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1. LES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DE LA DCT: CONVERGENCES ET

1.1 Les modalités présentant un problème «bien défini»

1.1.2 Les modalités axées sur le tâtonnement

La figure 11 montre également que les situations des sujets S9, S10, S11 et S13 sont axées sur le tâtonnement comme processus de résolution. Ces situations présentent bel et bien un problème «bien défini», toutefois sa résolution est laissée au hasard. Aucune démarche de résolution n’est demandée à l’élève, comme le souligne l’un des sujets répondant ci-dessous.

Ils [élèves] sont directement allés construire. Je n’ai pas demandé un plan. C’est-à-dire, j’aurais pu demander un plan: décris-moi ce que tu vas faire pour qu’un autre groupe puisse le faire, puisse le réaliser. Comprends-tu? Mais je ne l’ai pas fait. Si j’avais deux groupes, je l’aurais fait. (S9)

Bien que l’approche essais-erreurs représente une caractéristique de la conception technologique, la perspective axée sur le tâtonnement ignore le rôle de l’effort (la planification) et des connaissances prérequises dans la résolution du problème. Elles sont trop éloignées non seulement des résultats de la recherche, mais aussi des orientations du PFEQ qui considère que:

la démarche de conception d’un objet technique doit accorder une place importante à la recherche d’idées ingénieuses pour satisfaire un besoin. La construction de l’objet est donc précédée d’une analyse du problème en cause et d’une étude du principe de fonctionnement. L’élève est incité à participer à des échanges d’idées, à présenter ses propositions sous forme de plans ou de schémas, à comparer ses plans et schémas à ceux des autres et à envisager en équipe plusieurs solutions (Gouvernement du Québec, 2006, p. 272).

Comme le souligne le PFEQ, lorsqu’il est engagé dans une DCT, l’élève est censé envisager différents scénarios de réalisation en tenant compte des contraintes du cahier des charges ou de ses propres exigences (critère de réussites) et des moyens dont il dispose. Ensuite, l’analyse de ces scénarios lui permet de planifier de façon efficace le travail à effectuer afin d’élaborer une solution ingénieuse. Néanmoins, dans cette perspective, l’élève bâtit le succès de son projet sur le hasard. De plus, comme le rappelle Piaget (dans Not, 1979), il s’est aperçu que le point de départ de la recherche se situe non pas dans le tâtonnement, mais dans une attitude du sujet face au problème.

Quant aux apprentissages visés, cet ensemble de répondants (S9, S10, S11 et S13) vise l’application des concepts scientifiques acquis pendant les cours de science et/ou l’acquisition de nouveaux concepts technologiques.

Pour l’évaluation, les sujets de cet ensemble ont généralement évalué les apprentissages des élèves par le biais soit d’un portfolio, soit d’un examen de fin du module. Le produit final, l’objet, ne figure pas dans la liste des éléments évalués par cet

ensemble. Cela peut s’expliquer par le fait que la méthode de tâtonnement peut ne pas amener à un produit répondant au besoin de départ.

Dans cette logique, différentes explications nous paraissaient possibles. En premier lieu, nous pouvons supposer que les enseignants sont très débordés par des tâches autres que l’enseignement de leur discipline et qu’ils n’ont pas assez de temps reconnu pour leur planification et pour la collaboration avec d’autres acteurs (pairs, techniciens, ressources financières, etc.). Toutefois, le devoir et le besoin d’une note pour le bulletin peuvent être derrière le recours à cet enseignement, comme en témoigne l’extrait suivant:

Pour les attentes de la petite voiture [projet de conception], parce que je dois évaluer la partie pratique. Il me manque encore une évaluation. Je me suis aligné là-dessus. C’est la fabrication. (S5)

Ce résultat corrobore ceux de Kelley (2008) et de Van Barneveld (2011). En effet, Kelley (2008) montre que l’un des défis auquel les enseignants font face pendant la planification de leur unité de travail est le manque de temps reconnu non seulement pour leur développement professionnel, mais aussi pour la préparation des tâches de conception technologique et la collaboration avec d’autres acteurs scolaires.

La contrainte de temps et la surcharge de travail sont également soulignées par plusieurs autres études. Bien entendu, l’étude de Jasinski (2007) montre que les enseignants manquent de temps pour participer à leur développement professionnel afin de suivre des formations sur les nouvelles pratiques pédagogiques. Les travaux de Hora et Millar (2008) ont montré que les changements dans la charge de travail des enseignants de la technologie et la non-reconnaissance du temps pour soutenir leur planification des activités de conception constituent des éléments problématiques.

La deuxième hypothèse est celle relative au sens que les sujets accordent à la première compétence disciplinaire (CD1). Rappelons que la CD1, intitulée «Chercher des réponses ou des solutions à des problèmes d’ordre scientifique ou technologique», implique de recourir aux modes de raisonnement et aux démarches méthodologiques propres à la technologie dans le cadre de l’ET. On peut penser que dans le cas où les

enseignants n’établissent pas de liens entre la compétence CD1 et la DCT, ou ne considèrent pas la situation d’apprentissage comme un problème technologique nécessitant de recourir aux modes de raisonnement et aux démarches méthodologiques propres à la technologie, l’enseignement peut aisément glisser vers le tâtonnement.

La troisième hypothèse, probablement la plus plausible, est la formation des enseignants. En effet, presque tous les enseignants répondants ont évoqué dans l’une ou l’autre question de l’entrevue la formation non adéquate des enseignants en technologie. Même certains sujets qui ont suivi une formation en technologie faisaient référence à leurs collègues non formés en technologie comme en témoignent les extraits suivants.

Je passe beaucoup moins de temps que le quart des cours à l’univers technologique, parce que tout simplement je ne suis pas assez formée et je ne me sens pas assez à l’aise et mon intérêt non plus n’est pas aussi grand que pour les autres univers. (S3)

Malheureusement, c’est on regarde, là, dans notre école, c’est 30 % des collègues contre 70 %. C’est-à-dire, on fait la technologie au second plan, ou à la fin de l’année on la fait vite. Pour vous dire, ce n’est pas de leur faute, ils n’ont pas de la formation requise pour ça. (S4)