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LA REVUE TYPOLOGIQUE DES DISPOSITIFS DE RECONSTITUTION SPATIALISÉE

1.4 – LE MONDE ENCHANTÉ : LES PARCS THÉMATIQUES

La volonté de mettre en espace un lieu ou un monde n’est pas automatiquement liée au lieu originel ; celui-ci n’est pas toujours accessible ou exploitable. Plusieurs sujets ont ainsi besoin d’un endroit construit de toutes pièces pour qu’ils s’enracinent. Ces lieux érigés autour d’une thématique ont la superficie d’un grand parc. On les nomme d’ailleurs les « parcs thématiques ».

Ces parcs sont créés pour rehausser l’expérience du visiteur. Repoussant les limites physiques et imaginaires, les parcs thématiques offrent des expériences sensorielles, émotionnelles et cognitives dans lesquelles le plaisir est mis à l’avant-scène. Par conséquent, ils ne sont pas toujours à caractère patrimonial, se rapprochant davantage du parc d’attractions. Ceux qui auront une vision plus muséale proposeront des recherches scientifiques, afin qu’on les dissocie des parcs simplement ludiques.

1.4.1 – Le musée de plein air

Le musée de plein air est un « type de musées non couverts, formé d’un ensemble de maisons indépendantes, restituées ou reconstituées avec ou sans leurs mobiliers intérieurs, et formant bien une collection de modèles architecturaux en vraie grandeur162 ». Le nom de « musée de plein air »163 (Open air Museum) vient d’Arthur Hazélius (1833-1901), fondateur de Skansen, en 1891164. Ce parc était alors considéré comme l’annexe « open air » du Nordiska Museet165. Il a été imprimé officiellement en 1894 dans les rapports

162 DESVALLÉES, André et François MAIRESSE, op. cit., p. 628. 163 On peut également utiliser le terme « musée à ciel ouvert ».

164RENTZHOG, Sten, Open Air Museums, The History and Future of a Visionary Idea, The Association of

European Open Air Museums et The Association for Living History, Farm and Agricultural Museum, 2007, p. 5.

annuels, mais il faut préciser que l’expression « open air » était en vogue à l’époque, on parlait déjà d’« open air painting » et d’« open air life »166. Cette appellation est restée.

Comme la définition l’affirme, le musée de plein air est constitué de bâtiments différents (maison, atelier, église, magasin, ferme, moulin, etc.) organisés pour former un complexe logique, bien souvent sous l’aspect d’un village, dans un environnement plus ou moins naturel167. Le visiteur déambule alors au milieu de ce « village », où il passe de maison en maison pour y faire des rencontres avec différents personnages et leurs environnements.

Le statut intrinsèque de l’objet n’a pas tellement d’importance. L’authentique côtoie la reproduction sans heurts. La collection du mobilier et même des bâtiments varie d’un parc à l’autre, mais cela ne touche pas la qualité du dispositif.

Pour Hazelius, l’objet, à Skansen, remplissait la même fonction qu’il avait avant d’arriver au musée. Il était perçu tel qu’on l’utilisait, et la scène était aménagée comme si le personnage habitant les lieux avait simplement quitté pendant un instant168. Hazelius avait également le souci de restituer le plus fidèlement possible, en les repositionnant, les bâtiments, les meubles, les fleurs et même les ruches, tels qu’il les avait vus lors de la collecte.

Avec le style d’interprétation du living history169, l’utilisation d’objets anciens peut s’avérer

problématique. Les guides-interprètes font revivre l’histoire en incarnant des personnages exécutant des tâches quotidiennes et agissant en conformité avec les bonnes mœurs de l’époque, etc. Cette manipulation justifie le recours à des reproductions.

Si Skansen était le fruit d’un folkloriste passionné, rien n’empêche que le site repose sur une multitude de disciplines. D’ailleurs, les grands projets américains, comme Plimoth

166 Idem.

167 DROUGUET, Noémie, Le musée de société, de l’exposition de folklore aux enjeux contemporains,

Collection Sciences Humaines et Sociales, Armand Colin, Paris, 2015, p. 129.

168 RENTZHOG, op. cit., p. 7.

169 Living history: « Simulation of life in another time. Usually the time is in the past and there is a purpose

for the simulation: research, interpretation, play or perhaps all three. », ANDERSON, Jay, The Living History

Plantation, ont démontré la valeur scientifique multidisciplinaire de leurs musées, à cause de recherches minutieuses. Un musée de plein air est composé d’éléments architecturaux et de mobiliers intérieurs, mais c’est aussi le capital humain qui donne toute la saveur au musée170.

On reproche souvent aux musées de plein air leur côté un peu trop simpliste quant à l’histoire. Le message, souvent à caractère patriotique, se trouve dans les faits et gestes des guidesinterprètes et dans l’aménagement. Il y a une certaine idéalisation de l’histoire servant à la construction de l’identité nationale. Si Hazelius- voulait montrer les différentes conditions de vie des différentes classes économiques du pays, il y avait aussi un but de préservation face aux changements profonds que subissait la société171. Skansen était un

jardin ethnographique où l’on décelait le lien entre l’homme et la nature qui définissait le caractère culturel172.

Le musée de plein air est en santé, si on considère la qualité des recherches continues vivifiant le discours chaque année. Toutefois, le discours peut figer le dispositif. Le renouvellement des mises en scène est dispendieux. De plus, tout comme la maison historique, les musées de plein air montrant l’époque d’avant la Deuxième Guerre Mondiale ne peuvent plus susciter de la nostalgie au fur et à mesure que la population vieillit, car une distanciation se fait de plus en plus entre le sujet et la société d’aujourd’hui. La déambulation dans l’espace permet de créer un récit pour le visiteur. Aussi, le musée de plein air est le premier véritable dispositif éclaté dans lequel le visiteur choisit son propre parcours. La narration est composée de points indépendants, mais interreliés comme les parties d’un tout. Le visiteur accumule donc ces parties lors de son parcours, afin de constituer, à la fin, un tout cohérent. Le dispositif doit alors lui donner assez d’informations pour créer un sens cohérent. C’est pourquoi la disposition de l’espace reprend souvent des structures d’ensemble connues, comme un village.

170 DEJONG, Adriaan et Mette SKOUGAARD, « Les premiers musées de plein air, la tradition des musées

consacrés aux traditions populaires », Museum (Paris UNESCO), no 175, (vol. XLIV, no 3) 1992, p. 153. 171 RENTZHOG, op. cit., p. 7.

Dispositif fabriqué de toute pièce pour le visiteur, l’expérience de visite prend tout son sens. Le visiteur est totalement pris en charge, il n’a qu’à déambuler dans ce monde où il ira de rencontre en rencontre. Il fait un voyage dans le temps. Le souci du confort du visiteur était présent dès le début à Skansen, placé sous la direction d’Hazelius : il y avait une section pour les rafraîchissements, une place de marché, des sentiers pour marcher et des points de vue aménagés pour admirer la vue sur la nature173.

S’il y avait, au départ, des mannequins dans les maisons de Skansen, ils ont rapidement disparu. L’aspect humain vivant a acquis une plus grande importance. La connexion entre le guide et le visiteur enrichit l’expérience de visite, car celle-ci devient personnalisée. Le visiteur peut comprendre de manière tangible certains aspects de l’histoire avec ses sens. Il sent les animaux de la ferme, entend des parlures différentes, voit une animation de village plausible, goûte à d’anciennes recettes et touche une matérialité ancienne174. Cette

expérience agit comme un véritable voyage dans le temps. Le visiteur perd ses repères contemporains, pour plonger dans ses souvenirs et ses connaissances ou dans l’idée qu’il se fait du passé (imaginaire historique).

1.4.2 – Les jardins zoologiques

Les jardins zoologiques proviennent de la longue histoire des ménageries princières. Aujourd’hui, nous définissons le jardin zoologique comme un « établissement […] dans lequel sont réunies des espèces animales vivantes, en état de semi-liberté, dans des espaces clos [vitrines aménagées, cages ou en écosystèmes (…)], nourris et entretenus par le personnel de l’établissement175 ». Ils sont considérés comme des institutions muséales à

part entière176, à cause de leur politique d’acquisition, de gestion de collections, de recherche, de diffusion et d’éducation177.

173 Idem. Note de l’auteure : Il faut préciser que Skansen est implanté sur une île dans l’archipel qui entoure

Stockholm.

174 DROUGUET, op. cit., p. 132.

175 DESVALLÉES, André et François MAIRESSE, op. cit., p. 615. 176 Dans le sens de la définition officielle de l’ICOM.

Aucun jardin zoologique n’est organisé de la même manière. Le design de l’espace s’adapte au type de collection d’animaux et à la philosophie de la diffusion. Les jardins ont le trait commun de donner aux visiteurs l’envie de contempler. « Partout, la capacité de l’œil humain est l’étalon de mesures de l’installation178. » Aujourd’hui, on tente de recréer un

meilleur environnement de vie pour les animaux, mais qui est toujours placé à la vue. Les limites qui départagent l’espace entre le visiteur et l’animal sont moins visibles, mais toujours présentes pour la sécurité, autant de l’animal que du visiteur.

La mortalité de la « collection » a constitué une préoccupation incessante au cours du XIXe siècle. En 1840, à Paris, 133 mammifères et 118 oiseaux meurent, et cela est considéré comme normal. En 1853, à Bruxelles, c’est le quart des animaux qui trépassent179. Néanmoins, lorsque cette mortalité touche les animaux exotiques populaires,

cela consterne les responsables. Cependant, « l’extrême mortalité de l’animal sauvage au zoo, qui évoque le tonneau percé des Danaïdes, constitue le moteur principal de l’énorme tonnage des importations180 ». Pour maintenir à flot les zoos, les paysages naturels vont se vider de leur faune.

Le visiteur ne restera pas insensible face à cette situation. Par exemple, on critique beaucoup les cages malpropres qui sentent tellement l’ammoniaque que les yeux des visiteurs chauffent181. Et les animaux mal en point viendront remettre en question le traitement qu’on leur inflige, d’où l’apparition d’un enclos évoquant de plus en plus l’habitat naturel de l’animal qui est implantée afin de rassurer le public.

Avec les lois sur la protection, la santé animale est prise en charge par des spécialistes. Désormais, les zoos travaillent de concert avec les scientifiques à des programmes de naissance et de réinsertion en milieu sauvage. Cependant, étant faiblement renouvelable, on peut prévoir qu’un jour la collection vivante ne sera plus présente.

178 BARATAY, Éric et Élisabeth HARDOUIN-FUGIER, Zoos, histoire des jardins zoologiques en Occident (XVIe-

XXe siècle). Paris, Éditions La Découverte, série Écologie et société, 1998, p. 182.

179 Ibid., p. 143. 180 Ibid., p. 149. 181 Ibid., p. 143.

Aujourd’hui, l’argument du simple divertissement ne justifie plus le jardin zoologique à garder des animaux sauvages en captivité. On mise alors sur le discours éducatif et de sensibilisation auprès des publics d’âge scolaire182.

Au départ, le discours exprimait la suprématie de l’Homme sur la nature, mais le constat de la destruction de différents troupeaux sauvages a fait prendre conscience de l’impact néfaste de l’activité humaine. Dès le début du XXe siècle, on tentait de faire en sorte que les

animaux se reproduisent en captivité, afin d’en diminuer le commerce183. La volonté de

repeupler l’espèce en viendra même qu’à justifier la captivité des animaux. Dans les années 1960, la reproduction s’est vue soutenue par la volonté d’insérer l’espèce sauvage dans le milieu naturel184. Toutefois, les statistiques démontrent que les jardins zoologiques ne

possèdent que 3 % des 172 espèces menacées, soit 0.00017 % de la diversité de la vie sur terre185, ce qui constitue un maigre argument pour la sauvegarde de la biodiversité. Malgré tout, « la récréation, l’éducation, la recherche et la conservation, qui forment le credo des discours de justifications depuis les années 1960, sont bien accueillies par le public186 ».

Au XIXe siècle, la visite du jardin zoologique faisait partie de la sociabilité mondaine. On pouvait à la fois y contempler et discuter187. Soutenu par un intérêt pour les sciences naturelles, le zoo était alors considéré comme une encyclopédie illustrée. La curiosité des gens réclamait également l’aspect sauvage et féroce de l’animal, afin d’éprouver des sensations nouvelles. Si les cages de la ménagerie démontraient la domination de l’Homme sur la nature sauvage, le romantisme a fait naître une nouvelle image pacifique d’après laquelle l’Homme et l’animal peuvent vivre en harmonie. Ces idéologies s’expriment dans la scénographie qui aboutira à son apogée, en 1935188.

La télévision viendra modifier les attentes des visiteurs. En effet, les émissions animalières populaires ont donné des films d’une très grande proximité, et le public a pu être sensibilisé

182 Ibid., p. 243. 183 Ibid., p. 246. 184 Ibid., p. 246. 185 Ibid., p. 287. 186 Ibid., p. 247. 187 Ibid., p. 117. 188 Ibid., p. 227.

à observer l’animal dans son environnement naturel. Les zoos répliqueront par des enclos plus grands, dans lesquels les animaux semblent être en semi-liberté. L’émergence des « parcs safari » s’avérera alors un compromis.

Avec les lois protectionnistes envers les animaux, l’expérience de visite devient une expérience intimiste avec l’animal. Il s’agit dorénavant d’une rencontre qui se découvre au détour du parcours. Ces moments privilégiés renforcent alors le discours de sauvegarde de la nature par la sensibilisation. La recherche de l’exotisme et la volonté de se rapprocher de la nature, que la civilisation a écartées, perdurent jusqu’à nos jours chez le visiteur.

1.4.3 - Les zoos humains

Sujet encore sensible de nos jours, les zoos humains sont nés avec l’expansion des empires coloniaux européens. Si, à leurs débuts, ils n’étaient que des exhibitions de curiosité, ils vont devenir rapidement des spectacles scénarisés où l’on envoie comme message la valorisation de l’exploitation de l’altérité raciale189. C’est à partir de cette scénarisation

qu’on pourra réellement les appeler des « zoos humains ». Par conséquent, il ne s’agit pas réellement d’un dispositif comme tel, mais plutôt d’une disposition culturelle à montrer l’autre d’une manière scénographiée190. Le zoo humain devient un véritable phénomène

émergeant du XIXe siècle, grâce aux conjonctures politique, sociale et économique191. D’autres appellations existent pour les zoos humains : les « expositions ethnographiques », les « ethnos-shows » et même les « jardins anthropozoologiques »192.

Le zoo humain est un aménagement où l’on regroupe des humains d’un même peuple dans un espace clôturé (un enclos) et où le public peut les regarder exécuter des tâches quotidiennes (cuisine, repas, artisanat), pratiquer des rituels (danses, chants) et se livrer à des démonstrations de techniques de chasse ou guerrières. Cet espace contient des abris et des animaux domestiqués par le peuple représenté. On peut trouver l’ensemble aussi sous la

189 BLANCHARD, Pascal et al., « Introduction : La longue histoire du zoo humain », Zoos humains et exhibitions coloniales : 150 ans d’inventions de l’Autre, Éditions La Découverte, 2011, p. 36.

190 Ibid., p. 18. 191 Ibid., p. 9.

192 Carl Hagenbeck a inventé ce terme, car ses spectacles mettaient toujours en scène différents peuples

forme d’une rue reconstituée (streetscape)193 et d’un village. La majorité du temps, le

visiteur se trouve à l’extérieur de l’enclos. Il est séparé de la composition par une barrière ou par une palissade.

Le visiteur, grâce à une scénarisation très présente, passera d’une représentation culturelle (lieu géographique) à une autre, comme s’il faisait un voyage autour du monde. Les éléments visuels sont très stéréotypés, afin de permettre aux visiteurs de reconnaître rapidement la culture représentée. Même si on revendique l’authenticité grâce à la présence réelle de l’Autre, il n’en demeure pas moins que toute l’installation du parc est disposée de manière à satisfaire le public.

L’originalité du zoo humain, qui constitue en même temps un « facteur aggravant », c’est que l’objet est l’être humain, plus précisément l’Autre : celui d’ailleurs qui est loin de soi (Européen au centre du monde). Or, les groupes exhibés ne réagissent pas tous de la même façon. Certains subissent l’exhibition : ils sont perdus et apeurés devant des Blancs curieux. Certains ont été kidnappés et sont restés dociles, avec l’espoir de retourner chez eux, alors que plusieurs sont morts de maladies, de dépression et de désespoir. D’autres se sont sentis invités avec les honneurs diplomatiques, mais arrivés en Europe, ils ont déchanté et ont été humiliés du sort qu’on leur réservait. D’autres encore ont été très conscients de leur situation et ont tenté d’en tirer profit. Ils ont été plus exigeants par rapport à leur contrat. Celui-ci se présente en effet rapidement, afin de légitimer tous les déplacements humains. Il y a cependant toujours une réelle exploitation de l’indigène, qui n’est jamais payé à sa véritable valeur, faisant de cette industrie du divertissement une entreprise très lucrative194.

Si, au début, montrer simplement les autres peuples suffisait, très rapidement une nouvelle scénographie s’impose pour rendre le spectacle plus attrayant. Pour ce faire, on recherche des troupes selon leur unicité. « Les sujets exhibés devaient étonner le visiteur par leur

193 Certains peuples conquis avaient eu une ancienne civilisation glorieuse, mais qu’ils n’avaient pas su

conserver. On évoquait alors leur âge d’or ou encore on montrait un trait contemporain exotique de leur culture, comme les rues du Caire.

194 RAZAC, Olivier, L’écran et le zoo, Spectacle et domestication des expositions coloniales à Loft Story, Essais,

étrangeté, sans pour autant être extravagants195 » ; ils étaient toujours cadrés pour montrer leur côté primitif, voire inférieur, face au public européen. La présence de corps vivants dans un décor entouré d’objets rendait l’impression authentique196. Les décors des villages

indigènes étaient souvent revisités et réinterprétés. Représentation miniature du monde, l’architecture originelle de la culture était modifiée pour mieux s’apprêter à l’espace et à la beauté197.

L’anthropologie, qui avait contribué à la naissance du zoo humain, s’en éloignera progressivement. Les savants se rendaient compte que l’indigène s’adaptait à la vie urbaine et qu’il critiquait l’aspect commercial des zoos humains, dont les horaires de spectacles ne respectaient pas leur quotidien. Au tournant du XXe siècle, les anthropologues favorisent

déjà l’ethnographie sur le terrain.

Si les premières exhibitions constituaient de véritables démonstrations de peuplades entrant en contact avec la « civilisation », les dernières années ne présentent que des mascarades qui embauchent des salariés pour exécuter à heures fixes des comportements stéréotypés.

Le zoo humain est un bel exemple du rôle que peut jouer l’organisation spatiale pour diffuser un message. Au départ, les besoins étaient scientifiques : on voulait connaître la variété du monde et l’ordonner. Les savants voulaient observer, comparer, mesurer, etc. Cependant, plusieurs exhibitions plutôt humiliantes ont été montées, dont le cas célèbre de la Vénus Hottentote, qui a constitué, en 1810, un objet de divertissement, un objet médiatique, un objet sexualisé et un objet de science198. Les « Hottentots » étaient alors

195THODE-ARORA, Hilke, « Ch.10 – Hagenbeck et les tournées européennes : l’élaboration du zoo humain », Zoos humains et exhibitions coloniales : 150 ans d’inventions de l’Autre, Éditions La Découverte, 2011, p.

153.

196 LEMAIRE, Sandrine, « Le ‘sauvage’ domestiqué par la propagande coloniale », Zoos humains et exhibitions coloniales : 150 ans d’inventions de l’Autre, Éditions La Découverte, 2011, p. 198.

197 RAZAC, op. cit., p. 38.

198 BLANCHARD, Pascal et Gilles BOËTSCH, « Ch. 4 - La Vénus hottentote ou la naissance d’un

“phénomène”», Zoos humains et exhibitions coloniales : 150 ans d’inventions de l’Autre, Éditions La Découverte, 2011, p. 95.

La Vénus Hottentot était « dotée d’une morphologie jugée ‘spectaculaire’ par sa stéatopygie (hypertrophie des hanches et des fesses) et sa macronymphie (organes sexuels protubérants), la Vénus constituait un objet d’intérêt et d’études pour le monde des savants, et ce, de son vivant comme après sa mort (p. 97).

considérés comme une race intermédiaire, le chaînon manquant entre l’homme et le singe199.

La véritable mise en scène accompagnera l’expansion du colonialisme. Le zoo humain devient alors un formidable outil de propagande du discours politique. Razac dénombre trois phases au discours : le discours du sauvage, celui du vaincu et celui du colonisé. Les expositions ethnographiques montrent, au départ, un « sauvage » féroce qui justifie les grandes dépenses militaires. Elles font voir à la population urbaine ce que l’armée doit affronter. On garde alors une distance physique entre le « sauvage » et le « civilisé ». Pour