• Aucun résultat trouvé

1. L’ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE

2.2 Les finalités et le rationnel du choix des contenus

Dans les circonstances de la transition des études techniques vers l’ET, il est important d’explorer les questions fondamentales telles que: qu’est-ce que les futurs citoyens ont besoin de savoir, de faire et d’évaluer dans la cadre de la technologie?

Lorsqu’on considère les justifications du choix du point de vue des finalités visées par les contenus curriculaire de l’ET véhiculées par des écrits scientifiques, trois orientations peuvent se dégager. La première orientation part du postulat psychologique. Dans cette logique, les savoir-faire (habiletés manuelles, résolution de problèmes, stratégies, etc.) sont compatibles avec la visée de cette discipline. Ainsi, pendant la transition des arts industriels vers l’ET, les éducateurs ont cherché à garder quelques contenus pertinents de l’ancienne discipline pour servir, d’une certaine façon, de base pour le curriculum de l’ET (Lyle, 2009).

Il s’est avéré que «the use of tools and machinery was perceived to be one of the most important strategies of former industrial arts programs»24 (Ibid., p. 29). Par conséquent, les éducateurs souhaiteraient garder ce contenu pour développer le nouveau curriculum. Luna (1998) soutient que l’inclusion des outils et des machines est impérative; les élèves ont besoin des mêmes compétences pour résoudre des problèmes technologiques dans leur vie d’adulte.

S’inscrivant dans la même perspective, Edward (2002) souligne que l’omission de développement des compétences manuelles dans les écoles du secondaire peut limiter l'engagement actif de l'élève dans son processus d'apprentissage.

Par ailleurs, Starkweather (1997) soutient que l’équipement utilisé, qu’il soit un outil simple ou de haute technologie, devrait remettre en question la capacité de pensée de l’élève. Il est très fréquent que les écoles fournissent des équipements de haute technologie conçus pour entraîner les élèves uniquement dans quelques étapes techniques bien contrôlées au lieu de leur apprendre à utiliser pleinement les processus de pensée pour résoudre les problèmes technologiques présentés (Ibid.).

Starkweather (Ibid.) et Roman (2001) stipulent, qui plus est, que les problèmes technologiques ouverts combinés aux équipements technologiques fournissent aux apprenants une gamme plus étendue d’options pour développer les compétences de résolution de problèmes en lien avec la vie réelle.

Pour d’autres auteurs, l’ET est une plateforme non seulement pour soutenir l’apprentissage des savoirs de plusieurs disciplines, mais aussi pour développer l’approche multidisciplinaire (Roman, 2001). Dans cette perspective interdisciplinaire, les savoirs se présentent, chez l’enfant, comme un tout (as a whole) (dans Bousadra et Hasni, 2008). Selon Roman (Ibid.), dans cette considération holistique, l’ET est la discipline qui permet le mieux aux apprenants de développer une approche de résolution de problème multidimensionnelle. Cette dernière prépare les élèves à affronter les problèmes de la vie réelle, car l’intégration des différentes matières scolaires dans le programme de l’ET peut avoir un grand impact sur l’apprentissage des élèves. En outre, dans les applications de la vie réelle, il est impossible de

24 Traduction libre: «L'utilisation d'outils et de machineries était perçue comme étant l'une des stratégies les

séparer les différentes composantes dans la résolution d’un problème technologique (Havice et Simmons, 1998).

Dans le même sens, Conte et Weber (1999) soutiennent qu’une ET axée sur la conception fournit un champ pour enseigner les mathématiques, la science et la technologie dans une même discipline. Ils soutiennent que les activités de conception technologique présentent non seulement un niveau élevé de motivation pour les élèves, mais aussi leur fournissent des occasions authentiques pour appliquer des lois mathématiques et des principes scientifiques.

La deuxième orientation aborde les finalités des contenus du point de vue sociologique. Ainsi, Wicklein (2005) met l’accent sur la composante de la valeur et de la culture d’une société. Il soutient que les concepts technologiques appropriés doivent soutenir des habiletés humaines pour comprendre, utiliser et soutenir les systèmes technologiques pour le bien-être de l’humanité. En outre, l’intégration des valeurs dans l’ET contribuera à maintenir l'harmonie entre la culture et l'environnement.

Les valeurs en ET ont été également étudiées par plusieurs autres chercheurs. En effet, Layton (1995) identifie différents types de valeurs que les élèves doivent apprendre et être en mesure d'utiliser pour porter des jugements. Ces valeurs sont d’ordre technique, économique et moral. L’auteur confirme que «If some views on values and technology appear to you as the only possible ones, take this as a sign that you have neither understood the relationship of values and technology, nor the reason why an understanding of this is important »25 (p. 1).

Pour sa part, Prime (1993) suggère que l’ET devrait considérer un enseignement- apprentissage des valeurs, car chaque nouvel objet technologique soulève des questions d'éthique et de valeurs.

La troisième orientation considère les finalités du point de vue épistémologique. Dans cette perspective les contenus curriculaires sont choisis tant selon une fonction de sens que d’action utilitaire. À titre d’exemple, les normes de l’ITEA, citée ci-dessus,

25 Traduction libre: «Si certains points de vue sur les valeurs et la technologie vous semblent être les seules

possibilités, voyez-y un signe que vous n’avez compris ni la relation entre les valeurs et la technologie, ni la raison pour laquelle une telle compréhension est importante» (Layton, 1995, p. 1)

dépassent la dimension sociologique pour mettre en évidence la compréhension du sens: «Technological literacy is the ability to use, manage, assess, and understand technology»26 (ITEA, 2007, p. 9).

Quant aux finalités sous-jacentes à l’apprentissage, de Vries (2005) souligne que les gens peuvent apprendre la technologie parce qu’ils ont besoin des connaissances et des compétences spécifiques pour être en mesure de fonctionner dans un environnement où la technologie joue un rôle primordial. Un autre objectif est le désir des individus d’acquérir une perception équilibrée de la technologie (Ibid.). Développer une perception adéquate de la technologie peut être important non seulement pour les futurs ingénieurs, mais aussi pour d’autres qui seront constamment confrontés à la technologie dans leur vie de tous les jours. Quoi qu’il en soit, une bonne compréhension de la technologie peut éclairer les citoyens pour qu’ils soient en mesure de prendre de bonnes décisions au sujet de la technologie (Ibid.).

De son côté, Fourez (1994) synthétise les finalités de l’éducation scientifique et technologique ainsi que leur impact souhaitable sur l’élève. Pour cet auteur, un élève est considéré comme étant éduqué sur le plan technologique lorsque ses connaissances lui procurent une certaine autonomie dans la prise de décision face aux contraintes et limitations naturelles ou sociales, une certaine capacité de communiquer et une certaine maîtrise quant aux situations concrètes. Cela dit, il faut considérer d’autres aspects que ceux traditionnels dans cette éducation.

Pour Martinand (1995), le premier rôle de l’ET «c’est de permettre de compléter la familiarisation pratique commune avec des objets, des procédés, des tâches, des rôles sociotechniques, à l’école et hors l’école. Réalisation ou investigation permettent cette familiarisation» (p. 350). Le deuxième rôle de cette éducation c’est qu’elle doit favoriser l’élaboration intellectuelle (concepts, schémas, modèles, normes) qui organise la pensée technologique consciente de ses démarches. L’équilibre et la cohérence de ces deux registres sont fondamentaux pour la discipline et «tout déséquilibre tend à favoriser, soit le formalisme soit l’empirisme utilitaire et émietté» (Ibid., p. 350).

D’une manière générale, les positions qui se dégagent des écrits scientifiques portant

26 Traduction libre: «La culture technologique est la capacité d'utiliser, de gérer, d'évaluer et de comprendre la

sur l’éducation technologique défendent l’idée que cet enseignement doit permettre aux élèves de s’approprier des apprentissages afin de répondre à des questions technologiques dans leur vie de tous les jours et de développer des attitudes et des modes de pensée s’apparentant à celles que les scientifiques et technologues mettent en œuvre dans leur pratique (Bousadra, 2014; Hasni, 2005).

Notons que selon l’International Technology Education Association (ITEA) (2007), une personne est considérée étant éduquée technologiquement lorsqu’elle comprend, par des manières qui évoluent au fil du temps, ce qu’est la technologie, comment elle a été créée, comment elle façonne la société et comment elle est façonnée par la société. La personne éduquée technologiquement sera également capable, lorsqu’elle reçoit des informations sur la technologie, d’en faire non seulement une évaluation critique, mais aussi de les placer dans leur contexte pour former une opinion. Elle sera à l’aise avec l’objectif de la technologie, mais ne sera ni obsédée, ni effrayée par elle (Ibid.). En effet,

A technologically literate person understands, in increasingly sophisticated ways that evolve over time, what technology is, how it is created, and how it shapes society, and in turn is shaped by society. He or she will be able to hear a story about technology on television or read it in the newspaper and evaluate the information in the story intelligently, put that information in context, and form an opinion based on that information. A technologically literate person will be confortable with and objective about technology, neither scared of it nor infatuated with it. (Ibid., p. 9)