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L’Abandon des DRMs Comme Outils de Protection Des Téléchargements Définitifs à l’unité Est-Il Définitif ?

Dans la section précédente, nous avons analysé les raisons pour lesquelles les maisons de disques avaient abandonné les DRMs comme outil de protection des téléchargements définitifs au début de l’année 2009. Pour autant, cet abandon est-il nécessairement définitif ? Selon l’analyse que nous avons menée dans la section précédente, les DRMs pourraient redevenir profitables pour les maisons de disques comme outil de protection de la musique en ligne, si les problèmes de sécurisation du CD et d’incompatibilités entre les différentes technologies DRMs étaient réglés. Les difficultés liées à l’obtention de la rétro-compatibilité des appareils de lecture et de stockage de la musique déployés sans DRMs sont un obstacle supplémentaire à ce retour. On peut cependant prévoir qu’elles seront moins grandes que celles qui ont été rencontrées dans les tentatives de sécurisation du CD puisqu’elles peuvent, dans une certaine mesure, être obtenues par des mises à jour logicielles.

Le raisonnement précédent est valable si le coût d’accès hors DRMs aux copies non autorisées reste constant. Mais, comme nous l’avons vu, sont actuellement en préparation, en France et aux Etats-Unis, des mécanismes permettant un plus grand respect des droits exclusifs : la riposte graduée et le filtrage des réseaux.

Si l’on se réfère à notre modèle, on pourrait tout d’abord imaginer que ces solutions permettraient de relever le coût d’accès des consommateurs aux copies non autorisées d’enregistrements musicaux à tel point qu’elles en seraient bloquées. Les maisons de disques pourraient alors fixer le prix de leurs enregistrements comme si la copie n’existait pas et l’utilisation de DRMs comme outils de protection contre la copie ne ferait que dégrader leur profit. Cependant, riposte graduée et filtrage des réseaux ne visent à contenir que les réseaux d’échange non autorisés sur Internet, et, pour la première, uniquement les réseaux anonymes. Les réseaux d’échange domestiques locaux, sur lesquels les fichiers sont transmis via des supports physiques, existeront toujours quant à eux. Il est par conséquent peu probable que les copies non autorisées soient bloquées sans DRMs.

La question du retour des DRMs, conçus pour éviter ce « partage ordinaire », reste donc pertinente. Elle l’est d’autant plus que si les réseaux d’échange anonymes sur Internet sont contenus et que leur taille est réduite, la faiblesse « BORA » des DRMs deviendrait moins préjudiciable à leur efficacité technique. Or selon notre modèle, la profitabilité des DRMs augmente toujours si leur efficacité technique augmente. Cependant, toujours selon notre modèle, si les copies ne sont pas bloquées, l’effet de l’augmentation du coût hors DRMs des copies sur la profitabilité des DRMs est indéterminé. De plus, si l’efficacité des DRMs augmente, elle est toujours compromise par la non sécurisation des CD. De même, l’incompatibilité entre technologies DRMs entraînera toujours une dégradation involontaire de la valeur pour le consommateur. Finalement, dans l’hypothèse où les réseaux d’échange anonymes sur Internet seraient contenus, la profitabilité des DRMs comme outils de protection contre la copie reste conditionnée par la sécurisation du CD et par l’obtention de l’interopérabilité entre technologies DRMs.

En France, le projet de loi « Création et Internet » conditionne la mise en place de DRMs sur les téléchargements définitifs à la mise en œuvre de l’interopérabilité entre les différentes technologies DRMs. Cette disposition ne fait, pour nous, que souligner la logique industrielle de la mise en œuvre des DRMs comme outils de protection contre la copie.

Conclusion

Les DRMs ont une efficacité technique intrinsèque limitée et les préférences des consommateurs pour les libéralités d’usage de la musique sont certainement plus élevées que celles concernant le cinéma ou la littérature. Cependant, le recours aux DRMs comme outil de protection de la musique en ligne puis leur abandon alors qu’aucune solution alternative n’était effectivement mise en place pour relever le coût d’accès des consommateurs aux copies non autorisées ne témoigne pas forcément d’une erreur de calcul économique des maisons de disques. Nous avons en effet mis en avant dans ce sous-chapitre deux phénomènes qui peuvent expliquer que la profitabilité des DRMs ait diminué au cours du processus de déploiement de ma musique en ligne. Il s’agit, d’une part, de l’échec de la sécurisation du CD, leur attribuant un rôle marginal dans la lutte technique contre les échanges non autorisés et, d’autre part, des incompatibilités provoquées par les choix de licences des fournisseurs de DRMs, qui ont augmenté inutilement les restrictions d’usage imposées aux consommateurs.

La résolution de ces deux difficultés conditionne, selon nous, la profitabilité des DRMs et leur retour comme outil de protection des téléchargements définitifs à l’unité, que des solutions alternatives permettant de contenir les réseaux d’échange non autorisés sur Internet, comme la riposte graduée ou le filtrage des réseaux, soient mises en œuvre ou non.

De la mise en œuvre de ces solutions dépend plus directement la possibilité de la mise en œuvre par les maisons de disques de la seconde fonction des DRMs : le versionnage des contenus. Nous analysons dans le chapitre suivant l’utilisation des DRMs comme outils de versionnage de la musique en ligne par les maisons de disques et ses perspectives.

Chapitre 4 : Analyse Economique de l’Utilisation des DRMs Comme Outils de Versionnage de la Musique en Ligne par les Maisons de Disques.

Introduction.

Avec la sophistication des technologies de description et de contrôle des droits, les DRMs utilisés pour la distribution en ligne permettent aux producteurs de biens culturels de définir très précisément les différents usages qu’ils autorisent à un consommateur : le nombre de fois où il peut lire, écouter ou regarder le fichier, le nombre de copies et de transferts vers d’autres appareils qu’il peut effectuer ou encore la période pendant laquelle il en a la jouissance. Les producteurs ont ainsi la possibilité de commercialiser à différents prix, un nombre immense de différentes versions d’un bien culturel numérique, caractérisées par différents niveaux de libéralités d’usage, définies et appliquées par les DRMs. En parallèle de leur fonction de protection, les DRMs deviennent donc pour les producteurs un outil très fin de versionnage des biens culturels distribués. Cette stratégie de tarification extrêmement répandue dans les industries du cinéma et de l’édition, consiste à offrir différentes qualités d’un bien culturel à des prix décroissants afin de mieux extraire les consentements à payer pour la qualité, répartis de manière hétérogène dans la population. Le but de ce chapitre est d’analyser l’utilisation de ce nouvel outil performant de versionnage par les producteurs de musique enregistrée. Nous procédons pour cela en quatre étapes.

Dans ce chapitre, nous exposons tout d’abord les fondamentaux théoriques du versionnage et, plus particulièrement, de celui des biens informationnels. La deuxième section du chapitre décrit ensuite le versionnage pratiqué par les industries du livre, du cinéma et de la musique sur leurs canaux de distribution traditionnels. Elle analyse également les nouvelles opportunités mais également les nouvelles contraintes que représente Internet pour le versionnage des biens culturels, toutes deux particulièrement importantes dans le cas de la musique. On y montre également comment les DRMs, permettant à la fois le versionnage fin des biens culturels sur les libéralités d’usage et une protection contre les copies nécessaire à la pratique du versionnage, ont pu apparaître comme des outils providentiels de versionnage. Dans la troisième section, nous synthétisons l’évolution complexe du versionnage de la musique de 2001 à 2009, en France et aux Etats-Unis. La quatrième section analyse le rôle effectif que les DRMs ont joué dans ce versionnage de la musique en ligne. Nous montrons que les DRMs ont finalement été beaucoup moins intensivement utilisés que le laissaient présager leurs capacités de versionnage extrêmement fin de la musique enregistrée. Nous mettons également en lumière la façon dont les DRMs ont contraint, par leurs incompatibilités et du fait de leur fonction protection, le versionnage de la musique sur Internet. Enfin, une dernière section propose quelques scénarios possibles du versionnage à venir de la musique en ligne et en déduit les perspectives d’utilisation des DRMs comme outils de versionnage par les maisons de disques.

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