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I. Introduction

4. Catalyse

Actuellement, l’obtention de molécules chirales énantiopures est un enjeu crucial pour la synthèse de composés biologiquement actifs, particulièrement dans les domaines de la pharmacie, de l’agrochimie, des cosmétiques et de la parfumerie.92,93,94 En effet, il existe de multiples exemples pour lesquels l’activité biologique d’un composé est principalement due à l’un des énantiomères, alors que l’autre énantiomère est toxique ou tout simplement inactif.

L’exemple le plus connu est celui de la thalidomide. A la fin des années 1950, ce nouveau sédatif doux est commercialisé en Europe sous la forme d’un mélange racémique (Contergan®). Ce médicament était surtout utilisé par les femmes enceintes. Après quelques années de commercialisation, de nombreuses malformations chez les nouveau-nés ont été attribuées à l’usage de la thalidomide. Une étude pharmacologique sur des animaux a montré que l’activité tératogène néfaste était essentiellement due à l’énantiomère (S). Des études plus récentes indiquent toutefois que la thalidomide se racémise aisément dans le sang, ce qui montre que même l’emploi thérapeutique de la (R)-thalidomide était voué à l’échec. De façon inattendue, ce médicament a trouvé de nouvelles applications dans le traitement du cancer et du sida et la FDA (US Food and Drug Administration) a approuvé en 1998 son utilisation dans le traitement de la lèpre (Thalomid®). Cette affaire eut d’importantes répercussions dans l’industrie pharmaceutique et, depuis 1992, la FDA impose une réglementation stricte dans ce domaine : toute société pharmaceutique, qui souhaite mettre sur le marché un nouveau composé racémique, se doit de caractériser individuellement les propriétés biologiques de chaque énantiomère et de démontrer que l’énantiomère indésirable n’a pas d’effet secondaire ou ne présente pas de toxicité. Ainsi, parmi les dix médicaments les plus vendus dans le monde actuellement, neuf contiennent un principe actif chiral. La mise au point de méthodes de synthèses énantiosélectives efficaces est donc rapidement devenue une nécessité scientifique et économique.

L'aldolisation est une réaction permettant de former des liaisons carbone-carbone, importante en chimie pharmaceutique notamment. Elle implique généralement l'addition nucléophile d’un énolate sur un aldéhyde pour former une β-hydroxycétone ou aldol (aldéhyde+alcool). Parfois, le produit de l'addition aldolique perd une molécule d'eau durant la réaction, pour former une cétone α,β-insaturée. Ceci a lieu notamment quand le produit formé est stable. Cette double réaction (aldolisation-élimination) est appelée crotonisation (Figure 42).

Figure 42 : Mécanisme de l’aldolisation en conditions acides.

La proline est connue pour être un acide aminé capable de catalyser différents types de réactions. La proline peut donner lieu à de la catalyse acide/base, organométallique et, le plus important dans notre cas, de la catalyse par formation d’enamine, qui est nécessaire dans la réaction d’aldolisation asymétrique dont le mécanisme est représenté sur la Figure 43.

En milieu homogène, la réaction d’aldolisation asymétrique de l’acétone sur différents aldéhydes catalysée par la proline permet d’obtenir des excès énantiomériques supérieurs à 95% avec des conversions de l’ordre de 80%. 95

Figure 43 : Mécanisme proposé pour l’aldolisation asymétrique catalysée par la proline. 95

Le passage de la version homogène à la version hétérogène de la proline entraine un changement de réactivité. En effet, la fonction carboxylique utilisée dans la catalyse homogène a disparu, puisqu’elle a servi au greffage de cette proline sur un support par la

prolinamide. Le site catalytique n’est plus la fonction hydroxyle de l’acide mais la fonction amine de la pyrrolydine. Pour cette réaction, Suresh Babu et ses collègues ont montré que les excès énantiomériques et les conversions pour les organo-catalyseurs à base de prolinamide sont plus faibles et que le rôle du solvant est très important. De plus, ils reportent le fait que la présence d’eau est nécessaire pour cette aldolisation. Dans ces conditions homogènes, les meilleurs excès énantiomériques ne sont plus que de l’ordre de 40% avec des conversions d’environ 80%. 96 En catalyse homogène, le fait de passer de la proline à la prolinamide entraine une forte diminution des excès énantiomériques lors de la réaction d’aldolisation, à savoir une perte de 50%.

Wong Chi Man et son équipe ont montré qu’il était possible d’immobiliser des prolines dans des matériaux poreux, comme la silice (Figure 44), par greffage covalent.97 Au niveau de l’aldolisation, la silice présente un inconvénient, avec la compétition entre les sites catalytiques de la proline et les groupements silanols de surface de la silice. Dans ce cas, les meilleures activités catalytiques de ces organo-catalyseurs, dans la réaction d'aldolisation asymétrique du p-nitrobenzaldéhyde avec l'acétone dans le DMSO avec 30 mol% de catalyseur, montrent un excès énantiomérique de 37% avec une conversion de 50%.

Figure 44 : Représentation simplifiée de la concurrence entre les groupes silanol et COOH. 97

De même, J. Matrinez et ses collègues ont reporté le greffage de polypeptides dans la silice SBA-15 (Figure II-26).98 Dans ce cas, les meilleures activités catalytiques de ces organo-catalyseurs, pour la réaction d'aldolisation asymétrique du p-nitrobenzaldéhyde avec l'acétone dans le DMSO avec 1 mol% de catalyseur, montrent un excès énantiomérique supérieur à 95% avec une conversion de 59%. Cependant, il est important de noter que dans ces deux exemples, comme dans beaucoup de publications sur la catalyse dans ces types de milieux hétérogènes, aucun test de lixiviation n’est effectué et aucune caractérisation du solide après réaction n’est présentée.

Concernant la PSM visant à introduire un peptide chiral dans la cavité par greffage covalent sur la charpente d’un MOF, notre groupe a appliqué avec succès le principe de la SPPS à la PSM de l’(In) MIL-68-NH2 pour ancrer des acides aminés simples, tels que la D-alanine et la L-proline à l'intérieur des cavités MOF.49 Pour cet exemple, les auteurs ont utilisé le PyBroP comme agent de couplage et le Fmoc comme groupement N-protecteur, qui a été retiré par un traitement basique car le MIL-68 n’est stable ni en conditions acides ni sous traitements thermiques conventionnels.