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1.2 Motivations de notre étude et choix des techniques

1.2.2 Motivations

Les techniques traditionnelles employées par les biologistes et biochimistes pour l'étude du ribosome ont déjà permis de grandes avancées sur la compréhension des mécanismes de la tra- duction (notamment grâce aux structures cristallographiques du ribosome en complexe avec cer- tains facteurs de la traduction [51,54,5660]). Les mécanismes qui nous intéressent concernent les lectures alternatives du code génétique faisant intervenir des structures de l'ARNm tels que SECIS ou les pseudon÷uds. Ceux-ci étant asynchrones et les évènements concernés rares, ces techniques basées sur des mesures d'ensemble, voire sur des systèmes gés, se montrent particulièrement limitées.

Une approche à l'échelle de la molécule unique s'avère alors appropriée pour l'étude d'évé- nements isolés et asynchrones. Elles ont d'ailleurs fait leurs preuves sur le ribosome procaryote et ont notamment permis une meilleure compréhension de certains aspects de la transloca- tion [6178]. La connaissance de la structure atomique du ribosome procaryote a permis des avancées remarquables grâce à des marquages spéciques de certains de ses constituants et

l'étude de leurs interactions avec certains partenaires de la traduction. Cependant ces études se sont pour l'instant concentrées sur l'aspect qualitatif des mécanismes de la synthèse des protéines (mouvement des sous-unités ribosomiques durant le cycle d'élongation, conformation des ARN de transfert dans le ribosome...) en utilisant des reconstitutions des facteurs de la tra- duction. An de marquer certains acteurs de la traduction d'un uorophore sans pour autant être gênés par le bruit de uorescence des uorophores libres en solution, ces reconstitutions des facteurs de la traduction ne sont pas représentatives des conditions physiologiques (les éléments marqués d'un uorophore étant en très large défaut dans la solution) et la cinétique des événements observés est donc très largement sous-estimée. Il est maintenant connu que le ribosome eectue des pauses lors de la traduction et que la durée de celles-ci est grandement inuencée par la présence d'une structure sur l'ARNm. Il n'est cependant pas encore clair si cette durée est corrélée au fait que le ribosome parvient à fondre la structure de l'ARNm, ou encore au fait qu'il change de cadre de de lecture [7981]. Etudier l'inuence de ces pauses requiert l'utilisation d'extraits cellulaires plutôt qu'une reconstitution des facteurs de la tra- duction, an de se placer dans des conditions plus représentatives de la réalité et perturber le moins possible la dynamique de la traduction.

En étudiant la cinétique de traduction de ribosomes individuels sur un ARNm comportant l'une de ces structures, on doit s'attendre à observer diérentes populations, selon que le ribo- some ouvre la structure ou décale sa phase de lecture (la position du codon STOP n'étant alors plus la même). Il serait particulièrement intéressant de voir comment évoluent ces populations avec la stabilité de la structure de l'ARNm (durée des pauses, déséquilibre des populations, ecacité de décalage de la phase de lecture etc...) ou encore d'étudier l'inuence sur ces popula- tions de la séquence de glissement ou de la séquence d'espacement avec la structure. Pour aller plus loin, on peut également s'interroger sur le cas des polysomes. Ceux-ci sont un ensemble de ribosomes traduisant en série le même ARNm, tels un enlement de perles sur un même l. Le premier ribosome rencontrant une structure secondaire doit ouvrir celle-ci mais il n'est pas encore connu si les ribosomes suivants doivent également ouvrir la tige-boucle ou encore s'ils aident le premier ribosome à se stabiliser sur l'ARNm (l'empêchant de reculer pour décaler sa phase de lecture).

Un deuxième aspect de l'importance de ces structures concerne leur stabilité ainsi que les forces mises en jeu pour leur ouverture. Ces structures représentent des barrières énergétiques que le ribosome doit franchir pour continuer la traduction. L'étude dans [82] suggère que la force nécessaire pour défaire la structure est directement liée à l'ecacité de décalage de la phase de lecture, toutefois des résultats plus récents évoquent plutôt la conformation de la structure et la diculté pour le ribosome de l'ouvrir comme paramètres inuençant cette ecacité [20,83,84]. La caractérisation de ces structures à l'aide de techniques de manipulation s'avèrerait complémentaire de mesures de cinétiques en microscopie de uorescence. Dans le cas de la lecture alternative du code génétique faisant intervenir la tige-boucle SECIS de l'ARNm, on pourra s'intéresser aux modes d'interactions du facteur d'élongation SelB recrutant l'ARNt portant l'acide aminé rare, la sélénocystéine, et voir l'inuence de ce facteur sur la stabilité de la structure.

Pour revenir aux mécanismes de la traduction, on notera que peu d'études en molécule unique ont été faites sur les étapes d'initiation et de la terminaison [85]. Pour la plupart, les études actuelles partent en eet d'une situation où le ribosome est déjà complexé sur l'ARNm avec l'ARNt initiateur déjà dans le site P, tandis que seuls des états hybrides, voire un ou deux cycles d'élongation du ribosome sont observés. L'une des raisons à cela est le fait que l'utilisation de solutions de traduction à partir des facteurs reconstitués, ainsi que le marquage de certains

de ces facteurs, demandent des eorts considérables, notamment pour leur purication. Avoir accès à un système permettant d'observer plusieurs cycles d'élongation autoriserait également l'étude des mécanismes de la n de la synthèse des protéines tels que les diverses interactions avec les facteurs de terminaison ou encore les protéines chaperonnes assistant la maturation du polypeptide en croissance.

En ce qui concerne le ribosome eucaryote, aucune étude en molécule unique n'a encore été réalisée à ce jour. La raison principale vient du fait que la structure complète du ribosome eucaryote n'a été révélée que récemment, rendant le marquage (spécique et unique) du ribo- some lui-même dicilement accessible. Le groupe de J. D.Puglisi de l'université de Standford a toutefois récemment publié des premiers résultats sur le marquage du ribosome eucaryote suggérant de futures expériences en molécule unique [86]. Les étapes de l'initiation étant éga- lement plus complexes et faisant intervenir de nombreux facteurs dont les rôles sont encore mal caractérisés, la reproduction de ces étapes in vitro pour des études en molécule unique en est d'autant plus compliquée, surtout si la purication de ces facteurs d'initiation doit être eectuée. Observer la traduction de ribosomes eucaryotes en molécule unique représente donc un enjeu de taille et permettrait de clarier de nombreux mécanismes. On pourra notamment s'intéresser aux mécanismes d'action des facteurs de terminaison eRF1 et eRF3 en interaction avec les ARN de transfert dans le ribosome lors de la n de la traduction.

1.2.3 Choix d'approche de l'étude