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1. L’ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE

1.1 Le contenu de l’ET

1.2.3 Les différentes considérations de la DCT

Afin de tenir compte de la diversité des entrées des auteurs qui orientent fortement les manières d’aborder la DCT et, par conséquent, ses modalités d’actualisation dans les situations de mise en œuvre en classe, nous présentons ci-dessous ces approches et identifions les caractéristiques qui doivent être prises en considération pour choisir un modèle ou l’autre.

Tout d’abord, rappelons qu’un modèle, selon Ross (1985), peut être représenté simplement ainsi: M est un modèle de A, si M peut être utilisé pour répondre aux questions sur A.

Tate, Chandler, Fontenot et Talkmitt (2010) soutiennent que le choix d’un modèle dépend généralement des objectifs des éducateurs. Leur choix doit, en principe, leur permettre de répondre aux questions suivantes: Qu'est-ce qu'un modèle de DCT qui est suffisamment souple pour établir des liens entre les différentes pratiques professionnelles, mais assez précis pour servir de base à l’ET?

Les raisons derrière le choix d’un modèle de la démarche ne sont pas seulement d’initier les élèves à ce que font les concepteurs et les processus cognitifs qu'ils suivent, mais aussi de fournir une structure pour les éducateurs afin d'initier, de gérer et d'évaluer les activités de conception technologique.

Dym, Agogino, Eris, Frey et Leifer (2005) proposent un modèle de conception qui se caractérise par un ensemble de compétences incluant celles de tolérer l’ambigüité, d’afficher une perspective des systèmes, de traiter de l’incertitude et le doute, et enfin d’utiliser des estimations, des simulations et des expériences pour prendre des décisions efficaces.

Selon Tate et al. (2010), le critère le plus important dans le choix d'un modèle de la DCT est l’intention. En d’autres mots, quelle est la mission poursuivie par l’enseignement de la démarche à sélectionner? Les auteurs distinguent deux catégories de modèle: le modèle descriptif et le modèle prescriptif, ou normatif.

La distinction entre le modèle descriptif et le modèle normatif est que le premier est centré sur les activités des apprenants, alors que le second est axé sur les activités de l’enseignant comme l’indique Cross (1994): «Some models [of the design] simply describe the sequences of activities that typically occur in designing; other models attempt to prescribe a better or more appropriate pattern of activities»15 (dans Tate et al., 2010, p. 384).

Une autre considération à respecter dans le choix d’un modèle de la DCT porte sur sa correspondance à la réalité, la contextualisation. Evbuomwan, Sivaloganathan et Jebb (1996) regroupent les modèles de la démarche en deux catégories: celle fondée sur les

15 Traduction libre: «Certains modèles [de conception] décrivent simplement les séquences d'activités qui se

produisent généralement dans la conception; d'autres modèles tentent de prescrire un meilleur modèle ou le plus approprié aux activités» (Cross, 1994, dans Tate, Chandler, Fontenot et Talkmitt, 2010, p. 384)

activités cognitives centrées sur le problème et celle basée sur les étapes d'évolution de l'objet de conception centré sur le projet.

Le modèle cognitiviste se compose de multiples itérations entre les trois activités suivantes: analyse, synthèse et évaluation (Ibid.). Dans cette perspective, l’analyse consiste à comprendre le problème de conception et à générer ses contraintes et ses spécifications (cahier des charges). La synthèse traite de la génération d'idées, de la planification et de la résolution du problème posé. L’évaluation porte sur la confrontation entre la solution retenue et le cahier des charges (fonction, contraintes et spécifications). En revanche, le modèle basé sur les étapes d’évolution a tendance à mettre l'accent sur la progression de la conception en termes de quantité d’informations connues sur sa mise en œuvre. Dans cette dernière perspective, l'énoncé du problème peut être considéré comme une première description de l'état initial du produit désiré. Progressivement, cet état se transforme en un état dans lequel il existe une description complète du produit contenant les informations nécessaires pour réaliser le produit final matérialisé (Ibid.).

Selon Blessing (1995), les modèles axés sur le produit accordent une importance particulière aux savoir-faire, aux activités de construction et à la conception d’objets en se basant sur une synthèse des connaissances provenant de plusieurs champs disciplinaires. Cependant, les modèles orientés sur le problème s’organisent autour du savoir pourquoi (know why) et de la solution théorique du problème en utilisant des connaissances pertinentes, quelle que soit leur discipline d’origine.

Si nous examinons de près ces distinctions, nous pouvons comprendre que quoique l’enseignement de la DCT soit associé à plusieurs courants, la majorité des modèles sont influencés soit par l'apprentissage par problème, soit par l'apprentissage par projet.

L’apprentissage par problème est axé sur l'apprentissage expérientiel organisé autour de l'investigation et de la résolution de problèmes complexes en lien avec la vie réelle. Cet apprentissage est destiné à fournir des expériences authentiques qui favorisent non seulement un apprentissage actif et l’acquisition des connaissances, mais également une intégration des apprentissages scolaires et de la vie réelle. Dans cette approche, les enseignants proposent des situations soigneusement sélectionnées et le rôle de l’élève consiste à identifier l’origine du problème et les conditions nécessaires à sa résolution tout en agissant comme apprenant

autonome qui travaille avec l’enseignant, comme collègue, dans la résolution du problème (Eide, Jenison, Marshaw et Northrup, 2001; Tate et al., 2010; Torp et Sage, 2002). L’avantage de cette approche est que l’élève construit par lui-même ses apprentissages.

Dans l’apprentissage par projet (appelé ici démarche de projet en technologie), les élèves entreprennent des projets et réalisent une recherche sur les divers aspects d'un thème de la vie de tous les jours (Frank, Lavy et Elata, 2003). Les caractéristiques réelles de ce type de projet peuvent être associées au travail collectif, à la nature concrète et socialisable de la production finale, au rôle actif de l’élève et à l’acquisition des apprentissages figurant au programme (Bousadra, 2014). Dans cette perspective, les projets se composent de deux éléments essentiels: 1) une question centrale ou un problème à résoudre (fil conducteur) et le déroulement des activités des élèves; 2) des produits résultants qui traitent la question ou le problème central (Frank et al., 2003). Les bénéfices de l’approche orientée sur le projet incluent une participation engagée des élèves, une motivation accrue et un développement des compétences multidisciplinaires tels que la pensée critique, la collaboration, le travail en équipe, les attitudes, la gestion de projet, la responsabilité éthique, etc. (Frank, 2005; Sheppard, Colby, Macatangay et Sullivan, 2004).

En somme, les deux modèles se distinguent par la transformation d’un problème ou d’un besoin humain à une solution ou à une conception. Le premier, apprentissage par problème, est centré sur l’analyse du problème à l’étude et l’abstraction des étapes de la démarche; alors que le deuxième, approche par projet, est centré sur l’analyse des idées du produit et les étapes d’évaluation (Blessing, 1995).

Devant la diversité des modèles, il est difficile pour l’enseignant de traduire toutes ces démarches en classe. Les enseignants et les concepteurs du matériel didactique ont besoin d’une définition plus opérationnelle et des modalités de sa mise en œuvre. La définition de l’ITEA (2007) nous semble aller dans ce sens:

The design process includes defining a problem, brainstorming, researching and generating ideas, identifying criteria and specifying constraints, exploring possibilities, selecting an approach, developing a design proposal, making a model or prototype, testing and evaluating the design using specifications, refining the design,

creating or making it, and communicating processes and results16 (p. 97).

Or, cette définition n’explicite ni l’acquisition des nouveaux savoirs, ni les actions à poser.

La résolution de problèmes et le désir de l'utiliser en éducation et de l’appliquer dans les lieux de travail ne sont pas une idée nouvelle. Bien que la recherche scientifique ait généré différentes méthodes de résolution de problèmes technologiques en éducation, l’une des plus marquantes est le processus de Dewey (1910) composé des cinq étapes suivantes:

«1) felt difficulty (sentir la difficulté ou un besoin); 2) problem clarification [clarifier le problème]; 3) identification of possible solutions [identifier les solutions possibles]; 4) testing of solutions [tester les solutions], and; 5) verification of results [vérifier les résultats]» (p. 72).

Ce processus a inspiré plusieurs chercheurs dans le développement de différentes méthodes. Par exemple, Frith (2016) développe une séquence appelée Dewey Sequence Problem-solving que nous présentons dans le tableau 3.

16 Traduction libre: «Le processus de conception comprend la définition d'un problème, la réflexion, la

recherche et la génération des idées, l'identification des critères en spécifiant les contraintes, l'exploration des possibilités, la sélection d'une approche, l'élaboration d'une proposition de conception, la fabrication d'un modèle ou d'un prototype, les essais et l'évaluation de la conception en utilisant les spécifications, le raffinage de la conception, la création et la communication des processus et des résultats» (ITEA, 2007, p. 97)

Tableau 3

Séquence de résolution de problème de Dewey17

Dewey Sequence Problem-Solving Step One: Define the Problem

1. What is the specific problem that the group is concerned about? (This is your policy question). 2. What terms, concepts, or ideas need to be defined?

Step Two: Analyze the Problem

1. What is the history of the problem? 2. What are the symptoms of the problem? 3. What are the causes of the problem?

4. What methods, (approaches, laws, policies) currently exist for dealing with the problem? 5. What are the limitations of these methods?

Step Three: Determine Criteria for optimal Solution

What are the guidelines for a workable solution? (Sample criteria may include cost, ability to be implemented, enforced, i.e., band uniforms-comfortable, eye catching, weather resistant).

Step Four: Propose Solutions

After the group has analyzed the problem and suggested criteria for a solution, it should begin to suggest possible solutions in hypothetical terms. Many suggest a variety of possible solutions without evaluating them. (Brainstorming).

Step Five: Evaluate Proposed Solution

After the group has compiled a list of possible solutions, it should be ready to select the best possible solution in light of the criteria that the group developed in step three.

1. Are there any disadvantages to the solution? Do the disadvantages outweigh the advantages? 2. Does the solution conform to the criteria formulated by the group? (The group may decide to modify the criteria).

Step Six: Select a Solution

1. Weigh merits and deficiencies of the solution.

2. What would be the long-term and short-term effects of this solution if it were adopted?

Step Seven: Suggest Strategies to Implement the Solution

Group members should be confident that the solution will indeed solve the problem. After the group selects the solution they must determine how to put the solution into effect.

1. How can the group get public support and approval for its proposed solution? 2. What specific steps are necessary to implement the solution?

3. How can the group evaluate the success of its problem- solving efforts?

17 Méthode publiée sur le site facultaire à l’adresse

Le premier avantage de cette démarche est de guider, par des questions, les intentions derrière chacune des étapes. Elle met en évidence, dès le début, le développement des concepts technologiques. Elle montre également qu’une fois qu’un problème a été identifié, son processus de résolution peut commencer. Il s’agit, selon Newell et Simon (1972), de la transition d'une situation initiale à un état désiré.

Notons que plusieurs chercheurs soutiennent qu’à tout problème de conception bien posé, la solution est évidente (Dewey, 1910; Guerra, Allen, Crawford et Farmer, 2012; Kelley, 2008; Lebeaume et Martinand, 1998; NASA, 2013). Mais, selon Tate et al. (2010), il existe toujours des compromis dans toute conception technologique. Cela met en évidence que la planification dans une démarche de résolution technologique n’est pas un engagement, elle est une intention. Dans les circonstances, la planification est à la merci des contraintes et des ressources disponibles.

Dans la logique de Frith (2016), l’enseignant doit accorder une importance particulière à l’analyse. En effet, une analyse approfondie du problème, du but et de la raison de la conception place l’enseignant dans une situation de type industriel, une situation authentique. Les situations d’enseignement-apprentissages de ce type recourent habituellement à l’explication et à l’argumentation qui allouent à la manipulation des faits technologiques une place centrale.