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1. LES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DE LA DCT: CONVERGENCES ET

1.2 Les modalités axées sur le guidage d’action

Dix situations parmi les vingt-sept analysées figurent dans cette catégorie (voir situations surlignées en jaune dans l’annexe D). Elles sont caractérisées principalement non seulement par une mise en situation (présence d’un problème technique), mais aussi par une solution fournie (modalité de droite dans la figure 11). Ce type de situation-problème est qualifié, dans la typologie de Franske (2009), de problème de type «casse-tête», car d’une part la solution est déjà connue comme l’image d’un casse-tête; d’autre part, le produit est identique pour tous les apprenants.

Les sujets de cette catégorie offrent aux élèves un document contenant toutes les étapes à suivre et tous les schémas et dessins nécessaires pour fabriquer l’objet. L’élève recopie, à l’échelle, les dessins fournis sur les morceaux de bois ou de plastique et coupe avec l’aide du technicien. Il assemble ensuite ses morceaux et l’objet est prêt, comme le soutiennent quelques sujets participants:

Premièrement, j’explique le document qui était à remettre à la fin du travail des élèves. Ce document-là comprenait le schéma de principe, le schéma de construction, le circuit électrique aussi, etc. Par la suite, on allait au laboratoire de technologie. Là, les élèves devaient construire la lampe de poche, en suivant une gamme de fabrication vraiment très, très claire avec des images et des explications pour chacune des pièces.

Ma tâche là-dedans était d’expliquer l’utilisation de chacun des outils. Et grosso modo, les étapes à suivre pour que les élèves sachent un peu où ils s’en allaient et répondre aux questions. Sinon, je ne vois pas autre chose. (S12)

C’est vraiment, ils [élèves] ont un plan, et ils n’ont qu’à suivre le plan. On ne leur fait pas monter le plan. C’est comme s’ils achetaient un matériau, puis là, ils n’ont qu’à suivre le plan, pour monter leur objet. (S14)

Même s’il n’est pas clairement explicite, les situations d’apprentissage de conception qui s’inscrivent dans cette logique laissent entendre que la DCT est un processus linéaire amenant directement à la bonne solution au problème posé à travers un processus de mémorisation de formules et d'application des procédures, plutôt que d'avoir des apprenants engagés dans leur apprentissage où la construction du sens est prioritaire. Ce résultat corrobore ceux d’Ihde (1997) qui souligne que cette logique d’enseignement de la technologie laisse de l’espace aux interprétations ontologiques pour refléter le déterminisme technologique plutôt que la possibilité de choix humain.

Par les situations de conception, les sujets qui s’inscrivent dans cette catégorie axée sur le guidage d’action visent en premier lieu à guider les élèves vers la solution proposée par l’enseignant ou le technicien dans certains cas (l’expert). Ils guident d’une manière systémique l’action de l’élève en suivant la démarche proposée étape par étape. En deuxième lieu, leur objectif est le développement des habiletés manuelles et l’utilisation des machines-outils (savoir-faire d’ordre inférieur). En troisième lieu, ils tendent vers la validation des concepts scientifiques acquis pendant les cours de science. D’une manière générale, les sujets de cette catégorie ont pour but le développement des compétences techniques. Ce constat rejoint le résultat d’autres études qui montrent que l’ET est pilotée, entre autres, par les objectifs déclinés en savoir-faire inférieur ou en compétences minimales (Dakers et Dow, 2009; Ginestié, 1999, 2002; Lebeaume, 2000;

McCormick, 2004 Sadji, 2008).

Quant à l’évaluation des apprentissages, les sujets qui s’inscrivent dans cette modalité axée sur les savoir-faire pratiques évaluent en particulier les techniques manuelles, l’utilisation d’outils et organisent une compétition pour sélectionner «le meilleur produit final»:

On l’évalue [l’élève] dans la manière de fabriquer ses pièces, les agencer, et on fait les compétitions. À la fin, on évalue le bateau le plus rapide. (S6)

J’évalue la voiture même. Puis ça se termine par ce qu’on appelle une compétition. Évidemment, on ramasse tous les véhicules puis choisir un jury pour choisir la voiture la plus réussie ou quoi. (S7)

Ils sont [les élèves] évalués sur le traçage. Tout doit être montré. J’évalue le traçage en classe avant qu’ils passent au découpage, sinon je ne peux plus l’évaluer. J’évalue le découpage. Tout l’assemblage de la boîte je l’évalue à la fin. (S10)

Cela montre qu’il y a confusion entre le résultat souhaité de la tâche de conception et la finalité de l’apprentissage. Cette approche guide l’élève vers la construction d’un produit qui est considéré comme finalité. Le recours au guidage de l’action de l’élève divulgue une modalité restreinte du point de vue des apprentissages. Rappelons que le but des activités scolaires dans le cadre de la DCT est non seulement la conception efficace d’une solution technologique, mais aussi l’acquisition de nouvelles connaissances.

Nous pouvons constater, chez certains sujets qui s’inscrivent dans cette perspective, que l’enseignement de la DCT est pris en charge par des techniciens, comme l’illustrent les extraits ci-dessous.

C’est lui [le technicien] qui a monté et testé le projet, qui l’a fabriqué. C’est lui qui l’a enseigné à nous les enseignantes. Comment le réaliser aussi. Comment l’expliquer aux élèves et comment utiliser les différents outils. C’est lui qui a pris les photos pour faire une gamme de fabrication vraiment, vraiment très explicite. Il a testé aussi les différents produits afin de trouver ceux qui étaient les plus efficaces. Oui, il a vraiment une grande part là-dedans. (S12)

La technicienne peut ajuster les dessins, des schémas de construction et de principe par exemple, si elle le voit nécessaire. (S6)

D’une manière générale, toutes les situations de conceptions technologiques proposées par des sujets de cette approche transmissive suivent le même modèle. L’artefact technologique, que ce soit une voiture, un coffret à crayons, une lampe de poche ou autre est le même pour toute la classe. L’accent est mis sur l’acquisition des connaissances procédurales, notamment l’utilisation des machines-outils. Chaque élève est encouragé à suivre à la lettre les procédures indiquées dans le document explicatif fourni au début de l’activité. Lorsque l’élève (le novice) rencontre une difficulté ou lorsque des savoir-faire complexes sont requis, il observe la démonstration de l’expert (l’enseignant ou le technicien). Ce résultat rejoint les résultats d’autres études, notamment celle de Dakers et Dow (2009) qui met en évidence le fait que la démarche de conception, en Europe, suit un modèle similaire pour tous et que l’évaluation se fait sur la qualité de l’objet technologique réalisé; et celle de Lebeaume (2002), qui montre que les pratiques de classe en technologie sont relativement uniformes avec des tendances majoritaires suivantes: faible variabilité du choix des objets-produits, opérations techniques élémentaires et dimension pratique valorisée.

En somme, l’analyse du discours des enseignants permet de relever quelques caractéristiques de la mise en œuvre de la DCT. D’abord, des démarches proposent aux élèves un problème «bien défini» orienté sur l’investigation, mais présentent une limite au niveau du transfert des apprentissages et au niveau de l’apport de la théorie dans la résolution des problèmes technologiques. Ensuite, des démarches axées sur le tâtonnement découragent l’effort et la théorie et laissent l’apprentissage au hasard. En outre, si le problème «mal défini», dans le sens de Jonassen (2000) et Franske (2009), possède un potentiel pour favoriser l’apprentissage des élèves, aucune situation parmi les 27 analysées ne l’utilise pas.

Rappelons que le problème «mal défini» est contextualisé et sa solution exige, dans la plupart des cas, l'intégration des connaissances de plusieurs domaines, comme le préconise le PFEQ. Cela montre que très peu d’enseignants, voire même aucun répondant, n’utilisent de dispositifs de confrontation aux obstacles.Cette logique perd de vue certaines caractéristiques fondamentales de la DCT, telles que tolérer l’ambigüité et faire face à l’incertitude. Ellerejoint les résultats issus d’autres recherches au Québec et

ailleurs à travers le monde (Bousadra, 2014; Franske, 2009; Ginestié, 1999, 2002; Lacasse et Barma, 2012; Van Barneveld, 2011).

Une explication à cette situation peut être encore reliée à la formation des enseignants. En fait, dans l’incertitude, les enseignants choisissent le fort guidage d’action. Toutefois, comme nous l’avons signalé ci-dessus, faire face à l’incertitude est l’une des principales caractéristiques de la DCT. Dans la plupart des cas, les enseignants utilisent des situations planifiées soit par des organismes de formations, des conseillers pédagogiques, des collègues ou même des techniciens dans certains cas, et guident fortement les élèves afin de les garder dans une zone de confort, comme l’illustre l’extrait ci-dessous.

C’est sûr qu’ils [les élèves] sont guidés par le professeur ou la technicienne beaucoup plus, on est ensemble, surtout la technicienne c’est le côté pratique et côté machine, etc. Le professeur c’est le côté traçage, le mesurage, etc. (S6)

C’est en fait un technicien. C’est lui qui a monté et testé le projet, qui l’a fabriqué, c’est lui qui l’a enseigné à nous, les enseignantes. Comment le réaliser aussi? Comment l’expliquer aux élèves et comment utiliser les différents outils? C’est lui qui a pris les photos pour faire une gamme de fabrication vraiment, vraiment très explicite. Il a testé aussi les différents produits afin de trouver ceux qui étaient les plus efficaces. Oui, il a vraiment une grande part là-dedans. (S12)