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III. Conception de MOFs fonctionnalisés par modification post-synthétique

1. Modification post-synthétique : principe et historique

L'incorporation de catalyseurs moléculaires actifs dans la structure de matériaux hybrides donne accès à des solides aux propriétés catalytiques inédites.31,32 La nature cristalline des MOFs rend cette classe de solides poreux prometteurs pour le greffage d’espèces organométalliques catalytiques, notamment par modification post-synthétique (PSM). Contrairement à la catalyse homogène, le greffage covalent d’espèces organométalliques isolées sur un support poreux possédant une grande surface spécifique permet d’éviter la dimérisation de ces espèces pouvant conduire à la désactivation des sites catalytiques. Cela a

souvent été réalisé en utilisant des silices poreuses, comme par exemple les MCM et

SBA.33,34,35 De plus les intérêts d’hétérogénéiser des espèces catalytiques dans les nanopores

des MOFs sont multiples. En effet, suivant le MOF sélectionné, il est possible de retrouver des groupements hydroxyles ou amino libres dans ses cavités, susceptibles de former des liaisons hydrogènes avec les substrats. Il est donc possible d’obtenir des interactions coopératives dans les cavités des MOFs. Le second intérêt est l’effet de confinement, qui est un phénomène que l’on retrouve dans d’autres matériaux poreux, telles que les zéolithes et les silices. Comme l’ont montré Thomas 35 dans les silices mésoporeuses et Corma 36 dans les zéolithes, l’immobilisation d’un complexe organométallique dans des cavités permet d’obtenir des activés et sélectivités supérieures aux versions homogènes des complexes. Thomas a également pu démontrer dans son étude sur l’immobilisation d’un complexe de rhodium dans des silices, que plus la taille de la cavité diminue, plus la sélective augmente. 35 La PSM, c’est à dire la modification du solide après synthèse, est un outil puissant pour l’insertion de sites actifs dans la structure du MOF. En effet, la PSM de MOF, que cela soit sur les ligands organiques ou sur les clusters métalliques, est l’outil qui permet de concevoir des systèmes catalytiques confinés efficaces, possédant des sites actifs isolés et une flexibilité permettant d’accueillir des substrats dans une orientation spécifique. Cette technique permet d’obtenir des solides fonctionnalisés, qui sont quasiment impossibles à obtenir par une synthèse par auto-assemblage de ligands fonctionnalisés. En effet, il est très difficile de contrôler la cristallisation lors de ces synthèses et on observe, par exemple, la formation de MIX-MOF. Les MIX-MOFs étant des MOFs constitués de plusieurs types de ligands au sein du même solide. Ce type de composé pose notamment un problème pour le contrôle de la distribution des sites d’intérêts dans la structure.

Bien que l’encapsulation d’espèces diverses, telles que des nanoparticules de métal et les phtalocyanines, est une technique largement utilisée pour disperser les molécules d’intérêts dans les cavités de MOFs pour les rendre fonctionnels, nous traiterons ici uniquement la PSM par greffage covalent. Cette approche permet d’ancrer des molécules d’intérêt dans la structure du MOF grâce à la création d’une liaison forte et de contrôler la répartition spatiale de ces molécules greffées dans la cavité du MOF.

Les interactions impliquées dans le processus d'encapsulation sont généralement plus faibles que celles existant dans des liaisons covalentes. Les premiers exemples ont été reportés sur des matériaux poreux de type zéolithe. En effet, différentes méthodes de PSM ont été mises

en place pour modifier les propriétés physico-chimiques des zéolithes et matériaux zéolithiques de type aluminophosphate. Ces procédés de déalumination et désilylation ont été menés par des traitements hydrothermaux pour créer des mésopores et remédier aux limitations diffusionnelles. Afin de modifier les propriétés catalytiques, l'échange ionique des cations organiques peut être réalisé. Des sites acides peuvent être introduits par échange d'ions de type –NH4+, suivi d'une décomposition thermique. Cependant la PSM par greffage d’espèces organiques est moins abondante et ceci est très probablement dû aux petites tailles des pores et au manque de fonctionnalités chimiques accessibles. Toutefois, le greffage de divers fragments organiques sur des zéolithes a été reporté par Cauvel et ses collaborateurs, qui ont étudié l'influence des sites aluminium et des tailles de pores sur le greffage de (3-chloropropyl) triméthoxysilane (CPS) et (3-aminopropyl) triéthoxysilane (APS) sur la zéolite Y avec divers rapports Si/AI (calciné et désaluminée). La PSM des zéolithes amino-fonctionnalisées a ensuite été effectuée par addition de chlorure de 4-anisoyle et de 2,3-butanedione.37

Dans les années 1990, Corma et ses collaborateurs ont décrit l’ancrage de complexes de rhodium et de nickel dans la zéolithe USY par formation d’une liaison de type silane, pour les réactions d'hydrogénation de doubles liaisons carbone-carbone, qui conduit à des activités catalytiques supérieures par rapport à celles constatées avec le catalyseur homogène. 38,39 Cette amélioration a été attribuée à un effet coopératif de la zéolithe, qui est supposé augmenter la concentration des réactifs dans les pores. De même, l'immobilisation d’un complexe de rhodium L-proline sur la zéolithe USY a conduit à une amélioration de l’énantiosélectivité pour l'hydrogénation asymétrique de dérivés.36,40 Contrairement aux zéolithes, la PSM de silices mésoporeuses, qui possèdent des pores plus gros et dont la structure est recouverte de groupements silanol réactifs (SiOH), a été plus largement étudiée. Le greffage de groupements organiques dans des silices mésoporeuses est communément réalisé par des réactions avec des organosilanes ou chlorosilanes avec les groupes silanol libres dans les pores.41 Brunel et ses collaborateurs ont introduit des espèces aminées dans la silice MCM-41 par greffage, puis utilisé ces solides comme catalyseurs pour la condensation de Knoevenagel du benzaldéhyde sur le cyanoacétate d'éthyle.42 Les silices mésoporeuses ordonnées ont également été traitées par PSM en plusieurs étapes, pour permettre le greffage covalent de groupements élaborés comme, par exemple, un complexe organométallique. Sutra et ses collaborateurs ont reporté en 1997 le greffage de Mn(Salen) dans les nanopores de matériaux mésoporeux (Figure 14) puis dix ans plus tard, Li et ses collaborateurs ont quant à

eux reporté, une étude systématique de l'époxydation asymétrique sur des catalyseurs similaires, de type Mn(Salen), immobilisés dans la MCM-41, comme le montre la Figure 14.43

Figure 14 : Greffage de base de Schiff de manganèse (III) en 4 étapes dans l’MCM-41. 43

Plus récemment, Thomas et ses collaborateurs ont rapporté un effet de confinement avec un catalyseur au rhodium ancré de façon non covalente sur silice (Figure 15). Le catalyseur chiral immobilisé dans les nanopores a montré une meilleure performance catalytique que son analogue homogène en hydrogénation asymétrique du benzoylformiate de méthyle. Il a été remarqué, dans cette étude, que le diamètre des pores a une forte influence sur l'énantiosélectivité de la réaction. La taille de la cavité entraine la différenciation de la face accessible du substrat au cours de l'hydrogénation. En résumé, plus petite est la cage, plus élevées sont les contraintes et meilleure est l'énantiosélectivité.35

Figure 15 : Le confinement de catalyseur chiral immobilisé améliore l’énantiosélectivité. 35

Il est également possible de modifier des oxydes inorganiques par greffage covalent de complexes organométalliques bien définis, avec une liaison directe entre le centre métallique et la surface de l’oxyde, par l’approche appelée chimie organométallique de surface.44

Malgré leur efficacité dans certains exemples, les matériaux poreux tels que les zéolithes et les silices mésoporeuses présentent cependant quelques limitations générales pour leur utilisation comme support de catalyseurs. Ces matériaux purement inorganiques peuvent difficilement être fonctionnalisés de manière parfaitement uniforme avec d’autres greffons organiques ou des espèces organométalliques de surfaces car il est difficile d’y former des sites d’ancrage isolés et bien définis. En effet, la nature désordonnée de ces MCM peut être un inconvénient pour le contrôle de la répartition des sites isolés, ce qui peut entrainer la désactivation mutuelle des espèces catalytiques trop proches. Les pores des zéolithes communément utilisées sont trop petits pour accueillir à la fois des complexes organométalliques et des substrats de catalyse, mais aussi trop rigides pour accueillir de manière sélective certains substrats. A l’inverse, les silices mésoporeuses ordonnées, telles que les MCM, présentent généralement des tailles de pores trop élevées pour imposer des effets de confinement, selon la méthode de greffage, les silices fonctionnalisées peuvent aussi conduire à un relargage des espèces hôtes. Par la suite, nous allons montrer que les MOFs offrent de nouvelles possibilités comme supports pour des espèces catalytiques avec des avantages supplémentaires, comme une possible variation discrète de la taille des pores, ainsi que la présence de sites actifs isolés bien définis permettant une caractérisation complète de ces espèces catalytiques.