2.4 Processus ponctuels avec interaction
3.1.1 Mod´elisation de l’interaction entre les objets
Pour construire une forme `a partir d’objets en interaction dans le cadre des processus ponctuels marqu´es, il faut d´efinir les objets, les interactions entre les objets ainsi que les fonctions d’interaction. Tout cela se formule au moyen d’une densit´e de probabilit´e.
Les objets que nous consid´erons sont de taille et de forme d´eterministes.
Seules leur position et leur orientation sont al´eatoires.
La marque repr´esente l’orientation de l’objet. Si W ⊂ R2, l’espace des marques est M = [0, π). Si W ⊂ R3, alors M = [0,2π)×[0,1]. Dans ce cas, l’orientation est le vecteur
m(m1, m2) = ( q
(1−m22) cos(m1), q
(1−m22) sin(m1), m2).
Pour νM nous choisissons la loi uniforme.
Il est commode d’attribuer des extr´emit´es `a tout objet. Il s’agit d’un en-semble de points rigides{eu,1≤u≤q}. Ces points servent `a construire une r´egion d’attraction autour de l’objet.
D´efinition 14 La r´egion d’attractiona(w) autour de l’objetx= (w, m) est d´efinie comme une union disjointe de boulesa(x) =Sq
u=1b(eu, ra),b(eu, ra) d´esignant la boule de rayon ra centr´ee en eu.
Pour former des structures, les objets interagissent `a travers leur r´egion d’at-traction. Une r`egle d’attractionCentre deux objetsxietxj est une assertion logique portant sur l’ensemble des couples d’extr´emit´es que l’on peut former
`
a partir des deux objets. Par exemple, l’attraction peut ˆetre permise lorsque un couple d’extr´emit´es est s´epar´e d’une distance inf´erieure `a ra.
D´efinition 15 Soit deux objetsx1 = (w1, m1) et x2= (w2, m2).
Les objets sont en attraction x1 ∼a x2, si l’ensemble {(u, v) : 1 ≤ u, v ≤ q, d(eu(x1), ev(x2))≤ra} contient un seul ´el´ement v´erifiant C.
Les objets sont en r´epulsion x1 ∼h x2, si d(wi, wj) ≤ 2rh pour une valeur rh >0 fix´ee.
Les objets sont align´es x1 ∼k x2, si
m1·m2 ≥1−τ
o`uτ ∈(0,1) est un param`etre de courbure fix´e et·est le produit scalaire des vecteurs d’orientation1.
Les objets sont connect´es x1 ∼s x2, si les trois propri´et´es suivantes sont respect´ees (simultan´ement)
x1∼ax2
x1∼k x2 x16∼h x2
D´efinition 16 SoitRl’ensemble de tous les interactions par paires d’objets de W ×M qui sont `a la fois locales2, sym´etriques et qui induisent une application mesurable sur F.
Toutes les relations qui ont ´et´e d´efinies appartiennent `a R, hormis ∼k qui n’est pas locale.
1. Ici nous avons consid´er´e queW ⊆R3.
2. Une interaction locale est une interaction `a port´ee finie.
D´efinition 17 Un objet est dit s−connexe s’il est connect´e `a travers exac-tement s de ses extr´emit´es. Sis= 0, l’objet est dit libre.
Deux objets sont dits de mˆeme type s’ils sont d´efinis sur le mˆeme espace de param`etres, s’ils ont la mˆeme position et le mˆeme nombre d’extr´emit´es, et s’ils suivent la mˆeme r`egle d’attraction. Jusqu’`a pr´esent, nous n’avons consid´er´e que les structures form´ees par des objets de mˆeme type.
Exemple 8 Structure lin´eaire.Un r´eseau lin´eaire peut ˆetre g´en´er´e `a par-tir de segments en interaction. La Figure 3.2a montre un segment de lon-gueur2(r+ra), centr´e `a l’origine. Il poss`ede lesq = 2 extr´emit´es suivantes
eu= (0,0,(r+ra) sin(2u−1)π
2 ), 1≤u≤q et son vecteur d’orientation est ω= (0,0,1).
Le rayon de r´epulsion est rh = r alors que la r`egle d’attraction est C = {(1,2),(2,1)}. Donc deux segments peuvent se connecter par extr´emit´es d’in-dices diff´erents. Tout segment de milieu et d’orientation al´eatoires dans R3 peut ˆetre obtenu `a partir du segment de cet exemple, par une translation et deux rotations [88].
Structure planaire.La Figure 3.2b montre comment construire une struc-ture planaire `a partir d’un hexagone centr´e `a l’origine. Son vecteur d’orien-tation est ω= (0,0,1) et il poss`ede q= 6 extr´emit´es donn´ees par
eu = ((r+ra) cos(2u−1)π
6 ,(r+ra) sin(2u−1)π
6 ,0), 1≤u≤q.
La r´egion de r´epulsion est identique au cas pr´ec´edent. La r`egle d’attraction est d´efinie comme suit : le couple d’extr´emit´es (eu(xi), ev(xj))accomplit les conditions d’attraction lorsque |u−v|= 3. Ceci donne les couples d’indices C={(1,4),(4,1),(2,5),(5,2),(3,6),(6,3)}.
Structure volumique. Pour former une structure volumique nous allons partir d’un cubocta`edre comme ´el´ement g´en´erateur. La Figure 3.2c montre un cubocta`edre centr´e, d’orientation ω = (0,0,1). Il poss`ede q = 12 points extremaux qui s’´ecrivent
eu = ((r+ra) cos(αu+βu),(r+ra) sin(αu+βu),(r+ra) sin(βu/2)) 1≤q ≤12, o`u αu = π4(2u−1) et βu= π2 u−5
4
.
Autour de l’objet, la r´egion de r´epulsion est construite comme dans les deux cas pr´ec´edents. La r`egle C d’attraction entre deux objets xi et xj s’´etablit
a) y
x ω=z
O
region Spheres : attraction
e2 e1
r=rh
ra
b)
ω=z
x
y
e6 e4 e5
e3
e2 e1
r
ra
Spheres : attraction region
c)
ω= z
x
y
O
e11 e12 e9
e10 e7 e8
e6 e3
e4
e1 e2
e5 r+ra
Figure3.2 – ´El´ements g´en´erateurs : a) structure lin´eaire, b) structure pla-naire, c) structure volumique
par extr´emit´es oppos´ees, d’indices(1,10), (2,11), (3,12),(4,9), (5,7),(6,8) et leur sym´etrique.
Lemme 1 Le nombre ns d’objets s−connexes d’une configuration d’objets de mˆeme typex∈Ω, est mesurable par rapport `a F.
Preuve: Il s’agit d’une adaptation du r´esultat ([T7], Lemma 1, pp. 179).
Ici, nous montrons la mesurabilit´e du nombre n0 d’objets libres. La mesu-rabilit´e des autres applications s’obtient par des arguments similaires.
Selon ([157], Section 3.1), nous devons montrer la mesurabilit´e des fonctions sym´etriques
f(x1, . . . , xn) : (W ×M)n→ Xn
i=1
1{xi est libre} pour toutn∈N⋆.
Pour touti6=j∈ {1, . . . , n}, nous d´efinissonsfij tel que
fij(x1, . . . , xn) = 1{xi 6∼axj}+1{xi∼axj}1{xi ∼hxj}+ 1{xi ∼axj}1{xi6∼h xj}1{xi6∼k xj}
La fonctionfij est bor´elienne car c’est une application sur (W ×M)n. Par cons´equent, la fonction
1{xi is free}=Y
i6=j
fij(x1, . . . , xn)
est aussi bor´elienne et il en est de mˆeme pour la somme de ces fonctions
index´ees pari.
Pour une configuration d’objets de mˆeme typex={x1, . . . , xn}, la densit´e de probabilit´e
p(x) =p(∅)
" q Y
s=0
γsns(x)
# Y
κ∈Γ⊂R
γκnκ(x) (3.4) d´efinit le mod`ele Bisous par rapport `a la mesure de r´ef´erence du processus de Poisson standard.
Les valeurs γs > 0, γκ ∈ [0,1] repr´esentent des param`etres du mod`ele et p(∅) est la constante de normalisation. L’ensemble Γ contient les relations incluses dans R qui sont prises en compte pour construire la forme x. Si γk = 0, l’interaction ∼κ est dite hard-core (ici nous posons 00 = 1). Pour
chaquesetκles statistiques suffisantes ns(x) etnκ(x) repr´esentent respec-tivement, le nombre d’objets s− connexes et le nombre de paires d’objets ayant l’interaction κ, dans la configuration x.
Lemme 2 Le mod`ele Bisous d´efini par (3.4) est localement stable.
Preuve: Soit W un compact de R3. Si ∼h∈Γ et si γh = 0, alors il existe un nombre maximum d’objets nmaxqui peut ˆetre contenu dans W.
Alors, l’intensit´e conditionnelle est born´ee par la quantit´e λ(ζ;x)≤
Yq s=0
max{γs, γ−1s }nmax = Λ.
Le mod`ele est localement stable mˆeme si Γ ne contient pas d’interaction de type hard-core. En fait, le nombre maximal d’objets non-connect´es qui peuvent se connecter `a un autre objet est 12. Ce nombre est connu sous le nom de “kissing number”3. La borne pour l’intensit´e conditionnelle devient ainsi
Λ = Yq s=0
max{γs, γs−1}12. (3.5) Comme la connexit´e suppose aussi les objets align´es, il est possible d’attri-buer `a l’intensit´e conditionnelle (3.5) des bornes encore plus resserr´ees qui
d´ependent du param`etre de courbureτ.
Th´eor`eme 8 La densit´e de probabilit´e du mod`ele Bisous (3.4) d´efinit bien un processus ponctuel.
Preuve: La (Ω,F)−mesurabilit´e du mod`ele Bisous d´ecoule de la d´efinition de R et du Lemme 1. La stabilit´e locale implique la stabilit´e au sens de Ruelle (2.4), et donc l’integrabilit´e du mod`ele.
Le mod`ele Bisous est construit sur des interaction par paires, qui sont sym´etriques et locales, c’est-`a-dire `a port´ee finie. Par exemple, las−connexit´e est sym´etrique et sa port´ee est de 4rh+ 2ra [T7, T17]. En utilisant ces ar-guments et en supposant les ensembles vides ainsi que les singletons comme des cliques, on prouve que les mod`eles Candy et Bisous sont markoviens au sens de (Ripley-Kelly) [161, 190, 141].
3. Le probl`eme dont il est la r´eponse a ´et´e `a l’origine une discussion math´ematique entre Isaac Newton et David Gregory (http ://en.wikipedia.org/wiki/Kissing number problem).
L’appelation ”kissing number” nous a inspir´e egalement, pour le nom de notre mod`ele.
La Figure 3.3 montre des structures obtenues en utilisant le mod`ele Bi-sous. Nous observons que le mod`ele est capable de construire aussi bien des r´eseaux lin´e¨ıques que des surfaces ou des agr´egats.