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1.3 Les constats et la discussion sur les problèmes

L’EXPOSITION PERMANENTE DE LA MAISON CHAPAIS La reconstitution matérielle

I- 1.3 Les constats et la discussion sur les problèmes

Suite à cette visite, nous avons discuté ouvertement avec le guide et le directeur, afin de relever les forces et les faiblesses du parcours. La critique du guide portait surtout sur le fait que la maison était particulièrement vide, et que les principales choses à montrer étaient les meubles d’origine appartenant aujourd’hui au Musée de la civilisation. Cette constatation était tout à fait juste, il y a certains meubles, mais la maison ne semblait pas habitée. Les clôtures blanches en plastique à l’intérieur frappent visuellement et elles ne sont pas agréables. L’interprétation du troisième niveau est plutôt mince, parce qu’en réalité, le guide ne sait pas trop quoi en dire. Mais à cause du parcours, traverser le troisième niveau après les jardins décourage la majorité des gens, qui pensent que la visite se termine à l’extérieur. Ainsi, à cause de la fatigue muséale, cet étage était simplement visité, si ce n’est carrément éliminé du parcours.

De plus, le guide souligne le peu de cohérence de la visite de la chambre des maîtres : passer par les pièces domestiques pour retourner dans une pièce bourgeoise n’était pas logique, d’après lui. On voit fort bien de la chambre des maîtres qu’il y a une porte secrète condamnée donnant accès directement au salon et qu’il serait bien de pouvoir l’utiliser. Il fait remarquer également que le discours officiel est très politique, et que pour divertir les

gens, il aime bien raconter des anecdotes sur la famille, mais qu’il lui manque d’éléments de la vie quotidienne pour compléter ses commentaires. Le discours des guides devrait être enrichi et varié. Nous étions d’accord avec tous les points soulevés par le guide d’expérience.

En ce qui a trait à notre critique, bien que le guide ait été fort intéressant lors de la visite, il nous apparaît seul dans un décor vide. Il a plus l’air d’un guide déguisé que d’une véritable personnification historique. Autrement dit, le décor ne lui rendait pas justice.

En termes de confort de la visite, nous trouvons que l’introduction est beaucoup trop longue. La pièce est petite, et se trouver dans la position debout et stationnaire pendant plus de quinze minutes n’est pas très confortable. Le discours est chargé de faits qu’on oublie rapidement, et ils ne sont pas répétés plus loin dans le parcours. La généalogie de la famille est difficile à suivre, surtout lorsque monsieur Chapais parle de son ascendance, dont plusieurs de ses ancêtres portent le même prénom. De plus, le bureau est le seul endroit où l’on voit des photos de la famille, sauf le portrait peint de Thomas et celui de Jean-Charles (père) à l’entrée. Au cours de la visite, lorsqu’on nous parle d’un membre de la famille, il est difficile de se le remémorer.

De plus, pendant cette introduction, le guide nous lance tous les faits politiques et historiques, comme un passage obligé, et le reste de la visite devient plutôt anecdotique. Pour assimiler davantage le contenu, il nous faudrait mieux répartir les faits et les anecdotes dans le parcours. Il y a également un grand déséquilibre dans la distribution des rôles des guides dans l’espace. Pendant la haute saison, M. Chapais veut faire sa partie rapidement, afin de retourner à l’extérieur pour inviter de nouveaux visiteurs à entrer. La guide Amélie, ne parcourant pas chaque fois le troisième niveau, a peu de choses à dire, tandis que les domestiques font les deux tiers de la visite à deux.

Pour ce qui est du parcours, il est vrai que faire sortir les visiteurs pour les faire revenir dans la maison n’est pas une bonne idée. En fait, c’est incohérent au niveau des discours et en termes de conservation préventive. Le sable, le gravier et les insectes entrent avec les

visiteurs dans la maison, venant salir, ou pire, détériorer les artefacts. Le parcours respecte une logique physique : nous faisons le premier niveau, le deuxième et l’extérieur, qui sont à la même hauteur et, enfin le troisième niveau. Alors, l’organisation du parcours sera nécessairement problématique.

Dès notre première rencontre, en novembre 2011, la direction avait déjà formulé sa critique sur l’exposition. L’expographie se devait d’être reconstitutive et immersive, tout en ayant une interprétation théâtralisée346. Ce type d’animation avait un franc succès à la Maison et devait perdurer. Par conséquent, le mandat consistait réellement à augmenter l’effet visuel, afin de créer l’illusion que la maison était habitée par la famille Chapais, augmentant ainsi la crédibilité de l’expérience immersive de la visite. Il était déjà acquis qu’il n’y aurait aucun texte dans l’exposition qui viendrait amoindrir l’effet du décor. De plus, il fallait trouver le moyen d’enlever les clôtures blanches, tout en assurant la sécurité des artefacts. Alors, à tout bien considérer, il ne s’agissait pas tout à fait d’un mandat de renouvellement d’exposition, mais bien d’une bonification de l’exposition actuelle.

Au niveau du discours, il fallait mettre davantage en valeur Jean-Charles (père) et Thomas, mais surtout intégrer les absents, dont Jean-Charles (fils), en aménageant une véritable place d’interprétation, et incorporer à l’exposition les filles Amélie et Georgette. Il y avait également une volonté d’incorporer plus d’épisodes de la vie quotidienne de la famille dans le discours et le décor. Quant au fournil, il était à réaménager complètement, afin de montrer les fonctions originelles de l’endroit.

La cuisine devait réintégrer le parcours. Jusqu’ici, il y avait le coin des employés qui avait dû être relocalisé ainsi que des panneaux didactiques sur le lin, qui eux, allaient sortir tout simplement de la maison. De plus, il y avait un problème au niveau des activités para- exposition, comme le thé d’Amélie qui se servait à l’extérieur, mais qui était tout bonnement annulé en cas de pluie. Lorsqu’il y avait un groupe scolaire, il était également

346 Nous choisissons l’expression « interprétation théâtralisée » plutôt que « living history ». Living history

signifierait que les guides font réellement une action, un travail sur le site. Or, ce n’est pas le cas. Les visiteurs ne les surprennent pas à faire une action spécifique. Ils évoquent une action, ou font semblant de la faire. Ils se trouvent dans une posture théâtralisée, mais ils n’actent pas réellement.

difficile de les accueillir correctement. Le groupe était divisé et réparti dans la maison, pour ne pas que tous commencent la visite au même endroit, ce qui faisait trop de personnes à la fois. Par conséquent, il fallait avoir une salle multifonction pour le thé d’Amélie et l’accueil des visiteurs. Immédiatement, nous avons demandé si le bureau de la direction pouvait être déménagé dans la chambre de la gouvernante, au-dessus de la cuisine, libérant ainsi cette pièce du premier niveau, devenue plus grande et plus spacieuse. Cette idée a été acceptée d’emblée.

C’est après cette discussion que nous avons accepté le mandat. Nous devions alors trouver un nouveau fil conducteur, réaménager la maison et le fournil, et composer un scénario pour les guides. La contrainte principale était l’ouverture obligatoire de la Maison durant la saison estivale à venir (été 2012). Il fallait donc que la Maison soit opérationnelle pour le 1er juin de cette année ; il restait moins de six mois. C’est également à ce moment-là que nous avons reçu le deuxième mandat : aménager la visite autonome sur tablette numérique, ce dont nous reparlerons de notre deuxième terrain.

Nous avons rencontré la direction à nouveau le 16 décembre 2011. Nous avons alors discuté de nos honoraires ainsi que de la projection du calendrier pour les mois à venir. Il était clair que ce délai était passablement court, et nous aurions voulu repousser l’ouverture de la saison estivale à la Saint-Jean-Baptiste (24 juin), début de la haute saison, et non commencer le 1er juin tel que prévu. Cette date nous a été refusée, car on considérait que le décor prévalait sur le scénario. Dans le pire des cas, l’ancien scénario serait repris pendant l’été 2012. Nous avons également soumis un budget que nous avons discuté avec la direction. Cela nous a permis de nous faire une idée du budget d’achats dont nous disposerions pour achever le décor.

Nous avons été embauchés à raison de 24h/semaine pendant un an. Le décor devait être terminé le 1er juin 2012, le scénario le 1er juillet suivant. En août débuterait le mandat de la tablette numérique, afin qu’elle soit prête pour le 23 novembre 2012, c’est-à-dire pour l’événement « Noël en Kamouraska », fin de semaine culturelle dans ce comté. Le mois de décembre servirait à faire les ajustements qui s’imposaient suite aux commentaires des

visiteurs de l’événement. Cependant, cet échéancier ne sera pas tenu et sera repoussé de six mois.