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Nous avons dans ce chapitre décrit le dispositif de pince optique développé pour l'étude de structures secondaires d'acides ribonucléiques. An de minimiser le temps des expériences mais

aussi celui d'exposition de l'échantillon biologique par le faisceau laser nous avons mis au point une nouvelle méthode de calibration permettant de connaître simultanément la raideur du piège et la sensibilité de la détection. En attachant un ADN double brin entre la surface et la bille piégée et en mesurant la hauteur de la bille, nous avons montré qu'il était possible, en déplaçant l'échantillon par rapport au piège, de mesurer la force appliquée en fonction de l'extension de la molécule. L'état actuel du dispositif permet d'appliquer des forces de quelques centaines de femtoNewtons à plusieurs dizaines de picoNewtons sur des ADN attachés entre une bille de polystyrène de diamètre 1 µm et la surface. Les résultats préliminaires pour les longueurs de contour et de persistance obtenues à partir des ces courbes de force-extension s'écartent ce- pendant de ce que la littérature prévoit. Une explication pourrait être que plusieurs ADN sont accrochés entre la bille et la surface ce qui impliquera d'optimiser les protocoles de mélanges des billes avec l'ADN. La longueur de l'ADN utilisé ici étant relativement grande (2.5 µm), la composante longitudinale de la force appliquée est faible et la raideur du piège a pu être considérée isotrope sans que cela induise une erreur trop importante sur la mesure de la force totale appliquée. Ceci ne sera par contre pas vrai dans la situation où l'on tire sur des brins d'ARN, plus courts, pour étudier leur structure et il conviendra de soit calibrer la raideur longi- tudinale du piège, soit tirer dans le plan transversal uniquement. Pour satisfaire cette deuxième condition nous avons commencé à fonctionnaliser des billes de polystyrène de 2 µm de diamètre avec de la neutravidine. Celles-ci seront alors immobilisées sur la BSA-biot de la surface. Les brins d'ARN seront quant à eux hybridés à deux oligonucléotides ADN, chacun fonctionnalisés avec une biotine ou une digoxigénine, pour pouvoir s'accrocher d'un côté à la bille piégée et de l'autre à la bille xée à la surface. En rapprochant dans un plan transversal une bille piégée ayant déjà été incubée avec l'hybridation ARN/ADN de la bille neutravidine, l'attache devra se faire dans ce même plan où la raideur du piège sera connue. Cette conguration devrait être plus adaptée à l'étude de structures secondaires d'acides ribonucléiques.

ARN

Déplacement de la platine

Figure 2.32  Schéma représentant l'étirement d'un brin d'ARN entre une bille collée à une surface et la bille piégée. L'ARN est hybridé à deux poignées ADN, l'une possédant une fonction digoxigénine s'accrochant spéciquement à la bille piégée et l'autre une fonction biotine s'accrochant à la bille collée à la surface. Cette conguration permet d'étirer l'ARN dans le plan transversal uniquement.

Dispositif expérimental pour la

microscopie de uorescence

La uorescence est basée sur l'absorption de photons par un échantillon organique ou inor- ganique ré-émettant presque simultanément des photons d'énergie plus faible. C'est le principe à la base de la microscopie de uorescence, une technique maintenant classique utilisée par la communauté scientique pour marquer des éléments subrésolution d'un échantillon pour les localiser, améliorer le contraste de structures déjà visibles ou encore pour identier par leur si- gnature spectrale des éléments spéciques de l'échantillon. Diérents types de microscopes ont été développés à partir de ce principe pour observer et étudier des phénomènes biologiques à l'échelle de la molécule unique. Nous allons détailler dans ce chapitre le dispositif de microscopie à onde évanescente et les diérents éléments du montage utilisés pour l'étude du ribosome et de la photophysique d'un uorophore, le Bodipy-Fl, qui font l'objet des deux prochains chapitres. Nous exposerons en particulier le dispositif de détection multicouleurs, qui permettra l'obser- vation de diérents marqueurs uorescents utilisés pour étudier la cinétique de la traduction ainsi que les diverses améliorations apportées au montage (contrôle en température, mise au point automatique...) pour se placer dans les conditions optimales pour le bon déroulement des expériences sur le ribosome.

3.1 Principe du TIRF

En microscopie de uorescence classique, ou épiuorescence, un faisceau laser est collimaté en sortie d'un objectif de microscope an d'exciter les uorophores d'un échantillon. Le faisceau, aligné sur l'axe optique de l'objectif, traverse alors toute l'épaisseur de ce dernier excitant ainsi tous les uorophores sur son trajet. La limite principale de cette technique vient du fait que le signal émis par les uorophores localisés dans le plan d'observation est superposé avec celui des autres uorophores, beaucoup plus nombreux, diusant dans la solution. Pour pouvoir observer un uorophore unique avec un bon rapport signal sur bruit il est donc essentiel de limiter le volume d'excitation. C'est le cas notamment de la microscopie confocale qui consiste à focaliser le faisceau d'excitation dans le plan de l'échantillon et à ltrer spatialement la uorescence issue d'un autre plan que le plan focal de l'objectif. La résolution spatiale de cette technique est alors reliée au produit du volume d'excitation par celui de la détection et permet typiquement une résolution de l'ordre de la centaine de nanomètres latéralement et quelques centaines de nanomètres axialement, susante pour visualiser des molécules uniques avec un excellent rapport signal sur bruit. La limitation principale de cette technique reste la résolution temporelle pour des zones d'observation plus grandes que le volume de détection, ce qui nécessite un balayage de la zone d'observation avec le faisceau laser.

La microscopie de TIRFM (Total Internal Reection Fluorescence Microscopy) consiste à exciter les uorophores avec une onde évanescente localisée près de la surface de l'échan- tillon [117]. Cette onde, créée par la réexion totale du faisceau laser entre la lamelle de mi- croscope et le milieu de l'échantillon, excite les uorophores localisés dans un volume déni en profondeur par la distance de pénétration de l'onde évanescente (typiquement 100 nm) permet- tant l'observation des uorophores avec un excellent rapport signal sur bruit, et en largeur par la taille du faisceau à l'interface autorisant un champ d'observation susamment large pour détecter un grand nombre de uorophores. La résolution temporelle de cette technique est alors limitée par le temps d'intégration de la caméra nécessaire pour obtenir le rapport signal à bruit souhaité (typiquement quelques dizaines de millisecondes pour observer des uorophores organiques en molécule unique).

La réexion totale est un phénomène qui se produit lorsque la lumière rencontre une in- terface entre un milieu d'indice n1 supérieur à celui d'un second milieu, n2. D'après la loi de

Snell-Descartes, on peut dénir un angle d'incidence au-delà duquel la lumière est totalement rééchie, il s'agit de l'angle critique :

ic= arcsin

n2

n1 (3.1)

Dans ce cas où toute la lumière est rééchie à l'interface, il existe toutefois une fraction du champ électromagnétique qui pénètre le milieu d'indice inférieur. Ce champ, dit évanescent, pénètre le second milieu sur une faible distance permettant d'exciter des uorophores près de la surface. L'énergie de ce champ suit alors une décroissance exponentielle en fonction de la distance à la surface :

I(z) = I(0)e−z/d (3.2)

où z est la distance à la surface et d la profondeur de pénétration de l'onde évanescente qui elle-même dépend de la longueur d'onde, de l'angle d'incidence de la lumière ainsi que des indices des deux milieux selon :

d = λ 4π n 2 1sin2i1− n22 −1/2 (3.3) La gure 3.1 représente la distance de pénétration de l'onde évanescente en fonction de l'angle d'incidence d'un faisceau de longueur d'onde λ = 532 nm à l'interface verre/eau (d'in- dices respectifs 1.512 et 1.33). On voit que cette distance décroit très rapidement de quelques centaines à quelques dizaines de nanomètres pour des angles supérieurs à l'angle critique (ici ic= 61.6).

Deux congurations sont couramment utilisées pour exciter un échantillon avec un angle supérieur à l'angle critique. L'une consiste à placer un prisme sur l'échantillon et à collecter la uorescence de l'autre côté avec un objectif à immersion. L'autre méthode utilise l'objectif à immersion à la fois pour exciter les uorophores et pour collecter la uorescence (gure 3.2). C'est la deuxième méthode qui a été adoptée sur notre montage. Bien qu'elle ne permette pas de contrôler précisément l'angle d'incidence et donc la distance de pénétration de l'onde évanescente, elle laisse néanmoins la possibilité de combiner le montage de TIRF avec celui de pince optique qui nécessite des optiques à immersion de part et d'autre de l'échantillon.

800 600 400 200 0 Distance de pénétration (nm) 80 75 70 65 60

Angle d'incidence du faisceau (degrés)

Figure 3.1  Distance de pénétration de l'onde évanescente en fonction de l'angle d'incidence d'un faisceau de longueur d'onde λ = 532 nm à l'interface verre/eau (d'indices respectifs 1.512 et 1.33). Objectif de microscope Lamelle de microscope ~100nm Fluorophores Faisceau réfléchi Faisceau incident

Figure 3.2  Excitation à travers l'objectif de microscope. Le faisceau d'excitation est translaté par rapport à l'axe optique de sorte que l'angle d'incidence à l'interface lamelle/échantillon soit supérieur à l'angle critique. Les uorophores hors du champ évanescent ne sont pas excités (marqueurs blancs) tandis que les uorophores dans le champ le sont (marqueurs rouges) et leur uorescence est collectée par l'objectif.