C :

Br3- Br2 + Br-

A 150°C, la bande vers 266 nm caractéristique de l’absorption de Br3-

a disparu.

- Formation et disparition

Br3-est l’espèce qui apparaît suite à la réaction de terminaison de Br2•- (réaction N°10). Il est en équilibre avec le dibrome (réactions N°18 et N°19). L’existence de cet équilibre montre que l’espèce Br3- demeure stable à température ambiante et qu’il est donc observable en spectrophotométrie d’absorption.

Il a été montré que la durée de vie de cette espèce est très grande à température ambiante. L’ion tribromure est donc considéré comme une espèce stable contrairement à Br2•-.

Conclusion

Les différentes espèces formées lors de l’oxydation radiolytique de Br-

ont des propriétés spectrales et des durées de vie bien différentes. Suivant la concentration initiale en ions bromures, la production de chacune de ces espèces est plus ou moins favorisée. Il est donc nécessaire d’adapter les techniques d’analyse et de détection à l’espèce étudiée. Le Tableau II-14 résume l’évolution des propriétés spectrales de Br2•- et Br3- avec la température.

Tableau II-14 : Bilan de l’évolution des propriétés spectrales avec la température pour les

espèces Br-, Br2• - et Br3-.

Espèces Technique expérimentale Température (°C) Déplacement spectral Br- Spectrophotométrie différentielle

UV-visible

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Br2•- Radiolyse pulsée à 360 nm 20 - 380 Aucun.

Léger élargissement de la bande du côté des grandes

longueurs d’onde

Br3- Radiolyse stationnaire 20 Aucun

Radiolyse pulsée à 266 nm 20-350 Aucun

Ces trois espèces, Br-, Br2•- et Br3-, ont beau correspondre au même élément (le brome) et avoir la même charge (-1), leurs propriétés spectrales restent bien distinctes.

L’irradiation de solutions aqueuses de Br-plus ou moins concentrées entraîne l’apparition de nouvelles espèces comme Br2•- et Br3-. L’analyse de ces espèces notamment lorsque l’on travaille à température élevée, nécessite des méthodes de cinétique rapide (radiolyse pulsée sur différentes échelles de temps). Ces méthodes permettent de mesurer les rendements radiolytiques de ces espèces issues de l’oxydation radiolytique de Br-. Le chapitre suivant décrit l’ensemble des techniques développées et utilisées dans ce travail qui ont permis d’observer l’apparition de ces espèces et de les quantifier dans des gammes de températures et de TEL les plus étendues possibles.

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Chapitre III. Protocoles expérimentaux et sources d’irradiation

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