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L’ESPACE COMME ENJEU DE STRATÉGIE EXPOGRAPHIQUE

2.6 CONCLUSION DU DEUXIÈME CHAPITRE

Au fil de la lecture du chapitre, on se rend compte que l’espace n’est pas qu’un enjeu stratégique expographique, mais qu’il exprime plusieurs enjeux. L’espace n’est pas qu’une simple composante, il constitue la pièce maîtresse du produit final qui est destiné aux visiteurs. Ce chapitre nous aura permis de comprendre son importance dans les décisions expographiques.

L’espace n’est pas qu’un volume, l’humain doit s’y déplacer afin de se l’approprier, mais l’espace est aussi aménagé pour influencer le mouvement de l’homme. Il en va de même pour l’exposition. Celle-ci est un médium d’espace qui vient influencer la perception sensorielle et cognitive de ceux qui la visitent. Cette influence ne se fait pas qu’avec l’aménagement des choses (la mise en espace), mais également par la planification du regard. Il y a là une intention derrière : celle de transmettre des connaissances (le programme scientifique).

C’est avec cette intention que s’est construit le mode de fonctionnement de Davallon dans une séquence rigide de la conception expographique, qui se voit contrainte de passer par la logique du discours pour basculer dans celle de la spatialité. En fait, pour Davallon, l’espace est malléable et docile. Le sémiologue donne l’impression que l’espace est acquis. Pourtant, l’espace est un moment de réalisation, un moment où toutes les idées des différents spécialistes convergent et prennent forme. Cette situation engendre facilement des conflits qui ont des répercussions directes sur l’exposition. L’espace n’est jamais à négliger. Les modes de fonctionnement de Davallon laissent peu de place à l’interactivité. S’il y en a, c’est parce qu’elle est subordonnée à un objet ou à un propos : ce n’est qu’un simple outil expographique. Davallon n’incorpore pas la liberté du visiteur : celui-ci est souvent perçu comme un être soumis, dirigé et dirigeable. Pourtant, les études sur les visiteurs ont démontré une grande liberté de déplacement du visiteur au sein de l’expographie. Par conséquent, le parcours ne peut pas qu’être le fil conducteur du discours. Il est plus que cela : il devient une variable à respecter dans l’énonciation expositionnelle.

Cependant, on se rend vite compte qu’il n’y a pas qu’un seul concept de parcours, qu’il y en a plusieurs. Ce sont les études des visiteurs qui viendront enrichir l’élaboration de notre cadre réflexif. En effet, le Dictionnaire Encyclopédique fait la distinction entre le trajet prévu et le trajet vécu. Les observations sur le terrain ont dû segmenter ces deux notions, afin de les faire mieux correspondre à la réalité observée. Le parcours vécu par le visiteur se scinde en deux à nouveau : l’observé (le cheminement physique) et le cognitif (le cheminement intellectuel). Les chercheurs qui observent le travail des expographes avouent également la présence d’un compromis qu’il faut faire pour arriver à déterminer un parcours. Le discours, encore ici, n’est pas la seule variable dans cette discussion. Mariani- Rousset nous a permis de diviser en deux, à son tour, le circuit élaboré par l’expographe : celui qui est pensé au départ et qui reflète la pensée discursive et celui qui est finalement proposé, parce qu’il a été confronté à la réalité et qu’il en devient un résultat de compromis. Cependant, même avec cette division, l’auteure croit que tout parcours spatial proposé découle immanquablement du fil conducteur déjà établi au préalable. Nous devrions en déduire que toute conception d’exposition se fait ainsi, mais l’article de Meyer nous a mis la puce à l’oreille en avouant qu’en tant qu’expographe, il lui arrive de voir son parcours pensé être chamboulé parce qu’il est impossible de l’exprimer spatialement avec cohérence dans l’ensemble. Par conséquent, l’espace peut être plus fort que le discours. Et même si les muséologues ne l’avouent pas ouvertement, nous restons convaincue que cela arrive plus souvent qu’on pense, même que cela doit arriver à tout coup. La nature de l’espace apporte ses propres contraintes à l’exposition, beaucoup plus que le programme scientifique ne le laisse entrevoir.

Ainsi s’articule notre cadre réflexif (voir la figure 6) : l’exposition est avant tout un médium de spatialité qu’il faut parcourir. Le visiteur doit avoir le désir de le franchir. Il doit s’engager de manière volontaire, et l’expographe doit déployer des stratégies spatiales pour l’y encourager. La visite est dorénavant comprise non comme une lecture linéaire du récit, mais comme une expérience non-linéaire333 de mise en présence avec l’espace. Grâce à la

333 Marshall McLuhan avait déjà annoncé cette approche en 1967, nous reviendrons sur sa vision au point

4.3 dans le dernier chapitre. D’ici là, nous pouvons nous référer au livre McLUHAN, Marshall, Harley PARKER et Jacques BARZUN, Le musée non linéaire, ALÉAS, Paris, 2008, 216 p.

typologie de Bossé, l’expographe doit commencer sa planification par l’élaboration de l’expérience de visite, en choisissant le type de visite et en déterminant comment les quatre composantes de la mise en présence seront exploitées. L’expographe doit aussi tenir compte du fait que l’expérience de visite est influencée par la nature de l’espace (physique ou virtuel). De là, il poussera son concept à travers les contraintes du lieu physique (l’architecture) et du discours (le programme scientifique), dont le résultat aboutira au parcours proposé. Le tout se réalisera dans la volumétrie du lieu.

TYPOLOGIE DES MODALITÉS DE