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Les modes de professionnalisation de l’accompagnement muséal. Profils et trajectoires de médiateurs
Aurélie Peyrin
To cite this version:
Aurélie Peyrin. Les modes de professionnalisation de l’accompagnement muséal. Profils et tra- jectoires de médiateurs. Sociologie de l’art, L’Harmattan, 2008, OPuS 11 & 12 (1), pp.139.
�10.3917/soart.011.0139�. �hal-01518626�
LES MODES DE PROFESSIONNALISATION DE
L'ACCOMPAGNEMENT MUSÉAL. PROFILS ET TRAJECTOIRES DE MÉDIATEURS
Aurélie Peyrin
L'Harmattan | « Sociologie de l'Art »
2008/1 OPuS 11 & 12 | pages 139 à 169 ISSN 0779-1674
ISBN 9782296052338
Article disponible en ligne à l'adresse :
--- http://www.cairn.info/revue-sociologie-de-l-art-2008-1-page-139.htm
--- Pour citer cet article :
--- Aurélie Peyrin, « Les modes de professionnalisation de l'accompagnement muséal.
Profils et trajectoires de médiateurs », Sociologie de l'Art 2008/1 (OPuS 11 & 12), p. 139-169.
DOI 10.3917/soart.011.0139
---
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Les modes de professionnalisation de l'accompagnement muséal.
Profi.ls et traiectoires de médiateurs
Aurélie PtrvntN, Cenre Maurice Halbwachs, Equipe Ptofessions,
Réseaux,Organisations -
Patis.ÂNs LEs
uusÉes NATtoNÂux, I'histoire de
I'accompagne-ment commence à la chamière entre le XIX" et le XX.
sièclel. Cette histoire est marquée par deux enjeux distincts:
démocratiser I'accès à
I'art
et à laculture d'une parq
en accrois-sant et diversifiant la fréquenation
desinstitutions
culnrrelles,et accroître les
ressourcespropres et l'attractivité du
muséed'autre part,
àtravers une offre de
senrices d'accompagnementaux visiteurs. Quel que soit leur satug de
nombreusesinstitu- tions culnuelles proposent auiourd'hui
auxvisiteurs
des formesd'accompagnement variées, prises en charge par des
acteutsaux stâtuts divers (bénévoles, contractuels,
fonctionnaires,indépendans, pour
I'essentiel).I Nous avons retracé cette longue histoire, méconnue dans les tnvaux portânt sur I'histoûe culturelle française (Jrfalino, 1996; Poirrier, 1998; Dubois,
t99)
en étudiant les archives des Musées Nationaux et celles du ministère de la Culture, sur la periode 1865-1994,
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Aurélie PEYRIN
Nous nous intéressons ici aux médiateurs sdatiés par
descollectivités publiques et
exerçânt dans les muséespublics
soustutelle du ministère de la Culture et de la Communication (es
muséesde France, au
sensde la loi n" 20024). Nous
avons étudié les médiateurs de musées sans les considérercomme
uneentité préeristante, déià constituée. L'objectif est au
coûtraired'interroçt la consisance d'un
rassemblement des médiateursautour d'un même travail, défini a minima cosune
I'accom- pâgnement des visiæurs dans les sallesdu
musée,pour
les aider àcomprendre
cequi
sedonne
àvoir
à travers les æuvres dansle cadre d'une visite guidée, d'une conférence ou d'un
atelier par exemple.M"lgté l'impulsion fondatrice des pouvoirs publics dès
1920, les médiateurs des nruséespublics
ftançais nepan'iennent
pas à seconstituer co[rme groupe professionnel autour d'une
aited'expertise spécifique, ou
<iuridiction > selon les
termesd'Andrew Abboa
(1988)2.Nous
présentonsici
une analyse desmodes de
professionnalisation3de I'accompâgnement muséal
baséssur I'analyse des profils et traiectoircs des
médiateursrencontrés
en2002-2003 dansvingt
musées.Pout comprendte la formation des modes
deptofessionndi- sation, il faut d'abotd
ébaucherle
cadreinstinrtionnel et oræ- nisationnel. taccomp4gnement est né d'une volonté politique de démoctatiset la culture: les pouvoits publics ont été
àl'initiative de la création d'un marché de
I'accompagnement,d'un
espacede qualification et d'un cadre statutaire dans la
2 Une iuridiction désigne le lien entre un groupe professionnel et une activité de travail
3 < La professionndisation [est] entendue coctme la constitution d'un obiet d'intenention spéciÊque, répondant à un besoin d'iaérêt genéml, sur lequel se positionnent des acteurs qui tienoent leur légitimig6 de la reconnaissance d'une expenise reposant sur des savoirs savants et éptouvés et d'un système de références nomratives de type éttrigue, et qui dweloppent entre eua utr processus de socialisation r, Àballéa,2@5, p. 62
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Lcs uodes dc prolcssionnaliution de I'anoupagneueal nssêal
fonction publique territoriale. Qu'en est-il dans les
muséesaujourd'hui ? Comment organisent-ils le travail
d'accompagne- ment etcomment g&ent-ils
cette maind'euvre
?On s'intétessera ensuite au point de vue des acteurs,
lesmédiateurs
eux-mêmes: qui sont les
médiateurs? Quels sont les parcours professionnels possibles, et quelles
traiectofues biographiquespeut-on
observer ?Pour rendre compte du
vecudes acteurs, nous pfoposons une typologie des modes d'in-
vestissementdans le métier de médiateur qui articule
stâbilitéde I'emploi, satisfaction au travail et ttajectoire biogaphique, afin d'illustret
plusieurs modes de professionnalisation.On abordeta enfin trois
élémentsconstinrtifs de l'identité pro-
fessionnelletelle que la définissent les
sociologues desprofes-
sions4,et qui sont
dansle
casprésent eutant de
révélateuts deI'inachèvement du projet
deprofessionnalisation de
l'accompa-gnement muséd:
lesqualifications et
compétences spécifiquesne sont pas vraiment
reconnues,la rhétorique
professionnelleest
éclatéeentre les différentes figures de médiateuts, et leur dénomination
même échappeen6n
aux acteurs.a Pour une présentation complète de ce champ de la sociologie,
I
Dubar etTripier, 1998.
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Aurélie PEyntu
Cbanp et sources des
donnéesCet atticle s'appuie sur I'analyse statistique d'une base
de données téaliséepar
leDéparæment
despublics
de la Dfuection des Muséesde France (DN[F) du Ministère de la Cultute. La
basecontient
lesinformations
récoltéespar le biais d'un
ques-tionnaire
adresséen 2001 aur quelques
1300
musées publics(ou semi-publics
dansle
casde
certaines associations) directe-ment concernés par la loi relative aux musées de
Frances.Ce questionnaire visait le
recensementdes personnels et
desmoyens affectés à l'accompagnemeng ainsi que des
actions entreprises; il a êté renvoyé pt 709
musées.Ces
données inéditessont paniculièrement
exhaustives, puisquela
base de laDMF comprend en oufte de nombteuses inforrrations qui pennettent
de ptéciser les caractétistiques des musées enquêtés.La distdbution des carâctéristiques des répondants
estreprésenative de l'ensemble des
musées destinaahes6,ce qui compense partiellement le taux de non-réponse à
Penquêteadministrative (46"/ù.Les musées de France sont de
petits musées(environ
lesdeux tiers comprennent neuf
employésou moins; et envfuon un tiers trois employés ou moins),
situés dans despetits villes (un peu plus de la moitié
des musées deFrance est implantée dans des villes de moins de
200@
5 Loi no 2@2-5 du 4 ianvier 2AO2 rc)dtive aur musées de France. À traven la création d'un label <r musée de France n, cette loi ent&ine les nouvelles telations entre les musées publics gérés par des collectivités ærritoriales, des éablis- sements publics ou encote des associatioas avec la tutelle du ministère de la Culture et de la Communicatioru Iæs ctiÉres distinctifr des musées de France tels quïls sont établis pat
b
l-oi tiennent à la fois aur missions pemaaenæs des musées (< I /Connn4 nsbtûet étuliet et emicbir lem nllccrhas; 2/
Readn bsn nlbabw acccstiblæ at ?ublic h phu latgt ;l/
Cnæyoir et mettn en ctd,nùt
aaions d',îducation ct dc difuion aùaat à assmr l'êgal ucès &bu
à b aitan;4/
C.oiaibuer aax pnsnt dc la nnnaiçtanæ et deh
ncbettbe aiai ga'ô bm difuion >,,l urle
2) maisaussi aux, tuifs, à lTnaliénabilité des collections, etc"
6 [.es musês r@ndants sont représentati6 de la base de sondage sur les ctitères suivans : satut du musée, aille du musée et taille de la ville d'implantation, geore des collections.
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Iss nodes de prolessionulitation de I'accontpagneuent anûal
habitants), et gérés par des collectivités territoriales.
Leurscollections sont
très souventpluri-thématiques : la
< discipline >la mieux
représentéeest l'histoire
(42o/ù,puis les Beaux Atts
(40o/ù,1'archéologie (38%o),et I'ethnologie Qzo/ù,
suivispar
les sciences et techniques Q7o/ù7.Le volet qualiatif de l'enquête est corstitué d'observations et d'une centaine d'entretiens
réalisésdans vingt musées: dir
enrégion parisienne et dix
dansdeux
autresrégions. Pour
mieuxsaisir la division du ravail, les grands
muséesde Beaux Arts sont
sur-représentés dans cevolet
del'enquête.
L'ensemble estcependant diversifié de façon taisonnée : quetorze
muséesptésentent des collections
artistiques(deux musées
nationauxdans la ville
no1, deux
muséespdvés - une
association, unefondation d'entreprise -
dansla ville
no1, dix
muséesmunici-
paux en régie: trois
dans laville
no1, sçt
dansla ville
no2
etun dans la ville r"
3); deux
muséesptésentent
des collections de .rciences, tecltniques et société(éablissements publics
sous nrtelle del'Éat
situés dans laville r"
1); deux
musées des collections scintifques dans lesvilles
no 1et
no 3; et deux
musées dépane-mentaux d'Ile-de-France présentent enfin des
collectionsI;e caone
INSTITUTIoNNEL ET oRGANISATIoNNEL DE L'ACCOMPAGNEMENT MUSÉALNous définissons les médiateurs de musées comme
lestravailleurs chargés d'accueillir et d'accompâgner les
visiteursqui sollicitent leurs
sen'icespour
lesguider
dans les collections.Leur rôle est d'aider les visiteuts à interpréter les æuvres
et7 l-es sciences et technigues regroupent < techniques et industrie n, < sciences de la nature et < sciences fondamenales u Si les muséums dtristoire natutelle font partie des musées de France, ce n'est pas
le
cas des Centres de cultute scienti6que et technique par exemple.Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
Âurélie PEYRIN
objets de
musées,en mobilisant les outils de I'histoire de l'art dans le cadre d'un accompagnement personnalisé (une
visite guidée,une confércnce ou un atelier par
exemple).Parmi
eurqla population
énrdiée est composée des personnels d'accompa-gnement tecrutés et rémunérés par les collectivités
publiquesqui gètent les
muséesde France. La fenêtre d'observation
estainsi réduite à envircn
1000 médiateurs dans les
musées deFtance, sur une population
estiméeà plus de
5000 individus détenteurs d'un titre recomus par le loi de 1992 (mais
pasfotcément
actifs).I-etpolitiqrespubtiques
eth r6lt central ù lÉ,tat
Les
muséesnationaux ont coûlmencé à tecruter leus
propresconférenciers en 1920; coûrme les guides ioterprètes
indé-pendants, ceux-ci étaient
chargésde guider et d'orienter
lesvisiteurs au couis de
<<conftrences
pfomenades>
agrémentées decommenaircs et d'explications
sur les æuvres.Il
s'agissait làd'une initiative interne, approuvée par les conservatews
desmusées qui voyaient là une excellente oppornrnité pour
lesanciens
élèvesde l'École du Louwe. L'organisation de
cetteoffre de services aux visiteurs fut ensuite
prcgtessivementéablie pat
décrets, en,7928,puis
1931.Des
années1930 aux
années 1980,l'accompagnement
muséalfut progressivement institué par l'État
"ômme la
chevilleouvrière
despolitiques
dedémocratisation
dans tous les muséessous
sanrtelle. Durant cette période, les inciations
politiquesfurent
assortiesde subventions pennettant d'offrL la gatuité de I'accompegnement à des publics ciblés: les
travailleursouvriers en 1936, les scolaires à pattir de
1945...8I On peut relwet schématiquement trois grandes étapes politiques à travers les archives des musées nationaur et du ministère de la Culture: le Front populaire (y' aussi Peyrouzère, lW9),1^ Libération et le premier gouvem€ment lvûtærra,od dans les années 1980.
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Les nodet de prolesrionnalisation de l'acconpagnencnt auéal
L'intervention de l'État
changeacependant de forme
àpartir des
années1980: les subventions du ministère de la Culture furent progressivement affectées aux collectivités terdtoddes pour qu'elles développent une offre de médiation dans
leurspropres
musées.À U nn
des années 1980, une équipefut
cons- tituée au sein de laDirection
des musées deFance pour inciter
les musées àprofessionnaliser
I'accompagnement (désigné sous le terme de <médiation
culturelle >).Les atchives du ministère de la Culture pennettent de tetracet éape px
étapece projet ambitieux, qui consistait à créer un
espace
dt
qualifutionsd'une part et des
Éfervf,tieb et caùwdbnpbi
d'autre part.Au
cours des années 1990, le ministère de la Cultureéablit
des partenariats âvec deséablissements
d'enseignement supérieurpour mettre
en place unefilière
deformation
universi- tairecomplète
(duDEUG
auDESS)
sur I'ensembledu ænitoire
français.Le
CenueNational
de laFonction Publiçe Terrioride fut
égalementmis à contribution: les concouts de
tecrutementde trois nouveaux
cadresd'emploi de la 6lière cukurelle tad-
toriale
furent
aménagéspour
accueillir des médiateurs (attaché deconservation du patrimoine
en catégorieA,
assistant et assisantqualifié
deconsewation du patrimoine
encatqiorie
B).Comment
les muséespublics,
etnotamment
ceux,çrés pat
lescollectivités territoriales, ont-ils
têag1à ces initiatives de leur tutelle
?Qu'en est-il d'abord des formes d'otganisation et
desformes d'emploi ? Notons d'abotd qu'en 2001, seulement
lamoitié des musées de France était dotée d'un service
despublics comprenant au moins une pe$onne équivalent
temps pleine.Les deux tiers
des services despublics comptent
moinse Si I'on considère le nombre de personnes phpiques déclarées, 2/3 des musées
de France emploient au moins une personne pour I'accompagrement des visiteus, Le diffrrentiel conoeme esseatiellement des < enseignants-relais r mis à
disposition des musées pour developper des liens avec les éablissement scolaires,
f.
Catlleg1995 ; Buffet, 1998 ; Peyrin, 2@5.Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
Aurélie PEYRIN
de deux
personneséquivalent temps plein,
cequi
est cohérentavecbpetite aille
des musées de France en moyennelo.Le
marcltédu traaail
desmédiateurs dans
lesnu$es
deFranæ
Les collectivités terdtotides peuvent employer leur
personnel sous desfomres d'emploi
diverses: fonctionnaires tecnrés
surconcours, mis
àdisposition ou déachés; contrachrels de droit public ou de droit ptivé (es emplois
jeunes,par
exemple),ou encore vacations (forme de salatiat intermittent et non per- manent). Dans le
cas des médiateurs,la configutation d'emploi la plus ftéquente est marquée pzt la ptécatité, $ Tableau
7 ;plus
desdeur tiers d'entre eux sont en emploi non
pemranent,voire intemrittent.
Tableau 1. D$rrusunoN ors lÉ,otarsuRs sELoN rrs FoRt\tEs D'Elrplor
Médiateurs # %
CDI
Fonctionnakes
23
7n
3 26
Total stabh 200 29
Vacataires
CDD
Emplois
ieunesn9
63 146
,{0 9 21
Total instabb 488 70
Professeurs mis à
disposition
5 1Total
693 100Sonw: errtqvêæ a Publics >, non réponses et autries réponses exdues (267o)
Seulement 307o environ des médiateun sont
fonctionnairestitulaires eg parmi
eux,la moitié sont en
catégodeC
(agentdu paaimoine). Or, depuis 1991, les collectivités
publiqueslo Source : base DMF.
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I*t
uodes de prolessionnalisation de I'acconlagneileal atusêalpeuvent recnrter des médiateurs sur des cadres d'emploi
defonctionnùes territoriaux en
catégodeA et B, dont les
con-cours ont précisément étê
arnénagés dans cebut (la médiation
est
I'une
des guatreoptions pour
les épreuves d'admission)tt.Comme nombte d'employeurs, les collectivités publiques
cher-chent
à s'assulerun maximum de flexibilité en iouant en prio- rité sur
l'aspectnumérique (et
passur
I'aspectqualiatif ou
surla flexibilité fonctionnelle, on le vena),
c'est-à-direen ieportant
le risque d'emploi associé au risque d'activité sur le
salarié(Beauioint-Bellet,
2004; Dupuy et Larré,
1998).Les
musées deFtance mettent en ceuvre des saatégies d'organisation et
degestion de la main d'æuvre différenciées (selon le lieu d'im- plantation, le statut du
musée,son effectif, etc) qui influent et reflètent
àla fois
les stratégies muséales dediffusion
culturelle.I-es
modesd'organisation du trauail dans
les sentiæs detpublics
Quels sont les choix des
muséesen matière dbrganisation du service des publics ? Comment ces choix s'adaptent-ils
aucontexte et aux besoins des
éablissements? Pour repondre
à cesquestions, nous avons exploité la
basede données de
la DMF12afin
deconstruire une typologie qui
associeéuoitement
modes de gestion dela main
d'ceuvreet formes d'organisation;
ce
ttavail quantitatif a été complêtêe par
des sessions d'obser-vation
réaliséesdans une vingtaine de
muséesaux
caractéris-tiques variées. Nous distinguons principalement trois
modes d'organisation.ll [æs autres sont: conservation, histoire dcs institutions de France, sources documenaires.
12 Analyse des correspondances multiples suivie d'une classi6cation ascendanæ hiéanchique avec le logiciel SPAD.
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Àurélie PEYRIN
Pæmier cas :
m
tnutpetit musêe dans ufiePtih
tilleL,es musées
et les services des publics étant en moyenne
depetite taille, on n'y tfouve souvent qu'un
seulmédiateur
charge de toutes les tâches et activités liées àl'accompagnement
Celui-ci parage alors son temps entre l'accueil des groupes dans
le musée Geqoi
reptésentepar
exemple deux classespar jour
si lavisite due
deux heures),et tout le travail en amont: concevoir
les visites,progremmer cette offre
enfonction
des expositions,prospecter de nouveaux clients, réceptionner les
appels(demandes
d'information et réservations), etc. Un
médiateurisolé parvient généralement à répondte à la demande
despublics
<captifs > (es scolaires essentiellement), qui
soutien-nent la fréquentation du
musée.Débordé par le quotidien,
cetype de médiateur ne dispose cependant pas de temps pow renouveler I'offre
existanteou prospecter de nouveaux
publics- quT
nepourrait
detoutes
façons pasaccueillir
seul.Second cas : un grand musée dars une tràs grande ville
Dans
les grands musées, I'accompagnement estle plus
souventg&ê
parune
équipede
médiateurs vacataires,qui sont
charges deconcevoir leurs ptopres visites puis de conduire
les groupes dans les musées. Ces médiateurstravaillent de façon
et souvent
imprévisible et sont
sollicitéspar l'organisation
auûl des besoins. La présence de médiateurs vacataires dans un
musée nécessite généralementla
présenced'une personne
(un enseignant-relais,un
agentde
servicetechnique, ou encote un
responsable de service)qui ptend
en chargetoute lbrganisation
de leur travail: I'accueil et I'information du public,
l'éta-blissement des plannings individuels et collectifs, I'euegis- trement
des réservations.Dans
cetteconfiguration, le uavail du
service despublics
consiste essentiellement àg&er
desflux
de visiteurs.Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
Let modes de proJessionaalisalior de l'accoatpaglcment musëal
Tnisiène
ft,J:
un nsséedl
tailh nEeme dans sne rille mEenne Les médiateurssabilisés
(contracnrelspour
plusieurs annéesou fonctionnaires) travaillent en
revancheselon un rythme
déter-miné à I'avance (souvent plus d'un plein temps), et
peuvent consacrerce temps rémunéré à d'autres
tâchesque
celles des vacataires:
organiserle travail
del'équipe ;
évaluerl'offre
exis-tânte et concevoir de nouveaux
servicesd'accompagnement;
prospecter de nouveaux publics ; ou encore participet
àd'autres fonctions
muséales,plus proches de la
consenrationl3.On
lestrouve plus souvent
dans descollectivités qui
prennentla décision
de stabilisercette main
d'ceuvre (dansle
cadted'un protocole de résorption de I'emploi précaLe par
exemple)la.Une collectivité qui décide de créer de nouveaux emplois
defonctionnaires pour
les médiateursde
ses muséestend en effet
àredéfinir explicitement leurs missions:
dansles
muséesde
laville
no2 comme dans celui de la ville
no3, les
médiateurs stabilisésont reçu l'injonction de diversifier I'offre
d'accompa-gnement afin de
s'adresserà tous les publics de la ville, et
de s'adapteren particulier
àceraines cibles (es
handicapésou
les personnesen difficulté par
exemple,ou encore les
personnels municipaux).Les
stratégiesd'organisation et de gestion de la main d'æuwe
muséaledéterminent une offre de travail marquée par l'inter- mittence. Les emplois permanents sont particulièrement
peunombreux, et sont
accessiblesvia
desconcours uès
sélectifs.Pour les cadres d'emploi territoriaux susceptibles d'accueillit
13 Les frontières entre les services sont généralement âssez étanches dans Ies musées: les médiateurs interuiennent assez exceptionnellement dans les domai- nes supervisés gar les conservateurs (administration et çstion, consenration- restauration, mise en espace des expositions...)
-
et réciproquement: les conservateurs n'interviennent pas directement dâns la conception et la pro- duction de I'offu d'accompagnementra Cf loi < [.oi Perben > no 96-1093 du 16 decembre 1996 et < loi Sapin > no 2@1- 2 du 3 ianvier 2@1.
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Aurélie PEYRTN
des
postes de médiateur
(aaachéde consenration, assisant
et assistantqualifié de conservation), le taux
de réussite est gené-ralement très faible au regard des candidanrres, paf
exemple 76Yode réussite au concorus de consenrateur du pattimoine dans la filière territotiale en 2003 (toutes
spécialitésconfon-
dues)ts.Les candidats éconduits se reportent donc le
marché secondaire del'emploi public, où ils
acceptentd'être
rémunérésà la tâche ou d'êtte employés sur des conrrars à
durée déterminée,de droit public ou privé (emplois
jeunes),rout
en espérantà tersre obtenir un emploi plus sable, ou au
moinsaccoître leur volume de travail. En attendang la plupart
desmédiateurs vacataires développent deux types de
stratégiesd'adapation: ils
s'assurentd'une cerhine
regularité des telations detravail
avecleur
employeur, etils
s'effiorcentde muhiplier
les engagem€nb auprèsd'errployeus
différenre (Coulangeon" Vt04)ft .Pnorus
ET TRAJEcrorREs DEnÉprareuRs
Les médiaterûs rencontrés dans le cadre de l'enguête présentent des
profils
relativesrenthomoçnes
:il
s'agit en maiorité de jeunes femmes diplômées deI'universié qui
cherchentà
s'insérer sur le marchédu travail museal
aprèsenviron quatre
années d'études specialisées. Les données exploiÉesici ont
été recueillies à travets des entretiensbiographiçes
centrés surle
parcoursde
fomration (ycompris la
découvertede l'art et
despratiques cultuelles)tz,
l5 Source : Centre national de la fonction publigue territoriale,
16 L'adapation de la nodon économique du poræfeuille d'activité aur individus a été importée en France par Pierre-Michel Menget pour expliquer la coobinaison des soutces de rémuoé.tation dans le secæur anistique,
{
Menge41989 et 199d et Coulangeon,2(X)4.17 Nous n'avons pas demandé aur médiateurs la catfuotie socioprofessionnelle de leurs lxûents, car cela ne semblait pas cohérent avec le thème central de I'enretien Qe travail). Plutôt que de chercher à connaitre fodgine sociale des pârents à travers les professions et catégories socioprofessionnelles,
il
nous asemblé plus pertinent d'interroçr les médiateurs sur la manière dont ils ont décowert l'an et la culture, pour mettre au jour l'environnement socioculturel et les pratiques de la famille pendant les loisirs.
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Les andes de professionnalisation de I'accotttpagncuent mtslal
la
transition
versle premier emploi, la uaiectoirc
iusqu'au posteoccupé au moment de
I'enquête,le contenu du travail
dans ce poste, les relations detravail
etle
cadte statutaire,le
salaire atta- chésau poste. Pour restituer le
sensataché au travail par
lesindividus, nous
avonsconstitué plusieurs ûgures de
médiateursà travers des formes d'investissement au ttavail, en aniculant les différentes dimensions de
I'enquête(conditions d'emploi
satisfaction autravail
et traiectoires biographiques).I-es médiateurs actuels
ont souvent choisi
demener
des énrdes supérieures dansle domaine artistique
aprèsune
sensibilisationprécoce aux arts et à la culture. Cette population a
gênæa-lement été initiée pendant I'enfance, par I'intermédiaire de
lafamille et/ou de l'école. Pour une partie
des rnédiateurs,I'ini- tiation
àI'art
est ainsi le résultatd'une imprégnation
ptogressiveau sein d'un milieu artistique, composé de peintes
âmateursparmi leurs
ascendantsou pami leurs proches. Dans quelçes cas, les parents de I'interviewé travaillaient dans le
secteurculturel, ou l'interviewê a
grandtdans un
envfuonnernenttiche en objets d'art (famille de collectionneurs). D'auûes
pæentset grands-parents ont joué le rôle de guide lors de
voyages enFrance ou
àl'étranger, faisant découwir à leurs
descendants lepauimoine
architecnrralet histotique
des grandesvilles,
mêlantétroitement curiosité culturelle et effort éducatif. Un demier groupe de médiateurs a enfin découvert I'art et le patdmoine
plusard,
dans le cadre scolaire.Dæprofik
ltomogènes ?Les médiateurs sont en majorité des femmes
(6370)ta,6ig diplômées: tous les médiateufii et médiatrices rencontrés
au cours del'enquête
avaientatteint ou
dépasséle
niveau bac plus18 Source : enquête DMF, 2001. 260/o des médiateurs sont des hommes et pollt
1 1% des individus, le sexe n'éait pas renseignê
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r\urélie PEYRIN
trois
àl'université.
Ceneinforrration manquait
dansla
base dedonnées de la DMF, donc nous nous basons sur
l'enquêtequaliative: parmi
les 61 médiateursinterviewés, un quart
étaittitulaire d'un diplôms uniyslsitaite de
niveau bacplus trois, uo tiers de niveau bac plus quatre, et un peu plus d'un tiers
deniveau bac plus cinq. Cette enquête tend à montrer que
leniveau de diplôme varie peu (bac plus quace en
moyenne), alors que laspécidisation
des étudescortespond
à celle descol- lections du
musée. Lesplasticiens sont par
exemple beaucoup plusnombreux
dans les museesd'art modeme
etcontemporain que
dansles
muséesd'art ancien. Les médiateurs ont
souventcommencé à
exercercette fonction au cours de leurs études:
c'est durant cette période qu'ils apprennent le métier et
endécouvrent les conditions de travail et d'emploi car, pan- doxalemeng très peu de médiateurs sont diplômés des
filieresuniversitaires de médiation. Ceci s'explique par le rôle
prepondérant des conservateurs dans la hiétarchie
muséale:définissant les
cdtèresde recrutement en
vef,tude leur rôle
dechef d'établissemeng les
conservateurcde
muséesprivilégient
desprofils identiques aux leun
(deshistoriens d'art) au détd- ment de diplômés
desformations universitaires
àla médiation culnrrelle
créées dans les années 1990.Les intervier*'és
ont donc pour
laplupart
passé plusieurs années àétudiet
àl'université,
sansparvenir
nécessairementà (
rente-biliser
> cemétier
surle
marchédu aavail
à lahauteur de leus
espérances
-
enpaniculier lrcur
ceuxet
cellesqui ont
passé (etraté) le concoufs de
conserrrateur.Leur inscription dans
lemétier
demédiateur
est ainsiune fonne
de conwrcion@oudieu, 7978), comme la valotisation du travail intellectuel est
uneforme de consolation: ils n'ont
pasatteint la position
rêvéeet
ne Peuventdonc
pas se consacref entièrementaux
æLrwespout
lesétudier,
les classer et les exposer, maisils
fionttout
de mêmeun travail
de recherche, enrichissant etstimulant
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Les aodet de proJersionaalisatioa dc I'accoarpagnenent arcéal
Tableau 2. Rçnu,rnoxs DE L'ÉvoLurIoN DE rÀ PoPt IJ\TIoN DEs ÀÉDnTËURs DÀNs I FS }ruSÉ,ES SOUS IIIIEU.E DE LÉTÀT Décennie lgstimation de
l,a oooulation Champ et sourceo des
donnês
19?.0
t2
Musées nationaux dllede-France,source : archives des musécs nationaux
1950 50 Idem
t970 200
Musées tetdtodaux dassés et contrôlés et musées nationauq soutces : archives des musées nationaux et recensement de lïnspection des musées de France,
1975
2tn0 900 Musées de France, source : base de données de la DMF
L,a succession des générations
de
médiateurset
médiatrices,qui s'est accompagnée d'un accroissement considérable de leur nombre (li,Ta;bleau2), n'a
pascomplètement modifié le profil dominant de cette population. Dès les premiers
tecrutements dans les muséesnationaux e
1920,1es < conférenciers > étaient déià des conférencières, anciennes élèvesde l'École du Louwe ou atachées libres des
muséesnationaux. En raison de
I'an-cienneté de la fonction d'accompagnement et
I'acctoissementdu nombre de médiateurs dans les
musées,plusieun
gênêtz-tions coexistent sur le terrain d'observation. De plus,
I'avancéeen
âgetransforrre les
attentesindividuelles, notamment sut
le plan professionnel.Da
tr@ectoiræ diuercfiéestoTrois figues
se dessinentà uavers
l'analyse des entretiens avecdes médiateurs et anciens médiateurs (devenus
responsablesle Pour une présentation déaillée de la méthode longitudinde qualiative,
f
Pryiq
2006aDocument téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
Âurélie PEYBTN
de services ou didgeantes
associatives): les médiateurs
<< de passage) ou ( à côté d'autre
chose n, ceuxqui restent volonai- rement médiateurs ou qui
progressent dansle même
domaine(médiateurs
<de métier
Dou ( de
carrièrer), et ceux qui y restent
< bloqués >.Les archives conservent la tpce de
débatsau sein de cette petite population, dêjà pxtagê:e enÉe
desfemmes
activesqui souhaitaient
seulementuo
< complément >,de travail et de rémunération, et les femmes
<au
foyer >>cherchant un <
vrai
> travail.Le métier
demédiateut
resteauiourdtrui, pour partie,
l'apanaged'individus qui conçoivent leur traiectoire professionnelle
en( dilettante
>r: être médiateur signifiant le plus souvenr
êtreemploye de façon temporaire et intermittente, cette
situationn'est attractive que pour
desindividus pour qui I'emploi n'est
pasla
seulecomposante de I'emploi du temps et de l'identité.
On trouve donc parmi les
médiateurs des jeunesdiplômés qui visent un autre poste (conservateur, enseignant et/ou
chet-cheur...) mais veulent travailler pour être autonomes (ne
plus dépendre deleurs
parents)et acquétir
unepremière
expérienceprofessionnelle (rentrer
dans les musées,quitte
à passer <<peirlzpetite porte r). On y trouve
aussides étudiants et
des artistesqui chetchent un
<petit boulot > qualifié et attractif dans
lesecteur culturel mais qui souhaitent travailler à temps paniel porrr
consacrerdu
temps à leurs étudesou
à lacrâtion.
Une partie de la population
envisagedonc de quitter le métier après quelques
années,mais tous n'y parviennent pas. Que deviennent ceux qui poursuivent leur
<carrière >
commemédiateur ? Parmi les interviewés, certains ont décidé
decontinuer
àexercer un métier pour lequel ils
se sentaient une<<
vocation > préalable, ou qu'ils ont appris à aimer.
Celaconceme par exemple des femmes en couple et mères
defamille, qui s'accommodent sur le long terme d'un emploi du temps flexible (pour
lesvacaaires) ou d'horaites réduits (pour
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7*s antles de p.rofesrionmlisation dc I'acconpagnctrent utsâal
les contracûelles et fonctionnaires). Mais d'autres
médiateursont réussi à
<faire carière >, c'est-à-dhe à évoluer de façon positive, soit
enmontânt
dans la hiérarchie et en acquérant plusde tesponsabilités (prendre la ditection d'un service
despublics), soit en
changeantde fonction
(réussirle concous
deconservateur, ou postuler à la mutation pour les fonctionnai-
tes),soit enfin
en devenant indépendant (creer son association).La dernière figwe de médiateus
est marquéepar le blocagg
ledécouragement Elle concerne des
médiateurs cantonnés dansl'emploi instable sur le long terme. Iæ trait le plus
marquant dans les entretiens avec ces ieunes âgés de 25 à 35 ans estquTs
nepeuvent
seprojeter
dansl'avenit
au-delàde
quelquesmois:
leur situation est
caractériséepar I'incertitude, l'insabilité
deleur emploi et I'irégularité de leur travail entravant
consi- dérablement laconstitution d'un proiet
de vie.Les initiatives des pouvoirs publics en faveur de la profes- sionndisation de I'accompagnement n'ont pas toujouts
étécohérentes ni
abouties.Les acteurs évoluent dans un
systèmed'emploi qui a finalement peu évolué depuis 1920, puisquTs
sont en majorité employés de façon irrégulière, selon
les besoinsdu
musée,et
exercentde
préférencece travail en
plusd'autre chose. Comment I'identité professionnelle des
média-teurs peut-elle dors être
caractériséeaprès presque un
siède d'accompagnement dans les musées ?Dns Ér-ÉunNn
DE pRoFEssroNNALrsATroN À DÉcHARcE ?Avant même de considérer si un groupe professionnel
s'estdoté d'instances teprésentatives et d'étudiet la façon dont il
s'effotce d'obtenir
une reconnaissance sociale etinstitutionnelle, il nous
semble nécessaire d'évaluerb
capaaté desindividus
à seconstituer et
sereconnaître comme groupe
(Saks, 2004): com- ment, et
à quellesconditions, un
ensembled'individus
exetçântDocument téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
Aurélie PEYRTN
le même métier se reconnaît-il dans une identité
collective ?(Peyritt,
2006b) Nous abordons
dans cetæpartie trois
élélrrensconstitutifs de I'identité professionnelle: la rhétorique
(dis-cours), la professionnalité (qualification et compétence) et la dénomination (e titre).
Une rbétorique hktée
Dans I'ensemble, le discours
desmédiatews fait
apparaître lescontours d'une
<rhétorique
professionnelle>
(Paradeise, 1985) êclatêeentre les figures de
médiateursdéfinies
précédemment.Les principaux éléments de cette rhétorique portent sur
les caractédstiquesdu travail
et deI'emploi.
La dimension formatrice du travail
et sadimension
relationnellesont d'importantes
sourcesde satisfactioq pour les
médiateursemployés de façon stable et bien intégrés
dansla division du travail
muséal,mais
aussipour les confrrenciers,
employés demaniète instable et en position
<pédphfuique > vis-à-vis
deI'organisation. Invités à pader de leur ttavz,l,la plupart
desinterviewés évoquent le
< plaisir D,et surtout la
< passion Dqui les anime, parce que leur travail leur permet de continuer
à apprendreaudelà
des études :ils
sedisent
< passionnés > par letravail sur les
ceuvres,et (
passionnés >par la transmission
de leurs connaissances et deleur amour
de I'art.aupublic.
<
Ce que j'aime bien ici, c'est qu'on est toujours
plongédans les bouquins d'histofue de farg ce que ie n'aurais
jamaisfait
aprèsla
fac apriori.
C'estun métier qui pemret
decontinuer
àbûchet, c'est un peu labotieux, c'est uo travail personnel et i'aime bien ce côtéJà. [...] C'est très endchissant
personnel- lement. >Nicolas,
muséed'art modeme,ville
2.La relation directe avec les visiteurs est en outte le support d'une professionnalité propre aux médiateurs. La
satisfaction autravail
estétroitement liée
à sa composasrterelationnelle.
I-aDocument téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
Let andes de professionnaliration de l'accoaqagaeucnt mstëal
valorisation du rôle
repose ainsi sur lanotion
de < partage > des connaissances, source de plaisir et degratification psychologse.
<<
C'est enrichissant de pader avec les gens devant
lesGuvres,
de rencontrer différents
publics >, Raphaëlle, musée de BeauxArts, ville
3u
Être sur le
terrain"devant
lesceuvres... C'est un plaisir de transrnettre, de discuter avec les
gens)r, Ludovic,
muséed'art modeme
etcontemporain, ville
2.Un autte aspect de la rhétorique professionnelle conceme
le désintéressement: il s'inscrit
dansle
cadte des missionsde
ser-vice public
échuesaux fonctionnaites, mais correspond
égale-ment aux discours
dejustification/légitimation
des professions(
reconnues )),cofiune les
conservateursde
musées (Octobre,1996) ou les médecins, cas classique de la sociologie
desprofessions (Dubar
etTtipier,
1998).Iæ travail étant
considéré comrneun facteur dtpanouissement
personnel, I'enrichissemqrtmonétaire ou la progression professioirnelle sont des
aspects secondaLes.<<
De toutes façons, on en fait beaucoup plus que
cequ'on
devrait.Dans
nosmétiets, on est... on
est passionné.On ne fait
pas çapour I'arçnq
c'est clair. > Bérengère, muséed'art non
occidental,ville
1.Mais audelà du discours
enchanté, les discours des intervier*résrecèlent
aussides
élémentsde plainte récurrents, qui
tiennentsoit
àl'emploi
(laptécarité), soit zu
tr:availlui-même (l'ennui,
laroutine). La rhétorique du
désintéressementpar exemple,
n'a pasvraiment de
senspour
ceuxdont I'emploi
est instable. Cesdemiers oot, au contraire, tendance à souligner les
élémentsnégatifs du métier: la fatigue, la repétition, la routine, qui
ne sont pas compenséspar
desconditions d'emploi
satisfaisantes.<Je crois qu'on en souffre tous au niveau des confé-
renciers,surtout
des conférenciers de laville
de Paris,[...] on
aun statut
vacataite,pas de
congés payes,on a pas de
congésDocument téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
Àurélie PEYRTN
maladie, c'est un petit peu dur. >
Raphaëlle,musée d'histoire, ville
1.Pour ces
salatiés àlk intégration incenaine >
(Paugam, 2000),travailler continuellement porû pouvoir viwe
de son activité estune préoccupation
constante. Iæs vacatairesn'ont en effet
pasaccès à une protection sociale
classique: leurs droits à
lasecurité sociale
sont par
exempleproportionnels
àleut volume
detmvail,
etils
necotisent
pas âurégime
d'assurancechômaç.
Selon les
interviewés, les
seuls élémentspositifs liés
à ce statutsont,la liberté
d'engagement et le salairehomire
élevéæ.<<
Pour moi l'argent est
assezmotivant par rappon à
ceiob. C'est une des motivations pdncipales. Je crois que si
ien'avais pas besoin d'argenq j'aurais arrêté peut-être, pow
tra-vaillet
rna thèse aussi. >Hortense,
rnuséed'art
modeme,ville
1.Alors que le versant positif du discours sur le travail
valotisepaniculièrement
ses aspects intellecnrelset
relationnels,le
tegis-tre de la plainte porte sur la fatigue, la pénibilité physique
dutravail
d'accompagnement.La stabilité de l'emploi n'est cependant pas sufûsante en
elle-même pour rendre satisfaisante la perspective d'exercer
lemême métier toute
savie. Apprendre
en pettrutnence,travaillet sur de nouveaux sujets grâce au renouvellement des orpo- sitions, faire varier les caractéristiques des publics
accueillisGrrtrd public,
groupes d'adultes endifficulté, gtoupes
scolaLes, groupesprofessionnels, etc) :
lesmédiateurs ne
s'épanouissentque dans le travail expressif, et la diversité est lrcur eux un antidote contre
Pennui.æ Pour une visite d'1h30, la rémunération est 6rée à
U
€ dans les musées de la ville no3, 37 € dans la ville nol (à comparer avec le SMIC horaire, d'un montant de 7,19 € brut enM2).
Cecr ne se transforme iamais en gros salairg la plupan des vacataires alant un volume horaire nettement infédeur à un mi-temps.Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
I-es nodes de profctsionnaliration dc l'aceoatfagnenenl maséal
De nombreux médiateurs expriment en effet une vériable angoisse
faceà leur avenir, câr un médiateut de
muséea
defortes
chancesde devenir un ( vieux
>rmédiateur... C'est
dans cecontexte quI faut interpréter la valorisation du
changementet de la nouveauté : il faut nourrir sans
cessela
cudosité intellecnrellepour
fé-enchanterle
métier.<
L'accueil j'aime
beaucoup.Mais
I'accueil très diversifié,justemeng c'est-à-dire que ie ne pourrais pas accueillir que
lemême type de
personnes,i'aurais beaucoup moins de
latitude.Non, I'accueil c'est quelque chose qui me plait vraiment
maisdu moment que j'arrive à faire beaucoup de missions
trèsdifférentes, c'est vraiment un besoin. Je ne peux pas
répétertout le temps la même
chose.> Sonia,
musées patrimoniaux,ville
3.U
neprofessionnalité inexistante
?Contrairement à ce qu'on aurait pu anendre en raison
de l'accroissementconsidérable des formations universiaites à
lamédiation depuis le début des années 1990 (plus de
8 000étudiants dans 24 universités en
2003)21,presque tous
lesmédiateus de
muséesrencontrés sont diplômés en histoire
deI'art, et quasiment aucun en médiation. Compte tenu de
la realitédu travail, qui
consiste àprésenter
des ceuvres face àun public (pour
les adultes)ou
àanimer
des discussions et des ieuxd'observation (pour les enfants), il est intéressant de com-
prendrecomment
lesmédiateu$ apprennent leur
métier.Lors du
processus derecrutement
des médiateurs, les candidats sontle plus
souvent iuges sur leurs connaissances théodques enhistoire de I'art, et rârement sur des capacités
communica-tionnelles ou pédagogiques. Le développement d'un
savoir21 Source : Dépanement des études et de la prospective, ministère de lÉducation nationale.
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Aurélie PEYRTN
abstrait sur
la( médiation
>rn'a ainsi
pasvraiment
étércconnu dans les musées, en tous cas par les consewateurs, qui détemrinent bien souvent les
<conventions de
recnrtement >(Eymard-Duvernay et Marchal, 1997) des médiateurs. Le détoulement
del'entretien
derecmtement
s'inspire deltpreuve omle du
concorûs desconservateurs; I'entretien
est focalisé surl'évaluation des
connaissancesthéoriques du candidat. Deux
conséquencesdécoulent de cette convention de
recmtement.L'expertise théorique des médiateurs n'est d'abord pas
nrai-ment feconnue car les conservateurs en détiennent le mono- pole
dansla division du travail muséalz (Octobre,
1999). Iæs médiateursdébuants ne sont
ensuiteapriori
pas compétents enmatiàe de communication et de transmission, deux élémens qui
catactétisent lessavoir-faire
spéciûques deleur travail La
premièrevisite d'un médiateur débutant
estbien
souventun
saut dansl'inconnu: mis en situation
detravail
sansy
être pré- paré,il
découvrequ,il lui faut
semetue en
scèneet
developperde nouvelles
capacités.Conduire une visite
nécessiteen effet
une capacité às'exptimer
àl'oral
et àfaire
preuve de pedagogie, mais aussi la maîtrise denotions
de psychologie et de sociologiepout
s'adapteràl'à9"
desenfans,
au handicapd'un
groupe, etc.<J'ai découveft gue je n'étais pas préparée à ça:
nrapprends dans tes bouqr ins, la théode, très bien, tu as
desinformations... Mais faire
passer cesinfomrations,
c'estun tout
autreboulot,
etnotarnment
avec desenfants...
> Sophie, musée de BeauxArts, ville
3.22
Ia
longue histoire de la profession de conservateut a été rcttacée par Sylvie Octobre (1996) : depuis la 6n duXlX.
siècle, les conservateu$ exercent des fonctions scieotifiques et de direction Reconnus comme des fonctionnaires de haut niveaq ils ont progressivement mis en place une otganisation rçésenative puissanæ,çi
leur permet de se défendre contre toute inausion dang leur zone de compéænce.Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
I-cs ntodes dc proJcssionnalisation de I'aecootpagnenent msstal
À travers l'expression récurrente et
assez vague d'< apprentis- sagesur le
tas r>, lesinterviewés évoquent une exPédmenation pratique
avec chague nouveâu grouPe,qui peut êae
andyséeet
discutée avec les collèguesplus
expérimentés. Cesmoments
desocialisation professionnelle (Dubar, 1991) consistent en
deséchançs
d'expériences,durant
lesquels lesplus
anciens ProPo- sentâux débuants
des astucespour gérer
certaines situations,ou des solutions pour aborder une æuvre particulièrement difficile. Audelà d'un
savoirthéotique, le aavail
des médiateurs estdonc fondé
sur des pratiques.Les médiatrices et médiateurs se
situent
dans une dynamique de( naturalisâtion > des cornpétences relationnelles : ils
disentmettre en cuvre dans leur travail des qualités
< humaines >, liées à la < personnalité >:
celacorrespond
dans les entretiens à des termes commelk
ouverture r>, la <r sensibilité), l'( attention
D aux autres et le(
besoin >>ou
la <<volonté
r> de << communiquer >r,de (( transmettre D.
< Iæ
métier
demédiateur,
est-ce que ça s'apprend ? C'estun grand
débatau
seinde
l'équipe.J'ai
quand mêmela convic- tion qu'il y a quelque chose qui est de I'ordre de I'intuitif et
quelque chosequ'on a en soi. t...] il y a quand même
quelque chose,une
espèce devocation, on va dire. Après,
ças'affine, il
y
a des chosesqu'il
nefaut
pasfaire,
des chosesqu'on
apprend à ne pas faireou
à faire. > Isabelle, muséed'art, ville
2.Selon les médiateurs,
leur principale qualité professionnelle
estla crpaittê d'écoute et d'attention, cafactéfistique
attachée au genreféminin
dans lesreprésenations
sociales.I-e
rabattementde la compétence professionnelle sur des qualités inuinsè- quement liées à I'individu et - implicitement - à son
sexes'explique aussi par I'existence d'une rhétotique
baséesur
lapassion,la vocation
de larelation
et de la transmission. Ce typede discours fragilise la construction du rôle de médiateur
ausein du musée, en niant la dimension ptofessionnelle
desDocument téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan
Àurélie PEYRTN
compétences développées
lors
de I'exercicedu travait qui vont pourtant croissant avec I'expérience. La naturalisation
des compétencestelationnelles
empêcheleur fomralisation et leur valodsation dans un processus de validation des acquis
de l'expédence.Une telle aaitude n'est finalement
pas surprenante,car I'activité
d'accompagnement estun
métier exercépdncipalement par
desfemmes, un métiet de
senricesqui met en jeu des
capacitésrelationnelles, de communication et de diplomatie difficiles
à évaluerparce qu'elles s'acquiètent plutôt par I'expétience et
lasocialisation que par des formations stfucturées.
Anne-IVIarieDaune-Richard, rappelant les résultats d'une enquête
menéepar Danièle Kergoaq dit à ce propos :
<<Ces
considérationss'appliquent particulièrement aux compétences
considéréescomme féminines :
acquises dansla
sphèreprivée de la famille
et dans l'exercice de rôles domestiquesféminins d'attenrion
auxautres,
ellessont
perçuespar les employeurs mais
aussi, sou-vent, par les
salariées elles-mêmescomme
des qualités- natu-
relles
-,
attachéesà leur identité personnelle et féminine et
nerelevant
pas- tout au moins
pasimmédiatement - du rapport
sdarial.
), p.
156.Travailler
conune médiateur dansun
musée nesignifie
ainsi pasavoir un
<<vrai n emploi, conforme en tous
casaux
représen-tations
socialeset aux
attentes desacteuts (un emploi
à tempsplein et à durée déterminée), ni exercer un
((vrai > métie4 caractérisé par des qualifications ou des compétences
spé-cifiques. Cette position sociale incertaine ne favorise pas
lamobilisation et l'engagement des acteurs, qui regreaent le (
manquede
reconnaissance> de la fonction
sansréussir à
sesaisir de lew destin. La dénomination même de leur activité leur échappe, les privant ainsi d'un titre conçu comme un support identitaire (Bourdieu
etBohanski,
1973),Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 147.94.236.20 - 05/05/2017 09h44. © L'Harmattan