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Étude sur les reconstitutions historiques en tant que stratégie expographique : la muséologie d'espace

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Étude sur les reconstitutions historiques

en tant que stratégie expographique :

la muséologie d’espace

Thèse

Dominique Gélinas

Doctorat en ethnologie et patrimoine

Philosophiae Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Dominique Gélinas, 2017

(2)

Étude sur les reconstitutions historiques

en tant que stratégie expographique :

la muséologie d’espace

Thèse

Dominique Gélinas

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

L’engouement pour la mise en valeur du patrimoine par la modélisation virtuelle en 3D ramène les reconstitutions historiques à l’avant-plan des études muséales. Pourtant, le musée utilise depuis longtemps ce dispositif comme stratégie expographique. Nous assistons désormais à une véritable transformation, induite par les technologies, au sein du dispositif et des savoir-faire des expographes.

Ayant été utilisée en continu par le musée, la reconstitution historique constitue un indicateur pour mesurer l’impact de la progression des technologies dans l’expographie. À partir d’une grille typologique, une revue de seize dispositifs de reconstitution a été effectuée. On remarque alors que l’introduction de la non-linéarité crée un changement de situation en imposant le parcours comme maître d’œuvre de l’expérience muséale au lieu du discours en tant que récit patrimonial.

Trois terrains d’enquête viennent corroborer cette idée : l’exposition permanente de la Maison Chapais à Saint-Denis-De La Bouteillerie (Québec), la visite autonome avec tablette numérique de la même Maison Chapais et le modèle virtuel interactif en 3D du Monastère des Ursulines de Québec (Canada). Le premier terrain révèle que le parcours est le résultat du déplacement du visiteur et du traitement de l’espace et qu’il induit le discours. Dans le deuxième cas, la reconstitution mixte, les technologies s’ajoutent à cette équation comme une parenthèse bien articulée, tandis que dans le troisième cas, la reconstitution virtuelle, les technologies ont tellement envahi le dispositif que toutes les composantes sont régies par elles. En effet, on remarque que les composantes du dispositif se transforment, certaines gagnent en importance, mais également que ces mutations s’opèrent dans la gestion de projet. Ces bouleversements favorisent une nouvelle approche conceptuelle expographique que nous nommons « la muséologie d’espace ».

Néanmoins, cette pratique émergente n’est pas encore maîtrisée par les professionnels. Toutefois, elle témoigne de l’adaptation nécessaire dont le musée doit faire preuve dans la société actuelle.

MOTS CLÉS : Expographie, reconstitution historique, conceptualisation, muséologie d’espace, intégration technologique.

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ABSTRACT

Enthusiasm for cultural heritage through virtual 3D modelling brings historical reconstitution back to the forefront of museum studies. Yet, museums have been using this technique as an exhibition strategy for a long time. We are currently experiencing a real transformation, driven by technology, of the manner in which exhibition project managers work.

Having been used extensively by museums, historical reconstitutions are good indicators for measuring the impact of technological advances in exhibitions. To this end, using a typological grid, a review of sixteen historical reconstitutions was conducted. The review revealed that when non-linearity was incorporated into exhibition delivery, a shift occurred; the museum visit focused on the journey as experience rather than as an account of a heritage story.

Three study cases support this finding: the permanent exhibition at Maison Chapais in Saint-Denis-De La Bouteillerie (Québec), the self-guided tour using a digital tablet of the same Maison Chapais and the interactive virtual 3D model of the Québec Ursuline Convent (Canada). The first case reveals that the journey, a combination of the visitor’s movements and the treatment of the space, creates the account. In the second case, mixed reconstitution, technology is added to the equation as a well-articulated supplement and thirdly, a full virtual reconstitution, technology has so overtaken the display that it governs all components. Indeed, not only are all the elements of the display transformed - with some aspects increasing in importance - but that these changes also occur in the conception and management of projects. These upheavals nurture a new exhibition approach that can be described as “spatial museology”.

Nevertheless, professionals have not yet mastered this emerging practice; however, it signals a critical way in which museums must adapt in today’s society.

KEYWORDS: Exhibition, historical reconstitution, conceptualization, spatial museology, technological integration

(5)

TABLE DES MATIÈRES

Résumé p. iii

Abstract p. iv

Table des matières p. v

Liste des tableaux p. xii

Liste des figures p. xiii

Liste des abréviations p. xiv

Dédicace p. xv

Remerciements p. xvi

INTRODUCTION p. 1

L’état de situation p. 2

La problématique p. 9

La motivation de cette recherche p. 11

Les définitions p. 14

– Reconstitution / Restitution / Reconstruction / Dispositif p. 14

– Les notions de l’espace p. 16

– La mise en espace et la mise en exposition p. 17

– Les étapes de conception d’une exposition p. 19

La méthodologie p. 24

– Les limites de la littérature p. 24

– Les limites de l’entrevue d’enquête p. 25

– Le choix de l’observation participante p. 26

– Le développement de la grille typologique pour l’enquête de terrain p. 27

– La sélection des terrains d’enquête p. 31

Le projet de recherche p. 31

PARTIE 1 : ÉTAT DES LIEUX ET CADRE THÉORIQUE p. 33

INTRODUCTION DE LA PREMIÈRE PARTIE p. 34

CHAPITRE 1 : LA REVUE TYPOLOGIQUE DES DISPOSITIFS DE

RECONSTITUTION SPATIALISÉE p. 35

1.1 – La reconstitution spatialisée par l’image fixe p. 36 1.1.1 – Le panorama (aujourd’hui appelé « cyclorama ») p. 36

1.1.2 – Le diorama de Daguerre p. 40

1.1.3 – Bilan de la reconstitution spatialisée par l’image fixe p. 43 1.2 - L’essor de la contextualisation : la mixité du 2D avec le 3D p. 44 1.2.1 – Le diorama scientifique : l’habitat group p. 44

1.2.2 – Le diorama historique p. 47

1.2.3 – Les dioramas miniaturisés : le modèle réduit p. 49

(6)

1.3. – Les capsules temporelles : la reconstitution par les objets p. 51

1.3.1 – Le period room p. 51

1.3.2 – La maison historique (et les musées de site) p. 55 1.3.3 – Bilan de la reconstitution avec les objets p. 58

1.4 – Le monde enchanté : les parcs thématiques p. 59

1.4.1 – Le musée de plein air p. 59

1.4.2 – Les jardins zoologiques p. 62

1.4.3 – Les zoos humains p. 65

1.4.4 – Bilan des parcs thématiques p. 70

1.5 – La projection : la reconstitution spatialisée par l’image animée en 2D p. 71

1.5.1 – Le planétarium (le dôme) p. 72

1.5.2 – L’écran : l’espace juxtaposé p. 75

1.5.3 – Bilan de la reconstitution spatialisée par l’image animée en 2D p. 77 1.6 – La reconstitution mixte : le partenariat entre le matériel et le virtuel p. 78 1.6.1 – La matérialité optimisée par l’image animée p. 78

1.6.2 – La réalité augmentée p. 79

1.6.3 – Bilan de la reconstitution mixte : le partenariat entre le matériel

et le virtuel p. 82

1.7 – La reconstitution virtuelle en 3D p. 83

1.7.1 – Les dispositifs non immersifs p. 84

1.7.2 – Les dispositifs immersifs p. 87

1.7.3 – Bilan de la reconstitution virtuelle en 3D p. 88

1.8 – Conclusion du premier chapitre p. 89

1.8.1 – Le croisement des bilans critiques p. 90

1.8.2 – Les tendances relevées p. 96

CHAPITRE 2 : L’ESPACE COMME ENJEU DE STRATÉGIE EXPOGRAPHIQUE p. 100

2.1 – L’espace n’est pas uniquement un volume p. 100

2.2 – L’exposition est un médium de l’espace p. 102

2.3 – Les gestes de la mise en exposition p. 104

2.4 – La notion de parcours p. 108

2.5 – La planification de l’expérience de visite p. 114

2.6 – Conclusion du deuxième chapitre p. 120

(7)

PARTIE 2 : LES TERRAINS D’ÉTUDES p. 126

INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE p. 127

TERRAIN I : L’EXPOSITION PERMANENTE DE LA MAISON CHAPAIS :

LA RECONSTITUTION MATÉRIELLE p. 129

I-1– Le lancement du projet p. 133

I-1.1 Le plan stratégique p. 133

I-1.2 Le changement de chargé de projet p. 134

I-1.3 Les constats et la discussion sur les problèmes p. 135

I-1.4 - Le chantier préalable p. 139

I-2 – Le découpage scénaristique et sa réalisation p. 140 I-2.1 – Le public cible et l’expérience de visite désirée p. 140

I-2.2 – Les contraintes de la maison p. 141

I-2.3 – La sélection des personnages et la narration p. 144 I-2.4 – Les thématiques et la hiérarchisation des contenus p. 146

I-2.5 – La démarche visuelle p. 147

I-2.6 – La démarche sonore p. 149

I-2.7 – La collaboration au sein de l’équipe p. 150

I-3 – Le bilan critique p. 151

I-3.1 – La gestion de projet p. 151

I-3.2 – Le dispositif p. 153

I-3.3 – L’espace et le parcours p. 155

I-3.4 – L’objet p. 158

I-3.5 – Le discours et le scénario p. 159

I-3.6 – Le public cible p. 161

I-3.7 – L’expérience de visite p. 161

1.4 – Conclusion du premier terrain p. 163

I-4.1 – Tendances relevées p. 164

TERRAIN II : LA VISITE AUTONOME SUR TABLETTE NUMÉRIQUE

DE LA MAISON CHAPAIS : LA RECONSTITUTION MIXTE p. 168

II-1 – Le lancement du projet p. 168

II-1.1 - La proposition du plan stratégique p. 168

II-1.2 - Notre proposition par rapport à celle du début p. 171

II-1.3 - L’équipe p. 173

II-1.4 - Les prémisses p. 173

II-2 – Le découpage scénaristique et sa réalisation p. 176 II-2.1 - Le public cible et l’expérience de visite désirée p. 177 II-2.2 - Les contraintes de la technologie et la convivialité de l’interface p. 179 II-2.3 - La sélection des personnages et la narration p. 183 II-2.4 - Les thématiques, les cliquables et la hiérarchisation du contenu p. 185

II-2.5 - La démarche visuelle p. 188

(8)

II-2.7 - La finition du décor p. 193 II-2.8 - La collaboration au sein de l’équipe p. 195

II-3 – Le bilan critique de la visite autonome p. 196

II-3.1 - La gestion de projet p. 196

II-3.2 - Le dispositif p. 197

II-3.3 - L’espace et le parcours p. 199

II-3.4 - L’objet p. 201

II-3.5 - Le discours et le scénario p. 201

II-3.6 - Le public cible p. 202

II-3.7 - L’expérience de visite p. 202

II-4 – Conclusion du deuxième terrain p. 204

II-4.1 - Les tendances relevées p. 205

TERRAIN III : LE MONASTÈRE DES URSULINES DE QUÉBEC EN 3D:

LA RECONSTITUTION VIRTUELLE p. 210

III-1 – Le lancement du projet du monastère en 3D p. 213 III-1.1 - Les « Nouveaux terrains d’apparition » p. 213

III-1.2 - Les étés expérimentaux p. 214

III-1.3 - La demande au Musée virtuel du Canada p. 219

III-1.4 - Les prémisses p. 220

III-1.5 - L’équipe et la hiérarchie p. 221

III-2 – Le découpage scénaristique et sa réalisation p. 222 III-2.1 - Le public cible et l’expérience de visite désirée p. 222

III-2.2 - Les contraintes du projet p. 223

III-2.3 – La sélection des personnages et la narration p. 225 III-2.4 – Les thématiques et la hiérarchisation des contenus p. 228

III-2.5 - La démarche visuelle p. 229

III-2.6 - La démarche sonore p. 230

III-2.7 - La collaboration au sein des équipes p. 232

III-3 – Le bilan critique p. 235

III-3.1 - La gestion de projet p. 235

III-3.2 - Le dispositif p. 240

III-3.3 - L’espace et le parcours p. 243

III-3.4 - L’objet p. 245

III-3.5 - Le discours et le scénario p. 246

III-3.6 - Le public cible p. 248

III-3.7 - L’expérience de visite p. 250

III-4 – Conclusion du troisième terrain p. 252

III-4.1 – Tendances relevées p. 254

(9)

PARTIE 3 : UNE RÉFLEXION EXPOGRAPHIQUE p. 260

INTRODUCTION DE LA TROISIÈME PARTIE p. 261

CHAPITRE 3 : LA CONFRONTATION DES TERRAINS :

REGARD TRANSVERSAL DE LA MATÉRIALITÉ VERS LA VIRTUALITÉ p. 262

3.1 – La confrontation des découpages scénaristiques p. 262 3.1.1 – Le public cible et l’expérience de visite p. 262

3.1.2 – Les contraintes p. 264

3.1.3 – La sélection des personnages p. 268

3.1.4 – Les thématiques et la hiérarchie du contenu p. 270

3.1.5 – La démarche visuelle p. 270

3.1.6 – La démarche sonore p. 272

3.1.7 – La collaboration p. 273

3.1.8 – Le bilan du découpage scénaristique des terrains p. 273

3.2 – La confrontation avec la grille typologique p. 275

3.2.1 – Le dispositif p. 275 3.2.2 – L’espace et le parcours p. 278 3.2.3 – L’objet p. 280 3.2.4 – Le discours et le scénario p. 283 3.2.5 – Le public cible p. 284 3.2.6 – L’expérience de visite p. 287 3.2.7 – La gestion de projet p. 289

3.2.8 – Le bilan de la confrontation typologique p. 291

3.3 – La confrontation avec le cadre théorique p. 293

3.3.1 – La décortication de l’élaboration de l’expérience de visite p. 294 3.3.2 – L’impact des contraintes sur l’expérience de visite p. 296

3.3.3 – Le parcours comme résultat p. 298

3.3.4 – Le bilan de la confrontation théorique p. 299 3.4 – La fusion des leçons avec le schéma théorique p. 300 3.4.1 – Les changements de termes dans le schéma théorique p. 300 3.4.2 – L’apport technologique au schéma conceptuel p. 304

3.4.3 – Et si « t » n’était pas libre … p. 308

3.5 – Conclusion du troisième chapitre p. 311

CHAPITRE 4 – LA MUSÉOLOGIE D’ESPACE :

VERS UNE NOUVELLE PRATIQUE p. 313

4.1 – La muséologie d’espace versus la muséologie de point de vue de Davallon p. 313 4.1.1 – Retour sur la définition et sur les composantes de la

muséologie de point de vue p. 314

4.1.2 – Le contexte de la naissance de la muséologie de point de vue p. 315 4.1.3 – Les faiblesses de la muséologie de point de vue p. 316 4.1.4 – Une quatrième forme de muséologie ? p. 318

(10)

4.2 – L’importance de l’interface p. 320 4.3 – La muséologie d’espace et la narration éclatée p. 323 4.4 – La muséologie d’espace versus l’Homo Musealis p. 326 4.4.1 – L’irrévocable changement de mentalité p. 326

4.4.2 – La mutation de l’autorité p. 330

4.4.3 – L’implantation d’une nouvelle médiasphère p. 333

4.5 – Une transformation au sein des publics p. 336

4.6 – Conclusion du quatrième chapitre p. 340

CONCLUSION DE LA TROISIÈME PARTIE p. 343

CONCLUSION GÉNÉRALE p. 346

La muséologie d’espace et ses articulations conceptuelles p. 351

La muséologie d’espace est une nouvelle approche expographique p. 358

Une pratique émergente non maîtrisée p. 359

Perspectives p. 360

BIBLIOGRAPHIE p. 366

Médiagraphique p. 388

Rapport de stage – Archives du LAMIC p. 391

Conférences / Formation p. 392

ANNEXES

TERRAIN I

Annexe A : Plan et coupe de la Maison Chapais p. 393

Annexe B : La première visite de la Maison Chapais p. 396 Annexe C : Organigramme de l’équipe de l’exposition permanente p. 420 Annexe D : Journal de bord de la réalisation de l’exposition permanente p. 422

Annexe E : Schémas des différents parcours p. 437

(11)

TERRAIN II

Annexe G : Organigramme de l’équipe de la tablette numérique p. 461 Annexe H : Journal de bord de la réalisation de la tablette numérique p. 463 Annexe I : Calendrier de production de la tablette numérique p. 477 Annexe J : Synopsis et description des personnages de la tablette numérique p. 481 Annexe K : Tableau synthèse de la trame sonore de la tablette numérique p. 488 Annexe L : Fiches techniques de la tablette numérique pour l’intégrateur p. 491 Annexe M : Photographies finales de l’interface de la tablette numérique p. 508

TERRAIN III

Annexe N : Organigrammes des Ursulines et du projet du monastère 3D p. 518 Annexe O : Chronologie de la réalisation du monastère 3D p. 521 Annexe P : Calendrier de production du monastère 3D p. 538 Annexe Q : Scénario du monastère 3D et ses cliquables p. 544 Annexe R : Scénarimage de l’introduction animée du monastère 3D p. 558

Annexe S : Conception sonore du monastère 3D p. 563

Annexe T : Dictionnaire visuel 2015 du monastère 3D p. 571

(12)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Les catégories et sous-catégories de la grille typologique p. 28 Tableau 2 : La grille typologique complète pour l’analyse des terrains d’enquête p. 30 Tableau 3 : Les dispositifs de reconstitution dans la grille typologique p. 90 Tableau 4 : Les dispositifs de reconstitution dans la grille typologique avec le

mouvement de la 2D vers la 3D p. 91

Tableau 5 : Le tableau comparatif de la revue typologique p. 92 Tableau 6 : Le tableau synthèse des quatre variables s’auto-influençant p. 97 Tableau 7 : Le tableau synthèse des quatre variables s’auto-influençant avec le dictat

du discours p. 98

Tableau 8 : Le tableau synthèse des quatre variables et le virage de la logique

conceptuelle de l’exposition p. 98

Tableau 9 : Le premier synopsis. Division des salles par époques et par thèmes,

par niveau et par personnage p. 142

Tableau 10 : Le synopsis de juin 2012 p. 147

Tableau 11 : Le tableau des cinq bases musicales p. 192

Tableau 12 : L’ajout de la sixième base musicale au tableau précédent p. 192 Tableau 13 : Le tableau divisant les cinq zones du modèle en 3D p. 228

Tableau 14 : La répartition des responsabilités p. 233

(13)

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : L’articulation conceptuelle de l’exposition selon Gob et Drouguet p. 20 Figure 2 : L’articulation conceptuelle de l’exposition de Gharsallah p. 21 Figure 3 : L’articulation de la conception de l’exposition de Benaiteau et coll. p. 21 Figure 4 : L’articulation conceptuelle de l’exposition de Merleau-Ponty et Ezrati p. 22

Figure 5 : La leçon de la revue typologique p. 95

Figure 6 : Le schéma du cadre théorique p. 123

Figure 7 : La leçon du premier terrain : la reconstitution matérielle p. 167 Figure 8 : Le tableau mural organisateur des thématiques, des cliquables et

des personnages p. 186

Figure 9 : L’insertion d’une figure humaine en action dans le décor p. 194 Figure 10 : La leçon du deuxième terrain : la reconstitution mixte p. 206

Figure 11 : Le nouveau triptyque du scénario p. 227

Figure 12 : La leçon du troisième terrain : la reconstitution virtuelle p. 256 Figure 13 : Le schéma de l’articulation conceptuelle d’une reconstitution historique

matérielle p. 303

Figure 14 : Le schéma d’articulation conceptuelle d’une reconstitution historique mixte p. 305 Figure 15 : Le schéma d’articulation conceptuelle d’une reconstitution historique

virtuelle p. 307

Figure 16 : Le schéma d’articulation conceptuelle d’une reconstitution historique

mixte, si « t » n’est pas libre p. 309

Figure 17 : Le schéma d’articulation conceptuelle d’une reconstitution historique

virtuelle, si « t » n’est pas libre p. 310

Figure 18 : Les quatre formes de muséologie p. 320

Figure 19 : Les trois temps de la muséologie d’espace p. 351 Figure 20 : L’articulation conceptuelle finale de la reconstitution historique matérielle p. 353 Figure 21 : L’articulation conceptuelle finale de la reconstitution historique mixte p. 355 Figure 22 : L’articulation conceptuelle finale de la reconstitution historique virtuelle p. 357

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

FRQ : Fonds de recherche du Québec

LAMIC : Laboratoire de muséologie et d’ingénierie de la culture LVSN : Laboratoire de vision et de système numérique

MCCQ : Ministère de la Culture et des Communications du Québec MCH : Musée canadien de l’Histoire

MCQ : Musée de la civilisation de Québec MVC : Musée virtuel du Canada

(15)

À la mémoire de mon père, Gilles Gélinas

À ma famille Pour leur soutien inconditionnel

À mon ami Yannic, J’ai enfin tenu ma promesse

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REMERCIEMENTS

Au terme de toutes ces années de recherches et d’écriture, je voudrais mettre en lumière le nom de toutes les personnes et les organismes qui ont fourni un appui à cette thèse. Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de thèse, le Professeur Philippe Dubé, qui a maintenu tout au long de ce processus une confiance en mon travail et qui, dans les moments de doute, m’a toujours encouragée à garder le cap. Je le remercie pour sa disponibilité, pour la finesse de ses conseils et pour tous les échanges que nous avons eus, qui ont grandement contribué à l’avancement intellectuelle de cette recherche. Je remercie également en sa personne le directeur du Laboratoire de muséologie et d’ingénierie de la Culture (LAMIC) qu’il a été. Il m’a offert un espace dans ce laboratoire où il était possible en toute liberté de requestionner et reformuler la muséologie. Je lui suis également reconnaissante de m’avoir soutenue financièrement afin que je puisse me consacrer à mon doctorat.

Je remercie le Département des sciences historiques de l’Université Laval, où le personnel m’a toujours apporté un soutien logistique indispensable pour mener à bien mes études.

Je voudrais aussi remercier les institutions m’ayant permis de faire mes terrains d’études : la Maison Chapais, le Musée des Ursulines de Québec, le Monastère des Ursulines de Québec ainsi que leur communauté religieuse. Elle m’a toujours offert l’hospitalité et démontré une générosité, une ouverture, une confiance et une disponibilité des plus exemplaires. Je remercie plus particulièrement celles que j’ai côtoyées régulièrement : Sr Marguerite Chenard, Sr Pauline Duchesne, Sr Diane Gagnon, Sr Marie-Claire Hébert, Sr Gabrielle Noël et Sr Monique Pelletier.

J’exprime ma profonde reconnaissance à toutes les personnes ayant participé de proche ou de loin à la réalisation des terrains d’études. Ils n’auraient pu avoir lieu sans eux :

Daniel Berthiaume Raynald Bilodeau Louis-Robert Bouchard

Jean-Michel Bourget Christine Cheyrou Guy Côté

Luc Antoine Couturier Claire Delisle Mathieu Drouin

Benoît Duinat Yves Gagnon Peyman Hedayati Vahid

Antoine Lavoie Pierre Lévesque Pierrette Maurais

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Yves Raymond Étienne Rioux Isabelle Rossignol

Lucie Rousseau Luc Saint-Amand Richard Sénécal

Zahra Toony Jean-Ambroise Vesac

Je remercie également le directeur du Laboratoire de vision et de système numérique (LVSN), Denis Laurendeau, et la professeure en géomatique Sylvie Daniel pour leurs judicieux conseils.

Je tiens en haute estime le Musée du Nouveau-Brunswick pour m’avoir encouragé à terminer ma démarche doctorale au-delà de mon nouvel emploi. J’ai su y trouver des gens compréhensifs qui ont su partager mes préoccupations, et je suis fière que ce doctorat puisse rejaillir sur cette institution, qui le mérite pleinement. Je remercie plus chaleureusement le chef du Département des Sciences humaines et conservateur d’Art, Peter Larocque, pour sa patience, sa flexibilité, sa motivation et son incroyable capacité à relativiser tous les tracas de la vie. J’ai bénéficié de conditions idéales pour terminer ma rédaction. J’aimerais aussi mentionner le précieux travail de Pierre Drolet, qui m’a offert son regard aiguisé et ses conseils pour la révision linguistique de ce texte.

Je salue avec une grande affection les doctorants qui ont partagé toutes mes années universitaires et avec qui j’ai pu échanger mes craintes et mes espoirs. Je conserve dans mon cœur l’amitié de Virginie Soulier, qui a posé un regard de grande sœur sur mon travail, de Mathieu Rocheleau, qui a été présent lorsque j’en avais de besoin, de Kasia Basta, qui a partagé avec moi les hauts et les bas de la vie quotidienne et d’Alexia Fontaine, qui a le sens du beau et qui a su me rassurer lors des derniers moments.

Enfin, mes remerciements les plus intimes vont à ma famille pour son soutien inconditionnel autant moral que financier, pour avoir cru que c’était possible, et à mon défunt père, pour qui l’éducation de ses enfants était primordiale et qui m’a enseigné qu’il fallait terminer ce qu’on avait commencé.

(18)

INTRODUCTION

Depuis quelques années, les représentations virtuelles en 3D n’ont cessé de créer un engouement. L’accessibilité des appareils de vision stéréoscopique pour les mondes virtuels a répandu leur utilisation. De plus, de nombreux logiciels de modélisation 3D et de plateformes de jeux sont devenus libres de droits. Avec un peu de volonté, il est aisé d’apprendre à modéliser des environnements virtuels. Vient s’ajouter à cela le géo-référencement qu’on trouve dans les téléphones intelligents et qui permet une grande mobilité sur les lieux patrimoniaux, ouvrant ainsi la porte à la réalité augmentée. Ces nouveaux outils permettent de multiplier les couches interprétatives de l’espace qui nous entoure. Ce monde, qui nous semblait petit, s’agrandit maintenant en superposant des couches virtuelles au-dessus de lui.

Cet engouement a eu des répercussions dans le domaine du patrimoine et nous constatons un retour en force des reconstitutions historiques virtuelles, comme s’il s’agissait de la dernière invention. Plusieurs villes ont recours aux modèles virtuels en 3D pour mettre en valeur leur patrimoine1. Cela procure des avantages économiques importants, car il n’en

coûte que la stabilisation des monuments. En plus de cet avantage, l’interprétation qu’on en fait est plus riche, le modèle virtuel en 3D pouvant montrer l’évolution dans le temps d’un site. Ses concepteurs peuvent aussi l’animer et montrer l’utilisation de l’espace à différentes époques.

Cette frénésie pour la reconstitution historique n’est pas la première vague qu’ont connue les institutions muséales : elles utilisent ce type d’expographie depuis plus de deux siècles. Pourtant, les musées canadiens accusent un certain retard dans le virage numérique2, et les musées semblent encore éprouver une certaine retenue. Les projets numériques à caractère

1 Nous pouvons constater certains résultats en France, qu’on peut lire dans les deux articles suivants :

LHERM, Denis, « Tourisme : Une tablette pour revivre l’histoire de Bordeaux en réalité augmentée »,

Sud-Ouest, publié le 13 septembre 2012. Consulté le 9 mai 2017.

http://www.sudouest.fr/2012/09/13/la-tablette-touristique-819222-2780.php ; TALLOIS, Sophie et Lamia COULIBALY, « Le numérique enrichit le patrimoine », France 3, publié le 16 septembre 2015. Consulté le 9 mai 2017. http://france3-regions.francetvinfo.fr/le-numerique-enrichit-le-patrimoine-807893.html.

2 RICHARDSON, Megan, « The Digital Museum: Inspiring Solutions », Game Changer/Changer la donne,

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patrimonial sont longs à mettre en branle et leur interactivité n’est pas exploitée à leur plein potentiel3. Les professionnels de musée semblent toujours avoir une méconnaissance du numérique, même que nous détectons encore une certaine méfiance de leur part envers les nouvelles technologies qui viennent bouleverser profondément leur travail.

L’ÉTAT DE LA SITUATION

Malgré une longue tradition dans la pratique muséale, il faut attendre les années 1990 pour constater une tentative de théorisation de la reconstitution historique comme stratégie muséale. Jean Davallon, sémiologue français, a défini trois formes de muséologie, à savoir la muséologie d’objets, la muséologie d’idées et la muséologie d’environnement4. La

première met l’accent sur l’objet. La présentation est épurée pour ne pas entraver la rencontre entre l’objet et le visiteur. Puis, vient la muséologie d’idées (ou de savoirs) dans laquelle le but principal consiste à transmettre un message précis sur un sujet. Elle mise beaucoup sur l’apprentissage des connaissances qui vont au-delà de l’objet. Celui-ci ne peut se révéler tout seul, il lui faut des outils muséographiques. Enfin, il y a la muséologie d’environnement, que l’auteur changera en 19995 par muséologie de point de vue, qui se

concentre principalement sur l’espace. La mise en exposition va audelà- de l’objet et du savoir, elle crée un environnement qui vient englober le visiteur. Pour la première fois, celui-ci est situé au centre de la scénographie. Le but ultime est de transmettre un point de vue pour influencer le visiteur, les concepteurs désirant ainsi le rendre plus engagé dans son expérience de visite6. Les reconstitutions historiques se trouvent entre les deux dernières muséologies. Longtemps présentées de manière scientifique et statique, les reconstitutions ont basculé dans la muséologie de point de vue pour créer une expérience de visite plus immersive. À partir de son vécu, le visiteur peut se forger sa propre opinion sur le sujet de l’exposition. La classification des expositions de Davallon aide à comprendre le processus de communication qui s’y opère, mais elle ne souligne pas l’intégration des technologies.

3 Données fondées sur les présentations de plusieurs projets numériques au cours du Forum numérique de

la Société des Musées québécois, juin 2014.

4 DAVALLON, Jean, « Les formes de la muséologie », L’exposition à l’œuvre, Stratégies de communications et médiation symbolique, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 245-253.

5 Idem.

6 DAVALLON, Jean, « Ch. 3 Présenter l’environnement », L’environnement entre au musée, sous la dir. de

Jean Davallon, Gérald Grandmont, Bernard Schiele et Marie-Claude DeKonnick, Presses universitaires de France, Paris et Musée de la civilisation, Québec, 1992, p. 101-140.

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Le muséologue Raymond Montpetit (1993, 1996) participe aussi à la réflexion et légitimera les reconstitutions historiques par son historicité : du panorama, en passant par le diorama scientifique, et par les period rooms, pour aboutir aux jardins et aux parcs thématiques. Dans son article, Montpetit fait une description sommaire des dispositifs7. Il n’utilise pas la terminologie de la « muséologie de point de vue » de Davallon, mais plutôt celui de la « muséologie analogique », qu’il définit comme un « procédé de mise en exposition qui offre à la vue des visiteurs, des objets originaux ou reproduits, en les disposant dans un espace précis de manière à ce que leur articulation en un tout forme une image, c’est-àdire- fait référence, par ressemblance, à un certain lieu et état du réel hors musée, situation que le visiteur est susceptible de reconnaître et qu’il perçoit comme étant à l’origine de ce qu’il voit8 ». Le muséologue considère donc que la reconstitution donne des

référents aux visiteurs. Il prévoit deux logiques d’exposition pour expliquer le fonctionnement des référents : la logique endogène et la logique exogène9. La logique d’exposition endogène ne prend sa signification qu’à l’intérieur de l’exposition. En lisant les textes et en faisant des expériences, le visiteur construit sa propre compréhension du sujet exposé. Les expositions thématiques en sont de bons exemples. La logique de l’exposition exogène, quant à elle, fait appel à un savoir extérieur à l’exposition. Ce savoir peut se situer au niveau des spécialistes. Par exemple, les visiteurs suivent une classification scientifique académique. Ou encore, le savoir peut être populaire et familier, relevant d’un vécu antérieur comme les rites de naissance, les mariages, la ferme, etc. D’après Montpetit, les expositions ayant une logique exogène, c’est-à-dire à saveur populaire, sont excellentes pour les reconstitutions historiques. Pour cause, il n’est pas nécessaire de décrire ce qu’est une cuisine lorsque nous voyons une table dressée avec des couverts, des chaises ainsi qu’une cuisinière accompagnée de chaudrons. La muséologie analogique définit bien ce qu’est la reconstitution historique, et les logiques d’exposition montrent encore le mécanisme de la communication : comment le visiteur construit son savoir et interprète ce qu’il voit dans l’exposition. Montpetit ne parle pas véritablement de technologies, ses exemples ne sont visiblement que matériels.

7 MONTPETIT, Raymond, « Une logique d’exposition populaire : les images de la muséographie analogique », Publics & Musées, no 9, janvier-juin 1996, Presses universitaires de Lyon, Lyon, p. 55-100.

8 Ibid., p. 58. 9 Ibid., p. 91.

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Le problème que nous voyons aujourd’hui est que Davallon et Montpetit n’expliquent que partiellement ce qui se passe. Ils défendent l’idée que l’exposition est un média de communication et qu’elle a son langage propre, qu’ils tentent d’expliquer et de justifier. Cependant, il semble bien qu’aucune publication n’ait poussé l’idée plus loin depuis vingt-cinq ans, comme si la réflexion s’était arrêtée dans les années 1990. Pour preuve, on explique toujours les reconstitutions historiques à partir de Davallon et de Montpetit dans le Dictionnaire encyclopédique de muséologie (2011)10 et dans la dernière édition de la Muséologie, Histoire, développement, enjeux actuels (2014)11.

Il y a une exception : le psychologue américain Stephen Bitgood, auquel nous devons la réflexion la plus avancée sur les reconstitutions historiques, plus particulièrement sur les reconstitutions immersives. Bitgood s’intéresse principalement aux visiteurs des musées. De 1988 à 1996, il publie chaque année un volume sur des études de terrain.12 Il a été le premier à parler du rôle de l’immersion dans une exposition dans un petit document de 28 pages : « The Role of Simulated Immersion in Exhibition13 ». Bien que sa réflexion soit brève, il relève l’importance de l’immersion simulée pour améliorer l’expérience du visiteur. De plus, il explique comment l’immersion peut contribuer à l’apprentissage, et quels sont les facteurs nécessaires à la production d’une immersion. Même si ce rapport technique ne va pas en profondeur, il installe les prémisses d’un autre article paru en 1996. Enrichi par ses six années de terrain, Bitgood élabore alors sa réflexion dans « Méthodes d’évaluation de l’efficacité des dioramas : compte rendu critique 14 ». D’après nous, c’est

l’article le plus complet à ce jour, car il énumère les facteurs qui font le succès des dioramas. Il explique comment les expographes peuvent optimiser leurs caractéristiques physiques lors de leur conception. Il poursuit avec les problèmes que les professionnels rencontrent lors de leurs évaluations, et il conclut en donnant des orientations pour de

10 DESVALLÉES, André et François MAIRESSE, dir., Dictionnaire encyclopédique de muséologie, Armand Colin,

Paris, 2011, 722 p.

11 GOB, André et Noémie DROUGUET, La muséologie. Histoire, développements, enjeux actuels,

Armand Colin, 4e édition, Paris, 2014, 348 p.

12 BITGOOD, Stephen, Visitors Studies: Theory, research and practice, vol. 1 à 6, 1988 à 1996. Jacksonville

State University, Alabama.

13 BITGOOD, Stephen, The Role of Simulated Immersion in Exhibition, Jacksonville State University,

Jacksonville, États-Unis, novembre 1990, 28 p.

14 BITGOOD, Stephen, « Les méthodes d’évaluation de l’efficacité des dioramas : compte rendu critique », Public et musées, Les dioramas, Presses universitaires de Lyon, janvier-juin 1996, p. 37-53.

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futures évaluations destinées aux reconstitutions d’immersion en disant qu’il ne faut pas oublier les « affects », c’est-à-dire l’aspect psycho-émotif que l’expérience de visite peut apporter aux visiteurs. Bitgood reconnaît que la démarche n’avancera pas sans enquêtes de terrain.

La notion d’interprétation viendra influencer les reconstitutions historiques. Ce concept ayant été instauré par Freeman Tilden (1957) se définit comme « une activité éducative qui veut dévoiler la signification des choses et leurs relations par l’utilisation des objets d’origine, l’expérience personnelle et des exemples plutôt que par la seule communication de renseignements concrets15 ». Il met en place six principes qui aident les guides à déclencher chez le visiteur le « désir de reculer les frontières de ses domaines d’intérêts et de ses connaissances et d’en arriver à comprendre les vérités majeures qui se dissimulent derrière tout exposé16 ». Tilden est le premier à reconnaître qu’il est nécessaire de combiner la connaissance à transmettre à l’expérience émotive de la visite. Ses principes bouleversent la muséologie nord-américaine. Débutant dans les parcs nationaux et les musées de sciences, l’interprétation fera son chemin jusque dans les musées historiques, à un point tel que l’interprétation deviendra le dogme dans toutes les expositions. Il est facile de trouver de la documentation sur le sujet (Alderson, 1987 ; Gronder, 1985 ; Hooper-Greenhill, 2000). Le théâtre fait également son apparition comme animation, introduisant le concept d’exposition-spectacle dans des reconstitutions historiques qui servent de décor (Anderson, 1991 ; Craig, 1989 ; Ford, 1997 ; Karp, 1996 ; Schlereth, 1991). Cette relation plus étroite entre le musée et le visiteur amène le musée à faire des sondages auprès de son public pour mieux le connaître et mieux le séduire (Needham, 1997, Travis, 1987).

Les années 1990 seront très productives pour les études de visites et d’expériences muséales (Falk, 1992, 2000 ; Davallon, 1987). On ne va plus au musée pour voir des choses, mais pour y vivre une expérience culturelle. La mise en exposition se scénographie et devient majoritairement narrative (Norman, 1996 ; Bringer, 1988). L’interprétation se fait non seulement par les guides-animateurs, mais aussi par le décor, et la reconstitution

15 TILDEN, Freeman, « L’interprétation de notre patrimoine » dans André Desvallées, dir. Vagues. Une anthologie de la nouvelle muséologie, vol. 1, Mâcon, Éditions M.N.E.S, 1992, p. 248-249.

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historique reprend de la vigueur comme expographie. Tel que mentionné plus haut, elle devient un sujet à la mode dans les publications. Les parutions sur l’expérience muséale continuent dans les années 2000. Nous retenons surtout que le visiteur est réellement considéré comme un acteur engagé dans sa propre expérience avec l’objet (Black, 2005 ; Edensor, 2001 ; Falk, 2000, 2009 ; Falk et Heimlich, 2009 ; Mariaux, 2007 ; Witcomb, 2006) et que l’animation et la mise en scène sont bien implantées dans les pratiques expographiques (Gellereau, 2005 ; Tivers, 2002). Grâce aux études sur le visiteur muséal et l’expérience de visite, les expographes s’intéressent de plus en plus à l’intégration des technologies et aux rôles qu’elles peuvent jouer. La présence de l’ordinateur devient prépondérante grâce à sa capacité grandissante d’interactivité.

Cependant, après cette frénésie optimiste des années 1990 et début de l’an 2000, il s’ensuit une vague plus critique. L’enthousiasme porté vers le visiteur est requestionné, les musées se demandent s’ils ne sont pas devenus que des lieux de divertissement culturel, perdant ainsi de vue ce qui les a mis au monde : les collections (Viel, 2005 ; Hubert Van Beyenburgh, 2005 ; Roy, 2005). La présence des écrans dans les expositions provoque un certain malaise parce qu’elles sont jugées comme des pièges de séduction qui détournent l’attention des visiteurs vers les artefacts (Robinson, 1998 ; Landry, 2007 ; Viel, 2005). Plusieurs muséologues critiquent les technologies comme une des causes du musée-spectacle (Belaën, 2003, 2005 ; Drouguet, 2005). En réaction, certains muséologues considèrent le problème sous un autre angle d’approche. Les technologies ne sont que des moyens de diffusion ; il appartient donc au musée de se réinventer face à la demande culturelle et aux nouvelles technologies (F. Côté, 2003 ; Dubé, 2003 ; Griffiths, 2003 ; Skramstad, 2004). Mais comment allons-nous le faire ? Personne ne s’y risque encore.

Les reconstitutions historiques immersives font un retour en recherche grâce à la thèse de Florence Beläen (2002). Elle s’intéresse à la scénographie de l’exposition et à l’expérience de la visite. Son étude comprend les décors reconstitués, mais également l’immersion virtuelle effectuée par de grands écrans. Elle note, dans ses observations, que l’artefact et les technologies peuvent entrer en conflit dans la cohabitation de l’espace. Elle souligne également l’effet d’émerveillement que peuvent apporter les simulateurs virtuels (Beläen,

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2003). Elle ne parle aucunement de la conception de la reconstitution parce qu’elle ne reste que du côté de la réception du visiteur. En définissant l’aspect immersif de la reconstitution comme une séduction procurant des sensations fortes aux visiteurs, elle y voit une nouvelle forme de médiation (Beläen, 2005), mais elle reste encore très sceptique. En effet, elle dénonce le manque de distanciation du visiteur face au sujet, étant donné qu’il se trouve pris dans une expérience émotive.

L’analyse du mode de médiation de type immersion interroge sur les effets produits chez les visiteurs. Le recours systématique à une spectacularisation des sciences et des techniques peut laisser croire que les développements peuvent être digérés au moyen d’une émotion programmée, et occulte ainsi tous les enjeux qu’il comporte17.

Il est vrai que dans les années 2000, les expositions spectaculaires utilisant une muséographie immersive deviennent très populaires. Noémie Drouguet questionne cette situation dans son article « Succès et revers des expositions spectacles 18 ». Le musée n’est plus le seul créateur d’expositions, car le marché culturel a vu naître plusieurs entreprises lucratives qui ne cherchent que la rentabilité au détriment des contenus. Le musée doit dorénavant faire face à un marché d’offres culturelles concurrentielles. Il veut séduire son public par des moyens technologiques, mais il tient toujours à jouer un rôle d’éducateur en mettant en avant la découverte de l’artefact.

C’est après 2005 qu’on commence à reconnaître de nouvelles idées dans les publications. Internet public a 10 ans, et il est clair désormais que les technologies ne sont pas une mode passagère. Les professionnels de musée doivent mieux connaître le potentiel des technologies. Elles sont enfin prises d’assaut par les recherches (Parry, 2008, 2010 ; Pujol Tost, 2004, 2005, 2007, 2008 ; Vidal, 2006). L’immersion virtuelle, l’interaction, l’expérience du visiteur et la rétention des connaissances sont étudiées. La thèse de Jeffrey Jacobson (2008) se démarque. Il se penche sur l’apprentissage en immersion dans une reconstitution historique virtuelle. Il démontre que les étudiants observés ont en effet mieux appris les contenus dans le contexte d’immersion interactive. Il donne peu de critiques sur

17 BELÄEN, Florence, « L’immersion dans les musées de science : médiation ou séduction », Culture et Musées, no 5, sous la dir. de Serge Chaumier, Actes Sud, p. 104.

18 DROUGUET, Noémie, « Succès et revers des expositions-spectacles », Culture et Musées, no 5, sous la dir.

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l’expographie, mais il mentionne l’importance du volume du dispositif et énumère quelques critères de la qualité du monde virtuel, sans aller plus loin.

Ces dernières années, l’espace expositionnel redevient un sujet de recherche à la mode dans les études expographiques. On étudie notamment le rôle de l’espace dans l’exposition. La thèse de doctorat de Soumaya Gharsallah (2008) se situe au cœur même de cette réflexion. Elle compare trois expositions dont la mise en espace diffère. La première est portée sur l’objet, la deuxième est une contextualisation ne tenant pas compte de l’architecture du musée, et la troisième, plus ouverte, tient compte, quant à elle, de l’architecture. Gharsallah démontre que les trois expositions analysées présentent des « logiques de mise en exposition différentes qui n’enrôlent pas la mise en espace de la même façon et qui fonctionnent selon des organisateurs différents. Par organisateur, [elle entend] le point de vue de l’espace référentiel qui permet d’organiser l’espace empirique selon une certaine logique19 ». Elle définit trois types d’organisateurs. Le premier est l’organisateur discursif

qui implique une mise en exposition très élémentaire et qui néglige le plus la mise en espace. La distribution est tributaire du discours scientifique et la mise en espace n’aide pas à la compréhension de la narration20. Le deuxième est l’« organisateur spatial [dont] la mise en exposition est principalement une question de mise en espace. La disposition des objets et des autres éléments influencent la perception et la lecture. La mise en place est le producteur de signification21 ». Dans le troisième, l’« organisateur esthétique met en espace quelque chose (un objet, une idée, un point de vue) à travers un traitement plastique spécifique de l’espace expositionnel. Il permet de poétiser l’espace 22 [...] ». Les expositions

de ce genre sont conçues pour procurer un effet émotif sur le visiteur23. Gharsallah termine sa recherche en constatant que la « médiatisation procédée par l’espace est une opération complexe24 ».

19 GHARSALLAH, Soumaya, Le rôle de l’espace dans le musée et l’exposition : Analyse du processus communicationnel et signifiant, Thèse de doctorat en sciences de la communication (spécialités Muséologie,

médiation, patrimoine), Université Avignon et des Pays de Vaucluse. Thèse de doctorat en muséologie, médiation, patrimoine, Université du Québec à Montréal, juin 2008, p. 210.

20 Ibid., p. 211. 21 Idem. 22 Idem. 23 Ibid., p. 212. 24 Ibid., p. 217.

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Le travail dirigé de Loïc Ras-Mike s’intéresse également à ces questions, mais dans le cadre particulier de l’exposition itinérante. Sa recherche, La scénographie d’exposition, une pratique de médiation spatiale mise à l’épreuve par l’itinérance des expositions (2015) démontre comment l’espace en vient à influencer la perception des visiteurs et que les concepteurs doivent tenir compte de la modulation des espaces. Toutefois, tout comme Gharsallah, Ras-Mike demeure dans le rôle communicationnel de l’espace.

Voilà où nous en sommes. Depuis les années 2000, les recherches sont basées davantage sur le terrain et sur l’observation. On analyse l’exposition et son expographie en tant que produit final (Beläen, Drouguet, Gharsallah, Ras-Mike). On étudie également la rétention des contenus des expositions (Beläen), et ce, même dans les environnements virtuels (Jacobson). On conclut en précisant les éléments qui les composent et sur l’importance de leurs rôles (Champion, 2006). Toutefois, nous constatons que personne ne s’intéresse aux expographes et à leurs processus de conception : aucune étude ne propose une nouvelle méthodologie. Il n’y a pas de recherche comparative qui regarde horizontalement l’impact de l’intégration des technologies sur le travail conceptuel, comme si les professionnels de musée n’avaient pas à se remettre en question. Nous croyons que c’est une erreur et nous souhaitons que notre recherche doctorale vienne combler ce manque.

LA PROBLÉMATIQUE

Nous cherchons à comprendre comment les institutions muséales conceptualisent leurs reconstitutions historiques virtuelles et en quoi celles-ci constituent une nouvelle stratégie muséale. Plus précisément, nous voulons comprendre en quoi les reconstitutions virtuelles s’inscrivent dans la tradition des dispositifs reconstitutifs muséaux. Quels sont les éléments à mettre en priorité lors de leur conception ? Les priorités sont-elles les mêmes que celles des éléments matériels ? Comment s’articulent les étapes de conception ? Note-t-on des constantes à travers les dispositifs ou y a-t-il des changements qui viennent bouleverser le processus au fur et à mesure que les technologies s’intègrent dans le dispositif ? Ces changements sontils si importants qu’ils impliquent un nouveau savoir-faire ? Cela pourrait-il devenir une nouvelle approche muséale ?

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Au niveau du travail de l’expographe en lui-même, quelles seront les difficultés rencontrées au cours du projet ? L’intégration des technologies vient-elle aussi changer les relations que vit l’expographe avec ses partenaires ? En résumé, nous voulons comprendre en quoi l’intégration des technologies dans une reconstitution historique affecte le travail de l’expographe et comment celui-ci s’ajuste aux nouvelles situations.

Notre recherche doctorale se situe dans le domaine de l’expographie muséale. Elle cherche à étudier les méthodes du travail conceptuel des professionnels de musée, plus particulièrement du chargé de projet que nous nommons ici « expographe ». Nous excluons les designers d’exposition, car nous voulons nous attarder sur les défis à relever que le musée doit livrer et nous ne voulons pas nous inscrire dans les défis esthétisants des metteurs en espace.

Nous avons choisi les reconstitutions historiques parce qu’elles font un retour dans le paysage muséal. En effet, l’augmentation de la modélisation en 3D, due à son accessibilité grandissante, est de plus en plus utilisée dans plusieurs domaines : l’archéologie, l’architecture, l’urbanisme, le patrimoine, et le musée n’y échappe pas. Pourtant, le dispositif reconstitutif est une stratégie muséale qui existe depuis fort longtemps. Ainsi, nous pourrons suivre l’évolution de l’intégration des technologies dans un même dispositif, afin de pouvoir souligner l’impact qu’elles provoquent. Nous tenons à préciser que nous excluons de notre recherche tous les dispositifs de reconstitution artistique où l’interprétation individuelle a libre cours. Nous voulons cadrer notre recherche dans un contexte muséal où la justesse des faits historiques doit être prise en compte, ce qui vient considérablement élever le niveau de difficulté de la conception.

Enfin, nous ancrons notre recherche dans la réalité expositionnelle québécoise s’inscrivant dans un courant philosophique nord-américain qui met l’accent sur les visiteurs et leurs expériences de visite muséale, davantage que du côté européen où l’on défend la priorité de l’objet et du discours sur l’espace.

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LA MOTIVATION DE CETTE RECHERCHE

Les reconstitutions historiques ont constitué les premières expériences muséales de notre jeunesse. Native de Drummondville, le Village Québécois d’Antan faisait partie des sorties culturelles de notre école primaire. Nous adorions ces activités parascolaires lors desquelles nous voyions différents métiers que notre père nous expliquait dans ses histoires d’enfants. Avec le temps, nous avons développé un goût pour l’archéologie. Nous avions entrepris un baccalauréat spécialisé en anthropologie à l’Université de Montréal, nous étions alors fascinée de découvrir la diversité culturelle du genre humain et nous adorions découvrir les secrets que les objets historiques révélaient. Jamais nous n’avons été attirée par eux à cause de leur aspect esthétique, mais plutôt pour y découvrir les savoirs techniques et la pensée humaine qui se trouvait derrière. Pour la jeune adulte que nous étions alors, l’objet n’avait de valeur que dans la reconnaissance du génie créateur humain et dans son contexte d’origine.

Nous nous sommes inscrite par la suite au programme de Techniques en muséologie au Collège Montmorency. Nous voulions du travail plus manuel, tout en demeurant près des objets muséaux. Nous pouvions ainsi entrer en contact avec plusieurs cultures, nous n’avions pas à nous spécialiser. Cette formation nous a appris les dessous du musée. Nous avons beaucoup travaillé dans les réserves et à la standardisation des bases de données. Plusieurs subventions étaient alors accordées aux musées pour qu’ils puissent acheter un ordinateur et qu’ils informatisent leurs collections. Nous rentrions à la main des milliers de fiches de carton de 5 po x 7 po tapées au dactylo dans l’ordinateur. Chaque objet devait avoir sa fiche électronique la plus complète possible. Nous rêvions tous alors d’une base de données commune pour tout le pays.

C’est en tant que technicienne en muséologie que nous avons connu notre première exposition virtuelle De la cave au grenier à la Maison Saint-Gabriel. Nous avions passé alors l’été 2003 à vérifier les liens et les contenus. Avec beaucoup de cliquables et énormément de textes, cela a constitué notre première expérience de négociation avec un intégrateur Web.

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Puis, nous avons obtenu un contrat d’inventaire pour le Fonds d’artiste Louis Muhlstock, peintre juif montréalais mieux connu dans les années 1930 et 1940, mais presque oublié aujourd’hui. Nous avons alors commencé une maîtrise en muséologie à l’Université du Québec à Montréal afin de connaître la gestion des collections et la mise en exposition. Notre travail dirigé portait sur la création d’un site Web pour la Succession Louis Muhlstock, gestionnaire du Fonds. L’artiste ayant été indépendant des galeries et ayant toujours vécu de son art, plusieurs de ses œuvres ont été vendues à travers le Canada et les États-Unis. Internet était l’outil rêvé pour recontacter les propriétaires, et le site Web pouvait servir de catalogue raisonné. De plus, le site allait constituer une porte d’entrée pour toutes autres institutions qui voudraient emprunter les œuvres. Nous voulions également créer des parcours de ballado-diffusion dans la ville, afin de comparer les streetscapes de Montréal en 1930 et les rues d’aujourd’hui, et ce, avant même que la réalité augmentée ne soit accessible. Malheureusement, le projet n’a pas abouti.

En 2007, la Société des Musées québécois a tenu son congrès annuel à Montréal. Celui-ci portait sur le thème des musées et des technologies. Cela a été un moment marquant à deux points de vue. Le premier a été concrétisé par notre consternation devant le décalage que les musées avaient face à la technologie, particulièrement face aux mentalités. On y observait aussi beaucoup de mépris et de condescendance. À l’époque, plusieurs musées n’avaient pas de site Web et n’en voyait pas l’utilité. Nous finissions alors notre maîtrise et nous allions entrer dans ce marché du travail ! Nous ne comprenions pas ce rejet car notre mentalité se situait entièrement à l’opposé : nous aimions les technologies et les jeux vidéo. Nous faisons partie de ceux qui avaient joué à Pong sur Atari, sur les différentes consoles de Nintendo, sur le Commodore 64, sur les PC 3-86 jusqu’au Pentium, le summum de la performance en 199325. Notre premier ordinateur acheté pour l’université était un Pentium II, et nous sommes rapidement devenue une joueuse de jeux vidéo. Pas assez pour compétitionner, cela n’existait pas vraiment à l’époque, mais assez pour devoir remettre nos CD de jeux à nos colocataires pour ne pas être tentée de jouer et de proscratiner durant nos fins de session ! Alors, de constater tout ce mépris au Congrès de la SMQ, en 2007, nous rendait furieuse. Le marketing des visiteurs avait énormément intégré l’ordinateur dans

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l’exposition, mais cela ne donnait pas les résultats escomptés. Déjà à cette époque, pour nous, il y avait peut-être un problème de mise en exposition, et les muséographes semblaient être un obstacle.

Cependant, il y a eu, comme deuxième point, une énorme surprise qui s’opposait à la première : il y avait des gens qui travaillaient à une muséologie émergente dans laquelle les technologies avanceraient la cause des musées. De jeunes spécialistes dans la trentaine, mondialement reconnus, expliquaient leur création. Il était clair que nous voulions faire partie de cette génération professionnelle émergente, où tout était à repenser, et ce, même en muséologie. C’est ainsi que nous avons connu l’existence du Laboratoire de muséologie et d’ingénierie de la culture (LAMIC) et son directeur, Philippe Dubé. Le LAMIC constituait la suite logique de mon parcours professionnel. C’était un espace plus pratique où l’on testait concrètement la technologie et la muséographie par des essais et erreurs. Ce côté expérimental nous interpellait au plus haut point. Nous avons donc quitté Montréal pour nous installer à Québec.

Aujourd’hui, en 2017, au moment où vous lisez cette thèse doctorale, nous célébrons nos quinze ans de métier de muséographe. N’ayant pas été récipiendaire des grandes bourses de recherche, nous avons dû travailler tout au long de nos études : de technicienne de mise en réserve jusqu’à chargée de projet virtuel, en passant par chargée de cours, les contrats rencontrés au LAMIC nous ayant permis d’obtenir une belle diversité d’expérience, tout en restant toujours collée à la réalité muséale.

Notre motivation de recherche s’insère donc dans un long parcours en quête d’une vision nouvelle de la muséologie accessible à tous, qui avait pris naissance dès notre enfance. La cohérence de notre démarche académique et professionnelle ne pouvait que nous amener à étudier les reconstitutions historiques virtuelles et à questionner les savoir-faire. Nous sommes fière d’être restée constamment ancrée dans la réalité muséale, car nous nous sommes toujours perçue comme une praticienne faisant des études supérieures. Nous avons toujours été animée par l’avancement de la muséologie par des moyens concrets et surtout par des moyens utiles à la pratique. Nous espérons, par ce travail, avoir créé une jonction

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entre la réflexion universitaire et la réalité des musées, entre la muséologue et la muséographe, pour devenir dorénavant l’ethnographe des expographes.

LES DÉFINITIONS

Lorsque nous parlons de reconstitutions historiques, plusieurs termes apparaissent sous l’apparence de synonymes que nous aimerions préciser.

Reconstitution/ Restitution/ Reconstruction/ Dispositif

Le terme reconstitution est souvent utilisé par les muséologues pour désigner tout dispositif ou « exposition d’un bâtiment ou d’un ensemble naturel ou culturel reconstruit à partir d’éléments disparates dont certains peuvent avoir été prélevés sur le vif, dont certains peuvent avoir des origines diverses et dont certains peuvent être des substituts26 ». Pour l’archéologue Golvin, la reconstitution est un « rassemblage ou [un] ‘remembrement’ de tout ou partie des éléments épars d’un monument […] Elle consiste à replacer dans un ordre pertinent les éléments connus les uns par rapport aux autres27 ». Les modèles virtuels en 3D, utilisés comme outil de recherche, sont défendus pour leur valeur scientifique28 et, dans ces cas, les spécialistes préfèrent le terme restitution, qui est de « l’ordre de reconstituer à l’aide de fragments subsistants, de déduction, de documents29 ». D’après Golvin, le terme

restituer pour l’archéologie virtuelle consiste à « redonner l’idée de l’aspect d’un édifice ancien. La restitution est, fondamentalement, la reconstitution d’une image : celle que l’édifice ou le site étudié devaient avoir à un moment ou un autre de leur histoire30 ». La

reconstitution archéologique virtuelle est élaborée à partir des fouilles de terrains, des plans historiques ou autres documents d’archives. Les éléments disposés sont confrontés avec les sources scientifiques, tandis que la reconstitution dispose les éléments dans l’espace avec un ordre pertinent, mais pas nécessairement avec la précision historique, à cause des objets

26 DESVALLÉES et MAIRESSE, op. cit., p. 652.

27 GOLVIN, Jean-Claude, « La restitution de l’image des villes antiques : Le problème de la représentation des

parties non visibles », Virtual Retrospect 2003, Proceedings of the Conférences, Archéovision, Bordeaux, 2003, p. 39.

28 ROCHELEAU, Mathieu, « La modélisation 3D comme méthode de recherche en sciences historiques », Actes du 10e Colloque international étudiant du département d’Histoire, Québec, 2011, p. 245-265.

29 REY-DEBOVE, Josette et Alain REY, Le Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Le Robert, Paris, 2013, p. 2225.

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disparates qui la composent. Il y a donc une plus grande marge de manœuvre dans la reconstitution que dans la restitution. De plus, la reconstitution pour des fins muséales est un terme plus approprié parce qu’elle devient un dispositif qui doit être vu par des visiteurs. Par conséquent, elle doit leur faire une place. Nous ajoutons à ce terme l’adjectif qualificatif historique afin de préciser qu’il s’agit de reconstitution à caractère culturel dont le traitement est historique.

Le terme reconstruction se définit comme « construire à nouveau, ce qui était démoli, refaire31 ». Chez les muséologues, on l’utilise parfois pour remplacer « reconstitution »,

mais nous sommes d’avis, avec Mathieu Rocheleau, qui a étudié les modèles virtuels en 3D pour des fins historiques, que la reconstruction est davantage d’ordre matériel32. Nous

rejetons donc le terme, parce qu’il ne peut pas s’appliquer à tous les dispositifs.

Ainsi, nous voyons la reconstitution comme un dispositif expographique. Plusieurs auteurs se réfèrent toujours à la définition de Foucault qui décrit le dispositif comme un « ensemble résoluement hétérogène comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des œuvres administratives, [etc. …bref, il s’agit d’un] réseau que l’on peut établir entre ces éléments33 ». Agamben va

actualiser la version de Foucault en tenant compte des technologies présentes dans notre société d’aujourd’hui. Le philosophe italien définit donc le dispositif comme étant « tout ce qui a d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants34 ». Nous préféons cette définition qui s’approche également de l’utilisation plus vernaculaire du terme dans les musées soit pour « désigner une installation qui regroupe un ensemble d’expôts, une borne interactive, etc.35 ».

31 REY-DEBOVE et REY, op. cit., p. 2147. 32 ROCHELEAU, op. cit., p. 247.

33 FOUCAULT, 1977, cité dans DESVALLÉES et MAIRESSE, op. cit., p. 589.

34 AGAMBEN, Giorgio, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Rivages Poche Éditions, Paris, 2014, p. 31. 35 DESVALLÉES et MAIRESSE, op.cit., p. 589.

(33)

Les notions d’espace

Il est convenu, chez les muséologues, que l’espace joue un rôle primordial dans l’exposition, car il influence les perceptions. L’aménagement spatial nous affecte et nous parle, comme nous l’apprend Edward T. Hall dans son livre Le langage silencieux36, tout

comme l’architecture37. L’espace « est plastique, ce qui signifie indéfiniment malléable et

susceptible d’une multiplicité de présentations ou de points de vue38 ».

C’est un terme très large qu’il faut préciser par un adjectif qualificatif. L’espace muséal « désigne non seulement le musée classique, dans un bâtiment couvert, mais aussi tous les lieux correspondant à des formes d’extension de cette institution39 ». L’espace d’exposition,

quant à lui, est tout lieu où l’on expose40, mais mieux encore pour un musée, c’est un

espace organisé qui se « définit alors non seulement par son contenant et son contenu, mais aussi par ses utilisateurs – visiteurs ou membres du personnel –, soit les premiers qui entrent dans cet espace spécifique et participent à l’expérience globale des autres visiteurs41 ». Ainsi, l’espace d’exposition devient un lieu d’interactions sociales (et culturelles).

En ce qui a trait à l’espace virtuel, il est facile de penser au numérique, mais le terme existait bien avant l’informatisation. Le virtuel, au sens strict, « n’est ni le numérique, ni l’irréel, il désigne seulement le réel en puissance, c’est-à-dire non actualisé42 ». D’après le

philosophe Pierre Lévy, « virtualiser une entité quelconque consiste à découvrir une question générale à laquelle elle se rapporte, à faire muter l’entité en direction de cette interrogation et à redéfinir l’actualité de départ comme réponse à une question particulière43 ». En d’autres termes, pour la muséologie, virtualiser un objet ou un bâtiment,

36 HALL, Edward T., Le langage silencieux, Éditions du Seuil, Paris, 1984, p. 179.

37 COUSIN, Jean, Espace vivant. Introduction à l’espace architectural premier, Presses universitaires de

Montréal, Montréal, 1980, 236 p.

38 DELOCHE, Bernard, Le musée virtuel, Presses universitaires de France, 2001, p. 52. 39 DESVALLÉES et MAIRESSE, op. cit., p. 597.

40 Idem. 41 Ibid., p. 133.

42 DESVALLÉES et MAIRESSE, op. cit., p. 671.

Figure

Figure 1 : L’articulation conceptuelle de l’exposition selon Gob et Drouguet.
Figure 2 : L’articulation conceptuelle de l’exposition de Gharsallah Sujet   Discours Programme Scénario Trame narrative  Mise en forme Design
Figure 4 : L’articulation conceptuelle de l’exposition de Merleau-Ponty et Ezrati
Tableau 1 : Les catégories et sous-catégories de la grille typologique.
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