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5.4 Etude de la cinétique de traduction du ribosome eucaryote

5.4.2 Expériences de traduction

Cinétiques de disparition des ATTO 647N A la diérence des expériences sur le ribosome procaryote, nous déclenchons l'acquisition des images avec un délai par rapport au moment où nous injectons les extraits cellulaires avec le pousse-seringue (vitesse d'injection de 100 µl/min), ceci an de limiter le photoblanchiment des uorophores. Des séries de 200 images sont acquises, chacune d'une durée de 100 ms suivie de 900 ms de temps de pause, puis sont analysées sous

Igor Pro pour en extraire les cinétiques de disparition des uorophores. Les courbes de la gure 5.19 représentent trois cinétiques de disparitions des ATTO 647N lors de l'injection du RRL pour une même expérience. Celles-ci ont été acquises dans des conditions diérentes : à 24C, 34C ou bien à 24C sans ribosomes initialement complexés à l'IRES (respectivement les courbes verte, rouge et bleue). Pour chacune d'entre elles, une seconde cinétique est représentée sur le même graphique, décrivant le photoblanchiment des uorophores. Cette dernière est acquise, toujours dans le RRL, mais une dizaine de minutes après l'injection an de comparer le photoblanchiment seul du photoblanchiment plus la traduction.

0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

Disparition des ATTO 647N (normalisé) 0 20 40 60 80 100 120 140

Temps (secondes) (a) Expérience à 24C 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

Disparition des ATTO 647N (normalisé) 0 20 40 60 80 100 120 140

Temps (secondes) (b) Expérience à 34C 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

Disparition des ATTO 647N (normalisé) 0 20 40 60 80 100 120 140

Temps (secondes) (c) Contrôle à 24C 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

Disparition des ATTO 647N (normalisé) 0 20 40 60 80 100 120 140

Temps (secondes)

(d) Comparaison

Figure 5.19  Graphique a : cinétique de disparition des ATTO 647N lors de l'injection des extraits cellulaires (RRL) à température ambiante (24C) et celle de photoblanchiment prise sur la même cellule (trait pointillé), une dizaine de minutes après l'injection. Graphique b : mêmes mesures à 34C. Graphique c : mêmes mesures à température ambiante sans ribosomes initialement complexés sur l'IRES. Graphique d : superposition des diérentes cinétiques durant l'injection du RRL (avec les mêmes codes de couleur). Chaque cinétique représente entre 400 et 2600 uorophores.

On remarque que pour les deux courbes avec les ribosomes pré-initiés sur l'IRES, il y a un décalage entre la cinétique de disparition des ATTO durant l'injection du RRL par rapport au photoblanchiment seul. Ces résultats laissent donc penser qu'il y a bien une activité biologique durant l'injection du RRL. Dans le troisième cas où les ribosomes n'ont pas été complexés sur l'IRES, on observe toutefois une légère diérence de cinétique avec le photoblanchiment. Bien qu'en présence des facteurs eIF1, eIF1A et eIF4 (présents dans le RRL) l'initiation sur l'IRES des sous-unités de ribosomes libres dans le RRL soit inhibée [151], il se peut qu'une certaine fraction parvienne malgré tout à s'initier et donc traduire l'ARNm. Une seconde explication pourrait être que des facteurs présents dans le RRL présentent une activité hélicase permettant

de dégrafer l'oligonucléotide de l'ARNm depuis l'extrémité 3' de celui-ci. C'est le cas notamment des facteurs d'initiation 4A et 4F, dont l'activité est bidirectionnelle sur l'ARNm [153].

Un test complémentaire à l'antibiotique a également été réalisé lors d'une autre expérience pour prouver que l'activité biologique en question est bien la traduction. Pour ce faire, un antibiotique, la cyclohéximide, est mélangé au RRL à 100 µg/ml avant l'injection dans la cellule. Les résultats sont présentés sur la gure 5.20 pour une puissance d'excitation du laser de 30 mW et à température ambiante (24C). On y voit que la cinétique de disparition des ATTO est similaire en présence de l'antibiotique ou sans ribosomes, et que dans les deux cas elle est inférieure à celle en présence de ribosomes sur l'IRES. Ce résultat tend donc à prouver que l'on observe bien une traduction. On remarque toutefois que dans les deux contrôles la cinétique est supérieure au photoblanchiment des ATTO seuls, ce qui privilégie une activité hélicase plutôt que l'initiation sur l'IRES de ribosomes libres dans le RRL.

0.8

0.6

0.4

0.2

0.0

Disparition des ATTO 647N (normalisé)

140 120 100 80 60 40 20 0 Temps (secondes) Traduction à 24°C

Traduction à 24°C avec Cyclohéximide Contrôle à 24°C sans ribosomes Photoblanchiment

Figure 5.20  Cinétique de disparition des ATTO 647N à 24C. Les courbes rouge, noire et bleue représentent respectivement les cinétiques en présence de ribosomes, en présence de cy- clohéximide dans le RRL et sans ribosomes. La courbe verte représente quant à elle la cinétique de photoblanchiment des ATTO dans le RRL. La puissance d'excitation de la diode laser est de 30 mW.

Analyse des données An d'extraire des temps caractéristiques des cinétiques mesurées, nous avons cherché une expression mathématique permettant de modéliser à la fois la cinétique de photoblanchiment et celle de l'activité biologique observée. Pour cela on considère que sur le nombre total d'ARNm marqués, Ntot, présents initialement dans le champ d'observation de

la caméra, un nombre Na est complexé avec un ribosome actif, tandis qu'un nombre Ni est

complexé avec un ribosome inactif (ou bien n'a pas de ribosome). La cinétique de disparition de cette seconde population est identique à celle du photoblanchiment des ATTO (si on néglige une activité hélicase dans le RRL) et peut donc être décrite par une simple exponentielle :

Ni(t) = Ni,0e−kbt (5.3)

avec Ni(t)le nombre d'ATTO encore présents à l'instant t, Ni,0le nombre d'ATTO initialement

présents (associés à un ribosome inactif) et kb le taux de photoblanchiment des ATTO dans le

RRL en s−1.

La première population est quant à elle représentée par deux temps caractéristiques. L'un correspond au photoblanchiment des uorophores et commence au moment où on éclaire

l'échantillon, tandis que l'autre correspond à l'activité biologique et commence au moment où les extraits cellulaires arrivent au niveau de la zone d'observation (plus un délai pour que le premier ribosome dissocie l'oligonucléotide marqué). L'expression décrivant cette population est alors la suivante :

Na(t) = Na,0e−kbt−kt(t−t0)H(t−t0) (5.4)

avec Na(t)le nombre d'ATTO encore présents à l'instant t, Na,0le nombre d'ATTO initialement

présents (associés à un ribosome actif), kt le taux de traduction en s−1, t0 le délai entre la

première image du lm et le moment où le premier oligonucléotide marqué est dissocié de l'ARNm, et enn H(t) la fonction de Heaviside.

L'expression nale du nombre de uorophores disparaissant au cours du temps, normalisé par le nombre de uorophores initialement présents, est alors donnée par :

nd(t) = 1− na,pe−kbt−kt(t−t0)H(t−t0)− (1 − na,p)e−kbt (5.5)

avec na,p le pourcentage d'ARNm marqués associés à un ribosome actif.

0.8

0.6

0.4

0.2

0.0

Cumulatif des disparitions des ATTO 647N (normalisé)

140 120 100 80 60 40 20 0 Temps (secondes) Traduction à 34°C Photoblanchiment à 34°C

Figure 5.21  Ajustements des cinétiques de la traduction à 34C de la gure 5.19 et de son photoblanchiment par les équations 5.5 et 5.3, respectivement. En xant un taux de photoblan- chiment de 5.4 10−3 s−1 (obtenu par le second ajustement) dans l'équation 5.5, on obtient

une vitesse de traduction de 0.08 acide aminé par seconde ainsi qu'un pourcentage d'ARNm marqués associés à un ribosome actif de 49%.

En utilisant cette expression, nous pouvons ajuster la cinétique mesurée à 34C de la gure 5.19. Dans cet ajustement, le taux de photoblanchiment kb est xé (en utilisant la valeur

obtenue à partir de l'ajustement par l'équation 5.3 de la seconde cinétique acquise dans la même cellule, prise quelques minutes après). Avec l'ajustement présenté sur la gure 5.21, on obtient les paramètres suivants :

 kb=5.4 10−3 s−1 (xé à partir du second ajustement sur la courbe de photoblanchiment

seul)

 na,p=0.49 ± 0.01

 t0=7.5 ± 0.5 s

soit 49% (± 1%) d'oligonucléotides qui sont dissociés par un ribosome, avec une durée de traduction de 63 secondes (± 3). Cette durée doit cependant prendre en compte le délai entre le moment où le RRL arrive au niveau de la zone d'observation et le moment où le premier oligonucléotide est dissocié par un ribosome, soit ici 3 secondes. Cette dernière valeur est donnée par la diérence entre t0, obtenu par l'ajustement, et le moment où le RRL arrive au niveau

de la zone d'observation (apparition du fond de uorescence du RRL sur la série d'images). On obtient nalement un temps caractéristique de 66 secondes pour les cinq translocations du ribosome, soit une vitesse de 0.08 acide aminé par seconde. Cette vitesse est cohérente avec celle citée dans [86] (0.1 à 1 acide aminé par seconde) compte tenu du fait que le ribosome doit ici dissocier l'oligonucléotide pour avancer sur l'ARNm.