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La Modélisation des Effets de la Mise en Œuvre de DRMs sur les Profits des Producteurs de Biens Informationnels.

Un nombre beaucoup plus réduit de modèles s’intéresse explicitement aux effets des DRMs sur les profits des producteurs de biens informationnels. De plus, la majorité de ces modèle se place dans un cadre d’hypothèse sous lequel les copies non autorisées peuvent augmenter les profits des producteurs de biens informationnels par appropriabilité indirecte, effets de réseaux ou effet sampling.

2.1. Lorsque les Copies Non Autorisées Peuvent Augmenter les Profits.

Trois modèles présentés dans la partie précédente s’intéressent spécifiquement aux effets de la mise en œuvre de protections techniques contre la copie sur les profits des producteurs de biens informationnels. Ils montrent tous trois que la mise en place de DRMs peut diminuer le profit des producteurs lorsque les copies ont un effet positif sur ce dernier.

Ainsi, Conner et Rumelt (1991) montrent que, dans un cadre d’appropriabilité directe, lorsque les effets de réseau sont suffisamment forts, l’introduction d’un DRMs parfaitement

efficace et sans coût peut, sous certaines conditions, diminuer le profit d’un producteur de logiciel. Shy et Thisse (1999) étendent ce résultat au cas d’un duopole.

Poddar (2006) se place dans un cadre d’appropriabilité directe, sans effets de réseau, mais prend en compte l’effet de sampling des copies sur les originaux, considérés comme des substituts imparfaits. Il néglige les coûts de la technique de protection. Il montre que l’absence de protection n’est jamais optimale mais que, sous certaines conditions, une protection partielle peut être préférable à une protection totale.

Sans prise en compte de ces effets positifs des copies dans ces modèles, les profits des producteurs augmenteraient avec la mise en place d’un DRMs sans coût.

2.2. Lorsque les Copies Non Autorisées Diminuent Toujours les Profits.

Quels peuvent être les effets négatifs de la mise en œuvre d’un DRMs sur les profits, lorsqu’il est sans coût et que l’on se place dans un cadre d’appropriabilité directe sans effets de réseau ni effets de sampling, où les copies non autorisées diminuent toujours les profits des producteurs ?

Sundararajan (2006) étudie le choix optimal de l’étendue des droits numériques contrôlés par un DRMs pour un vendeur proposant à la fois une version tangible et une version numérique d’un bien. Il se place dans l’industrie du livre et suppose que les droits de la version tangible sont fixés et que la version numérique est plus sujette aux copies non autorisées que la version tangible. Il montre analytiquement et valide empiriquement le résultat suivant. : lorsque les copies sont possibles, accorder des droits numériques trop étendus peut diminuer les profits principalement par cannibalisation des ventes physiques moins sujettes au piratage. Ce résultat peut difficilement être transposé à l’industrie musicale dans la mesure où la version tangible, le CD, est déjà numérique. Le CD est également sujet au piratage numérique et, de plus, l’étendue de ses droits d’usage peut également être contrôlé par un DRMs.

La stratégie optimale de mise en œuvre d’un DRMs sans coût est cependant sujette à un autre arbitrage. En effet, la mise en œuvre d’un DRMs rend plus difficile l’acquisition de copies non autorisées, mais diminue également la valeur de l’original pour le consommateur en restreignant ses libéralités d’usage.

À notre connaissance, deux articles se concentrent sur cet arbitrage entre protection contre la copie et diminution de la valeur des stratégies DRMs. Fetscherin (2006) met en évidence les effets contradictoires des DRMs sur la demande. Sundararajan (2004) montre que, malgré cet arbitrage, lorsque la discrimination par les prix est impossible, le niveau optimal de protection par les DRMs est le niveau technique maximal. Cependant, ce résultat dépend d’hypothèses fortes sur l’efficacité du DRMs supposé dégrader plus fortement la qualité de la copie que celle de l’original et à un taux de croissance supérieur. Dans ces deux modèles, la qualité des copies est inférieure à celle des originaux.

Dans le sous-chapitre suivant, nous proposons un modèle qui analyse l’effet de la mise en œuvre d’un DRMs sur le profit d’un producteur de musique numérique. Il modélise l’arbitrage entre protection et valeur dans le choix de mise en œuvre d’un DRMs. L’analyse est plus large que celle de Fetscherin (2006) puisqu’elle porte sur les profits et non seulement sur la demande. Le modèle ne fait pas d’hypothèse sur l’efficacité du DRMs comme Sundararajan (2004). Il montre que, dans un cadre d’appropriabilité directe, sans effets de

réseau ni effets de sampling, les copies étant parfaitement substituables aux originaux, l’introduction d’un DRMs sans coût peut ne pas être profitable pour le producteur.

Conclusion

Cette revue de la littérature nous a permis d’établir le cadre le plus réaliste selon nous pour étudier les effets des copies non autorisées sur les ventes de musique dans l’environnement numérique et Internet. Ce cadre suppose que l’appropriabilité est directe, ne prend en compte ni effets de réseaux ni effets de sampling et considère que les copies sont des substituts parfaits des originaux.

Dans le sous-chapitre suivant, nous utiliserons ces hypothèses pour construire un modèle original d’analyse des effets de la mise en œuvre d’un DRMs sur les profits des producteurs de musique numérique. Cette revue de la littérature permet également de mettre en évidence la nouveauté d’un résultat de ce modèle par rapport à la littérature existante. Notre modèle montre en effet que, même dans un cadre où les copies non autorisées diminuent toujours les profits des producteurs, l’introduction d’un DRMs sans coût peut ne pas être profitable, lorsque l’on prend en compte l’arbitrage entre protection et valeur des originaux.

Sous-Chapitre 3b : Un Modèle d’Analyse des Effets de la Mise en Oeuvre d’un DRMs sur le Profit d’un Producteur de Musique Numérique.

Introduction

Dans ce sous-chapitre, nous construisons un modèle d’analyse des effets de la mise en œuvre d’un DRMs sur le profit d’un producteur de musique numérique. Le modèle représente de façon statique la tarification optimale d’un monopole pour un album musical donné. Il considère uniquement l’effet DRMs sur les copies non autorisées domestiques, désignées elliptiquement par la suite par le terme « copies » pour la simplicité de l’exposition. Nous mettons en évidence l’arbitrage du producteur de musique numérique entre les deux effets contradictoires consécutifs à la mise en œuvre d’un DRMs : l’augmentation du coût de la copie pour les consommateurs d’une part, et la dégradation de la qualité de l’original via les restrictions d’usage, d’autre part.

Nous nous plaçons dans un cadre d’appropriabilité directe de la valeur des copies, nous négligeons les effets de réseau et les effets sampling des copies et nous considérons que copies et originaux sont des substituts parfaits. Nous avons justifié dans le sous-chapitre précédent (sous-chapitre 3a) des raisons pour lesquelles ce cadre nous semblait le plus pertinent pour la musique numérique.

Nous procédons en trois étapes. Le modèle le plus simple considère que la copie est impossible. Dans un deuxième modèle, nous introduisons la possibilité pour les consommateurs de copier de façon illimitée, sans entrave technologique. Enfin, dans un troisième modèle, nous considérons la possibilité pour le producteur de recourir à un DRMs sans coût et d’intensité variable. Ce DRMs va à la fois diminuer la valeur des originaux et augmenter le coût de la copie.

Nous caractérisons d’abord l’impact de la mise en œuvre d’un DRMs sur le choix optimal de tarification du monopole. En suivant la typologie de Belleflamme (2003), on distingue trois situations : lorsque la copie est bloquée, lorsque la stratégie optimale du producteur est d’empêcher la copie en fixant un prix égal au coût de la copie (limit pricing) et lorsqu’elle est de s’accommoder de la copie en fixant un prix supérieur au prix limite. Dans notre modèle avec copie illimitée, si le coût de la copie n’est pas bloquant, le monopole est contraint à un limit pricing où le prix est égal au coût de la copie. Du fait de la substituabilité parfaite de la copie et de l’original, il n’est en effet jamais profitable de s’accommoder de la copie. Dans notre modèle avec DRMs, en revanche, la stratégie optimale du producteur peut être de s’accommoder de la copie dans certaines situations. De plus, le prix limite y est inférieur au coût de la copie avec DRMs. Il est égal à ce coût diminué de la perte de valeur maximale de l’original par rapport à la copie.

Nous étudions ensuite les conditions de la profitabilité de la mise en œuvre d’un DRMs sans coût pour le producteur de musique. Pour cela, nous comparons les revenus optimaux du monopole lorsque la copie est illimitée et lorsqu’un DRMs est mis en œuvre. Nous montrons alors que, même dans un cadre où les copies n’augmentent jamais le profit, l’introduction d’un DRMs très efficace et sans coût peut ne pas être profitable pour le producteur. Nous montrons, de plus, que cette contre-performance est possible même lorsque les pertes de revenus entraînées par les copies non autorisées sont très importantes.

Dans le sous-chapitre précédent, nous avons montré l’originalité de ce résultat par rapport à la littérature existante. En effet, l’effet négatif de l’introduction d’un DRMs sur les profits des producteurs avait jusqu’à présent été mis en évidence dans le cadre de modèles prenant en compte certains effets positifs des copies, effets de réseaux ou effet de sampling (Conner et Rumelt, 1991 ; Shy et Thisse, 1999 ; Poddar, 2006) ou permettant au producteur de discriminer les consommateurs selon leurs consentements à payer pour un original d’une qualité supérieure à celle de la copie (Sundararajan, 2004). Nous montrons que cet effet négatif de l’introduction d’un DRMs sur le revenu du producteur peut être mis en évidence dans un modèle qui ne prend en compte aucun effet positif des copies sur le revenu, où les copies sont des substituts parfaits des originaux.

Nous exploiterons le cadre analytique du modèle et ses résultats dans le sous-chapitre suivant (sous-chapitre 3c) qui propose une analyse de la logique économique du recours puis de l’abandon des DRMs en tant qu’outils de protection par les maisons de disques, phénomène lui-même mis en évidence dans notre historique (chapitre 2).

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