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L’EXPOSITION PERMANENTE DE LA MAISON CHAPAIS La reconstitution matérielle

NIV THÈME PIÈCE PERSONNAGE PÉRIODE 1 er Vie

I- 3.1 – La gestion de projet

Il y a d’abord eu des lacunes au niveau de la gestion de projet. Au départ, la faiblesse se percevait dans l’ignorance de l’équipe entière de l’organigramme, notamment par l’expographe. Malgré le document du plan stratégique, il aurait fallu une réunion au cours de laquelle la direction aurait rassemblé les acteurs autour d’une même table, afin d’établir le rôle et les responsabilités de chacun. Bien que l’expographe connaissait les noms des institutions et des partenaires, leurs positions et leurs pouvoirs décisionnels étaient mal définis et sont restés flous tout au long du projet, du moins pour l’expographe.

Avec cette réunion, un document de planification, qu’on aurait pu considérer comme la mise à jour du plan stratégique, aurait dû accompagner les présentations et les discussions. Barbara Abramoff Levy et Meggett B. Lavin355 démontrent, dans leurs publications, l’importance d’avoir un plan d’orientation qui aide à concrétiser une vision commune ; un tel document regroupe et résume les objectifs d’un projet, les forces et les faiblesses de

354 Voir l’organigramme à l’annexe C.

355 LEVY, Barbara Abramoff, « Ch. 2 – Interpreting Planning: Why and How », p. 44-46 et LAVIN, Meggett B.,

« Ch. 12 – Building a Tool Kit for Your Interpreters: Methods of Success from Drayton Hall », p. 251-268, dans Jessica Foy DONNELLY, dir., Interpreting Historic House Museums, AltaMira, Walnut Creek, 2002.

l’offre muséale et les attentes de chacun (direction et guides) face à la visite356. Avec un tel

plan, toute l’équipe se serait sentie investie et comprise dans l’énoncé.

Contrairement à cela, l’expographe s’est retrouvée dans une microgestion dans laquelle elle a eu un contact restreint avec les instances spécialisées (Comité scientifique, CCQ, Parcs Canada et MCCQ). L’information transmise était toujours filtrée par la direction. Avec le recul, les décisions prises pour le décor n’ont tenu compte que d’un simple tableau jouant le rôle de synopsis. Le scénario n’étant pas achevé, la situation l’a réduite à ne faire que du bricolage. Son rôle consistait simplement à recoller les différentes pièces, en justifiant ses décisions par l’espace et l’aménagement.

Cela nous amène au deuxième point : la gestion du temps. Avec du recul par rapport à la situation, nous constatons que cinq mois pour parachever le renouvellement de l’exposition permanente d’une maison historique à trois niveaux est vraiment irréalisable. Il aurait fallu que l’expographe prenne d’abord connaissance de la documentation, qu’elle élabore dès les premières semaines un synopsis et un scénario temporaire pour planifier l’aménagement du décor. Bien que le mandat mentionnait une bonification de la visite existante, le décor devait subir des transformations importantes à la faveur des interventions du CCQ et de Parcs Canada.

L’ouverture de la maison pour la saison touristique estivale créait beaucoup trop de pression sur la main-d’œuvre. Il n’y avait aucune place pour les imprévus, et pourtant, il y en a nécessairement eus. Cela a eu pour résultat que la Maison a été ouverte le 1er juin 2012 de façon incomplète et avec un ancien scénario pour la visite guidée. Il a fallu attendre une année pour l’achever dans le détail avec la fin du deuxième mandat.

Le dernier problème de taille a été l’échec de l’implantation. Une gestion de projet ne se termine pas lors du vernissage, mais bien lorsque la mise en route du produit a été effectuée par une passation aux employés. La fixation du produit dans l’offre muséale de l’institution

356 LEVY, Barbara Abramoff, « Ch.2 – Interpreting Planning: Why and How », dans Jessica Foy DONNELLY,

est cruciale. Levy souligne l’importance de l’analyse de l’offre faite par tous (self-analysis) pour l’intégration357. L’expographe avait pris en compte les préoccupations autant des

guides que de la direction. Il aurait fallu les incorporer dans le plan d’orientation, afin de faciliter l’acceptation du changement en démontrant que les objectifs ont été atteints.

Lorsque le scénario de juin 2012 a été réalisé, il aurait dû y avoir une réunion avec les guides, la direction et le metteur en scène. Il aurait même été bon de tenir une réunion préalable avec le directeur et l’expographe, afin d’afficher une vision commune et de faire preuve d’une certaine cohérence de l’autorité et de l’encadrement face aux guides. Il y a vraiment eu un laisser-aller avec les guides. Cette lacune a solidifié une résistance au sein de cette équipe de médiation, surtout chez le responsable, qui était anxieux face aux changements.

Cette réunion préalable aurait permis de corriger le manque de cohérence entre la direction, le metteur en scène et l’expographe. La discussion sur l’ouverture ou non du salon au public a été la démonstration d’une divergence de vues. L’expographe a dû lâcher prise, car elle était un électron libre et extérieure à l’organisation ; il fallait bien qu’elle se rende compte qu’ultimement, c’est la direction qui gère son institution. Somme toute, cette divergence va se perpétuer, pour aboutir au refus, à l’été 2013, du parcours du scénario. Le metteur en scène ne connaissait pas la demande spécifique de départ (objectifs et attentes) et n’était pas d’accord avec toutes les nouvelles dispositions. Par conséquent, il était prévisible, face à toute cette confusion, que les guides ne sautent pas à pieds joints dans le scénario. Toutefois, ils ont apprécié le nouveau décor bonifié et leurs nouveaux costumes.

I-3.2 – Le dispositif

La maison historique est un musée dans lequel l’aspect in situ produit ses effets. On croit à tort que les maisons historiques reproduisent la vie antérieure, or elles sont plutôt une représentation358 de celle-ci. Ce n’est pas tout de remettre la maison entière dans son état

357 Idem.

358 CABRAL, Magaly, « Exposer et communiquer dans les maisons-musées : raconter l’histoire et la société », Museum International, (Paris, Unesco), no 210 (vol. 53, no 2, 2001), p. 42.

d’origine, il faut également « réfléchir à l’engagement muséologique représenté par la transformation d’espace de vie en musée 359. »

Les institutions comme la CCQ, Parcs Canada et le Ministère se sont attardées à l’élaboration du décor, sans penser nécessairement à la place de l’interprétation et de la médiation culturelle de la Maison. Le visiteur était absent de leur réflexion, si ce n’est des petites mesures de conservation préventives pour protéger la surface du plancher. Il n’y a eu qu’un petit document, qui ne relatait que les couleurs et les choix de papiers peints. La priorité des informations a été transmise oralement ou par courriel à la direction, sans laisser véritablement de traces.

Avec les recherches de l’historienne, son document de travail grossissait au fur et à mesure de son avancement. L’expographe était toujours dans les détails des découvertes, sans prendre une véritable distance par rapport à l’état des connaissances des lieux. Un plan d’aménagement aurait alors enrichi le plan d’orientation. Ce document explique les pièces, leurs fonctions et les activités qui s’y déroulent et quels sont les meubles qui pourraient s’y trouver360. Il accompagne le scénario. La Maison Chapais a la chance d’avoir un prêt à long terme du Musée de la civilisation, et le renouvellement de l’exposition entraîne également le renouvellement du prêt. Encore ici, le conseil d’administration n’était pas intéressé à retourner des meubles au musée, il voulait garder le plus grand nombre de meubles et d’objets possibles. Par conséquent, le plan d’aménagement était déjà induit, il fallait utiliser tous les meubles disponibles pour justifier le renouvellement. Brooks relève le fait que les maisons historiques possédant leur mobilier d’origine ont tendance à mettre l’accent sur eux361. Cela a été le cas pour l’ancien scénario, dans lequel le discours reposait davantage sur les meubles que sur les personnages. Il fallait rééquilibrer le dispositif.

Le plus gros problème a été causé par le papier peint panoramique du salon. Les suivis de la production ont été trop lâches. L’équipe a perdu trop de temps à se contenter des courriels

359 Ibid., p. 41.

360 BROOKS, Bradley, C., « Ch.6 – The Historic House Furnishing Plan: Process and Product », dans Jessica Foy

DONNELLY, dir., Interpreting Historic House Museums, AltaMira, Walnut Creek, 2002, p. 132-13333. Ibid, p.

131.

du designer, sans exiger de voir des résultats concrets. La chaîne opératoire était trop longue : expographe – direction – graphiste (ami contact) – graphiste. Elle était inefficace. Le papier peint a été finalement posé en novembre 2012. Il y a eu aussi un chahut entre les spécialistes, qui débattaient sur les couleurs soi-disant trop voyantes ainsi que sur les cadres accrochés au-dessus de la tapisserie. L’expographe, bien que présente, a été exclue de cette discussion. Son malaise était tel qu’elle a fourni des preuves bibliographiques, autant sur la couleur du panorama et sur le choix des tableaux que sur la décoration, pour authentifier ses choix expographiques face au spécialiste du papier peint. Il va sans dire que le décor était surchargé aux yeux des visiteurs d’aujourd’hui, que le papier peint ressemblait à une bande dessinée, mais que ce décor historique représentait bien cependant l’aspect hétéroclite de l’époque. La décision finale de la direction et de l’expographe a été de retirer les cadres du salon pour laisser la scène panoramique, qui était déjà assez chargée, afin de ne plus contrarier l’œil du visiteur. Néanmoins, elles ont assumé le choix des couleurs voyantes. Quoi qu’il en soit, la planification des aménagements a été ardue, parce qu’il n’y avait pas, encore là, d’unité de vues sur le produit final.