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5.3 Etude de la cinétique de traduction du ribosome procaryote

5.3.1 Stratégie de l'étude

5.3.2.1 Cinétique de traduction en molécule unique

Dans cette section nous nous intéressons à la vitesse de traduction des ribosomes mutés, xés à la surface via l'ARNm comme représenté sur la gure 5.8. Pour ce faire, l'acquisition des images est synchronisée avec l'injection d'extraits cellulaires (RTS 100 E.Coli HY kit, Roche, déplété en ribosomes sauvages). Le moment où les facteurs de traduction atteignent la zone d'observation est estimé connaissant la vitesse d'injection du pousse seringue (100 µl/min), la longueur et le diamètre du capillaire d'injection (cellules microuidiques à pression positive, décrites dans le chapitre 3) ainsi que la distance séparant la zone d'observation de l'entrée de la cellule dont la section du canal est connue.

3’ 5’

A

P

E

Codon STOP Traduction 3’ 5’ Codon STOP Fin de la Traduction SD AUG

Figure 5.9  Principe de l'expérience. A l'instant initial (image de gauche) les ribosomes sont xés à la surface par l'intermédiaire de l'ARNm. L'ARN de transfert portant la méthionine permet de stabiliser le ribosome initié sur l'ARNm. Au moment où les extraits cellulaires at- teignent le ribosome, celui-ci avance sur l'ARNm en synthétisant un polypeptide. Une fois le codon STOP atteint (image de droite), les deux sous-unités du ribosome se dissocient et la sous-unité 50S diuse hors de l'onde évanescente.

En présence des extraits cellulaires, les ribosomes initiés sur l'ARNm avec le fMet − ARN tf M et dans le site P, commencent la traduction et avancent sur l'ARNm jusqu'au co-

don stop. Lorsque celui-ci est atteint, les deux sous-unités des ribosomes se dissocient et se séparent de l'ARNm, diusant alors hors de l'onde évanescente (voir gure 5.9). La n de la traduction est donc marquée par la disparition du signal des QD.

Figure 5.10  Première et dernière images de la série d'acquisition de la synthèse de la protéine de la GFP. A gauche, les ribosomes mutés L22 sont initiés sur l'ARNm. La uorescence des QDs accrochés à la grande sous-unité permet de localiser ces ribosomes sur la surface. A droite, même zone de l'échantillon après injection des extraits cellulaires. Sur les 43 QDs initialement présents, 21 sont partis à l'issue de la série d'images de durée totale 3 minutes et 40 secondes. Cinétique de départ des QDs Des séries de 200 images de 100 ms d'acquisition, durant lesquelles l'échantillon est éclairé par la diode laser émettant à 638 nm, avec 1 seconde de temps de pause entre chaque image, sont réalisées durant l'injection du RTS. Ces images sont ensuite analysées sous IGOR Pro pour repérer la position initiale (avant l'arrivée des extraits cellulaires) des ribosomes xés à la surface par la uorescence des QD (voir gure 5.10) puis pour tracer l'histogramme cumulatif des disparitions des QDs, et donc a priori des ribosomes ayant traduit, en fonction du temps comme représenté sur la gure 5.11. On voit qu'à partir de l'instant où les extraits cellulaires arrivent sur la zone d'observation, on a un nombre croissant de QDs qui disparaissent. En eectuant un ajustement exponentiel sur cette courbe et en prenant en compte le temps d'arrivée des extraits cellulaires, on obtient une cinétique de disparition de 5 à 6 acides aminés par seconde soit 1 acide aminé en 170 ms, en supposant que le départ des QDs est bien lié à la traduction. Cette cinétique serait du même ordre de grandeur que celle mesurée dans [42] et inférieure à celle in vivo (environ 15 acides aminés par seconde [145]). La présence de la surface [146] ou la température (ici à 22C) sont probablement ici des facteurs limitant la vitesse de la traduction.

Contrôle à l'érythromycine Pour conrmer le fait que la courbe de la gure 5.11 représente bien une cinétique de traduction, nous avons réalisé la même expérience mais en présence d'un antibiotique, l'érythromycine. Celui-ci se lie à la grande sous-unité 50S pour bloquer la translocation et par conséquent la traduction. L'expérience précédente a été reproduite avec 3mM d'érythromycine dans les extraits cellulaires pour empêcher le ribosome d'avancer sur l'ARNm. Nous avons obtenu aux temps initial et nal les images de la gure 5.12.

Sur les 96 QDs détectés sur la première image, 78 sont toujours présents à la n du lm. On a donc bien un eet de l'antibiotique sur la cinétique de disparition des QDs puisque de 49% de QDs dissociés de la surface, on passe ici à 19% en présence de l'antibiotique. Une raison pouvant expliquer le fait que tous les QDs ne soient pas restés à la surface à l'issue du lm serait que des

Figure 5.11  Cinétique de disparition des QDs. L'analyse des images permet de tracer l'histo- gramme cumulatif des disparitions des QDs en fonction du temps. En eectuant un ajustement exponentiel (courbe noire) sur ces histogrammes et en prenant en compte le temps d'arrivée des extraits cellulaires (représenté par la ligne verte sur le graphique) , on obtient une cinétique de disparition de 5 à 6 acides aminés par seconde.

Figure 5.12  Première et dernière images de la série d'acquisition de la synthèse de la protéine de la GFP en présence de l'antibiotique érythromycine. Sur les 96 QDs initialement présents (à gauche), 18 sont partis à l'issue de l'acquisition des 200 images.

facteurs de dissociation, présents dans les extraits cellulaires, soient à l'origine de la séparation des deux sous-unités de certains ribosomes. En eet, lors du rinçage des complexes ribosomes- ARNm non xés à la surface, le tampon utilisé ne contenait pas les fMet−ARNtf M et. Certains

rinçage, ce qui serait perçu par les facteurs de dissociation comme une erreur dans l'initiation du ribosome sur l'ARNm (pour rappel, lors de l'initiation classique, la grande sous-unité 50S s'associe à l'aide des facteurs d'initiation sur l'unité 30S déjà complexée sur l'ARNm et l'ARNtf M et). Une seconde explication viendrait du mécanisme d'action de l'érythromycine,

encore mal connu. Les études dans [147, 148] démontrent que l'inhibition de cet antibiotique sur la traduction se jouerait principalement au niveau de l'initiation du ribosome, empêchant l'association des deux sous-unités, et que les complexes formés par les ribosomes bloqués par l'érythromycine au cours de la traduction seraient instables.

En traçant sur le même graphique la cinétique de disparition des QDs avec et sans l'éry- thromycine, nous avons un moyen de comparer également l'inuence de l'antibiotique sur la cinétique de disparition des QDs (voir gure 5.13). En se plaçant dans le cas où il s'agirait bien d'une cinétique de traduction, de 5 acides aminés incorporés par seconde dans l'expé- rience précédente on passe à 2 acides aminés par seconde en présence de l'érythromycine. Ce ralentissement de la cinétique de traduction serait dû à l'instabilité des complexes formés entre l'antibiotique et les ribosomes.

Figure 5.13  Cinétique de disparition des QDs en présence de l'antibiotique érythromycine, représenté par l'histogramme bleu, comparée à la cinétique sans érythromycine, en rouge. Le rôle de l'antibiotique est ici de bloquer la traduction. L'ajustement exponentiel donne une vitesse caractéristique de 2 acides aminés par seconde en présence de l'antibiotique (courbe bleue) contre 5 à 6 acides aminés par seconde sans l'antibiotique (courbe rouge).

Ces expériences sont donc très encourageantes sur le fait que nous sommes bien témoins de l'activité traductionnelle de ribosomes en molécule unique. Elles ne constituent cependant pas une preuve formelle de cette activité. Des facteurs de dissociation ou bien des activités RNAses (dégradant l'ARNm) pourraient également être responsables de la disparition des QDs de la surface, bien que ceci n'expliquerait pas l'inhibition observée avec l'antibiotique.