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Les Acteurs de l’Histoire de la Distribution de Musique en Ligne.

Les premiers acteurs de l’histoire de la distribution de musique en ligne sont ceux qui constituent la filière de l’enregistrement musical7 : auteurs, compositeurs, éditeurs musicaux,

artistes interprètes, producteurs, éditeurs phonographiques, distributeurs et détaillants. L’éditeur musical est chargé de la promotion et de la distribution des œuvres réalisées par les auteurs et compositeurs : il met ces derniers en contact avec des interprètes et des producteurs et gère la synchronisation des œuvres au cinéma ou à la télévision. Le producteur est, quant à lui, celui qui enregistre la prestation de l’artiste interprète. Il prend à sa charge tous les frais liés à l’enregistrement (comme la location du studio, l’embauche de musiciens ou ingénierie du son) et livre le master ou bande mère. L’éditeur phonographique fabrique ensuite les disques et en assure la promotion et le marketing. Enfin, le distributeur met les disques ou fichiers numériques à la disposition des détaillants, en ayant éventuellement recours à des grossistes.

La filière de l’enregistrement musical est structurée par les droits de propriété intellectuelle : le copyright, les droits d’auteur et les droits voisins qui sont attachés à la musique. Si ces droits sont exclusifs par nature, certains régimes dérogatoires ont cependant été mis en place par la loi. En France, existent ainsi deux systèmes de licence légale qui permettent l’utilisation des œuvres musicales sans autorisation préalable des ayants droit en contrepartie du versement d’une rémunération. Il s’agit d’une part, de la rémunération équitable pour la diffusion d’enregistrements dans les lieux publics et discothèques, à la télévision et à la radio (hors webradio) et d’autre part, de la rémunération pour copie privée sur les supports vierges. Aux Etats-Unis, il existe un système de redevance pour copie privée extrêmement limité qui s’applique à un type très spécifique de supports et matériels d’enregistrement audio (digital audio tapes et mini-discs)8. En dehors de ces régimes dérogatoires, la filière de

l’enregistrement musical est structurée par des contrats de cession et de licence de droits exclusifs entre acteurs verticaux en contrepartie de paiements (avances, pourcentage des recettes du détaillant ou du prix de gros pratiqué par le distributeur, éventuellement assortis de minimums garantis). Le schéma 8 représente ces relations.

7 Pour une description détaillée de l’industrie, on peut se référer à Caves (2001) et à Curien et Moreau

(2006).

8 La logique économique de ces régimes dérogatoires sera exposée dans le chapitre 5, consacré à

Schéma 8 : Les droits exclusifs structurant la filière de l’enregistrement musical. Editeur Phonographique Distributeur Contrat de distribution Détaillants dans la vente de disques Services de musique en ligne Droits d'auteur Auteur, Compositeur, Editeur Musical

Droits Voisins Droits Voisins

Artiste Interprète Contrat d'enregistrement exclusif Producteur d'enregistrements Contrat de licence

Licence des droits de reproduction et de communication au public Licence du droit de

reproduction Licence d'exploitation des enregistrements

Fourniture des Disques à Commercialiser

Les activités de production, d’édition phonographique et de distribution sont souvent regroupées au sein de « maisons de disques ». Les plus importantes sont présentes sur les trois métiers et organisées en différents labels qui constituent autant de lignes éditoriales, de catalogues cohérents et de marques commerciales (Bigotti, 2005). Par exemple, les labels BlueNote (jazz), Capitol (généraliste), Century Media (Metal) ou encore Hostile Records (rap) appartiennent tous à la maison de disques EMI.

Un petit nombre de grandes maisons de disques multinationales appelées « majors » dominent le marché mondial. À la fin des années 1980, on en comptait six : la britannique EMI, Sony Music Entertainment (Sony), BMG (Bertelsmann), WEA (Warner), Polygram (Philips) et MCA (Music Corporation of America, propriétaire des studios Universal). Leur nombre passe à cinq après la vente de Polygram par Philips et sa fusion avec Universal en 1998. Seules 4 majors subsistent après la fusion de Sony et de BMG en août 2004 : EMI, Universal, Sony BMG et Warner Music Group, devenu indépendant de sa maison-mère. Enfin en 2008, Sony rachète les 50% de parts de Bertelsmann et Sony BMG devient Sony Music Entertainment.

Les producteurs et maisons de disques qui ne sont pas intégrées dans les majors sont qualifiés d’indépendants et souvent appelés « labels indépendants ». Avec la numérisation, sont apparus de nouveaux acteurs : les artistes autoproduits (non signés) qui réalisent eux-mêmes leurs enregistrements grâce aux technologies numériques et les labels numériques qui proposent aux artistes et producteurs indépendants de promouvoir et de distribuer leurs titres sur Internet.

En 2008, en France, les majors représentent 77% des ventes de CD audio en volume selon les chiffres de l’Observatoire de la musique/GfK. Universal est en tête avec 27% suivi de Sony avec 19,5%, de Warner avec 16,1% et enfin d’EMI avec 14,4%, les indépendants réunis représentant quant à eux 23% du marché. Aux Etats-Unis, selon BillBoard, les majors représentent 86% du marché au premier semestre 2008 avec 31,2% du marché pour

Universal, 24,8% pour Sony, 20,8% pour Warner et 9,4% pour EMI. La part de marché des indépendants n’est donc que de 14%9.

Les services de musique en ligne doivent, pour respecter la loi, obtenir des accords avec les différents ayants droit, les autorisant à exploiter leurs enregistrements et spécifiant leurs rémunérations et les éventuelles protections DRMs à mettre en œuvre, selon les différents types de services. Si les droits d’auteur sont majoritairement gérés par des organismes collectifs comme la Sacem10 en France, les services de musique en ligne doivent négocier

avec les différentes maisons de disques et distributeurs gérant les droits sur les enregistrements. Les majors représentant la grande majorité des enregistrements vendus, l’obtention de la licence d’exploitation de leurs catalogues est essentielle pour des services en ligne souhaitant proposer une offre étendue de musique. On va le voir, certains services de musique en ligne respecteront les droits de propriété intellectuelle, d’autres agiront sans aucun accord des ayants droit et risqueront des condamnations par les tribunaux, tandis qu’une dernière catégorie naviguera en zone « grise ».

Par ailleurs, les fichiers musicaux proposés sur les services de vente en ligne doivent être compatibles avec les logiciels et équipements de lecture et de stockage proposés sur le marché. Cette compatibilité est conditionnée à la fois par les formats et les technologies DRMs utilisés, licenciés par leurs fournisseurs aux services de musique en ligne, aux éditeurs de logiciels et aux fabricants de matériels.

Les succès des différents services de musique en ligne, logiciels et matériels audio numériques seront déterminés par les consommateurs. Enfin, les législateurs et les tribunaux encadreront le fonctionnement de la distribution de musique en ligne en édictant de nouvelles lois et en décidant des différentes responsabilités et sanctions applicables. Le schéma 9 résume les relations entre ces différents acteurs.

9 Un certain nombre de labels indépendants n’assument pas la distribution de leurs enregistrements et

la confient à des distributeurs spécialisés ou à une autre maison de disques, fréquemment à une major. La majorité des statistiques, dont celles qui sont données ici, incluent dans les parts de marché des majors tous les labels qu’elles distribuent. Les parts de marché des indépendants peuvent être de ce fait sous-estimées, sans que cela ne remette cependant en cause la forte domination des majors.

Schéma 9 : Les acteurs de la distribution de musique en ligne et leurs relations.

Nous allons retracer à présent l’évolution de ces différents acteurs de la distribution de musique en ligne aux Etats-Unis et en France depuis les années 1980.

2. Les Années 1980 et 1990 : la Numérisation de la Musique, sa Dématérialisation et

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