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4.2 Photophysique du Bodipy-FL

4.2.1 Le Bodipy-FL

Le Bodipy-Fl est un petit uorophore dont l'absorption est maximale à 502 nm et l'émission à 511 nm. Il est particulièrement intéressant dans nos études sur le ribosome car il est disponible commercialement attaché sur un acide aminé, la lysine, avec son ARN de transfert. Du fait de sa petite taille, il peut passer le tunnel de sortie du ribosome et donc être incorporé dans une protéine lors de la traduction. Ce complexe est d'ailleurs couramment utilisé par les biologistes pour marquer les lysines incorporées dans les protéines et ainsi conrmer l'activité du ribosome. Les propriétés photophysiques de ce uorophore sont toutefois médiocres pour une obser- vation en molécule unique. Il photoblanchit rapidement et émet peu de photons. Nous avons donc été amenés à l'étudier en vue de caractériser ses propriétés photophysiques et d'améliorer ses conditions d'observation, à savoir les puissances optimales d'excitation mais aussi l'envi- ronnement le mieux adapté. Pour ce faire, nous avons caractérisé la photophysique du Bodipy dans deux environnements : dans du tampon TRIS salé et dans un tampon optimisé, à savoir le ROXS, pour lequel nous nous sommes inspirés des études de Tinnefeld et al.

Dans le cas du tampon ROXS, en utilisant l'équation de Rehm-Weller [128] il est possible de calculer les changements d'énergie libre, ∆G, pour les réactions des divers niveaux d'énergie du Bodipy avec un oxydant ou un réducteur donné :

∆G = e [Eox− Ered] − E0,0+ C (4.1)

où e est la charge élémentaire, Eox et Ered les potentiels d'oxydation du donneur et de

réduction de l'accepteur, et E0,0 l'énergie du niveau fondamental du uorophore. C décrit

quant à lui le coecient d'attraction électrostatique du solvant qui sera ici négligé dû à la haute polarité de l'eau. Il nous reste donc à déterminer les diérents potentiels redox du Bodipy-Fl ainsi que l'énergie de son niveau fondamental. Celle-ci peut être déterminée connaissant la longueur d'onde du pic d'absorption (λabs = 502 nm) et d'émission du uorophore (λexc =

511 nm) : E0,0 = hc 2  1 λabs + 1 λexc  (4.2) avec h la constante de Planck et c la vitesse de la lumière dans le vide. On obtient alors E0,0 = 2.45 eV pour le Bodipy-Fl. Cette valeur est en accord avec celle obtenue dans [129]

(E0,0 = 2.43 eV). Ces auteurs donnent par ailleurs le potentiel de réduction du Bodipy pour

passer de l'état fondamental S0 à l'état radical anion F•− et vaut pour une électrode au

calomel saturé (ECS) E(S0/F•−) =−1.07 V . Le potentiel d'oxydation pour passer de l'état

fondamental vers l'état radical cation F•+ peut également être trouvé dans la littérature [130]

et vaut E(S0/F•+) = 1.17 V (ECS). A partir de ces valeurs et de celle de l'énergie de l'état

fondamental du Bodipy on détermine les potentiels de l'état excité singulet S1 :

E(S1/F•−) = E0,0e + E(S0/F•−) = 1.38 V

E(F•+/S

1) =−E0,0e + E(F•+/S0) =−1.28 V

De la même façon on détermine les potentiels de l'état triplet, en choisissant un écart de ∆E =−0.28 eV entre l'état excité S1 et l'état triplet T [121] :

E(T/F•−) = ∆Ee + E(S1/F•−) = 1.10 V

E(F•+/T ) =−∆E

e + E(F •+/S

1) =−1.00 V

Les diérents potentiels du Bodipy-Fl étant déterminés, il reste à choisir l'oxydant et le réducteur appropriés. Dans [121], les auteurs suggèrent l'utilisation du méthylviologène (MV) et de l'acide ascorbique (AA) de potentiels respectifs E(MV/MV•−)= -0,45 V et E(AA•+/AA)

= 0,06 V. On peut résumer les diérents couples redox et leurs potentiels respectifs sur le diagramme 4.6. F•+/S 0 1.17 S1/ F•- 1.38 T / F•- 1.10 F•+/S 1 -1.28 F•+/T -1.00 S0/ F•- -1.07 MV/MV•- -0.45 AA•+ /AA 0.06 0 V Potentiels redox (V)

Figure 4.6  Diagramme récapitulatif des potentiels rédox du Bodipy-Fl ainsi que de l'acide ascorbique (AA) et du méthylviologène (MV).

Il est donc possible pour le uorophore dans l'état triplet de redescendre vers l'état fon- damental par deux chemins selon qu'il est d'abord réduit par AA (chemin 1) ou oxydé par MV (chemin 2). Nous allons en utilisant l'équation de Rehm-Weller (equation 4.1) vérier la spontanéité de ces réactions.

chemin 1 L'énergie libre de la réaction de la réduction du uorophore dans l'état triplet par l'acide ascorbique s'écrit en utilisant les notations utilisées précédemment :

∆G11= e [E(AA•+/AA)− E(S0/F•−)]− (E0,0− ∆E)

= e (E(AA•+/AA)− E(T/F•−)) =−1.04 eV

Le uorophore passe alors dans l'état F•− et peut donc ensuite être oxydé par le méthylviolo-

gène pour être ramené à l'état fondamental selon :

∆G12= e [E(S1/F•−)− E(MV/MV•−)]− (E0,0)

= e (E(S0/F•−)− E(MV/MV•−)) =−0.62 eV

Ces deux réactions possèdent donc chacune une énergie libre négative ce qui signie qu'elles sont thermodynamiquement possibles. On pourra remarquer que, une fois le uorophore retourné dans son état fondamental, les AA•+ et MV•− alors créés pourront réagir ensemble pour

régénérer du AA et du MV. On notera également que la réaction de l'acide ascorbique sur le uorophore dans l'état excité est possible, toutefois elle sera peu probable compte tenu de la durée de vie du uorophore dans cet état (de l'ordre de la nanoseconde).

F•+/S 0 1.17 S1/ F•- 1.38 T / F•- 1.10 F•+/S 1 -1.28 F•+/T -1.00 S0/ F•- -1.07 MV/MV•- -0.45 AA•+ /AA 0.06 0 V Potentiels redox (V) F•+ F•- T S0 S1 AA MV ΔG11 ΔG12

Figure 4.7  En trait plein rouge, la première réaction de l'acide ascorbique avec le Bodipy- Fl dans l'état triplet. En trait discontinu bleu, la seconde réaction du méthylviologène avec le Bodipy-Fl dans l'état radical anion. L'enchaînement de ces deux réactions permet de ramener le uorophore de l'état triplet vers son état fondamental.

chemin 2 L'énergie libre de la réaction d'oxydation du uorophore dans l'état triplet par le méthylviologène s'écrit :

∆G21= e [E(F•+/S0)− E(MV/MV•−)]− (E0,0− ∆E)

= e (E(F•+/T )− E(MV/MV•−)) =−0.55 eV

Le uorophore passe alors dans l'état F•−et peut donc ensuite être réduit par l'acide ascorbique

pour être ramené à l'état fondamental selon :

∆G22= e [E(AA•+/AA)− E(F•+/S1)]− (E0,0)

= e (E(AA•+/AA)− E(F•+/S

0)) =−1.11 eV

Ici encore les énergies libres sont négatives et donc les réactions possibles.

F•+/S 0 1.17 S1/ F•- 1.38 T / F•- 1.10 F•+/S 1 -1.28 F•+/T -1.00 S0/ F•- -1.07 MV/MV•- -0.45 AA•+ /AA 0.06 0 V Potentiels redox (V) F•- F•+ T S0 S1 AA MV ΔG22 ΔG21

Figure 4.8  En trait discontinu bleu, la première réaction du méthylviologène avec le Bodipy- Fl dans l'état triplet. En trait plein rouge, la seconde réaction de l'acide ascorbique avec le Bodipy-Fl dans l'état radical cation. L'enchaînement de ces deux réactions permet de ramener le uorophore de l'état triplet vers son état fondamental.

En utilisant le méthylviologène et l'acide ascorbique en milieu anaérobie, on dispose alors d'un système auto-régénérant permettant de vider ecacement l'état triplet du Bodipy-Fl. Tou- tefois, dans notre situation où la solution est déplétée en oxygène avec le système PCA/PCD, on s'aperçoit que le PCA joue déjà le rôle du réducteur avec le Bodipy-Fl : E(P CA•+/P CA)= 0,79 V

[131]. L'acide ascorbique ne sera donc pas utilisé dans les études qui suivront sur ce uorophore. Cette situation est particulière au Bodipy-Fl puisqu'il possède des potentiels redox susam- ment bas pour être réduits par le PCA, ce qui n'est pas le cas d'autres uorophores tels que le Cy5 ou encore l'ATTO 655.